La diversité des fautes de l’article 1240 du code civil

Les différents types de fautes engageant la responsabilité du fait personnel (article 1240 du code civil)

L’article 1240 du code civil dispose que “Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer” .Lorsqu’une personne estime avoir subi un préjudice, elle peut invoquer la responsabilité civile délictuelle de l’article 1240 du Code civil. La mise en œuvre de ce régime de responsabilité suppose « un fait quelconque », autrement appelé fait générateur ou faute. Peut-on commettre une faute d’abstention? Peut on commettre une faute non intentionnelle, une faute dans le cadre du sport…?

Il n’existe pas de définition légale de la faute : le fait générateur du dommage est apprécié au cas par cas par les juges, qui se fondent sur la notion d’écart de conduite, de violation d’une règle ou d’abus de droit.

Pour plus d’information sur la responsabilité du fait personnel et notamment les éléments constitutifs de la faute : https://www.cours-de-droit.net/l-article-1240-du-code-civil-la-responsabilite-du-fait-personnel-a148585852

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A – Les grandes distinctions traditionnelles

1°) Les fautes intentionnelles et non intentionnelles

Correspond à la distinction entre délit et quasi délit.

Le délit vise à rechercher le dommage (article 1240),

alors que le quasi délit est une faute de négligence, d’imprudence, etc. En principe elle est régie par l’article 1241 du code civil : « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».

La loi va tenir compte de ces distinctions dans certains cas.

La faute intentionnelle n’est pas assurable, article L113-1 al 2 Code des assurances.

Dans le cadre de la loi du 05/07/1985, la cause intentionnelle, la recherche du dommage, est le seul moyen d’exclure le droit à réparation d’une victime super-privilégiée (mineur de seize ans, majeur de + de 70 ans, plus invalides au moins égal à 80%).

2°) Entre les fautes d’abstention et d’actions

Un préjudice peut cependant naître tant d’une action que d’une abstention.La faute des articles 1240 et 1241, peut donc être :

une action

une abstention. La faute d’abstention consiste à ne pas faire ce que l’on aurait du faire. Ici nous pouvons invoquer un adage de Loisel : « qui peut n’empêche, pêche ». Cette faute distingue de la faute de l’action qui consiste à faire ce que l’on n’aurait pas dû faire. Ces fautes traduisent un comportement défaillant qui renvoie à l’élément matériel de la faute. Terrain de l’élément légal.

Voici la position de la juriprudence (affaire Branly Civ., 27 février 1951, arrêt BRANLY)

Affaire Branly: Dans cet arrêt la cour de cassation a énoncé que la faute prévue par les articles 1382 et 1383 (désormais 1240 et 1241) peut consister aussi bien dans une abstention que dans un acte positif.

o Les faits: Cet arrêt est à propos d’un historien, Turpin, qui avait été sollicité par un magazine pour retracer l’histoire de la TSF. Il est condamné pour avoir volontairement omis, dans cet ouvrage sur la TSF, d’énoncer le nom de Branly, un scientifique à l’origine de l’invention, à cause d’un différend politique entre les deux hommes. Branly est connu et généralement associé à l’invention de la TSF. Branly assigne alors Turpin en responsabilité. Branly décédera pendant l’instance et ses héritiers prendront la suite (ici abstention dans l’action).

o Question : Est-ce que omettre Branly est constitutif d’une faute source de responsabilité civile ?

o La cour d’appel à répondu par la négative en estimant que Turpin n’as pas agi de mauvaise foi et qu’il n’avait pas l’intention de nuire à Branly, donc la Cour d’Appel ne retient pas la responsabilité de Turpin. Ce que va reconnaître la cour de cassation, en estimant qu’en sa qualité d’historien, Turpin avait un devoir d’objectivité. La cour de cassation casse l’arrêt au motif que la CA n’a pas recherchée si Turpin s’était comporté comme un écrivain ou comme un historien prudent, avisé, et conscient des devoirs d’objectivité qui lui incombait.

o Turpin n’aurait il pas du justifier son point de vue sur la participation ou non a l’invention de la TSF de Branly.

o La cour de cassation précise que l’abstention peut être fautive, ensuite elle précise que l’abstention même non dictée par l’intention de nuire peut engager la responsabilité de son auteur lorsque le fait omis devait être accompli soit en vertu d’une obligation légale, réglementaire ou conventionnelle, soit dans l’ordre professionnel.

Apres Branly la cour de cassation estime que l’omission ne peut entrainer responsabilité d’autant qu’il y avait pour celui qui s’est abstenu une obligation d’agir. Cependant lorsque l’obligation n’est pas légale, professionnelle ou réglementaire, on pourrait considérer que fautif si intention de nuire (raisonnement a contrario)

La doctrine :

On a longtemps pensé que l’abstention ne pouvait être considérée comme faute en vertu du principe de liberté individuelle qui implique le fait d’être libre de ne pas agir.

La controverse doctrinale actuelle consiste à distinguer l’abstention dans l’action et l’abstention pure et simple.

o Il y a abstention dans l’action lorsqu’une personne est en train d’agir et qu’elle s’abstient d’une action.

o Abstention pure et simple lorsque celle ci n’est reliée à aucune action positive.

Certains auteurs estiment qu’il faut assimiler totalement abstention et omission.

Pour d’autres auteurs, le caractère fautif de l’abstention pure et simple n’est pas du tout évident, puisque cela consiste seulement à rester passif devant une situation que l’on aurait pu modifier. Pour ces auteurs, admettre le caractère fautif de l’abstention pure et simple serait de porter atteinte à la liberté individuelle. Dans cette hypothèse d’une abstention pure et simple, nous n’aurions pas de lien de causalité. Si l’auteur de l’abstention n’avait pas été là, le dommage se serait tout de même produit. Cependant s’il avait agi le dommage ne se serait pas produit. Il se dégage de l’attendu de la cour de cassation deux hypothèse. Lorsqu’il existe une obligation légale réglementaire ou pro d’agir, l’abstention est fautive.

3°) Entre les fautes en violation d’un droit ou dans l’exercice d’un droit

On sait qu’une Faute peut avoir lieu lorsqu’on méconnait un loi, en violation d’un droit = faute en contrariété avec la loi.

Mais Est ce possible dans le même temps d’exercer son droit et de commettre une faute ? La théorie de l’abus de droit à été consacrée par l’arrêt de la chambre des requêtes du 03/08/1915 rendu dans l’affaire Clément Bayard.

Faits : un homme établit sur la limite de sa propriété des carcasses de bois surmontées de piquets de fer. Ce dispositif gène son voisin, qui possède des ballons dirigeables, et dont l’un a été endommagé. Ce même voisin l’attaque en justice pour abus de droit de propriété et souhaite obtenir réparation

Procédure et prétention des parties : L’homme dont le ballon a été endommagé assigne son voisin en justice et demande réparation de son préjudice. La cour d’appel a établit que ces carcasses surmontées de piques n’avaient aucun intérêt pour le propriétaire, qu’il y avait une intention de nuire au voisin, et un abus de droit de propriété. Coquerel, forme un pourvoi en cassation, car il refuse de payer l’amende dont il a été assigné, de ce fait il invoque l’article 544 et donc son droit absolu à la propriété. Il défend que par son droit absolu à la propriété, il peut construire ce qu’il veut tant que cette construction est sur son terrain.

Est ce qu’une faute a été commise dans l’exercice du droit de propriété. ?

Solution : La cour de cassation rejette le pourvoi au visa des articles 544 et s. du Code civil concernant les règles de propriété, et article 1382 du Code civil, et violation de l’article 7 de la loi du 20 avril 1810, la construction n’était d’aucune utilité à Coquerel donc que cette construction n’avait pour but que de nuire à Clément-Bayard, cependant il n’est pas démontré que le dispositif a causé jusqu’à ce jour un dommage au voisin, la Cour rejette donc le pourvoi.

Conclusion : il est Possible de commettre une faute dans l’exercice d’un droit.

Si la plupart des droits sont susceptibles d’abus, tout les droits ne le sont pas, il en est ainsi des droits discrétionnaires dont l’abus n’est pas envisageable.(exemple : le droit de vote, le droit de défendre sa propriété contre un empiétement.

Comment déterminer l’abus ? Plusieurs critères proposés,

critère fonctionnel ou finaliste, ce critère à été proposé par Josserand, selon lui, une personne abuse de son droit lorsqu’il l’exerce contrairement à sa destination sociale (exercice anti social d’un droit),

le second critère est lié aux résultats, il y a abus lorsqu’il y a dommage excessif.

Et enfin le critère psychologique, c’est à dire l’intention de nuire. Il y a droit lorsque celui-ci est exercé dans le but de nuire à autrui. Critère utilisé dans l’affaire Clément Baillard.

B – La diversité des fautes

1°) La Faute sportive

Elle fait l’objet d’une appréciation particulière en droit civil. La jurisprudence à été amenée à définir la faute sportive comme une violation des règles du jeu.

Un comportement qui serait dans l’absolu constitutif d’une faute mais non contraire aux règles du jeu ne sera pas considéré comme fautif.

Un comportement sera contraire aux règles du jeu sera considéré comme fautif.

Le juge civil n’entend pas se laisser dicter sa conduite par un arbitre et s’estime seul compétent pour apprécier l’existence d’une faute sportive, ainsi il ne s’estime pas tenu par les décisions de l’arbitre.

Civil 2eme chambre 10/06/2004. Un juge peut retenir une faut civile alors même qu’un arbitre aura refusé d’y voir une faute et inversement.

L’indépendance du juge par rapport à l’arbitre est critiquable et satisfaisant.

o Satisfaisant parce que le juge peut suppléer à la carence de l’arbitre.

o Critiquable parce que le juge n’est pas expert et n’est pas nécessairement sur place.

Notion d’acceptation des risques. C’est l’idée qu’en certaines circonstances, la victime s’est livrée en connaissance de cause à une activité qui génère des risques particuliers. Les joueurs sont censés n’accepter que les risques normaux, conséquences d’actes volontaires commis en infraction aux règles du jeu ou manifestant une agressivité ou une déloyauté contraire à l’esprit du jeu. L’acceptation des risques ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de la responsabilité pour faute. Le seuil d’appréciation des risques est reculé.

Seconde manière, se focaliser sur le référentiel d’appréciation, ici le référentiel est un modèle abstrait de joueur respectant les règles du jeu.

2°) La faute dans le cadre de la liberté d’expression

La Loi du 29/07/1881 pose le principe de la liberté d’expression tout en encadrant certains abus. Comment articuler cette loi avec l’article 1240 du Code civil. Est-ce qu’une victime, lorsque l’abus de la liberté d’expression à été commis, la victime a-elle le choix entre la loi de 1881 et l’article 1240 ?

Deux positions de la doctrine :

Doyen Carbonnier: Loi de 1881 à instauré un champ clos qui exclue toute autres sanctions que celles prévues par la loi. Dès lors que l’abus commis est prévu et sanctionné par la loi, seule cette dernière peut s’appliquer.

Autre partie de la Doctrine : Possibilité d’agir sur 1240 tant pour les faits incriminés par 1881 que pour les faits qui ne le sont pas. Recours au droit commun.

La jurisprudence :

La Cour de cassation à décidé que dans un premier temps elle acceptait les demandes sur le fondement de l’article 1240 mais lorsque les faits étaient incriminés par la loi de 1881, la cour de cassation appliquaient les règles procédurales de cette loi, elle estimait que le recours a 1240 ne pouvait permettre d’éluder les règles procédurales spécifiques édictées par loi de 1881.

Dans un second temps, l’Assemblée Plénière est intervenue dans deux arrêts du 28/07/2000,

o Premier arrêt: Elle a énoncé que les abus de la liberté d’expression qui sont prévus et réprimés par la loi de 1881 ne peuvent êtres réparés que sur le fondement de cette loi (maintenant une victime n’as plus le choix, si l’abus est prévu et réprimé par la loi de 1881, une victime ne peut engager une action sur le fondement de l’article 1240 du code civil.)

o Second arrêt: aspect de la liberté d’expression qu’est la caricature, celle ci ne fait l’objet d’aucune incrimination par la loi de 1881. Cet arrêt met un terme à l’affaire des guignols. (PDG caricaturé par les guignols, dévalorisation de sa marque etc…). L’intention de nuire n’est pas une condition de l’article 1240. Le caractère outrancier, provocateur et renouvelé des propos entaient constitutifs d’une faute. Responsabilité de l’émission.

§ Critiquée pour 3 raisons.

· Cette solution aboutirait à un résultat paradoxal puisque les lacunes de 1881 deviendraient un espace de liberté. Cet espace de liberté serait sévèrement limité si l’on pouvait recourir à 1240.

· Introduction d’une restriction sévère à l’égard des modes d’expression humoristique puisque reproche à la cour de cassation de non prise en compte du contexte de l’émission.

· Il existe Traditionnellement 3 limites à la caricature: l’intention de nuire, l’atteinte à la dignité humaine, l’atteinte aux sentiments intimes.

La Cour d’appel de renvoi à résisté. Elle a Mis en avant que les propose données à la marionnette s’inscrivait dans le cadre d’une émission satirique, de fait il ne pouvait pas être dissociés de la caricature du PDG. Aucun risque de confusion entre la réalité et l’œuvre satirique créée.

Enfin, L’assemblée plénière du 28/07/2000, par cet arrêt, l’assemblée plénière à rejeté le pourvoi, elle à conféré à la satire un effet justificatif qui vient reculer le seuil d’appréciation de la faute.