Le règlement en droit pénal : définition, contrôle

Le règlement 

Le règlement, a pris une place importante dans l’élaboration de la norme pénale depuis 1958 puisqu’en vertu de la combinaison des articles 34 et 37 de la constitution, la matière contraventionnelle relève de la compétence du pouvoir réglementaire, ce qui laisse « une impression de recul de la loi » (cf. Merle et Vitu). 

L’articulation des articles 34 et 37 de la Constitution permet de confier à la loi le soin de définir ce qu’elle entend par matière délictuelle et criminelle et donc conséquemment, de délimiter le champ d’intervention du règlement. Pour confirmation de cette primauté de la loi, l’article 111-2 du code pénal.: « La loi détermine les crimes et délits et fixe les peines applicables à leurs auteurs. Le règlement détermine les contraventions et fixe, dans les limites et selon les distinctions établies par la loi, les peines applicables aux contrevenants ». 

Les articles 131.12 et suivants, fixent les natures des peines et le taux de l’amende des cinq classes de contravention, définissent le régime des contraventions au regard de la responsabilité pénale (complicité, tentative, force majeure) au regard des conditions d’application des peines (récidive, sursis, cumul des peines pour concours d’infractions). Le législateur a l’occasion de créer des contraventions, cependant très rarement (ex. : L’article 6 de la loi 98-1195 du 18 décembre 1998 tendant à renforcer le contrôle de l’obligation scolaire, précise que le défaut de déclaration en mairie que l’enfant sera instruit dans sa famille ou dans un établissement privé hors contrat, est puni d’une amende de 1500 euros). De même, c’est le législateur qui a supprimé l’emprisonnement contraventionnel en 1993. 

A) Définition du règlement

  a) L’article 37 de la constitution.

En vertu de l’article 37 de la Constitution, le règlement est un acte pris par le pouvoir exécutif en vertu de son pouvoir réglementaire qualifié de règlement autonome que sont les décrets pris en Conseil d’Etat, que peuvent être les décrets simples, les arrêtés ministériels, préfectoraux ou municipaux dont les auteurs interviennent dans le cadre de leurs domaines réservés. 

En présence d’un règlement autonome, il faut ici encore distinguer entre le décret pris en Conseil d’Etat et les règlements simples. 

– Le décret pris en Conseil d’Etat peut incriminer définir l’infraction contraventionnelle (éléments constitutifs) et proposer une sanction dont la nature et le taux doivent être conformes aux dispositions législatives des articles 131-12 et s. 

Le décret simple et les arrêtés (toujours lorsqu’ils sont autonomes) incriminent seulement. Pour les sanctions, il faut se reporter à la peine prévue à l’article R 610-5 CODE PÉNAL qui punie « la violation des interdictions ou des manquements aux obligations édictées par les décrets et arrêtés de police ». Cette peine est une amende de 38€ au plus, prévue pour les contraventions de 1ère classe qui auront une finalité de police (maintien de la sécurité, tranquillité et salubrité publiques) 

  b) les règlements pris en application d’une loi

Les décrets d’application ou les arrêtés ministériels, préfectoraux, municipaux qui sont liés à la mesure législative pour n’en régler que les détails de mise en œuvre. La loi propose un cadre juridique au sein duquel le règlement va organiser les modalités de son application. 

– Si la loi détermine les sanctions applicables, le règlement ne peut les modifier, il précise les contours de la contravention et prévoit les détails d’application. 

– Si la loi n’a pas prévu de volet pénal, le règlement peut être amené à définir les incriminations, les sanctions ne pourront être que celles de l’article R. 610-5 code pénal. 

  • B) Le contrôle du règlement

Cette question du contrôle juridictionnel du règlement, peut surgir lorsqu’il y a conflit entre le règlement en cause et une norme hiérarchiquement supérieure. Le règlement peut être soumis au contrôle selon deux voies distinctes : 

Ou bien il s’agit d’un contrôle direct exercé par les juridictions administratives, le contrôle de légalité se fait par voie d’action dans le cadre de la procédure pour excès de pouvoir sur le fondement soit de l’incompétence, soit du vice de forme, soit du détournement de pouvoir, soit de la violation de la loi au sens large (principe général de droit, texte international ou constitution). Cette voie d’action est possible dans un délai de deux mois à compter de la publication ou de la notification du règlement. 

Ou bien il s’agit d’une voie d’exception devant les juridictions judiciaires et en particulier devant les juridictions répressives. Au cours d’une instance pénale, le prévenu soulève l’absence de contrôle indirect par validité de l’acte administratif sur le fondement duquel il est poursuivi. Il s’agit d’un moyen de défense pour la personne poursuivie qui doit être soulevé in limine litis (régime procédural de l’exception préjudicielle Crim. 11 décembre 2001, Bull. 266, Dr. Pén. 2002, n°45 ou Crim. 19 janvier 2005, Dr. Pén. 2005, n°59), l’exception peut aussi être soulevée par le ministère public (Chambre Criminelle 19 décembre 2004, Dr. Pén. 2005, n°6) et enfin, le juge pénal peut la soulever d’office (Chambre Criminelle 7 juin 1995, Bull. 208) lorsque l’illégalité conditionne la solution du procès pénal. 

Le fondement de la compétence des juridictions pénales à contrôler un acte administratif malgré le principe de séparation des autorités judiciaires et administratives énoncé à l’article 13 de la loi des 16/24 août 1790 : 

     L’autorité judiciaire est la gardienne des libertés individuelles en vertu de l’article 66 de notre constitution. 

     Le principe de légalité lui-même est un fondement à cette dérogation. 

  •   1) les modalités du contrôle

a) Le contrôle de la constitutionnalité, de la légalité

Ce contrôle porte :  

– Soit sur la constitutionnalité du règlement si celui-ci est autonome 

– soit sur la conventionalité du règlement 

– soit sur la légalité pour les autres types d’actes administratifs 

Soulignons que le juge pénal ne contrôle pas le règlement conforme à la loi en application de laquelle il est pris ; il s’agit de la théorie de « la loi écran » qui permet d’éviter au juge pénal de se pencher sur le contrôle de constitutionnalité de la loi pénale qu’il ne peut exercer. La loi vient ici faire écran au contrôle du règlement. 

b) Le contrôle des règlements, des actes administratifs

Ensuite, le juge pénal est compétent pour apprécier la constitutionnalité ou la légalité du règlement. Le Tribunal des Conflits dans l’affaire Avranches et Desmarets le 5 juillet 1951, a posé ce principe. Aussitôt a été soulevée la question de l’étendue de ce contrôle. 

En 1951, le Tribunal des Conflits s’il reconnaît la compétence du juge pénal, il la limite aux actes administratifs généraux excluant les actes administratifs individuels. La chambre criminelle de la cour de cassation prétend quant à elle, dans une décision du 21 décembre 1961 dite Dame Le Roux, que le juge pénal est compétent pour contrôler tous les actes administratifs, généraux ou individuels, dès lors où ils sont assortis d’une sanction pénale. 

Cependant, la chambre criminelle dans une solution du 1er juin 1967 (Bull. 172) Dame Moret et Canivet, avait limité le contrôle du juge pénal sur les actes individuels aux seuls textes clairs. 

Le code pénal actuel a élargi ce champ de contrôle judiciaire L’article 111-5 dispose: « Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis ». 

Le texte vise donc les deux types d’actes administratifs, généraux et individuels, et pose la condition de la subordination du contrôle à la résolution du procès pénal, c’est-à-dire quand le contrôle de validité met en cause l’existence de l’infraction. En outre, le juge pénal est bien compétent pour interpréter l’acte administratif. (Chambre Criminelle 31 mai 2005, Dr. Pén. 2005, n°143) 

c)  Les cas d’illégalité : l’incompétence, le vice de forme, la violation de la loi, le détournement de pouvoir, l’erreur manifeste d’appréciation.

Enfin, le juge pénal a défini les cas d’illégalité (ou d’inconstitutionnalité) au fil de la jurisprudence, qui sont au nombre de cinq: 

     L’incompétence de l’autorité dont émane l’acte (maire qui empiète sur les pouvoirs réservés au préfet) 

     Le vice de forme (absence de consultation préalable, absence de publication) 

     La violation de la loi entendue ici au sens large, comme comprenant les normes hiérarchiquement supérieures à l’acte en cause (constitution, principes généraux du droit… Ex. Non-respect du principe d’égalité entre les citoyens, non-respect du principe de la liberté du commerce et de l’industrie…) 

     Le détournement de pouvoir qui met en lumière l’usage du pouvoir non conforme aux objectifs assignés à l’autorité concernée; 

     L’erreur manifeste d’appréciation, depuis des décisions de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 21 octobre 1987, qui consiste en une erreur grave d’appréciation des faits sur lesquels repose l’acte administratif (ex. étranger sous le coup d’un arrêté d’expulsion pour cause de menace à l’ordre public, erreur sur la menace). Malgré un élargissement des compétences du juge pénal, ce contrôle de constitutionnalité ou de légalité n’est pas un contrôle d’opportunité de l’acte. 

  2) Les conséquences du contrôle

Lorsque le juge administratif statue, sa décision s’impose erga omnes à l’encontre de tous, partie ou non à l’instance, qu’il s’agisse d’une décision de validité ou d’annulation. L’annulation concerne l’acte dans son ensemble qui ne peut plus avoir d’effet. Il est même réputé n’avoir jamais existé (ex. :« …l’annulation par la juridiction administrative d’un acte administratif implique que cet acte est réputé n’avoir jamais existé et prive de base légale la poursuite engagée pour violation de cet acte ». (Chambre Criminelle 15 oct. 2008, Dr. Pén. 2009, comm. 9) 

Lorsque le juge pénal statue, sa décision est relative: 

S’il déclare l’acte conforme, cette conformité ne vaut que pour les parties à l’instance, l’illégalité pourra être soulevée à nouveau ultérieurement. 

S’il déclare l’acte non conforme, l’acte administratif qui fondait la poursuite est écarté et le prévenu ne peut être condamné pénalement. Mais, cette décision n’emporte pas l’annulation de l’acte qui pourra le cas échéant, être le fondement à de nouvelles poursuites. 

Le règlement est une « source normale » (M-L Rassat) du droit pénal, sous toutes les conditions précitées : le principe de légalité s’exprime alors d’un point de vue formel en principe de textualité. Les circulaires ne sont pas une source de droit pénal.

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