La faute de mise en danger délibérée, une faute non intentionnelle
L’ancien code pénal présentait une lacune puisqu’il n’attachait aucune conséquence particulière au dol éventuel, c’est-à-dire lorsqu’une personne prend délibérément un risque qui peut aboutir à un résultat qu’elle n’a pas voulu.
Ce comportement est moins grave qu’une véritable faute intentionnelle. Ce comportement est plus grave qu’une simple infraction d’imprudence. C’est pourquoi l’alinéa 2 de l’article 121 – 3 est venu viser la mise en danger délibérée de la personne d’autrui, que l’on rencontre en matière de délit.
Cette faute est aujourd’hui définie de façon unifiée. Le code pénal de 1992 lui avait attribué un double rôle, et depuis la réforme de la loi Fauchon du 10 juillet 2000, cette faute fait encore jouer un troisième et nouveau droit.
I – La nature de la faute de mise en danger délibérée.
Cette faute n’est pas définie, on trouve sa définition dans les textes d’incriminations qui mettent en œuvre cette faute. Jusqu’à la loi fauchon il existait des différences de rédactions non négligeables entre ces textes. La loi Fauchon a simplifiée la question car elle a harmonisé la question sur la base la plus restrictive qui est celle du délit de risque causé à autrui, le délit de l’article 223 – 1. D’après cette définition cette faute est la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.
On doit être en présence d’un manquement à une obligation prévue par la loi ou le règlement. Ce texte réglementaire doit être entendu au sens constitutionnel du terme, c’est-à-dire comme un texte général et impersonnel, pris par une autorité publique. Un décret ou un arrêté. A contrario, des règles purement sportives ou déontologiques, non reprises par décret ou le règlement intérieur, ne sont pas des règlements au sens constitutionnel du terme. Leur violation ne permet pas de conclure à l’existence d’une faute délibérée.
Depuis 2000 le texte doit imposer une obligation particulière de sécurité ou de prudence. La réglementation sur la sécurité du travail par exemple. La difficulté a été de savoir ce qu’est une obligation particulière de sécurité ou de prudence, donc le caractère de cette obligation.
L’obligation particulière c’est celle qui impose un modèle de conduite circonstancier, la conduite à adopter dans telle ou telle situation.
Par exemple, un capitaine embarque 112 passagers en surnombre, qu’elles étaient les obligations particulières violées ? Insuffisance de nombre de place et de brassières de sauvetages, réglementation particulière maritime.
Contre exemple, on peut dire qu’on est en présence d’une obligation générale, lorsque le texte laisse à son destinataire toute liberté d’appréciation du moyen à mettre en œuvre. Arrêt Chambre Criminelle du 25 juin 1996, obligation faite aux maires de prévenir et de faire cesser tous les évènements de nature à compromettre la sécurité des personnes. C’est une obligation seulement générale, il est libre de définir les moyens pour parvenir à respecter cette obligation.
Autre exemple, avec l’obligation pour le préfet de surveiller la qualité de l’air, il a toute liberté pour apprécier les moyens à mettre en œuvre.
Il faut être en présence d’une transgression manifestement délibérée. Il faut établir que cette violation était volontaire intentionnelle. Cette exigence est source de confusion.
Il ne faut pas confondre la nature de la violation, et la nature de la faute pénale. Ce n’est pas parce que la violation doit être manifestement délibérée que l’on est en présence d’une faute intentionnelle, la faute délibérée reste une faute non intentionnelle.
Cette exigence conduit les juges à une motivation particulière pour caractériser la violation. La plupart du temps le caractère manifestement délibéré résulte du renouvellement de la transgression, on a eu une transgression répétée, sauf lorsque cela ne fait aucun doute.
Par exemple, le fait de brûler un stop ne suffit pas à établir le caractère délibéré de l’infraction. En revanche quelqu’un qui brûle une série de feux rouge établira le caractère manifestement délibéré. Par exemple un arrêt du 22 juin 2005, le passage d’une voiture tire le frein a main alors que la conductrice est en train de dépasser un camion.
II – Le régime de la faute de mise en danger délibérée.
Le rôle de la faute n’est pas le même selon qu’il y a eu ou pas dommage.
— La faute de mise en danger en présence d’un dommage.
Le risque qui avait été pris s’est réalisé. Il faut alors retenir la qualification qui correspond au dommage qui a été causé. En outre la faute de mise en danger délibérée joue alors le rôle d’une circonstance aggravante par rapport au même dommage causé par une faute d’imprudence ordinaire. C’est ce que l’on trouve en matière de blessure et d’homicide. Les textes prennent en compte cette circonstance aggravante.
Par exemple l’homicide involontaire avec faute d’imprudence est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45 milles euro d’amende. Ce même homicide sur la base d’une faute délibéré sur la base de l’article 221 – 6 al 2 de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euro d’amende. Si s’ajoute à cette faute de mise en danger une autre circonstance aggravante, on passe à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euro d’amendement, article 221 -6 – 1.
Quand on est dans ce cas il ne peut pas y avoir cumul avec le délit de risque causé à autrui de l’article 223 – 1 du code pénal. Le délinquant sera réprimé sur la base de l’homicide involontaire. La chambre criminelle a rappelé cette comptabilité dans un arrêt du 11 sept 2001.
— La faute de mise en danger délibéré en l’absence de dommage.
Depuis le nouveau code pénal la faute de mise en danger délibérée est prise en considération comme l’élément moral d’une nouvelle infraction qui est le délit de risque causé à autrui, de l’article 223 – 1. Ce délit est une création du nouveau code pénal, l’article 223 – 1 puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euro d’amende le fait d’exposer directement autrui a un risque immédiat de mort ou de blessure dans le but d’entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la commission d’une faute de mise en danger délibéré.
La faute délibérée doit avoir exposé autrui à un risque.
La répression se situe en amont d’un éventuel dommage, on puni le délinquant pour avoir exposé autrui à un risque très grave, puisque c’est un risque immédiat de mort, de blessure, d’où doit résulter une mutilation ou une infirmité permanente.
Ce risque ne se déduit pas de la seule transgression particulière de sécurité ou de présence, par exemple il ne se déduit pas de quelqu’un qui se conduit sans permis. Il ne se déduit pas du seul dépassement de la vitesse autorisée.
La chambre criminelle dans un arrêt du 19 avril 2000 a décidé que le fait de rouler à 200 Km/H ne constitue pas en soit le délit de risque causé à autrui et elle a ajouté qu’il faut que s’y ajoute un comportement particulier exposant autrui à un risque immédiat.
Elle a en revanche considéré que le fait de faire la course à trois voitures un dimanche après midi dans une cité où jouent des enfants constitue un délit de risque causé à autrui.
Il n’est pas nécessaire que les victimes de risques soient identifiées ou même identifiable. Le risque doit avoir été direct. Il faut s’interroger sur le lien de causalité.
Le lien de causalité entre la faute et le risque ne peut pas être présumé. Il doit donc être établi, prouvé, la chambre criminelle l’a dit dans un arrêt du 16 février 1999, sur un moyen relevé d’office. Le prévenu peut toujours essayé de contester ce lien de causalité. Par exemple dans un arrêt du 11 février 98, ou le capitaine embarque 112 passagers en trop, le capitaine disait qu’il y avait de bonnes conditions météorologiques. La chambre criminelle a considéré que les conditions météo favorables ne sauraient exclure la survenance d’une collision, d’une avarie mécanique ou d’un incendie. Il y avait bien lien de causalité en dépit des bonnes conditions météo.
La faute de mise en danger délibéré constitue à elle seule l’élément moral du délit autonome de l’article 123 – 1. La jurisprudence décide qu’il n’est pas nécessaire que le délinquant ait eu connaissance, ni même conscience, de la nature du risque qu’il prenait, arrêt du 16 février 1999.
Ces deux rôles ont un point commun, c’est de durcir la répression. En revanche la loi Fauchon, du 10 juillet 2000, est venue faire jouer à la faute de mise en danger délibérée un troisième rôle qui est en sens opposé. Il est au contraire dans le sens de l’allègement de la répression, mais cet allègement ne bénéficie qu’aux personnes physiques et non pas morales à qui est reprochée une infraction non intentionnelle et uniquement en cas de causalité indirecte, entre la faute et le dommage.
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