LA DÉMOCRATIE REPRÉSENTATIVE : LE GOUVERNEMENT PAR DÉLÉGATION

Le régime représentatif repose sur l’idée que la souveraineté nationale, détenue par le peuple, est déléguée à des représentants élus pour exercer le pouvoir en son nom.

Origines historiques du régime représentatif

Le régime représentatif, qui s’oppose au gouvernement direct, trouve ses racines en Grande-Bretagne en 1265, lors de la première réunion du Parlement. Ce modèle s’est propagé progressivement, notamment en France, où il a pris corps lors de la Révolution française, cinq siècles plus tard. Depuis, il s’est diffusé dans de nombreux pays, devenant une norme dans les régimes démocratiques modernes.

Principes fondamentaux

  1. Délégation de la souveraineté :

    • La souveraineté, bien que détenue par la Nation, est déléguée à des représentants élus, chargés d’agir en son nom. Cette délégation, bien qu’inaliénable, constitue le fondement du régime représentatif.
    • Selon Georges Gicquel, « au gouvernement du peuple par lui-même succède le gouvernement du peuple par ses représentants ».
  2. Concession à la réalité pratique ou élitisme ? :

    • Certains voient le régime représentatif comme un pis-aller, un compromis face à l’impossibilité de mettre en œuvre une démocratie directe dans des États de grande taille et complexes.
    • D’autres y perçoivent une volonté délibérée de tenir le peuple à l’écart du pouvoir, sous prétexte qu’il serait inapte à gouverner. Cette conception élitiste soulève la critique que le régime représentatif serait un simulacre de démocratie, une « imposture » permettant à une élite de monopoliser le pouvoir.

Critiques de la théorie de la représentation

  1. Une souveraineté fictive :

    • Selon Raymond Carré de Malberg, la théorie de la représentation repose sur une fiction juridique : les représentants sont réputés agir conformément aux volontés des représentés, mais dans les faits, ils exercent leur mandat en toute indépendance.
    • Une fois élus, les représentants ne sont ni contraints par un mandat impératif, ni révocables avant la fin de leur mandat, ce qui peut conduire à une confiscation de la souveraineté par une élite parlementaire.
    • Jean-Jacques Rousseau dénonçait déjà ce glissement en critiquant le régime britannique : « Le peuple anglais pense être libre, il se trompe fort », soulignant que l’élection des représentants ne suffit pas à garantir une véritable démocratie.
  2. Le rôle des partis et des programmes électoraux :

    • Contrairement à la théorie classique, les parlementaires modernes ne représentent pas la Nation dans son ensemble, mais plutôt leur circonscription ou les intérêts de leur parti.
    • Bien que le mandat impératif soit interdit, les engagements pris auprès des électeurs via des programmes électoraux influencent fortement leurs décisions. Cette dépendance aux partis réduit l’indépendance des parlementaires, remettant en cause l’idée d’une représentation purement nationale.

Enjeux contemporains du régime représentatif

  1. L’élection comme seul pouvoir citoyen :

    • Dans les régimes représentatifs modernes, le pouvoir des citoyens se limite souvent à l’élection de leurs représentants. Entre deux élections, les citoyens n’ont que peu d’influence directe sur les décisions politiques.
    • Cette limitation a conduit à la mise en place de mécanismes de démocratie semi-directe, comme les référendums, pour corriger ce défaut.
  2. L’évolution des régimes représentatifs :

    • De nombreux États, comme les États-Unis, la Suisse ou même l’Allemagne, ont introduit des mécanismes complémentaires pour pallier les limites du régime représentatif. Ces mécanismes incluent les initiatives populaires, les référendums décisionnels ou les procédures de révocation des élus.
    • En France, le référendum d’initiative partagée (RIP) et les conventions citoyennes illustrent une volonté d’associer davantage les citoyens au processus décisionnel, bien que ces dispositifs restent limités dans leur portée.
  3. Les critiques de la souveraineté parlementaire :

    • Avec l’élection directe de chefs d’État dans de nombreux pays (comme en France avec le président de la République), l’idée de souveraineté parlementaire a été remise en question.
    • Toutefois, cette double légitimité, parlementaire et présidentielle, peut parfois créer des tensions institutionnelles, comme dans les régimes de cohabitation.

Conclusion : Le régime représentatif, bien qu’imparfait, demeure un pilier des démocraties modernes. Cependant, les critiques adressées à ses fondements et à sa mise en pratique soulignent la nécessité d’introduire des mécanismes complémentaires pour garantir une participation citoyenne plus active et réduire l’écart entre représentants et représentés. L’évolution des technologies, notamment avec l’usage d’outils numériques, pourrait également ouvrir de nouvelles perspectives pour renforcer la démocratie participative au sein de ces régimes.

 

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Isa Germain

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