La fonction de juridiction d’appel de la chambre de l’instruction

La fonction de juridiction d’appel de la chambre de l’instruction

La chambre de l’instruction est une chambre particulière de la Cour d’appel et a donc des fonctions d’appel. Elle connaît donc de l’appel contre les ordonnances du juge d’instruction et du juge des libertés et de la détention. La chambre de l’instruction doit statuer dans les deux mois de l’appel, sauf délai parfois plus court, p.ex en matière de détention provisoire : pour une ordonnance de placement en détention provisoire, le délai est de dix jours.

  • 1. Le droit d’appel contre les ordonnances

Ici, ce qui caractérise le système procédural est qu’il y a une totale rupture d’égalité entre les droits du ministère public et ceux de la partie privée. Toute l’histoire de la procédure pénale a tendu à calquer les droits des uns sur les droits des autres, mais il n’en est rien ici.

  1. Le droit d’appel du ministère public

Ce droit d’appel est de principe ; c’est un principe général de la procédure pénale. La Cour de cassation l’a dit dans une décision célèbre pour cette raison : le ministère public peut faire appel de toutes les ordonnances du juge d’instruction. C’est une formule un peu excessive car l’appel comme voie de recours ne se conçoit que comme une décision à caractère juridictionnelle. Mieux vaut dire que le procureur peut faire appel des ordonnances uniquement juridictionnelles et non administratives.

Le procureur, pour faire une déclaration en ce sens au greffe du tribunal, a un délai de 5 jours pour former cet appel à dater de la décision si l’ordonnance est conforme à ses réquisitions ou à dater du moment où l’ordonnance est portée à sa connaissance lorsqu’elle n’est pas conforme à ses réquisitions.

Le procureur général a lui-même le droit de faire appel sous 10 jours contre ces ordonnances. Cela sera une manière pour lui de contrecarrer l’opinion du procureur de la république.

  1. Le droit d’appel des parties privées

C’est un droit d’appel plus encadré par le législateur par des conditions de forme et des conditions de fond.

1) Les conditions de forme

L’appel des parties privées – mis en examen, partie civile mais pas témoin assisté –, s’agissant des conditions de forme, résulte d’une déclaration qui sera faite au greffe du tribunal. S’agissant des personnes mises en examen, cette déclaration sera faite au chef de l’établissement pénitentiaire. Les parties privées ont un délai de 10 jours à compter de la notification de l’ordonnance. Si la notification de l’ordonnance est tardive, le délai d’appel est différé. Ce délai peut être prorogé s’il expire un week-end, un jour férié ou chômé, au jour ouvrable suivant.

Si un appel est interjeté hors des délais, on ne réunira pas la chambre de l’instruction pour statuer, le président de la chambre rendant une ordonnance de non-admission de l’appel, insusceptible de recours. Mais lorsqu’un appel régulier est interjeté, le dossier sera transmis au procureur général qui va transmettre ce dossier à la chambre de l’instruction avec ses réquisitions.

2) Les conditions de fond

On trouve aussi des conditions de fond dans l’appel. C’est ici que se manifeste le sort différent qui leur est réservé par rapport au procureur. Les parties civiles ne peuvent pas interjeter appel pour toutes les ordonnances du juge d’instruction et du juge des libertés et de la détention. Le Code de Procédure Pénale contient une liste limitative des ordonnances pour lesquelles un appel des parties privées est ouvert. Le droit d’appel des parties privées est une prérogative exceptionnelle qui n’est pas susceptible d’extension. Ce caractèreexceptionnel a des conséquences.

  1. a) Le caractère exceptionnel du droit d’appel des parties privées

Ce droit d’appel est par nature limité mais il peut aussi être soumis dans certains cas à un contrôle préalable. On peut donc dire que le droit d’appel est limité et qu’il peut aussi être contrôlé dans certains cas

  • 1 Le droit d’appel limité

Ce droit d’appel limité se manifeste aussi bien pour la personne mise en examen que pour la partie civile. Le législateur a dressé une liste limitative des ordonnances à propos desquelles un appel peut intervenir. Au terme de l’article 186 du Code de Procédure Pénale, la partie privée peut interjeter appel de 6 séries d’ordonnances, étant observé que cette liste n’a cessé de s’allonger.

La personne mise en examen peut faire appel d’ordonnances qui concernent sa liberté. Cela concerne notamment les ordonnances qui ordonnent un placement sous contrôle judiciaire ou une assignation à résidence. De même que les ordonnances de refus d’une mainlevée du contrôle judiciaire, ou encore l’ordonnance qui la place en détention provisoire mais aussi celle qui prolonge la détention provisoire au-delà de l’ordonnance de renvoi refus de mise en liberté. Enfin les ordonnance quand à l’accord de la mise en liberté avec placement sous contrôle judiciaire ou assignation à résidence.

La personne mise en examen peut également faire appel des ordonnances qui statuent sur la recevabilité d’une constitution de partie civile. Elle peut aussi faire appel contre les ordonnances par lesquelles le juge d’instruction se prononce sur sa compétence. Elle peut aussi faire appel contre certaines ordonnances de règlement : l’ordonnance de mise en accusation. Il n’y a pourtant pas d’appel possible contre les ordonnances de renvoi vers un tribunal correctionnel ou un tribunal de police sauf si la cour d’assises aurait du être saisie et non le tribunal correctionnel (pour des faits relatifs à un crime). Il peut y avoir un appel contre le refus d’une décision périphérique à une ordonnance de renvoi.

Elle ne peut interjeter appel contre l’ordonnance de non-lieu, mais à l’occasion de cette décision, elle peut solliciter certaines mesures de publicité pour faire connaître ce non-lieu et en cas de refus un appel est possible.

La personne mise en examen peut aussi interjeter appel contre une décision refusant d’accorder le statut de témoin assisté. De même, il y a un appel possible contre des ordonnances en matière d’expertise qui refuse de désigner plusieurs experts par exemple.

S’agissant de la partie civile, son droit d’appel est aussi limité, car elle ne peut faire appel que contre certaines ordonnances (article 186 du Code de Procédure Pénale). On trouve donc l’appel recevable contre l’ordonnance par laquelle le juge oppose un refus d’informer ou statue sur sa compétence, ou une ordonnance de non-lieu.

Elle peut interjeter appel contre « les ordonnances qui font grief aux intérêts de la partie civile ». ce cas est potentiellement assez ouvert, car le législateur ne précise pas quelles ordonnances font grief aux intérêts de la partie civile, p.ex l’ordonnance qui fixe le montant de la consignation ; l’ordonnance déclarant recevable une autre partie civile ; l’ordonnance déclarant que les faits sont amnistiés ; l’ordonnance dans laquelle le juge d’instruction omet de statuer sur certains des faits visés dans la constitution de partie civile ; en revanche, l’ordonnance de renvoi ne fait pas grief, sauf exceptions.

  • 2 Le droit d’appel contrôlé

Pour certaines ordonnances, un droit d’appel est ouvert aux parties privées mais l’article 186-1 précise que cet appel ne sera possible qu’avec l’accord du président de la chambre d’instruction. C’est le cas pour les hypothèses de l’a. 186-1 : il faut que le président y consente

On est ici en présence d’ordonnances délicates car elles touchent à l’indépendance du juge d’instruction en tant qu’enquêteur et seraient donc propices à des manœuvres dilatoires des parties privées. On a donc cherché un équilibre entre la possibilité de faire appel par les parties privées et le bon déroulement de l’instruction.

Ce sont p.ex des ordonnances refusant une audition ou un interrogatoire ; de même, la demande était celle d’un transport sur les lieux, ou encore d’une expertise : ce sont des questions délicates, touchant au travail d’enquêteur du juge. Plus récemment, le législateur a ajouté à cette liste l’hypothèse dans laquelle le juge d’instruction a refusé de dire l’action publique prescrite. C’est un problème purement juridique mais il est rangé dans la liste de l’article 186-1 et non de 186.

  1. b) Les conséquences

En conséquence, parce que le droit d’appel est limité, il en résulte que tout appel formé contre une ordonnance qui ne figure pas dans cette liste est alors irrecevable. Là encore, le président, de sa seule autorité, rendra une ordonnance de non-admission de l’appel, en principe sans recours. Il se peut toutefois qu’une ordonnance ne figure pas dans la liste limitative du Code de Procédure Pénale et que l’appel soit recevable dans le cas d’une ordonnance complexe qui, implicitement, prend partie sur une ordonnance qui ouvre appel. Cela peut concerner une ordonnance de renvoi qui prend implicitement partie sur une question de compétence. Une telle ordonnance complexe se rattache à l’article 186.

  • 2. Les effets de l’appel

  1. L’effet suspensif

Par principe, à partir du moment où un appel a été formé contre une ordonnance du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention, la décision attaquée est suspendue. Elle ne va donc pas être immédiatement exécutée. L’exécution sera suspendue pendant le délai d’appel à l’exception du délai du procureur général. Si l’appel est formé dans les délais, il faut attendre que la juridiction ait statué.

Cela étant, il y a un certain nombre de limites à cette règle, l’ordonnance produisant immédiatement son effet. Il en est ainsi par la nature des choses pour certaines ordonnances, les « ordonnances négatives » par lesquelles le juge d’instruction refuse quelque chose, sont immédiatement effectives. Ensuite, on a vu que pour le ministère public, il y a des limites à l’effet suspensif de son appel dans certaines matières comme s’agissant de la détention provisoire : la décision de mise en liberté d’un détenu. Cette décision est immédiatement exécutée indépendamment d’un appel du ministère public, d’où l’option du référé-détention.

  1. L’effet dévolutif

Cet effet dévolutif signifie que l’appel ne va saisir la chambre de l’instruction que des points sur lesquels l’ordonnance contestée a statué. Si l’ordonnance porte sur un problème d’expertise, la chambre d’instruction n’est saisie que sur ce problème. La seule manière pour la chambre d’instruction d’élargir sa saisine, est d’exercer un pouvoir dit « d’évocation ».

Ce pouvoir d’évocation est la manière pour la chambre d’instruction d’échapper à l’effet dévolutif de l’appel. Elle peut, alors qu’elle est saisie d’un point particulier du dossier, profiter de cette saisine limitée pour dire qu’elle évoque et s’empare de la totalité du dossier

La Cour de cassation veille scrupuleusement au respect de l’effet dévolutif et rappelle régulièrement qu’à l’occasion d’un appel portant sur une ordonnance, il est interdit à l’auteur de cet appel, de soulever une question étrangère à l’objet de cette ordonnance. P.ex, à l’occasion d’un appel contre une ordonnance du juge d’instruction, l’effet dévolutif n’ayant pour conséquence la prononciation que sur cet objet, l’auteur de l’appel ne peut soulever la nullité d’une pièce.

C’est la position traditionnelle de la chambre criminelle, qui a dû être assouplie du fait de la position de la cour européenne des droits de l’homme. Dans la CSDH, il y a une disposition aux termes de laquelle tout détenu doit pouvoir faire contrôler la légalité de sa détention. Pour éviter que la France ne soit condamnée par la CEDH, la chambre criminelle a été amenée à tempérer l’effet dévolutif de l’appel et spécialement lorsque l’appel est relatif à une question de détention provisoire. Ici, la Cour de cassation a été amenée à admettre qu’à l’occasion de cet appel, le détenu ne puisse pas seulement contester les conditions de la mise en détention provisoire, mais qu’il puisse soulever l’incompétence du juge ou encore évoquer la prescription de l’action publique.