La dette publique

Le financement de la dette

La dette publique, est la dette de l’État, c’est-à-dire l’ensemble des emprunts contractés par l’État (exemple des obligations d’État ou des bons du Trésor), ainsi que celles des collectivités territoriales et des organismes de Sécurité sociale. Il ne faut pas confondre dette publique et dette extérieure, la seconde représentant l’ensemble des emprunts des agents économiques à l’égard des prêteurs étrangers.

Quels sont les outils financiers mis en œuvre par l’Agence France Trésor pour couvrir ces montants ?

  • a) Les outils du financement

Au XIX siècle, on avait recours à l’emprunt perpétuel. C’était une dette viagère : les particuliers prêtaient à l’Etat sous forme de titres, des titres viagers. Le titre viager s’éteignait avec le possesseur du titre, ou alors on avait une dette perpétuelle qui consistait à prêter une somme d’argent sans jamais récupérer le capital, en échange du paiement d’un intérêt perpétuel. Avant 1914, une grande partie de la dette est une dette à très long terme. Là-dessus se développe l’inflation. On commence à constater l’inflation, qui se développe dramatiquement au XX siècle. Les dettes perpétuelles perdent complètement leur valeur, et sont quasiment éteintes aujourd’hui. Conséquemment, ces titres ne sont plus souscrits par les prêteurs, et l’Etat est donc contraint de moderniser ses emprunts, ses outils. Après la Seconde Guerre Mondiale, se multiplient donc les avances monétaires de la Banque de France aujourd’hui interdites (depuis la loi de 1993), mais aussi les dépôts des correspondants 20 du Trésor (ayant l’obligation de ne jamais être à découverts : ils génèrent une ressource pour l’Etat). Il s’agit pour l’Etat d’obliger un certain nombre de personnes publiques (les établissements publics & les collectivités locales de l’époque) à déposer leurs sommes ou à maintenir leurs sommes sur le compte de l’Etat à la Banque de France. Or, comme ces personnes génèrent de la trésorerie, c’est autant de moins que l’Etat devra emprunter. Se développent les bonds du Trésor. À partir des années 1980, on entre dans une phase de désinflation, qui va permettre à nouveau de recourir à des emprunts à long terme, et parallèlement, on va mettre en place une politique de transparence et de sécurité de ces titres financiers. La crise de l’interventionnisme est une crise politique qui conduit les gouvernants à remettre en question le bien fondé de la participation de l’Etat à la vie sociale et économique. C’est donc un relatif désengagement de l’Etat qui prend plusieurs formes : au niveau du secteur public. On la constate en Grande-Bretagne (grandes privatisations), et aussi en France (à partir de 1986, on procède à une privatisation du secteur public au sens large). Les entreprises publiques deviennent SA. Cette crise de l’interventionnisme trouve essentiellement ses causes dans un aspect financier. En fait, en Angleterre et en France, les recettes publiques ne couvrent plus les dépenses. C’est bien ce recours massif à l’emprunt qui va quelque part guider vers un rétrécissement de la sphère de l’intervention. À partir du moment où l’insuffisance des recettes est constatée, il faut réviser la politique financière de l’Etat. À partir des années 1980, la ministère des finances, et plus particulièrement la Direction du Trésor, va moderniser les outils de financement des différents déficits. Quels sont ces outils ? On a 3 catégories d’outils permettant de financer les différents déficits : ¡ Les OAT (Obligations Assimilables du Trésor). Ce sont des titres financiers à long terme. Leur maturité (= échéance) est comprise entre 7 et 50 ans. La plupart des OAT sont à taux fixe. La procédure d’émission de ces emprunts à long terme est une procédure d’adjudication, le premier jeudi de chaque mois. Les intervenants du marché vont souscrire à ces OAT. L’adjudication permet de faire baisser le taux, car on met en concurrence les investisseurs financiers qui veulent souscrire ces Obligations Assimilables du Trésor. Les OAT permettent de financer les investissements. De la confiance des investisseurs dans les politiques budgétaires à long terme dépendra le coût du financement de nos investissements (le coût financier = le prix des intérêts). Ex. tunnel Lyon-Turin : coût est de 15 milliards d’€. Les Etats, les régions et l’Europe financent, mais personne au ministère des transports ne veut financer cet investissement avec des recettes. On va emprunter 15 milliards et les rembourser grâce à l’exploitation de ce tunnel ferroviaire. In fine, dans 50 ans, le capital emprunté sera remboursé (15 milliards) et aussi les intérêts (15 milliards). Le taux d’intérêt dépend évidemment de la confiance que les investisseurs placeront en la viabilité financière du projet. C’est la même chose pour l’Etat. Il existe des Etats qui peinent à rembourser leur dette (Argentine, Thaïlande, Mexique, Russie…). Ces Etats, quand ils doivent entreprendre des investissements sont soumis à des taux d’intérêts bien supérieurs à ceux connus pour honorer leur dette.

– L’importance de ce crédit public, confiance des investisseurs, se manifeste dans le taux d’intérêt des emprunts à long terme. ¡ Les BTAN (Bonds du Trésor à intérêt ANnuel) : ce sont des outils de financement à moyen terme. Leur maturité est de 2 à 5 ans. Eux-aussi sont émis par adjudication, le troisième jeudi de chaque mois. Les BTAN permettent généralement de financer les déficits de trésorerie, mais on tente de financer le déficit public par ces BTAN. Pourquoi ? Le déficit public est la différence entre les recettes et les dépenses, et n’est pas censé être une situation structurelle. Il est censé représenter une situation conjoncturelle. En théorie, on devrait avoir des années à déficit, et puis retrouver des années à solde neutre… Tout cela devrait suivre le cycle économique qui préside au moment des recettes 21 fiscales. Le déficit, conjoncturel, devrait être remboursé à moyen terme, en attendant des années meilleures. En France, on est en déficit depuis 30 ans. Du fait d’une meilleure conjoncture, le Gouvernement Jospin avait réussi à faire baisser le montant du déficit public, il a bénéficié d’une meilleure conjoncture économique. Dans une conjoncture économique proche du Gouvernement Jospin, le Gouvernement Villepin a creusé le déficit public.

Aux Etats-Unis par exemple, se succèdent des périodes de déficits et d’excédents budgétaires qui permettent d’opérer un lien très clair entre un déficit et un financement à moyen terme. ¡ Les BTF (Bonds du trésor à Taux Fixe et à intérêt précompté) : Les BTF sont par excellence les outils de financement du déficit de trésorerie. C’est grâce à ces BTF que l’on va financer l’écart constaté au quotidien entre le montant des recettes et des dépenses. Les BTF sont émis le lundi, par voie d’adjudication. Les BTF ont une échéance qui peut descendre jusqu’à 4 semaines (pas de maturité, car la période est trop courte). Au-delà, on emprunte. L’intérêt précompté signifie : on souscrit un BTF de 1000 qui sera remboursé dans 4 semaines à hauteur de 1000, mais on paye 998.

  • b) Le montant de la dette publique

Il est en constante augmentation en France depuis une trentaine d’années. Le ratio dette publique/PIB importe ici. Il nous permet de vérifier si la dette est dite « soutenable ». ¡ En France, la dette de l’Etat était en 1980 de 14,9% du PIB. ¡ En 2003, la dette de l’Etat représentait 51,3% du PIB. Si on étend ce concept à celui de la dette publique, on arrive à 63,7% du PIB en 2003. Maastricht pose 60% comme plafond. Que représente la charge de la dette ? En ce qui concerne uniquement les intérêts, elle représentait 4% du budget général (= les charges de l’Etat) dans les années 1980. On en est aujourd’hui à 15%, ce qui représente 39 milliards d’€ en 2005. Ce chiffre figure bien en dépense et représente à l’heure actuelle le second poste budgétaire derrière un regroupement très opportun « Education national, enseignement supérieur, recherche ».

Est-ce que la dette publique est insoutenable ?

– Certains pays européens développés soutiennent une dette publique qui dépasse les 100% de leur PIB, avec les intérêts afférents depuis plusieurs années (Italie, Belgique). Le critère de la soutenabilité ne semble pas évident.

– On a une difficulté à fixer le montant de cette dette. Pourquoi ? Car, dans le fond, si on voulait dresser un bilan de l’Etat de notre dette, il faudrait que l’on compare cette dette à la richesse qui comporte tous les actifs, tous les biens. Or, cette richesse comprend tous les biens dits immobilisés. Dans ces biens, on compte les actifs financiers, les actions qu’on est susceptibles de vendre pour apurer la dette, et aussi les actifs immobiliers (les personnes publiques ont un très grand nombre de biens immobiliers). Elle possède aussi un grand nombre de biens immobiliers à l’origine d’une partie de cette dette. Comment évaluer l’immobilisation ou la richesse que représente un viaduc, un canal ?…

– Les chiffres de l’endettement ne tiennent pas compte de ce que l’on pourrait appeler la dette implicite, c’est-à-dire des créances quasi certaines nées sur l’Etat, par ex. les retraites des fonctionnaires. Faut-il intégrer les créances quasi certaines correspondant aux retraites des fonctionnaires ? Ce sur quoi est tout le monde d’accord, c’est que si l’endettement finance le fonctionnement des personnes publiques, alors il est une mauvaise chose. Parce qu’un endettement qui correspond au financement du fonctionnement signifie que nos prestations actuelles sont financées par les impôts des générations futures. 22 Inversement, si l’endettement finance des dépenses d’investissement, il ne s’agit pas forcément d’un mauvais endettement, car ce sont bien les ressources générées par cet investissement qui permettront d’en payer le coût (ex. le tunnel Lyon Turin). De cette analyse du financement de la dette découle une règle d’or : on ne finance par l’endettement à long terme que les investissements. Cette règle est d’autant plus intéressante qu’elle est formalisée dans certains pays (ex. Allemagne), et formalisée juridiquement en droit interne à l’article L 1612-4 du Code Général des Collectivités Territoriales. Cet art. impose un équilibre entre les sections investissement et fonctionnement du budget des collectivités territoriales. Que signifie ce principe d’équilibre appliqué aux collectivités territoriales ? Il signifie que toutes les dépenses afférentes à l’investissement peuvent être financées par l’emprunt. Les ressources des collectivités territoriales hors emprunt doivent financer intégralement la section de fonctionnement et évidemment l’excédent de ces ressources sur la section de fonctionnement permettra de financer l’investissement. D’un côté, on a une formalisation du principe d’équilibre au sein du budget des collectivités territoriales, et une formalisation du côté de Maastricht avec le seuil des 60%. Afin de rentrer les clous du traité de Maastricht, il n’y a qu’une solution : baisser les dépenses, soit avoir une approche politique de la crise de l’interventionnisme. Le taux fixé par le traité de Maastricht ne vise pas à inciter les Etats à baisser leurs dépenses. Il s’agit de créer les conditions d’une harmonisation entre les politiques financières des Etats, et à lutter contre l’inflation dans la zone €. C’est un outil de politique économique et pas un outil d’adaptation des politiques publiques. Pour respecter ce ratio le traité laisse deux possibilités évidentes : baisser les dépenses et augmenter les recettes.