L’Obligation de sécurité dans le contrat de vente

Obligation de sécurité dans le contrat de vente

 Les obligations du vendeur sont, au moment de la vente, notamment l’obligation de délivrance (transmettre la chose convenue ainsi que ses accessoires), l’obligation de renseignement (L111-1, L111-2 et L113-3) et l’Obligation de sécurité (3 ans pour agir à partir de la connaissance du dommage ; du défaut du produit ou de l’identité du producteur : art 1386-1 et 1386-7).

INTRODUCTION

Une grande partie de l’histoire du droit de la vente se caractérise par l’extension des obligations du vendeur afin de protéger l’acheteur. Ainsi, l’obligation de sécurité du vendeur (notamment dans le transport) dégagée par la jurisprudence, une responsabilité du fait de produits défectueux qui a été intégré dans le CODE CIVIL, l’obligation d’information ou obligation de conseil pendant l’exécution du contrat. Civ. 1ère 28 octobre 2010 a précisé quel est le contenu même de l’obligation de conseil du vendeur qui est assez spécifique : c’est une obligation qui pèse sur le vendeur professionnel qui lui impose de se renseigner sur les besoins de l’acheteur afin d’être en mesure de l’informer quant à l’adéquation de la chose achetée avec l’utilisation attendue. 

 

Liste des autres articles :

Cette obligation de sécurité concerne le droit commun. Le problème à l’origine était que l’acheteur était mal protégé par le droit lorsqu’il avait était victime d’un défaut du produit acheté. Or le fondement de cette action était plus qu’incertain. Lien fabriqué entre l’obligation d’information et l’obligation de sécurité (fabrication prétorienne et autonome de sécurité). Le vendeur est tenu de livrer des biens sans problème de sécurité. Le vendeur en est débiteur même s’il n’est pas le fabriquant. Admission de l’action directe contractuelle. Pas de bref délai. Jurisprudence beaucoup développée dans les années 1990, car le législateur ne transposait pas la directive relative aux produits défectueux ; transcrite en 1999 aux articles 1386-1 et suivants. Un acheteur peut-il se prévaloir d’une telle obligation ? A priori oui, article 1386-18 du Code civil « Les dispositions du présent titre ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d’un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d’un régime spécial de responsabilité » nouvelle action accordée à l’acheteur. Désormais, l’acheteur ne peut plus se prévaloir de l’action prétorienne de sécurité, depuis le 25 avril 2202 ou la CIJ a condamné l’Espagne et la France pour la mauvaise transposition de la directive. « Désormais une victime ne peut plus attenter une action nationale en responsabilité si elle a le même fondement juridique que la responsabilité mise en place par la directive ». Dès lors que l’obligation prétorienne obéit à la même logique que la directive, il faut conclure que l’action initiale française ne peut plus être invoquée.

 

Qui doit répondre de la garantie de sécurité ? Le producteur pour la directive. Si le producteur ne peut être identifié, ce sont les vendeurs intermédiaires (responsabilité subsidiaire) ; article 1386-7. L’encouragement à la délation pendant 3 mois. La France a été condamnée 2 fois, une en 2004 pour non subsidiarité et une en 2006 pour non mise en place du système de « délation ».

 

Concernant l’article 1386-2, la directive prévoit qu’en cas de dommages causés aux biens les Etats devaient prévoir une franchise, sans laquelle l’indemnisation ne serait pas possible. La France n’ayant pas transposé cet aspect, elle s’est fait condamner. Loi de 2004, fixant la franchise à 500€.

 

Article 1386-11, une cause d’exonération, risque de développement : cause d’exonération ou pas ? Etat des connaissances scientifiques et techniques lors du transfert du bien. Lors des négociations ayant mené à la directive. L’Allemagne voulait que cette exonération soit admise (logique économique), pas la France (économique morale). La directive a donc prévu que cette cause était librement choisit par les Etats. La France n’a pas vraiment transposé cet aspect. La position de compromis a été la suivante, on admet cette cause d’exonération, mais à la condition énumérée à l’article 1386-12, alinéa 2nd, « Le producteur ne peut invoquer les causes d’exonération prévues aux 4° et 5° de l’article 1386-11 si, en présence d’un défaut qui s’est révélé dans un délai de dix ans après la mise en circulation du produit, il n’a pas pris les dispositions propres à en prévenir les conséquences dommageables », soumission du producteur à une obligation de suivi. Une telle position intermédiaire n’était pas conforme à la directive, donc le 25 avril 2002 la France fut condamnée ; abrogation de l’article 1382-12 alinéa 2. Une telle absence de débat lors de l’abrogation car tous les pays de l’union Européenne avait admis la cause exagératrice de développement, sauf le Luxembourg. Il aurait alors était inopportun de ne pas la transcrire, car si les industriels Français n’admettait pas cette cause d’exonération cela aurait diminué les exportations française et créant une distorsion de concurrence.

Toutefois l’article 1386-12, alinéa 1er, persiste : « Le producteur ne peut invoquer la cause d’exonération prévue au 4° de l’article 1386-11 lorsque le dommage a été causé par un élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci ».

 La victime est moins bien protégée par l’article 1386 qu’elle ne l’était auparavant.

HISTORIQUE

L’apparition de la notion d’obligation de sécurité en droit français est déjà ancienne puisqu’elle a été découverte par la jurisprudence dans le contrat de transport de personnes depuis un arrêt de la chambre civile de la Cour de cassation, du 21 novembre 1911. Par la suite, la jurisprudence a créé une telle obligation dans de nombreux autres contrats comme le contrat d’hôtellerie, par exemple, ou encore le contrat de bail d’immeuble. Toutefois, pendant longtemps elle a refusé d’insérer une telle obligation dans les contrats de vente puisque de tels contrats ne portent pas sur la personne elle-même et que le créancier n’est pas physiquement impliqué dans la réalisation du contrat. Si, en effet, il pouvait sembler naturel que le transporteur, l’hôtelier ou le bailleur soit tenu pour responsable des dommages corporels subis par leur créancier du fait de l’exécution du contrat, au contraire, on pouvait penser que le contrat de vente réalisé par le transfert de propriété ne justifiait pas l’insertion d’une obligation de sécurité à la charge du vendeur. Il restait toutefois des hypothèses dans lesquelles les acquéreurs avaient à souffrir de dommages corporels du fait de l’impropriété de la chose vendue.

 

  1°) obligation jurisprudentielle de sécurité

  La naissance de l’obligation de sécurité s’est faite en plusieurs étapes.

  1er temps : L’obligation de sécurité est accessoire à une autre obligation. Avant la loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, en l’absence d’une obligation mise expressément à la charge du vendeur, la jurisprudence française a échafaudé des solutions propres à répondre à cette difficulté : la réparation du préjudice était obtenu soit sur le fondement de la garantie des vices cachés si le danger était dû à un défaut de la chose, soit sur le fondement de l’obligation de renseignement et de mise en garde, si le préjudice était imputable aux conditions d’utilisation de la chose. Il reste que pendant longtemps l’obligation de sécurité dans le contrat de vente a été ignorée par la jurisprudence française, de façon autonome.

  2nd temps : La naissance d’une obligation de sécurité autonome. Sous l’influence de la directive du Conseil des communautés européennes du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, la jurisprudence française admit peu à peu une telle obligation au rang des obligations du vendeur.

L’harmonisation législative du droit français consécutive à l’adoption de la directive ayant été longue à intervenir, les juges nationaux ont statué à la lumière de la directive non encore transposée,  pour dégager dès 1989 (Cass. 1ère civ., 20 mars 1989), une obligation de sécurité dans le contrat de vente. Il s’agissait d’une obligation autonome de sécurité dans le contrat de vente, détachée tant de la garantie des vices cachés que de l’obligation de renseignement. C’est ainsi que les juges affirmaient l’existence d’une obligation de sécurité pesant sur le vendeur et consistant « à ne livrer que des produits exempts de tout vice ou de tout défaut de fabrication de nature à créer un danger pour les personnes ou pour les biens » (Cass. 1ère civ., 11 juin 1991).

Le régime de l’obligation de sécurité était celui emprunté au droit commun.

   1ère conséquence, s’agissant de la prescription : l’obligation de sécurité était sanctionnée par l’action en responsabilité contractuelle soumise au délai de prescription du droit commun et non au bref délai de l’article 1648 du Code civil. L’acheteur se trouvait donc dans une situation bien plus favorable que sous l’empire de la jurisprudence antérieure.

  2ème conséquence : l’objet de cette obligation autonome se limitait aux accidents causés par le défaut de la chose et non au dommage subi par cette chose elle-même : Cass. 1ère civ., 16 octobre 2001 (ainsi le dommage causé par la chose relevait de  l’obligation de sécurité alors que dommage causé à la chose renvoyait au vice caché).

  3ème conséquence : la Cour de cassation considérait qu’il s’agissait d’une obligation de sécurité de résultat : seule la force majeure exonère le vendeur,  mais la victime devait établir, d’abord, le dommage, ensuite, le défaut de sécurité de la chose et, enfin, le lien de causalité entre ces deux éléments.

 Par une telle construction, les tribunaux ont devancé l’œuvre du législateur. En effet, l’élaboration et l’adoption de la loi française de transposition relative à la responsabilité du fait des produits défectueux a été fort laborieuse, à tel point d’ailleurs que la France a été condamnée pour manquement par la CJCE en 1993.

Ce n’est que plusieurs années après, qu’une loi a finalement été adoptée. Par deux fois, la CJCE a condamné la France pour transposition incorrecte de la directive (CJCE 25 avril 2002, la loi du 9 décembre 2004 ayant alors modifié la disposition critiquée puis CJCE, 14 mars 2006, qui a conduit à l’adoption de la loi du 5 avril 2006).

 

2°) L’obligation légale de sécurité

 La directive a été transposée dans le Code civil par la loi du 19 mai 1998. Cette loi a introduit un titre IV bis, intitulé « de la responsabilité du fait des produits défectueux », titre inséré dans le livre III du Code civil. Ce titre comporte 18 articles, numérotés de 1386-1 à 1386-18.

La loi a permis de conférer une assise légale à l’obligation de sécurité qui, jusqu’alors, n’était que jurisprudentielle. La caractéristique principale de cette loi est qu’elle ne vient pas remplacer en la matière le droit commun mais vient y ajouter un régime supplémentaire : contrairement à la loi sur les accidents de la circulation, qui chasse le droit commun, la loi de 1998 ouvre une option à la victime qui peut toujours se prévaloir du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou d’un régime spécial de responsabilité (C. civ., art. 1386-18, alinéa 1).

La CJCE dans un arrêt du 25 avril 2002 considère néanmoins que cette option n’est possible que si la responsabilité repose sur des fondements différents, telle la faute ou la garantie des vices cachés.

 Assez traditionnellement il s’agit d’examiner, tout d’abord, le champ d’application (a), puis, sa mise en œuvre (b).

          

a) Le champ d’application de la responsabilité du fait des produits défectueux

I – Le champ d’application matériel

 

Quel est le dommage soumis au régime des articles 1386-1 et suivants du Code civil ? Deux séries de conditions permettent d’identifier le champ d’application.

             1ère série : conditions issues de la source du dommage. La loi s’applique lorsqu’un dommage trouve sa source dans un produit défectueux qui a été mis en circulation. Reprenons ces différents termes.

                                   – La notion de produit est définie, aux termes de l’article 1386-3 du Code civil comme «  tout bien meuble, même s’il est incorporé dans un immeuble, y compris les produits du sol, de l’élevage, de la chasse et de la pêche. L’électricité est considérée comme un produit ». Conformément à la directive, les immeubles sont exclus du champ d’application de la loi. Cependant, en incluant les meubles qui sont incorporés dans un immeuble, le texte vise ce qui, en droit français, correspond aux immeubles par destination. Il apparaît enfin que, malgré les hésitations qui s’étaient manifestées à ce sujet, les produits du corps humain sont compris dans la notion de produit telle qu’elle figure dans l’article 1386-3.

                                   – Le caractère défectueux du produit : le « produit défectueux » est défini par l’article 1386-4 du Code civil : c’est est celui qui « n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre ». Le renvoi à la notion de « légitimement » permet d’empêcher les risques de dérive ; la sécurité garantie n’est pas absolue. Tous les produits présentent des effets indésirables et seuls les effets auxquels on ne pouvait pas s’attendre rendent défectueux le produits (V. not. Cass. 1ère civ., 24 janvier 2006).

  2nde série conditions relatives au siège du dommage.  Le dommage réparable est défini à l’article 1386-2 du Code civil comme celui qui « résulte d’une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui même ». Ainsi, la loi n’est applicable qu’aux dommages causés par le produit, ce qui exclut le dommage n’affectant que le produit lui-même, soit dans sa substance, soit dans sa valeur économique. De tels préjudices sont en effets réparables en application du droit commun de la vente, en particulier en vertu de la garantie des vices cachés. Par ailleurs, sont compris les dommages les plus divers, c’est-à-dire les atteintes à la personne, qu’il s’agisse d’atteintes à l’intégrité corporelle ou à l’intégrité morale. Sont aussi en cause les atteintes aux biens lorsque le montant du dommage est supérieur à 500 euros. Cette franchise vise à limiter le nombre des litiges. La France attachée au principe de la réparation intégrale, n’avait pas prévu une telle franchise. Après la condamnation de la CJCE, dans son arrêt du 25 avril 2002, la loi de simplification du droit du 9 décembre 2004 a modifié l’article 1386-2 du Code civil qui prévoit dorénavant une telle franchise.

 

II –  Le champ d’application quant aux personnes

 Il convient d’identifier la personne du responsable, d’une part, et celle de la victime, d’autre part.

 α) Le responsable

 Le responsable, c’est en principe le producteur. L’article 1386-6, alinéa 1er du Code civil précise « est producteur, lorsqu’il agit à titre professionnel, le fabricant d’un produit fini, le producteur d’une matière première, le fabricant d’une partie composante ».  Plusieurs observations.

             – Le producteur est ainsi nécessairement un professionnel, ce qui entraîne que le particulier ne peut être tenu pour responsable du fait des produits défectueux. La définition du producteur est ainsi large et comprend aussi bien les fabricants de produits industriels que les professionnels qui extraient du sol des matières premières, les agriculteurs, les entreprises de pêche ou encore ceux qui produisent de l’énergie. Il en est de même des organismes prélevant des éléments ou produits du corps humain pour les mettre à la disposition des utilisateurs. Sont toutefois exclus les constructeurs d’immeubles, les vendeurs d’immeubles à construire, dont la responsabilité est organisée par les articles 1792 à 1792-6 et 1746-1 du Code civil.

             – L’importateur est assimilé au producteur. Cela s’explique par la volonté d’éviter à une victime d’avoir à plaider dans un pays extérieur à l’UE, ce qui pourrait l’obliger à être soumise à un droit différent du droit issu de la directive.

             Le fournisseur peut-il être assimilé au producteur ? La loi française avait prévu d’étendre son application à d’autres professionnels, tel le fournisseur : le fournisseur était responsable au même titre que le producteur. Par cette disposition, le législateur français était allé bien au-delà de ce qu’exigeait la directive. En effet, cette dernière ne faisait supporter au fournisseur revendeur qu’une responsabilité subsidiaire, dans le cas où il n’aurait pas pu désigner le producteur ou son propre fournisseur.

Dans un arrêt du 25 avril 2002, la CJCE a condamné la France notamment  à raison de telles assimilations. Dans un premier temps, la loi du 9 décembre 2004 a modifié l’article 1386-7  du Code civil en retenant que la responsabilité du fournisseur du défectueux ne pouvait être recherchée que si le producteur ne pouvait être identifié.

La CJCE a à nouveau condamné la France, le 14 mars 2006, pour transposition incorrecte de la directive au motif que la responsabilité du fournisseur n’aurait pas dû être retenue lorsque ce dernier avait indiqué à la victime, dans un délai raisonnable, l’identité de celui qui lui avait fourni le produit. Depuis, la loi du 5 avril 2006 a modifié l’article 1386-7 du Code civil : la responsabilité du fournisseur ne peut être recherché que si le producteur ne peut être identifié et que le fournisseur n’a pas indiqué à la victime dans un délai de 3 mois à compter de sa demande, l’identité du producteur ou de son propre fournisseur.

  β) La victime

 S’agissant des victimes, la loi, suit la directive. Partant, elle efface la distinction entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle ; la loi s’applique que le producteur soit ou non lié par contrat avec la victime. Par consequent, la victime peut être aussi bien l’acquéreur du produit défectueux qu’un sous-acquéreur, un utilisateur tel qu’un locataire ou même un simple tiers. Cette règle découle de l’article 1386-1 du Code civil.

b) La mise en œuvre de la responsabilité du fait des produits défectueux

I – Les conditions de mise en œuvre

                   – La preuve. La victime doit établir le dommage, la défectuosité du produit et le lien de causalité entre le défaut et le dommage (C. civ., art. 1386-9. V. par ex. Cass. 1ère civ., 23 septembre 2003, D. 2004. 898 et somm. 1344).

                   – Le délai pour agir. Le demandeur, doit introduire son action dans un délai qui est doublement limité.

                             – En premier lieu, un délai de prescription de 3 ans est prévu par l’article 1386-17 du Code civil. En effet, l’action du demandeur se prescrit au bout de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur. Il apparaît que le point de départ du délai est assez imprécis, mais en tout état de cause ce délai ne peut commencer à courir avant la mise en circulation du produit.

                             – En second lieu, l’article 1386-16 du Code civil prévoit un délai de 10 ans à l’issue duquel s’éteignent les droits de la victime. Le point de départ de ce délai est la mise en circulation du produit en cause. La mise en circulation est le jour où le producteur se dessaisit volontairement du produit. Il faut indiquer à cet égard que chaque produit ne peut faire l’objet que d’une seule mise en circulation comme le prévoit la loi. Cette précision est importante, dans la mesure où la responsabilité relative aux produits défectueux a été imposée à des professionnels autres que le producteur, qui ne sont que des intermédiaires dans le circuit de distribution. On pouvait dès lors se demander si le point de départ du délai de 10 ans ne devait pas à leur égard se situer au jour où ils mettent eux-mêmes le produit en circulation. Les termes de la loi apportent une réponse négative à cette interrogation. Il en résulte que certains de ces intermédiaires n’auront à encourir la responsabilité de la loi de 1998 que pendant un délai très réduit. 

 II- Les obstacles à la mise en œuvre

 α) Les obstacles d’origine conventionnelle

 Un premier obstacle pourrait résulter de l’inscription, dans le contrat de vente, d’une clause limitative ou exclusive de responsabilité. Mais, cette situation est peu probable, pour deux raisons

 – Cette situation est exclue lorsque le contrat est conclu entre un professionnel et un consommateur. L’article 1386-15 du Code civil dispose, en son premier alinéa, « Les clauses qui visent à écarter ou à limiter la responsabilité du fait des produits défectueux sont interdites et réputées non écrites ». Cette disposition, s’agissant des rapports entre professionnels et consommateurs, ne fait que rappeler la règle existant en droit de la consommation. La clause réputée non écrite n’atteint pas l’ensemble du contrat qui reste valable.

 – Dans les rapports entre professionnels, cette clause est valable, mais à condition que le dommage intéresse seulement les biens. La prohibition des clauses limitatives de responsabilité entre professionnels est limitée aux dommages causés à la personne.

 

β) Les obstacles d’origine légale

 Plusieurs causes d’exonération sont envisagées par la loi

         – Exonération si le défaut est dû à la conformité du produit à la loi (1386-11 5°)

 – Exonération si le producteur a la possibilité d’établir « qu’il n’avait pas mis le produit en circulation ». Si un tiers s’était emparé du produit contre la volonté du producteur ou sans son consentement pour le mettre en circulation, le producteur n’aurait pas à encourir la responsabilité prévue par la loi. L’hypothèse visée peut, par exemple, être celle du vol.

 -Exonération s’il prouve « que le produit n’a pas été destiné à la vente ou à toute autre forme de distribution ». Ce cas semble viser l’hypothèse dans laquelle le dessaisissement a bien été volontaire, mais n’a visé qu’un objectif limité, comme, par exemple, la remise du produit à des tiers aux fins d’expérimentation.

 -Exonération si le producteur peut encore établir que, « compte tenu des circonstances, il y a lieu d’estimer que le défaut ayant causé le dommage n’existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement ». La preuve de ce défaut pourra être délicate à apporter surtout si le dommage survient longtemps après la mise en circulation avant l’expiration du délai de 10 ans.

 -Exonération si le producteur était dans l’impossibilité de déceler l’existence du défaut en raison de l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment où le produit a été mis en circulation. Il s’agit là du problème du risque de développement qui a fait l’objet de discussions nourries et qui, en grande partie, a justifié le retard de la France à transposer la directive de 1985.

L’objet est d’admettre que le producteur peut ne pas être tenu pour responsable d’un dommage causé par le produit, alors que le défaut qui est à l’origine du dommage ne pouvait pas être connu ou mesuré par lui lors de la mise en circulation du produit. Les partisans de la protection des consommateurs sont, bien entendu, hostiles à l’admission d’une telle cause d’exonération. Elle a finalement été admise dans la loi, mais ce principe avait été tempéré par deux précisions apportées par l’article 1386-12 du Code civil.

Ce texte en effet énonce, dans son alinéa 1, que le producteur ne peut invoquer la cause d’exonération tenant au risque de développement lorsque le dommage a été causé par un élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci. Cette précision s’explique par le contexte dans lequel la loi de 1998 a été adoptée et par le scandale suscité par l’affaire du sang contaminé.

En outre, jusqu’à la loi du 9 décembre 2004, l’article 1386-12, alinéa 2, empêchait le producteur de s’exonérer de sa responsabilité en invoquant le risque de développement « si, le producteur n’a pas pris les dispositions propres à en prévenir les conséquences dommageables ». Cette disposition revenait à faire peser une obligation de suivi à la charge du producteur. Ce dernier devait se tenir au courant de l’évolution des connaissances scientifiques et techniques des produits et, si celles-ci faisait apparaître un danger, le producteur devait tout en œuvre pour empêcher que le défaut de sécurité ne cause des dommages. C’est dire qu’il devait le cas échéant informer le public d’un tel défaut, au besoin retirer le produit du marché. Néanmoins l’obligation de suivi a donné lieu à la condamnation de la France par la CJCE, dans l’arrêt précité du 25 avril 2002. Loi de 2004 l’a abrogé.

– Exonération en cas de faute de la victime. Cette cause d’exonération est visée par l’article 1386-13 du Code civil, qui d’ailleurs reprend mot pour mot l’article 8-2 de la directive. Ce texte dispose : « La responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d’une personne dont la victime est responsable ». Cette disposition rejoint les règles de la responsabilité civile du droit commun dans la mesure où elle admet que la faute de la victime peut, dans certains cas, réduire, et même parfois supprimer, le droit à réparation. Toutefois, la loi n’indique pas dans quels cas on assiste à une véritable suppression du droit à réparation et dans quels cas ce dernier est simplement réduit.

 

En revanche, l’article 1386-14 dispose que « La responsabilité des producteurs envers la victime n’est pas réduite par le fait d’un tiers ayant concouru à la réalisation du dommage ». Il résulte de cette disposition que, si le dommage a été causé pour partie par le défaut de la chose et pour partie par un tiers, la victime pourra agir à l’encontre de l’un ou l’autre des responsables, le producteur ou le tiers, ceux-ci étant tenus solidairement à son égard. Le producteur disposera néanmoins d’un recours contre le tiers.

 

Laisser un commentaire