La durée du monopole de l’auteur sur son œuvre :
Rappel sur le droit d’auteur. L’auteur bénéficie sur son œuvre de deux types de prérogatives :
- de droits “moraux” : l’auteur peut ainsi s’opposer à une divulgation de son œuvre qui serait faite sans son consentement, à une utilisation qui dénaturerait son œuvre ou encore revendiquer que son nom soit mentionné. Ce droit moral est perpétuel et l’auteur ne peut pas le céder
- de droits “patrimoniaux” qui permettent à l’auteur d’une œuvre d’interdire ou d’autoriser l’utilisation de cette œuvre et de percevoir, dans ce cas, une rémunération en contrepartie. Le droit patrimonial dure jusqu’à 70 ans après la mort de l’auteur ou après la divulgation si l’oeuvre appartient à une personne morale (société, association).
Le droit patrimonial est un droit de propriété qui a la particularité d’être temporaire. La raison en est c’est que le droit de la propriété intellectuelle vise à favoriser la création en accordant une prérogative extraordinaire pour les auteurs, à savoir un monopole. Mais il est logique qu’au bout d’un certain temps ce monopole cesse et ne serve pas à enrichir des héritiers qui n’ont jamais connu l’auteur. Aussi la loi limite-t-elle le monopole à la durée de 70 ans après le décès de l’auteur. La question de cette durée appelle des précisions, mais aussi des éclaircissements quant au point de départ du délai pour les œuvres créées à plusieurs, ainsi que pour les règle successorales applicables.
La durée de la protection du droit d’auteur :
Précisions quant à la durée :
Il y a quelques années la durée était de 50 ans et non de 70 ans. C’est la loi du 3 juillet 1985 qui a porté à 70 ans la durée de protection pour les œuvres musicales. Puis, en 1997, on a transposé une directive européenne de 1993 et désormais toutes les œuvres bénéficient du délai de 70 ans (art 123-1). La prolongation des délais pose bien évidemment des questions d’application dans le temps de la loi nouvelle, difficultés qui sont réglées en partie par les dispositions transitoires prises par le législateur. Le mélange des textes aboutit parfois à des résultats surprenants : par exemple les œuvres de Monet sont tombées dans le domaine public (elles peuvent donc être librement jouées et utilisées) avant celles de Puccini, alors que Monet est décédé en 1926 et Puccini en 1924.
Mais pour beaucoup d’œuvres il faut ajouter au délai de 70 ans les périodes dites de guerre. Pendant les deux guerres mondiales les œuvres n’ont pas pu être exploitées normalement, d’où une faveur du législateur qui a prolongé à deux reprises les délais (art L 123-8 et 123-9 du CPI), le sens de ces dispositions donnant parfois lieu à des interprétations différentes, tant et si bien que les plaideurs ne sont pas toujours d’accord sur le nombre de jours qu’il faut ajouter au délai légal.
L’ajout de périodes de guerre fait l’objet de controverses. Certains auteurs soutenaient que la directive européenne ayant pour but d’harmoniser la durée il est aberrant de continuer à additionner les périodes de guerre à la durée légale, car cela est contraire à la volonté d’uniformisation. A quoi il est répondu par la jurisprudence dominante que le législateur n’ayant pas abrogé les périodes de guerre, il convient, in favorem pour les auteurs, de les conserver. Finalement la cour de cassation a jugé, contre la jurisprudence dominante des cours d’appel, que, en principe les périodes de guerre[9] ne se cumulent pas mais s’imputent sur la durée légale.
La question du point de départ du délai :
Laissons de côté la question, marginale, des œuvres anonymes, pseudonymes, posthumes (article L 123-3 et 4 du CPI).
Pour les œuvres de collaboration comment déterminer le point de départ ?On tient compte de la mort du dernier survivant des coauteurs. Donc une œuvre de collaboration risque d’être protégée plus longtemps qu’une oeuvre simple ; pour les œuvres audiovisuelles on prend en compte la mort du dernier des vivants des collaborateurs suivants (art L 123-2 du CPI) : l’auteur du scénario, l’auteur du texte parlé, l’auteur des compositions musicales spécialement réalisées pour l’œuvre, le réalisateur principal. En revanche pour les œuvres collectives ce sera beaucoup moins car le point de départ est la divulgation de l’œuvre au public.
Les règles successorales :
Le point de départ étant le décès de l’auteur seuls ses héritiers bénéficient en fait du délai de 70 ans. C’est dire qu’il fallait prévoir la transmission par héritage : elle suit les règles du droit commun.
L’article L 122-9 du CPI règle le cas de l’abus d’usage ou de non usage des droits d’exploitation des représentants de l’auteur décédé. Le tribunal de grande instance est alors compétent pour faire plier le récalcitrant.