La disponibilité du signe en droit des marques

La disponibilité du signe

En vertu de l’article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle, la marque est constituée d’un signe, qui doit être susceptible de représentation graphique. L’enregistrement de la marque est donc conditionné par le choix d’un signe, devant répondre à certaines exigences et à certains caractères.

Même si le signe choisi entre dans une des catégories de l’article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle, il devra satisfaire à trois exigences :

  • · Être distinctif ;
  • · Être licite ;
  • · Être disponible (c’est ce que nous étudions ici).

Le signe de la marque doit être disponible, ce qui signifie qu’il ne doit pas entrer en conflit avec des droits privatifs antérieurs. Il convient ainsi d’identifier les droits antérieurs susceptibles de rendre indisponible un signe déposé à titre de marque (A), avant de faire une incursion dans les notions de signes voisins et de marques similaires (B).

  1. Les droits antérieurs rendant un signe indisponible

En vertu de l’article L. 711-4 du Code de la propriété industrielle, ne peuvent être adoptés comme marque les signes qui portent atteinte à des droits antérieurs. Dans cette hypothèse, constituera une marque antérieure enregistrée pour un même signe et un même produit ou service.

L’on pourra également opposer à l’enregistrement d’une marque une marque notoire antérieure. La marque notoire est une marque qui n’est pas enregistrée, mais qui est connue par une très large fraction du public, si bien que le législateur estime que, même non enregistrée, elle doit pouvoir être protégée. Pour opposer une marque notoire, il faut apporter la preuve de sa notoriété, et c’est à celui qui l’invoque d’en rapporter la preuve. L’on peut évoquer à cet égard un contentieux réglé par la Cour de cassation, 20 mars 2000, qui porte sur une marque notoire avec un usage revendiqué depuis 1845. Il s’agit de la marque La Tour d’argent©, un restaurant très connu à Paris. Les exploitants ont déposé des marques dans les années 1960.

La société la Tour d’argent a donc assigné en contrefaçon un couple d’exploitants de Lamballe qui était propriétaire d’un hôtel restaurant, avec la marque La Tour d’argent©. Les juges du fond avaient d’abord rejeté la demande de la société La Tour d’argent fondée sur la contrefaçon, en s’appuyant sur le fait que la marque déposée par les exploitants était antérieure au dépôt de la marque par la société La Tour d’argent. On aurait même pu imaginer l’inverse.

La Cour de cassation a cassé la décision de la Cour d’appel, en soulignant que la Cour d’appel ne pouvait rendre une telle décision, alors même qu’elle avait constaté que l’enseigne La Tour d’argent constituait un nom commercial présentant un signe distinctif créé par l’usage, puisqu’il était utilisé depuis le XIXème siècle et qu’il bénéficiait d’une notoriété prestigieuse et internationale, et par ailleurs qu’elle avait relevé que ces signes avaient été exploités de façon ininterrompue depuis 1845.

Constitue également un droit antérieur une dénomination ou une raison sociale s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public. Constitue encore un droit antérieur un nom commercial ou une enseigne connue sur l’ensemble du territoire national s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.

Une dénomination sociale peut rendre un signe indisponible, dès lors qu’il existe des similitudes entre les signes choisis et la dénomination sociale, et si le domaine d’activité est identique ou similaire. L’on constate en revanche que, s’agissant du nom commercial ou de l’enseigne, l’exigence est un peu plus forte, puisque le rayonnement territorial est pris en compte pour apprécier la disponibilité du signe. S’il a une portée nationale, et s’il existe un risque de confusion entre les deux signes, alors le nom commercial ou l’enseigne peut constituer une antériorité gênante pour l’enregistrement de la marque.

Constitue également un droit antérieur une appellation d’origine protégée(AOP). A ce titre, l’on va considérer que le signe est indisponible, peu importe qu’il y ait ou non un rapport entre les produits. C’est ainsi, par exemple, que lasociété Yves Saint Laurent a dû débaptiser l’un de ses parfums qui se dénommait « Champagne » en raison de l’appellation d’origine protégée « Champagne », et ce même en l’absence de signe de confusion.

Dans une autre affaire, les juges du fond ont considéré que les marques Bain de Champagne© et Royal vin de Champagne©, déposées respectivement en 1923 et en 1942 par une société de parfum portait atteinte à l’appellation d’origine protégée « Champagne » en détournant au profit de leur titulaire la notoriété de leur appellation, et en l’affaiblissant (Cour de cassation, 18 février 2004).

L’on pourrait opposer des droits d’auteurs, par exemple sur un slogan, ou même sur une bande sonore. Il faudra également tenir compte des droits antérieurs qui peuvent exister pour les dessins et modèles, notamment lorsque l’on choisit un signe figuratif qui peut porter sur une forme ou un dessin.

Au titre des droits antérieurs, il faudra veiller à ce que la marque ne porte pas atteinte à l’image ou au nom d’une collectivité territoriale.

  1. Les signes antérieurs rendant la marque indisponible

La disponibilité d’une marque doit s’analyser à deux niveaux :

  • D’une part, l’on va s’intéresser au produit ou au service couvert par le signe, mais également à ceux qui leur sont complémentaires ou similaires;
  • D’autre part, l’on tiendra compte du signe de la marque en tant que telle, mais également des signes voisins qui présentent des similitudes avec le signe de la marque.

Il en résulte qu’un signe identique couvert par une marque antérieure désignant des produits ou des services totalement différents de ceux à protéger, ne constitue pas une antériorité gênante.

Exemple :la marque Mont Blanc© (pour les stylos et les crèmesdessert).

Pour apprécier la disponibilité, le juge va tenir compte du signe tel qu’il est déposé, mais également des signes voisins, c’est à dire un signe qui est proche de ce qui est déposé, et un consommateur d’attention moyenne qui n’a pas simultanément sous les yeux les deux signes qu’il risque de confondre.

On en déduira que constitue une atteinte au droit de marque antérieure l’enregistrement d’une marque portant sur un signe voisin de celui qui est déposé, dès lors qu’il porte sur des produits ou des services identiques, voire même des produits ou des services similaires à ceux qui sont désignés dans l’enregistrement.

On peut également avoir des similitudes liées à une phonétique semblable.

Exemple :AXXIS© et ACSI©.

Au-delà du signe, les juges vont tenir compte du produit ou du service visé dans la demande d’enregistrement. Cela signifie que la marque pourra être rejetée si la demande porte sur un signe déjà enregistré pour un produit ou un service qui, sans être identique avec un produit ou un service visé par un enregistrement antérieur, lui est similaire.

Tout ceci est apprécié selon un certain nombre d’indices :

  • La nature;
  • La destination;
  • Ou encore la complémentarité du produit ou du service.

La similarité peut être retenue, et ce même si le produit fait partie de classes distinctes de la classification internationale.

Ce risque de confusion doit s’apprécier globalement, en considération de l’impression d’ensemble produite par les marques, compte tenu du degré de similitudes visuelles ou conceptuelles entre les signes, et du degré de similitudes entre les produits.

Pour la similarité entre les produits et les services, on a considéré par exemple que des récipients pour la cuisine et des récipients isothermes pour le transport de repas sont des produits similaires.

Exemple :Thermonet© et Thermoret©.

En droit des marques, joue également le principe de priorité unioniste, dont il faudra tenir compte pour apprécier la disponibilité de la marque. Ce droit va permettre à l’opposant du titulaire d’une marque déposée à l’étranger de déposer, dans un délai de 6 mois, d’autres dépôts de la même marque à l’étranger.

On ne pourra pas lui opposer les antériorités apparues pendant le délai de la priorité, ce que signifie que la date d’appréciation de la disponibilité du signe n’est pas la date du dépôt de la demande d’enregistrement en France, mais la date du dépôt initial fait à l’étranger.