La distinction entre obligation de moyens et de résultat

LA FAUTE OU INEXÉCUTION CONTRACTUELLE

La mise en œuvre de l’action en responsabilité contractuelle suppose l’existence d’une faute contractuelle. Le non-respect des engagements contractuels est constitutif d’une faute susceptible de donner lieu pour la victime à l’allocation d’une réparation pécuniaire.

Il s’agit de la Transgression d’une Obligation contractuelle préexistante. Obligation prévue dans le contrat ou Obligation imposée aux parties (par la loi ou Jurisprudence). Elle va varier selon le contenu de l’obligation.

I/ DISTINCTION DES OBLIGATIONS DE RÉSULTAT et DES OBLIGATIONS DE MOYENS

A_ ORIGINE ET CONTENU DE LA DISTINCTION

Distinction née d’une difficulté de concilier 2 textes apparemment contradictoires du Code civil : art 1137 et 1147.

Art 1137: il y a faute quand on ne se comporte pas comme un bon père de famille.

Art 1147: on est responsable en cas d’inexécution d’une Obligation contractuelle.

Pour beaucoup d’auteurs, il y aura là une opposition. L’article 1137 exigeant la preuve d’une véritable faute, le second permettrait de déduire la faute du simple constat d’une inexécution contractuelle. Disent que cela ne résulte pas du même type de manquement. Article 1137: manquement à des OBLIGATIONS de moyens et article 1147: Obligation de résultats. Sorte de distribution de domaines d’application des textes.

Le 1erà faire cette distinction de principe c’est DEMOGUE (juriste 1ère½ XX), 1erarticle en 1930. Aussi grand auteur d’untraité de Droit des Obligations . Distinction reprise très vite par HENRI et LEON MAZEAUD dans les a.30 mais un peu différemment: Obligation de résultat = Obligation déterminée / Obligation de moyen = Obligation générale de conduite prudente et diligente.

Tt de suite, on voit que cette distinction en matière contractuelle correspond à la distinction en matière quasi-délictuelle.

1°) LES OBLIGATIONS DE RESULTAT

Le débiteur peut s’engager à promettre un résultat: fournir une chose, accomplir une prestation. Le créancier de l’obligation s’attend à un résultat. Ainsi, on considère que la faute résulte du seul fait que la chose promise n’a pas été réalisée.

2°) LES OBLIGATIONS DE MOYEN

Le débiteur s’oblige à mettre en œuvre certains moyens pour atteindre un résultat.Extypique: l’Obligation du médecin. Il ne s’engage pas à guérir son patient mais à le soigner. Idem pour l’avocat.

La faute ne peut plus consister en l’inobtention du résultat mais dans le fait de ne pas avoir mis (ou mal mis) en œuvre des moyens suffisants: imprudence, négligence, inattention, maladresse.. Même analyse que pour la faute quasi-délictuelle: juge devra recherche si le débiteur a eu le comportement qu’aurait eu le« bon débiteur », le « bon professionnel ». Là encore, construction d’un modèle de référence. Fait abstraction de la psychologie du débiteur. Appréciationin abstractode la faute contractuelle.

B_ INTERETS DE LA DISTINCTION

1°) CONTENU ET PORTÉE DE L’OBLIGATION CONTRACTUELLE

– INCIDENCE SUR APPRÉCIATION DE LA FAUTE

Préciser le contenu est important car s’engager à une obligation de résultat ou de moyen, ce n’est pas la même chose. La tâche du juge est différente selon qu’il y a un manquement invoqué à une Obligation de moyen ou de résultat. Il va falloir construire un modèle de référence correspondant au« bon débiteur »et faire une comparaison avec le débiteur.

2°) CHARGE DE LA PREUVE (de la faute et du lien de causalité)

C’est ce sur quoi DEMOGUE insistait tout particulièrement.

– PRINCIPES

* OBLIGATIONS DE MOYEN: la charge de la preuve de la faute incombe à la victime.

* OBLIGATION DE RÉSULTAT: incombe aussi à la victime mais tâche considérablement allégée. Bénéfice d’une quasi présomption de faute. Il faut prouver que le résultat promis, et donc attendu par elle, n’a pas été obtenu. Présomption de faute car le débiteur pourrait toujours établir que des circonstances exceptionnelles justifiaient l’absence de résultat. S’il les établissait, il pourrait renverser la présomption de faute qui pèse sur lui.

Le manquement à une obligation de résultat présume aussi accessoirement du lien de causalité entre la faute et le dommage. Lorsque le dommage coïncide avec l’absence de résultat, la victime établit le lien de causalité entre l’inexécution fautive et son dommage. En effet, le dommage correspond souvent à l’absence de résultat (sorte d’exception° en négatif). Ce n’est qu’une présomption simple, de fait.

– EXCEPTIONS

Cas hybrides. Régime en partie de l’Obligation de résultat/en partie de l’Obligation de moyens.

Quand on est en présence d’Obligation intermédiaires, la victime pourra se prévaloir de l’absence de résultat pour établir la faute. De cette absence de résultat, elle ne pourra déduire qu’une simple présomption de faute. Le débiteur sera autorisé à prouverpar tout moyenqu’il a eu une attitude hors de tout reproche. Renversement de la preuve assez facile (ici, pas besoin de circonstance exceptionnelles > rare, difficile, le plus souvent impossible).

En doctrine, noms divers donnés à cette catégorie intermédiaire (révèle bien son hybridité) =obligation de résultat atténuéeouobligation de moyen renforcée. Certaines sontprévues par la loi:

– Art 1732 Code civil concerne la responsabilité du locataire d’un bail. En cas de dégradation ou de perte de la chose louée, le preneur est responsable Mais le preneur peut établir qu’il n’a commis aucune faute.

Art 1784 Code civil : le transporteur qui perd la chose transportée ou ne la conserve pas correctement est responsable. Il a une Obligation de résultat. Si perte ou dégradation, on présume la faute mais il peut prouver le contraire.

Prévues par la Jurisprudence :

– les OBLIGATIONS de restitution. Même analyse que pour le transporteur. Si chose non restituée ou restituée en mauvaise état, la faute est établie. (En matière de véhicule confié à un garagiste, la Jurisprudence fait application de cette solution).

(2) CRITIQUES distinction obligation résultat/moyens:

> Absence d’homogénéité des catégories. On considère en effet qu’elles peuvent contenir des OBLIGATIONS très variables alors qu’elles vont être rangées dans la même caté.

> Trop grande relativité. Tout un tas d’Obligation qu’on n’arrive pas à placer dans l’une ou l’autre caté. Amène la création d’une catégorie intermédiaire.

Malgré cela, la distinction de DEMOGUE demeure et est toujours exprimée dans les ouvrages. La Jurisprudence y est extrêmement attachée. Elle est passée dans le langage courant ce qui montre son impact.

II/ CRITÈRES DE DISTINCTION

On peut se référer à la volonté exprimée des parties mais le font rarement. 2èmedifficulté: d’assez nombreuses OBLIGATIONS sont imposées aux parties par la loi et la Jurisprudence. Du coup, parties ne s’expriment pas dessus car elles ne les ont pas prévues. Loi ou Jurisprudence ne précisent pas la nature de ces OBLIGATIONS. Si la volonté n’est pas exprimée, la doctrine fait référence à des critères objectifs.

UN critère dégagé (non suffisant) puis une série de critères.

A_ CRITERE TIRE DE L’ANALYSE DE L’OBJET DE L’OBLIGATION

En vérité, ce critère se fonde sur l’objet de l’Obligation, sur la raison, sur la nature des choses et qui va permettre d’induire la volonté probable des parties. Selon ce critère, sont de résultat les OBLIGATIONS dont l’exécution de la prestation n’est pas susceptible de degrés, c’est à dire les OBLIGATIONS pour lesquelles on ne conçoit pas que le débiteur puisse s’engager seulement à faire son possible. 3 grandes espèces d’Obligation qui existent:

  • LES OBLIGATIONS DE DONNER: transfert d’un droit réel. On s’oblige donc à une obligation de résultat. C’est l’objet même de l’Obligation qui induit la qualification d’obligation de résultat! Le contraire est inconcevable.
  • LES OBLIGATIONS DE NE PAS FAIRE: inconcevable de s’engager à ne pas faire quelque chose de temps en temps. L’abstention n’est pas susceptible de degré.
  • LES OBLIGATIONS DE FAIRE(95%). Les choses sont plus compliquées. Certaines sont incontestablement des OBLIGATIONS de résultat, mais sont peu nombreuses.Ex: s’engager à livrer une chose.

Difficulté: les OBLIGATIONS de restitution. Si on l’envisage isolément, ce sont des OBLIGATIONS de résultat. Le problème, c’est qu’on ne peut restituer que ce qu’on a conservé! Or, l’Obligation de conservation est une obligation de moyen: prendre certaines précautions pour que la chose que l’on nous a confiée soit restituée le moment venu. Voilà pourquoi l’Obligation de restituer a un régime hybride. Le débiteur de cette restitution pourra prouver qu’il n’a commis aucune faute dans la conservation de la faute et renverser la présomption de la faute. Pour les autres OBLIGATIONS de faire, on ne peut pas,a priori, par le seul examen de la prestation promise, qualifier Obligation de résultat/ moyen. Il faut recourir à d’autres critères pour qualifier l’Obligation…

B_ CRITERES FONDES SUR L’EXAMEN DES CIRCONSTANCES DE L’EXECUTION

2 critères dégagés, distincts mais se regroupent assez largement. Sonta prioriobjectifs.

– LES 2 CRITÈRES

* L’ALÉA DANS L’EXÉCUTION

Souvent, le résultat de l’exécution n’est pas assuréa priori, dépend des circonstances: il y a un aléa dans l’exécution. Dans ce cas, vraisemblablement le débiteur n’a pas pu s’engager à un résultat mais seulement à mettre en œuvre des moyens.

Au contraire, absence d’aléa = Obligation de résultat.

> L’aléa fait partie intégrante de l’activité médicale. Du coup, pas possible de s’engager à une Obligation de résultat.

> Une personne dont le métier est de transporter des voyageurss’oblige à un résultat.Engagement d’un transport d’une ville à l’autre plus arrivée à l’heure saine et sauve. L’aléa n’est pas une raison suffisante: il est réduit, trop faible. Le créancier lui-même s’attend à un résultat (arriver à l‘heure). Autrement dit, il n’accepte pas la petite part d’aléa irréductible qui subsiste.

* RÔLE (ACTIF OU PASSIF) DU CRÉANCIER dans L’EXÉCUTION

Lorsque le créancier a un rôle actif, le débiteur ne s’engage qu’à des moyens. Rôle passif > engagement à un résultat par le débiteur. En fait, ce critère chevauche assez facilement le précédent. Ce rôle actif du créancier va insérer une certaine dose d’aléa car le débiteur ne maitrise pas tout.

Au contraire, quand le créancier est purement passif, c’est le débiteur qui a l’entière maitrise de l’exécution et de l’activité qu’il faut déployer donc l’aléa est généralement plus réduit. Dans ce cas-là, le débiteur s’oblige à un résultat. La Jurisprudence va s’appuyer sur ces 2 critères confortés par le critère du rôle du créancier dans l’exécution.

– APPLICATIONS (OBLIGATION DE MOYENS)

*obligations de soin: professions médicales et paramédicales. S’expliquent par l’aléa irréductible lié aux incertitudes de la science et aux mystères du corps humain.

*obligations d’information et de conseil: notaires, avocats, architectes et autres prof libérales. Réserve importante: exigence de l’exactitude des informations données (= Obligation de résultat).

*obligations de sécurité: le plus souvent sont des OBLIGATIONS de moyen, à la fois en raison de l‘aléa de l’exécution et du rôle actif du créancier de l’obligation.

> Les organisateurs de jeu, de manifestations sportives…

> Parfois, Jurisprudence retient une Obligation de sécurité lourde quand l’activité est dangereuse: organisateur de sports dangereux (Obligation de sécu, de moyen renforcée = Obligation intermédiaire). La faute tend à être présumée.

> Les personnes qui exploitent les établissements recevant une clientèle (établissements de spectacle, ciné, théâtre, hôteliers…) = tenues d’une Obligation de sécurité de moyens.

> Les organisateurs de séjours de vacances (colonies, club de vacances pour adultes). Il faut prouver une faute, une imprudence, un manque de précaution de l’organisateur. Lorsqu’ils organisent des activités dangereuses, l’Obligation de moyen est renforcée (elle l’est de manière générale à chaque fois qu’il y a un danger).

> Établissements d’enseignement, endroits où se déroulent des activités éducatives (centres d’éducation pour ados..). Faudra prouver la faute de l’exploitant (Obligation de moyen).

*obligations de surveillance: des personnes et des biens. Pèsent généralement sur babysitteurs, établissements psychiatrique… dans certains arrêts, la Jurisprudence a considéré que pour les enfants en bas âge, l’Obligation de surveillance se transforme en Obligation de garde (Obligation de moyen renforcée au minimum, proche d’une Obligation de résultat).

  • Les contrats à titre gratuit: Jurisprudence essaie d’ê indulgente à l’égard des débiteurs. Ne sont tenus qu’une Obligation de moyen.

– APPLICATIONS (OBLIGATION DE RESULTAT)

Quelques Obligations de faire:

* obligations de livraison. Chose livrée et sans vice.

* toute Obligation de réaliser un ouvrage quel qu’il soit (bâtiment, mobilier).

* Est une Obligation de résultat une prestation de service relative à une chose. Cas de tout cx qui réparent des choses, qui ont des OBLIGATIONS d’entretien/de maintenance relative à une chose… Obligation de résultat car l’aléa est faible et subjectivement, n’est pas accepté par le créancier (attend une prestation impeccable).

A côté des OBLIGATIONS de faire:

*Les OBLIGATIONS de sécurité: des transporteurs (de choses, de personnes). S’il y a des dégâts, la responsabilité du transporteur de plein droit est engagée. Obligation liées à la maitrise totale des opérations, rien ne doit arriver.

Certaines activités sportives qui comportent un déplacement et exposent à certains risques particuliers.Ex: l’exploitant d’un télésiège, d’une piste de bob-luge, de jeux forains type auto-tamponneuses… L’obligation est de résultat (il y a des risques). Je connais les risques mais je ne les accepte pas pour autant. L’exploitant a la maitrise et doit avoir pris ses précautions.

– Parapente biplace. L’Obligation de sécurité est de résultat (en dehors phases de débarquement/embarquement).

Les exploitants de sport dangereux dans le cadre de stage/ club de vacances: pas mal d’arrêts sur la plongée sous-marine. Si un accident survient, l’Obligation du club est de résultat car s’agit d’une activité à haut risque. On observe que le créancier a pourtant un rôle très actif.PRINCIPE: la plupart des OBLIGATIONS de sécurité sont des OBLIGATIONS de moyens.