La différence entre le régime parlementaire et présidentiel

Quelle différence entre le régime parlementaire et régime présidentiel?

La distinction entre régimes parlementaire et présidentiel repose historiquement sur une lecture de la théorie de la séparation des pouvoirs de Montesquieu. Cependant, cette interprétation reste parfois réductrice. Montesquieu ne prônait pas une stricte séparation des pouvoirs, mais un système dans lequel les pouvoirs se modèrent mutuellement, cherchant à éviter les abus. Dans la pratique, la séparation rigide ou souple des pouvoirs ne signifie pas une absence totale d’interaction entre les organes de l’État.

Aspect Régime présidentiel Régime parlementaire
Séparation des pouvoirs Rigide Souple
Responsabilité de l’exécutif Non responsable devant le parlement Responsable devant le parlement
Dissolution du parlement Impossible Possible
Rôle du chef de l’État Chef de l’exécutif Souvent symbolique (moniste)
Interaction des pouvoirs Limité (checks and balances) Étroit et institutionnalisé
Exemple emblématique États-Unis Royaume-Uni

Dans les faits, ni la séparation stricte des pouvoirs du régime présidentiel, ni la séparation souple des régimes parlementaires n’est absolue. Les pouvoirs interagissent nécessairement, et des ajustements se développent au fil du temps pour répondre aux besoins des systèmes politiques :

  • Dans les régimes présidentiels comme celui des États-Unis, des compromis sont constants entre les pouvoirs, notamment pour le vote des lois ou la ratification des budgets.
  • Dans les régimes parlementaires, des mécanismes de rationalisation ont été mis en place pour éviter les dérives, comme l’instabilité gouvernementale ou les abus du parlement.

Section 1: La théorie du régime parlementaire

Le régime parlementaire repose sur la responsabilité politique du gouvernement devant le parlement, qui peut le renverser via une motion de censure. En retour, l’exécutif peut dissoudre le parlement pour résoudre les crises. Le dialogue institutionnel, renforcé par l’initiative législative partagée et les questions parlementaires, favorise l’équilibre entre les pouvoirs, malgré des tensions possibles lors des conflits politiques majeurs.

I- Responsabilité politique du gouvernement

Dans un régime parlementaire, le gouvernement ne peut exercer son pouvoir que s’il bénéficie du soutien politique de la chambre parlementaire. Cette idée, née en Angleterre, repose sur le principe que ceux qui gouvernent doivent pouvoir être tenus pour responsables s’ils ne remplissent pas leur mission de manière satisfaisante.

A. Origines de la responsabilité politique

  • Angleterre, berceau de la démocratie parlementaire : Dès le XIVe siècle, le monarque, alors proche d’un pouvoir absolu, est entouré de conseillers. En 1373, une procédure est votée permettant d’engager la responsabilité de ces conseillers. Initialement, cette responsabilité est pénale et peut conduire à la peine de mort.
  • Évolution au XVIIe siècle : La responsabilité pénale est distinguée de la responsabilité politique. Les conseillers deviennent un collège ministériel, appelé cabinet, et assument une responsabilité collective. En cas de mise en cause d’un membre du cabinet, tout le gouvernement peut démissionner sur décision du chef du cabinet.

B. Les mécanismes de mise en cause

  1. Motion de censure :
    • Initiative des parlementaires.
    • Si la motion est votée à la majorité, le gouvernement doit démissionner.
  2. Question de confiance :
    • Initiative du gouvernement, qui demande le soutien de l’Assemblée.
    • Dans certains États, un gouvernement ne peut débuter ses fonctions qu’après un vote de confiance favorable.
  3. Symbolisme de la responsabilité politique :
    • La possibilité de renverser le gouvernement ou de tester la confiance parlementaire est une marque caractéristique du régime parlementaire.

 

II- Relations avec le Parlement

Les relations entre les deux pouvoirs sont régulées par des mécanismes institutionnels qui permettent un équilibre. Ces relations s’articulent autour de deux aspects : le droit de dissolution et le dialogue entre les pouvoirs.

A- Le Droit de dissolution

La dissolution permet à l’exécutif de mettre fin au mandat des représentants du peuple en cas de conflit ou de blocage avec le parlement.

  1. Rôle et justification :

    • La dissolution offre un moyen de pression symétrique à celui de la motion de censure, permettant ainsi de résoudre les crises politiques.
    • Elle donne la parole au peuple pour élire une nouvelle Assemblée et trancher le différend.
  2. Utilisation prudente :

    • En principe, la dissolution n’est utilisée que dans des cas de crise majeure, car elle remet en cause une décision antérieure du peuple. Symboliquement, cet acte est perçu comme un recours ultime.
  3. Exemples historiques :

    • France, 1988 : François Mitterrand dissout l’Assemblée nationale pour obtenir une majorité parlementaire de gauche, nécessaire à l’application de son programme.
    • France, 1997 : Jacques Chirac dissout l’Assemblée nationale pour tenter de préserver sa majorité, mais la gauche l’emporte, entraînant une période de cohabitation.
    • Grande-Bretagne : La dissolution est souvent utilisée pour consolider une majorité ou en tirer un avantage stratégique.
  4. Effets politiques :

    • La menace de dissolution peut dissuader l’Assemblée de renverser le gouvernement.
    • Ces situations illustrent que la dissolution et la censure sont souvent révélatrices de tensions politiques.

 

B- Dialogues entre les pouvoirs

Le dialogue institutionnel entre l’exécutif et le parlement est essentiel au bon fonctionnement d’un régime parlementaire. Ce dialogue se manifeste par plusieurs mécanismes.

  1. Initiative législative partagée :

    • L’exécutif dispose du droit de déposer des projets de loi. En France, environ 80 % des lois adoptées sont issues de l’initiative gouvernementale.
    • Les propositions de loi, quant à elles, émanent des parlementaires.
  2. Présence et interactions directes :

    • Les membres du gouvernement assistent aux séances parlementaires. En France, ils sont généralement assis dans les premières rangées, facilitant les échanges directs.
    • Ces interactions permettent de discuter et de négocier les textes législatifs.
  3. Questions et enquêtes parlementaires :

    • Questions au gouvernement : Les parlementaires peuvent interroger les ministres sur des sujets d’actualité ou des projets législatifs, renforçant la transparence et le contrôle.
    • Commissions d’enquête : Le parlement peut constituer des commissions pour examiner des affaires spécifiques ou enquêter sur des décisions gouvernementales.

  

III- Les formes du régime parlementaires

Le régime parlementaire a évolué au fil du temps, passant par trois principales formes : le régime dualiste, le régime moniste, et finalement le régime rationalisé. Chacune de ces formes reflète une tentative d’adapter la séparation souple des pouvoirs aux défis de gouvernance rencontrés dans les différents contextes historiques et politiques.

Les formes du régime parlementaire illustrent une progression logique, du régime dualiste, où le chef de l’État jouait un rôle actif, au régime moniste, dominé par le parlement, pour aboutir au régime rationalisé, conçu pour garantir la stabilité et l’efficacité des institutions.

A- Régime parlementaire dualiste

Le régime dualiste représente la forme originelle du parlementarisme, marquée par la cohabitation d’un monarque et d’une chambre parlementaire.

  1. Caractéristiques principales :

    • Le gouvernement est responsable politiquement devant deux entités :
      • Le chef de l’État (le monarque dans les formes historiques) ;
      • Le parlement, généralement représenté par une chambre élue.
    • L’exécutif est bicéphale, comprenant un chef de l’État et un chef du gouvernement.
    • Le chef de l’État, en tant qu’incarnation de la continuité du pouvoir, n’est jamais renversé pour des raisons politiques.
  2. Raisons du bicéphalisme :

    • Préserver la stabilité du pouvoir exécutif en cas de renversement du chef du gouvernement.
    • Garantir la continuité du pouvoir grâce à la figure du chef de l’État.
  3. Critiques :

    • Ce régime est historiquement lié à des contextes autoritaires.
    • Il a progressivement perdu en popularité, car le rôle prépondérant du chef de l’État était perçu comme une entrave à l’évolution démocratique.

 

B- Régime parlementaire moniste

Dans un régime parlementaire moniste, le gouvernement est uniquement responsable devant le parlement. Le chef de l’État, bien qu’existant, joue un rôle largement symbolique et n’a pratiquement aucun pouvoir exécutif.

  1. Caractéristiques principales :

    • La responsabilité politique du gouvernement est réduite à une seule institution, souvent la chambre basse du parlement.
    • Le chef de l’État n’a pas de rôle actif dans la gouvernance, ce qui renforce le poids du parlement.
  2. Dérives observées :

    • Instabilité gouvernementale chronique :
      • Dans des contextes de forte fragmentation politique (multiplicité des partis), les gouvernements ont du mal à constituer des majorités stables.
      • Exemple : Sous la IIIe République française, les gouvernements étaient si instables que certains ne duraient que quelques jours.
    • Les alliances entre partis deviennent délicates, exposant le gouvernement à des conflits internes.
      • Exemple contemporain : tensions entre le PS et EELV en France à propos du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
  3. Nécessité d’une réforme :

    • Les régimes monistes ont montré leurs limites, notamment en termes de stabilité politique.
    • Ces limites ont conduit à l’introduction de mécanismes visant à encadrer les rapports entre le parlement et le gouvernement.

 

C- Régime parlementaire rationalisé

Le régime parlementaire rationalisé est une réponse aux dysfonctionnements des régimes parlementaires monistes. Il vise à instaurer un cadre juridique strict pour prévenir les crises et garantir un fonctionnement stable des institutions.

  1. Principes fondamentaux :

    • Introduire des règles constitutionnelles précises pour réguler les moyens de pression entre le parlement et le gouvernement.
    • Complexifier les conditions dans lesquelles le parlement peut renverser le gouvernement ou dans lesquelles l’exécutif peut dissoudre l’Assemblée.
  2. Mécanismes spécifiques :

    • Conditions renforcées pour la motion de censure :
      • Sous la Ve République française, une majorité absolue de députés est nécessaire pour adopter une motion de censure.
    • Limitation des renversements successifs :
      • Par exemple, si deux gouvernements sont renversés en moins d’un an, l’exécutif peut décider de dissoudre la chambre.
    • Motion de censure constructive (Allemagne) :
      • Le parlement ne peut renverser un chancelier qu’à condition de lui désigner simultanément un successeur. Ce mécanisme limite les situations de vide institutionnel.
  3. Objectifs poursuivis :

    • Stabiliser le système politique en réduisant les risques d’instabilité ministérielle.
    • Renforcer la capacité d’action du gouvernement tout en maintenant un équilibre avec le parlement.
    • Rationaliser les pouvoirs pour éviter les dérives de la domination parlementaire ou de l’exécutif.

 

Section 2: Le régime présidentiel

Le régime présidentiel repose sur une séparation stricte des pouvoirs, ce qui le distingue nettement des régimes parlementaires. Ce modèle, conçu aux États-Unis, attribue à chaque pouvoir une indépendance totale tout en nécessitant un équilibre et des interactions pour garantir la gouvernance.

I- La séparation des pouvoirs

Dans un régime présidentiel, aucune relation institutionnelle formelle n’est prévue entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Cette autonomie repose sur des principes fondamentaux :

  1. Origine historique :

    • Le régime présidentiel a été instauré aux États-Unis dans la Constitution de 1787, en réaction à l’expérience de la monarchie anglaise.
    • Les pères fondateurs ont cherché à rompre avec un système où le chef de l’État concentrait trop de pouvoir et à établir une équivalence légitime entre le président et le parlement.
  2. Indépendance des pouvoirs :

    • Le président, élu directement ou indirectement par le peuple, est l’unique titulaire du pouvoir exécutif.
    • Le parlement, bicaméral (Chambre des représentants et Sénat), exerce pleinement le pouvoir législatif.
    • Contrairement aux régimes parlementaires, aucun chef du gouvernement distinct du président n’existe. Le président dirige l’exécutif, entouré de ministres ou de secrétaires, qui ne sont pas responsables devant le parlement.
  3. Absence de dépendance mutuelle :

    • Le président ne dépend pas du parlement pour exercer ses fonctions, car il n’a pas besoin de la confiance de ce dernier.
    • À l’inverse, le parlement ne peut être dissous par le président.

II- Les relations entre pouvoirs publics

Bien que la théorie préconise une stricte séparation des pouvoirs, la pratique montre que des interactions sont nécessaires pour assurer une gouvernance efficace.

  1. L’impeachment : un mécanisme exceptionnel :

    • L’impeachment est une procédure permettant de destituer un président en cas de faute grave, de trahison ou de crime.
    • Cette procédure est rarissime dans l’histoire des États-Unis. Exemples notables :
      • Andrew Johnson (1868) et Bill Clinton (1998) ont été mis en accusation mais acquittés.
      • Donald Trump a fait l’objet de deux impeachments (2019 et 2021), mais n’a pas été destitué.
  2. Le rôle du parlement dans l’adoption des lois :

    • Bien que le président dispose de pouvoirs exécutifs forts, il doit collaborer avec le parlement pour faire voter les lois nécessaires à sa politique.
    • Ce besoin de coopération impose un dialogue informel entre le président et les membres du Congrès, même si la Constitution n’institue pas formellement de relations entre les deux.
  3. Le parlementarisme de couloir :

    • Aux États-Unis, un système de négociations informelles (parlementarisme de couloir) se développe entre l’exécutif et le législatif.
    • Le président doit souvent convaincre les parlementaires, y compris ceux de l’opposition, pour obtenir leur soutien sur des projets majeurs.
    • Cela implique une dynamique de compromis et une proximité idéologique entre les deux principaux partis (démocrates et républicains).
  4. Influence des partis politiques :

    • La viabilité du régime présidentiel américain repose sur le bipartisme dominant :
      • Démocrates et républicains représentent environ 80 % de l’opinion publique.
      • Ces deux partis partagent des visions modérées, facilitant les négociations et les compromis.
    • Comparativement, dans des systèmes multipartistes où les clivages idéologiques sont marqués, comme en France entre le PS et l’UMP (devenus aujourd’hui les partis socialiste et Les Républicains), un régime présidentiel serait plus difficile à stabiliser.
  5. Cas des cohabitations :

    • Une cohabitation peut survenir si le président et le parlement sont dominés par des partis opposés. Cela peut entraîner des blocages, mais le système américain a démontré qu’il pouvait gérer ces situations grâce au bipartisme et aux mécanismes de négociation.

Conclusion :  Le régime présidentiel américain, fondé sur une séparation rigide des pouvoirs, est emblématique de l’équilibre entre indépendance et coopération. Bien que les pouvoirs soient théoriquement isolés, la nécessité d’une gouvernance cohérente impose des interactions informelles, principalement facilitées par le bipartisme et une culture politique pragmatique. Ce modèle ne fonctionne de manière stable que dans un contexte où les partis politiques principaux partagent des bases idéologiques relativement proches.

Isa Germain

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