LA DÉFINITION DE L’ÉTAT
L’État revêt plusieurs significations selon les disciplines et les perspectives adoptées. Il peut être appréhendé sous des angles géographique, sociologique ou juridique, mais sa définition en droit reste centrale, car l’État est avant tout une construction juridique encadrant l’exercice du pouvoir politique. Pour faire bref, l’État est un ensemble organisé d’institutions qui vise à assurer le bon fonctionnement d’une société.
L’étude de l’État est incontournable dans un cours de droit constitutionnel ,car :
- L’État constitue le cadre spatial et institutionnel où s’articulent les relations entre gouvernants et gouvernés.
- C’est une structure préalable et fondamentale : sans État, il n’y a pas de régime politique.
- « L’État est la forme juridique du pouvoir politique » : il incarne l’autorité légitime et organise la vie collective.
Le mot « État » est polysémique, car il englobe plusieurs réalités :
- Pour le géographe, l’État est un espace géographique.
- Pour le sociologue, il est une structure sociale et politique.
- Pour le juriste, il est une construction juridique abstraite.
Ainsi, dans le langage courant, le terme « État » est utilisé de manière équivoque et revêt plusieurs sens :
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L’État comme puissance publique : Il désigne les gouvernants et leurs institutions, en opposition aux gouvernés. Ce sens renvoie à la notion d’autorité centrale, distincte des collectivités locales (régions, communes).
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L’État comme société politique organisée : Il s’oppose à la société civile, composée des individus, des associations, et des acteurs privés. L’État représente la collectivité organisée autour de règles communes.
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L’État comme entité géographique : Pour les géographes, l’État renvoie à un territoire délimité, qui est le cadre d’une population donnée.
Ces usages, bien que fréquents, ne suffisent pas à définir juridiquement l’État. Pour le juriste, l’État est avant tout une fiction juridique, une entité abstraite dotée d’attributs spécifiques.
1) L’État selon le géographe
Pour qu’un État existe, il doit avant tout avoir un espace géographique contenant une population. Il doit donc remplir plusieurs conditions cumulatives :
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Un territoire :
- Il représente l’espace géographique où l’État exerce sa souveraineté.
- Ce territoire est délimité par des frontières reconnues.
- La taille n’a pas d’importance : des États comme Singapour ou Monaco, bien que petits, remplissent cette condition.
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Une population :
- L’État suppose la présence d’un groupe humain vivant de façon stable sur le territoire.
- Cette population peut être unie par des liens culturels, linguistiques ou historiques, mais cela n’est pas obligatoire (ex. États multinationaux).
Pour les juristes, cela ne suffit pas; il faut aussi ces conditions :
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Un gouvernement effectif :
- C’est l’autorité capable de prendre des décisions et de les faire appliquer sur le territoire.
- Le gouvernement doit être stable et contrôler effectivement l’appareil d’État.
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La souveraineté :
- L’État est souverain, c’est-à-dire qu’il ne dépend d’aucune autre autorité extérieure ou intérieure.
- La souveraineté est l’essence même de l’État : elle garantit son indépendance et son autorité.
2) La conception juridique de l’État
L’État est avant tout une construction juridique, une abstraction qui n’a pas de réalité physique ou corporelle. Il est défini comme une fiction juridique, créée pour organiser la société et détacher le pouvoir des individus qui l’exercent.
Pour le juriste, l’État est une personne morale de droit public, une entité abstraite qui existe indépendamment des individus qui le dirigent. Il est défini par :
- Une continuité dans le temps : L’État persiste malgré les changements de gouvernants ou de régimes politiques.
- Un monopole de la contrainte légitime : Selon Max Weber, l’État est le seul à pouvoir édicter des règles contraignantes et à recourir à la force pour les faire respecter.
L’État comme personne morale
- Définition : Selon Raymond Carré de Malberg, l’État est « un être de droit en qui se résume abstraitement la collectivité nationale », ce qui en fait une personne morale, par opposition à une personne physique.
- Indépendance des gouvernants :
L’État est une entité distincte des personnes qui exercent le pouvoir. Cela signifie que : - Les gouvernants ne sont pas propriétaires de leurs fonctions et peuvent en être démis.
- Les décisions ne sont pas attribuées à un individu, mais à l’État en tant qu’institution.
- On obéit à la loi ou à l’institution (par exemple le Parlement), et non à l’individu qui adopte la règle.
Conséquences juridiques
- Patrimoine distinct :
L’État a un patrimoine séparé de celui de ses dirigeants, ce qui protège les biens publics et les distingue des biens privés des gouvernants. - Personnalité juridique :
L’État peut agir comme une personne physique : - Posséder des biens.
- Contracter des dettes.
- Être représenté au niveau international (exemple : participation au G8).
- Pérennité :
L’État survit aux individus qui le composent, qu’il s’agisse des gouvernants ou des gouvernés :
« On meurt et l’État demeure. »
Spécificité de l’État
- Pour les juristes, l’État est unique car il détient le pouvoir politique.
- Selon Georges Burdeau, « L’État, c’est le pouvoir institutionnalisé. »
- La dissociation entre le pouvoir politique et la personne des gouvernants constitue une avancée majeure, permettant de garantir la continuité et l’impartialité de l’État.
2) L’approche sociologique de l’État
Contrairement aux juristes qui perçoivent l’État comme une construction abstraite, les sociologues mettent l’accent sur son aspect factuel.
Louis Duguit : L’État, un produit de la force
- Duguit considère que l’État n’est pas une création du droit, mais un fait de domination.
- Selon lui, le droit ne fait que constater l’existence de l’État, sans en être à l’origine.
Max Weber : L’État et le monopole de la violence légitime
- Weber définit l’État comme un groupement politique qui se distingue des autres par son usage exclusif et légitime de la violence physique.
- Monopole de la contrainte organisée :
L’État est le seul à pouvoir : - Édicter des règles de droit.
- Recourir à la violence pour faire respecter ces règles.
- Accorder ou retirer ce droit à d’autres entités (exemple : état de légitime défense).
Légitimité et monopole de la violence
- Consentement des gouvernés :
- L’État peut exister sans le consentement de ses citoyens.
- Toutefois, un pouvoir sans légitimité est perçu comme autoritaire et perd sa qualité démocratique.
- Démocratie et reconnaissance internationale :
- Le Conseil de l’Europe, par exemple, n’accepte que les États démocratiques.
- Les régimes fondés sur des discriminations raciales ou des pratiques d’apartheid ne sont pas reconnus.
Exemples et mises en application
- Légitime défense :
L’État tolère dans certaines circonstances l’usage de la violence par des particuliers, mais dans un cadre strictement défini par la loi. - Mafia :
Les organisations criminelles, comme la mafia, violent l’ordre public en s’opposant au monopole de la violence légitime exercé par l’État.
Comparaison entre les deux approches
Conception juridique | Conception sociologique |
L’État est une personne morale. | L’État est un fait de domination. |
Le droit crée et formalise l’État. | Le droit reconnaît une réalité préexistante. |
Il est indépendant des individus qui le composent. | Il repose sur un rapport de force. |
Détient la souveraineté et la personnalité juridique. | Détient le monopole de la violence légitime. |
Garant de la règle de droit et des institutions. | Se maintient par l’adhésion ou la coercition. |
Le Cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs fiches :