Le placement en détention provisoire
C’est une mesure présentée par le Code de Procédure Pénale comme exceptionnelle. Elle déroge au principe de liberté de la personne mise en examen et est une exception aux exceptions, puisque ce placement n’est possible que si une assignation à résidence ou un contrôle judiciaire sont insuffisant. Le législateur précise que cette mesure ne peut être prononcée que lorsque l’instruction l’impose ou à titre de mesure de sûreté pour éviter par exemple le renouvellement de l’infraction. Pour les mineurs, il faut que cette détention provisoire apparaisse comme « impossible à éviter ».
Le placement en détention provisoire entraine l’incarcération du prévenu dans une maison d’arrêt, prison dans laquelle ne figurent que des détenus et des condamnés à une faible peine. Cela permet en principe un régime d’incarcération particulier, avec un placement individuel de jour et de nuit. On a donc un régime plus libéral que pour le condamné.
Section 1 : Les conditions préalables à la décision de placement
La détention provisoire ne peut intervenir qu’à l’encontre d’une personne mise en examen pour un crime ou un délit si la peine est d’au moins 3 ans d’emprisonnement. À cela s’ajoute qu’elle est exclue pour certains délits comme les infractions de presse.
Si une personne est soumise à un contrôle judiciaire ou à une assignation à résidence et ne respecte pas convenablement ces mesures, elle peut être placée en détention provisoire quelle que soit la durée de la peine encourue.
Section 2 : La décision de placement
Pour limiter le nombre des détentions provisoires, le législateur a prévu des conditions qui tiennent à des objectifs précis justifiant seuls le placement en détention provisoire, indépendamment d’exigences communes à tous ces motifs.
On a eu d’innombrables réformes de la détention provisoire. Elle apparaît alors comme une mesure d’instruction ou comme une mesure de sûreté.
Elle est une mesure d’instruction selon l’article 144 Code de Procédure Pénale. Elle ne peut ainsi être décidée que si elle apparaît comme l’unique moyen d’atteindre l’un des objectifs énumérés à l’article 144. C’est le moyen de conserver les preuves et indices matériels. C’est aussi le moyen d’empêcher des pressions sur les témoins, les victimes ou leur famille. C’est aussi un moyen d’empêcher la fuite ou une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses complices. Cela peut aussi servir à protéger la personne mise en examen. Cela peut aussi servir à mettre fin à l’infraction, mettre fin aux troubles à l’ordre public (motif passe-partout).
La détention provisoire peut aussi opérer comme une mesure de sûreté essentiellement préventive. On peut en effet placer en détention provisoire une personne pour éviter le renouvellement de l’infraction.
On trouve aussi des exigences communes à ces différents motifs ; le juge des libertés et de la détention va rendre une ordonnance qui doit contenir les considérations de fait et de droit qui démontrent que l’objectif poursuivi ne pourrait pas être atteint par un placement sous contrôle judiciaire ou par une assignation à résidence. Il faudra aussi que cette ordonnance contienne le motif du placement en détention provisoire : elle devra préciser les motifs parmi ceux énumérés à l’article 144. L’ordonnance devra enfin donner les conditions du placement en détention provisoire.
En dehors de la nécessité de donner un mandat de dépôt, le placement en détention provisoire est prescrit par une ordonnance du juge des libertés et de la détention, qui aura été préalablement saisi par le juge d’instruction à cette fin. Cette ordonnance peut être frappée d’appel par le ministère public ou la personne mise en examen, étant entendu que cet appel n’a pas d’effet suspensif quitte à ce que la chambre d’instruction revienne sur la décision.
Lorsque le placement en détention provisoire est demandé par le procureur de la république, si le juge d’instruction refuse à la suite de cette demande, de saisir le juge des libertés et de la détention, il doit rendre une ordonnance de refus contre laquelle le procureur pourra faire appel. La chambre d’instruction jugera alors de la demande de transmission de au juge des libertés et de la détention. Dans les cas les plus graves, en matière de crime et les délits punis de 10 ans d’emprisonnement, on dispense au procureur cette procédure. Le procureur pourra saisir directement le juge des libertés et de la détention d’une demande de placement sous contrôle judiciaire.
Cela étant, cette décision du juge des libertés et de la détention, juge du siège, est grave. Par conséquent, cela justifie une procédure assez lourde selon laquelle le juge des libertés et de la détention, avant de prendre sa décision, devra organiser un débat contradictoire préalable au cours duquel il va entendre les réquisitions du ministère public et la défense de la personne. Cette audience est en principe publique. Avant cette audience, le juge des libertés et de la détention aura du informer l’intéressé à un avocat et à un délai pour préparer sa défense. Si la personne mise en examen ou son avocat réclame son délai, le débat préalable est reporté pour un délai maximum de 4 jours. Pendant cette période, l’intéressé sera placé en incarcération par une ordonnance du juge insusceptible d’appel.
Section 3 : La durée de la détention provisoire
Le système est assez complexe puisque cette durée est déterminée par référence à deux séries de critères ; elle résulte des indications générales et abstraites données par la loi elle-même, qui fixe une durée maximale de principe de la détention provisoire. Ces indications générales et abstraites données par la loi doivent composer, dans chaque affaire, avec une appréciation plus concrète de cette durée par référence au « délai raisonnable de la détention provisoire ». Cela est un écho aux exigences de la CESDHLF. Cette durée maximale peut être réduite.
Les règles qui voient le législateur fixer une durée abstraite sont trop complexes. Cette complexité s’explique par l’impossibilité de prendre des décisions claires pour des raisons politiques. On a donc des formules complexes qui tiennent à la danse.
En matière de crime, les règles sont fixées par l’article 145-2. La durée maximale de la détention provisoire est en théorie d’un an. Parfois, ce maximum peut être dépassé. En effet, il peut donner lieu à une prolongation pour 6 mois selon la même procédure contradictoire devant le juge des libertés et de la détention. Il peut toutefois y avoir d’autres prolongations, selon la même procédure, avec une détention provisoire qui ne doit pas excéder certains maxima. Ces maxima sont de deux ans si la peine encourue est inférieure à 20 ans, sinon c’est de 3 ans. Cette prolongation sera faite par la chambre de l’instruction de 4 mois après ces 2 ou 3 ans. Cette nouvelle prolongation sera renouvelable une fois.
En matière de délit, on regarde l’article 145-1. La durée maximale est théoriquement de 4 mois. On a une prolongation possible par le juge des libertés et de la détention pour 4 mois avec débat contradictoire préalable. C’est une prolongation renouvelable pas plus d’un an. On aura ensuite une prolongation possible de 4 mois encore pour certains délits, par la chambre de l’instruction.
Dans tous ces cas de prolongation, il y a un appel possible de la part de la personne mise en examen.
Le législateur a simplement recopié les exigences de la convention européenne (article 5§3). Le juge national devra donc déterminer si la durée raisonnable de la détention provisoire a été respectée, affaire par affaire. Cela a amené la jurisprudence à tenir compte par exemple de l’attitude du détenu lui-même. Les juges apprécieront aussi l’attitude des organes. La convention est d’applicabilité directe en droit interne, si bien que la chambre criminelle avait été conduite à vérifier que le délai était respecté.
Conformément aux solutions de la CJCE, le législateur, en 1996, a précisé qu’il y avait des hypothèses où une remise en liberté devait intervenir. Le Code de Procédure Pénale dit que la mise en liberté doit être prononcée dès que les conditions de la détention provisoire disparaissent. Elle doit aussi intervenir s’il apparaît qu’elle n’est plus nécessaire mais qu’un simple contrôle judiciaire est possible. La détention doit aussi cesser immédiatement dès lors qu’il n’y a plus de raison plausible de croire que la personne a participé à l’infraction. Si la remise en liberté n’intervient pas, c’est que la détention provisoire n’a pas été d’une durée raisonnable.
La Cour de cassation a ainsi dit que l’appréciation des juges du fond était souveraine. L’affirmation sur la durée raisonnable ou non de la durée raisonnable échappe donc au contrôle de la Cour de cassation.
En revanche, la Cour européenne des droits de l’Homme se montre extrêmement sourcilleuse et se comporte comme une juge du fait, ce qui l’a amené à dire que la persistance de soupçons à l’encontre de la personne ne justifie plus la sanction « au bout d’un certain temps ».
Le souci de protéger l’ordre public pour éviter le renouvellement de l’infraction ne peut pas justifier de maintenir indéfiniment en détention. On peut donc relever que les articles 149 et suivants du Code de Procédure Pénale instaurent une procédure visant à réparer le préjudice moral ou matériel résultant d’une détention injustifiée ou lorsqu’elle est intervenue suite à une instruction ayant donné un non-lieu. Le 1er président de la Cour d’appel a donc le pouvoir d’accorder une réparation intégrale au prévenu. Cette réparation est à la charge de l’État qui peut exercer un recours contre le dénonciateur de mauvaise foi ou contre un faux témoin qui serait à l’origine de la décision de détention provisoire ou de sa prolongation inutile.
La détention provisoire peut cesser par une décision de remise en liberté ou parce qu’intervient le règlement de l’instruction.
En toute matière, correctionnelle comme criminelle, il peut y avoir une décision de remettre en liberté la personne placée en détention provisoire, quitte à ce que cette décision de remise en liberté s’accompagne d’un placement sous contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence. Cette remise en liberté peut intervenir dans plusieurs hypothèses. Ainsi, cette décision est en principe de la compétence du juge d’instruction. Il a la possibilité de prendre cette décision d’office.
Le législateur envisage spécialement que cette décision puisse être prise en cas de requalification des faits, dans l’hypothèse où le juge d’instruction viendrait à découvrir que ce qu’on pensait être un crime est un simple délit. La remise en liberté peut aussi intervenir à la demande de l’une des parties, c’est- à-dire à la demande du procureur de la république ou à la demande du prévenu ou de son avocat.
Le juge d’instruction reste libre de sa réponse à ce type de demande et il est possible qu’il ne veuille pas faire droit à cette réclamation d’une mise en liberté. Si cela n’est pas le cas, il doit saisir le juge des libertés et de la détention. Il transmet le dossier de l’affaire à ce juge, avec un avis motivé. C’est donc le juge des libertés et de la détention qui va trancher cette question en dernière analyse, par une ordonnance qu’il va rendre en visant les motifs de la détention provisoire tels que vus précédemment et au regard du caractère suffisant ou non d’un contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence. Le juge des libertés et de la détention est ainsi libre de son choix même s’il recueille les réquisitions du ministère public. Il peut ainsi refuser la mise en liberté demandée en indiquant ce qui justifie la poursuite de l’instruction et le délai prévisible d’achèvement de cette procédure. Ce refus ouvre un appel au procureur de la république, le détenu pouvant également exercer cette voie de recours.
Lorsque la mise en liberté est accordée, elle est immédiate même s’il y a eu appel qui n’a ainsi pas d’effet suspensif. On considère cela comme une des illustrations de la présomption d’innocence car le détenu est alors présumé innocent.
Ceci dit, une procédure particulière a été introduite par le législateur dans l’hypothèse où cette remise en liberté aurait été décidée contre les réquisitions contraires du ministère public. Dans ce cas, cette décision de remise en liberté doit être portée à la connaissance du procureur. Il faudra surseoir à la décision de remise en liberté dans un délai de 4h pour que le procureur puisse introduire un référé particulier que l’on appelle procédure du « référé-détention » ayant pour conséquence de suspendre l’application de l’ordonnance prononçant la remise en liberté. On réintroduit donc l’effet suspensif de l’appel.
Il faut aussi faire état du fait que la chambre de l’instruction peut se prononcer sur cette remise en liberté. Par exemple, le Code de Procédure Pénale prévoit que lorsqu’un détenu n’a plus comparu devant le juge depuis plus de 4 mois, lui ou son avocat peuvent réclamer directement à la chambre de l’instruction la mise en liberté. C’est une procédure dérogatoire, en s’adressant directement à la juridiction d’instruction du second degré. Il est anormal qu’un détenu n’ait pas comparu ; il en découle que l’instruction ne se déroule donc pas comme il faudrait.
Indépendamment de cette procédure, le président de la chambre de l’instruction peut se saisir d’une éventuelle difficulté : il peut saisir à tout moment la chambre de l’instruction pour qu’elle se prononce sur le maintien d’une détention provisoire. À cela s’ajoute que la chambre de l’instruction, dès lors qu’elle est saisie, et quelle que soit la cause de sa saisine, a toujours la possibilité de mettre à profit cette saisine pour contrôler la détention provisoire et prendre éventuellement la décision de mettre un détenu en liberté.
À supposer qu’une personne ait été mise en liberté après avoir été détenue, peut-on la placer de nouveau en détention provisoire ? La jurisprudence répond de manière positive en disant qu’une mise en liberté n’exclut pas un nouveau placement en détention, à la condition qu’il y ait des circonstances nouvelles qui justifie ce placement au regard des motifs de la détention provisoire et sous réserve que ces détentions cumulées ne dépassent pas la durée maximale de la détention.
On a déjà vu cette hypothèse : l’ordonnance de règlement de l’instruction met un terme à la détention provisoire sauf décision exceptionnelle de prolonger cette détention jusqu’à la comparution de l’intéressé devant la juridiction de jugement. En matière criminelle, l’ordonnance de mise en accusation ne met pourtant pas fin à la détention provisoire, la règle étant que le détenu reste détenu jusqu’à sa comparution devant la Cour d’assises avec la nécessité que cette comparution intervienne dans des délais brefs : en principe 1 an, avec possibilité de prolongation.
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