Une monarchie structurée

A la fin du 16ème siècle, le roi avait fondé des services publics en relation avec le développement de sa souveraineté et par le jeu du transfert des institutions féodales en institutions monarchiques.

La notion de fonction publique fut développée en une construction intellectuelle par un certain nombre de théoriciens du pouvoir, en particulier Charles Loyseau qui, en 1609, avait produit un petit traité >>>  » traité des offices « .

Charles Loyseau établit une distinction entre ce qu’il appelle la seigneurie et la fonction publique.

Pour Charles Loyseau, la seigneurie, est l’autorité que l’on a par soi-même, de cela, il dégage 2 catégories.

Celle qu’il appelle « la seigneurie souveraine » qui est au roi et dont celui-ci est le titulaire et l’autre seigneurie qu’il appelle « seigneurie suzeraine » qui est la dignité d’un fief. Donc, à cette seigneurie, Charles Loyseau oppose la fonction publique comme l’exercice d’autorité que l’on tient non par soi même mais par délégation du roi et comme il n’existe de délégation qu’à partir de la seigneurie souveraine, alors, la fonction publique se confond dans le service du roi et se limite aux seuls agents de la royauté.

Agents dont Charles Loyseau distingue selon que les liens sont plus ou moins forts avec la royauté.

A savoir d’une part les officiers et d’autre part les commissaires. Charles Loyseau nous donne la définition de l’office et de la commission.

– L’office est dignité avec fonction publique ordinaire de l’Etat.

– La commission est dignité avec fonction extraordinaire de l’Etat.

On le voit, office et commission sont des dignités avec signe honorifique transmis par l’exercice d’une charge tenue par délégation.

L’office et la commission se rejoignent mais l’office est ordinaire et la commission est extraordinaire.

C’est sur ce point que l’office et la commission diffèrent.

  • Plan :
  • Section 1: L’office
  • §1) Les caractères de l’office
  • A) L’élément public
  • B) La fonction publique ordinaire de l’Etat
  • §2) La patrimonialité de l’office
  • A) Vénalité
  • B) L’hérédité
  • 1) L’hérédité par étapes
  • a) La première étape
  • b) La seconde étape
  • 2) Les conséquences juridiques
  • C) Les conséquences sociales et politiques
  • 1) Ceux à qui profite cette patrimonialité
  • 2) Conséquences politiques
  • Section 2: La commission
  • §1) Les tendances générales
  • §2) Le statut juridique
  • §3) Les besoins de la monarchie

Section 1: L’office

Les caractères de l’office ont ouvert les portes de la patrimonialité de cet office.

  • 1) Les caractères de l’office

Il faut les observer à partir de la définition de Charles Loyseau.

A) L’élément public

L’office correspond à un système de fonction publique qui est délégué par l’autorité royale qui s’est énormément renforcée. Le résultat de l’évolution est un statut qui participe, par le biais d’une dépendance du roi, au redressement de son autorité. La dépendance des agents royaux ne les empêche pas de chercher à acquérir, non seulement la stabilité, mais ils cherchent à acquérir un droit à la patrimonialité. Il ressort ensuite que c’est de la permanence de l’office que se dégage son caractère inamovible.

B) La fonction publique ordinaire de l’Etat

Charles Loyseau: « cette fonction publique ordinaire de l’Etat est une dignité ». Il résume les mentalités de l’époque par lesquelles une fonction conférait nécessairement un honneur. Eu égard à l’investissement personnel dont ces agents font preuve, ces derniers cherchent à être protégés des destitutions éventuelles. Nous sommes renvoyés à l’ordonnance de Louis XI de 1467. Cette ordonnance qui accorde aux agents royaux un droit sur leur charge en s’engageant à ne pourvoir un office que s’il est dépourvu de titulaire « pour cause de mort, pour cause de résignation volontaire, pour cas de forfaiture ».

C’était reconnaître que l’expression « fonction ordinaire » implique une permanence. Reconnaître qu’elle était comprise au sens de fonction stable.

Les rois successifs ont fini par reconnaître à l’office un statut fixé par ordonnance avec des attributions fixées par ordonnance. On a fini par reconnaître un caractère général statutaire à l’office.

De cette reconnaissance, il ressort:

– que le lien personnel, qu’avant cette ordonnance, de subordination d’un agent envers le roi s’est transformé en service impersonnel de la chose publique. Le statut indépendant de la personne pourvue de l’office devient un statut légal. Cela veut dire que les titulaires se succèdent dans un office avec toujours les mêmes droits et les mêmes fonctions. Les pouvoirs du titulaire de l’office sont de nature permanente.

– il ressort ensuite que c’est de la permanence de l’office que se dégage le caractère inamovible de celui-ci

– que ce statut protecteur développé par les titulaires de l’office tend à considérer les offices comme des biens personnels.

Pourtant, on peut être titulaire d’un office, s’il est public, on n’en est pas propriétaire. Mais cela s’est passé dès le 16ème siècle en France.

  • 2) La patrimonialité de l’office

La perpétuité des offices se complète et se prolonge par leur vénalité puis dès lors qu’ils deviennent propriété privée, l’officier va avoir tendance à rendre une charge héréditaire.

  • A) Vénalité

Au 16ème siècle, on est loin de la cessibilité de l’office à titre gratuit. D’autant que la royauté qui avait tenté de mettre fin à ces ventes onéreuses change d’attitude car elle a toujours besoin d’argent. François 1er, dès 1523, vend ouvertement des offices et en créant même ce qu’il a appelé le bureau des parties casuelles. Celui-ci gère, au nom du roi, les profits. Le roi est satisfait car il alimente les caisses du trésor royal.

Le futur officier jouit de privilèges et d’honneurs. Dès 1523, les ventes d’office se multiplient. C’est un moyen facile et aisé pour répondre aux besoins toujours plus gros du trésor royal.

Mais si l’officier obtient, par la vénalité, un droit réel sur sa charge, pour autant, la vénalité ne rend pas automatiquement l’office complètement patrimonial. A la mort de l’officier, la charge ne tombe pas automatiquement dans le patrimoine du successeur.

Il est une exception, si le titulaire de l’office l’a légalement résigné 40 jours avant sa mort.

Sinon, l’office tombe dans l’escarcelle royale. Il retourne au bureau des parties casuelles qui le met en vente.

Il y a un chantage qui s’installe et les officiers font comprendre au roi que la situation ne peut pas durer.

Peu à peu s’installe l’hérédité.

  • B) L’hérédité

1) L’hérédité par étapes

  • a) La première étape

Avant l’ordonnance de 1568 de Charles IX, un Edit royal de 1540 avait, pour certains cas, accordé la dispense de la règles des 40 jours. C’était un Edit qui ne concernait pas le statut de l’office.

Ce n’est qu’en 1568, par cette ordonnance, que les offices deviennent héréditaires à condition que les titulaires alimentent chaque année le trésor royal par une taxe équivalent au tiers de leurs charges >>> le tiers deniers.

Cette taxe enlève toute crainte à l’officier car elle assure à son héritier la garantie qu’il disposera librement de cet office.

A partir de 1568, est levée la règle des 40 jours et les offices sont devenus héréditaires.

Cette taxe était très lourde. Seul les riches pouvaient bénéficier de l’ordonnance de Charles IX.

 

  • b) La seconde étape

Réalisée par Henri IV. Entouré par Charles Paulet. Sur sa demande, Charles Paulet invente une solution qui avait le mérite de concilier les intérêts du roi et les intérêts des officiers. Cette taxe doit être réduite et Charles Paulet donne à l’hérédité de l’office son caractère définitif.

C’est ainsi que par un arrêt du conseil:  » tout officier peut choisir de verser une taxe annuelle équivalente au soixantième du prix de sa charge ».

Cette mesure s’appelle la paulette. Elle rencontre beaucoup de succès car le roi est assuré de rentrées régulières et importantes et les officiers voient le montant des droits de mutation entre vifs ou pour cause de mort être considérablement réduits.

Ce système avait été instauré pour 9 ans.

Il a été régulièrement reconduit et devenu perpétuel.

2) Les conséquences juridiques

A ce stade de son évolution, il est possible de dire que l’office est dans le commerce. Il est objet de toutes les transactions possibles.

C’est son caractère privé. Mais ce qui est dans le commerce est en réalité le droit de présentation au roi.

De fait, c’est du droit qui est cédé, et c’est pourquoi l’on dit que l’on cède le droit à l’office. C’est son caractère public.

Charles Loyseau:  » Ce caractère public tient à ce que l’office est un morceau de l’Etat ».

Cela fait que le roi, lorsqu’il est saisi de la présentation d’un nouvel officier, il lui confère l’office. C’est à dire le droit à l’office.

C’est le titre qui est expression de la nature publique de l’office et s’oppose à la finance, expression de la nature privée de cet office.

Opposition entre le titre et la finance.

C) Les conséquences sociales et politiques

1) Ceux à qui profite cette patrimonialité

Cette patrimonialité profite à la bourgeoisie car elle favorise son ascension sociale dans l’espoir d’être anoblie. On peut parler d’ascension car la bourgeoisie, en achetant des offices, s’élève au service du roi. Cela est considéré comme un honneur.

Cela fait que, au 17ème siècle et au début du 18ème siècle, la patrimonialité permet à la bourgeoise d’accéder à la noblesse de robe.

Cette bourgeoisie y accède en quelques générations en sachant que certaines ascensions sont fondées sur le mérite et la compétence.

Conséquence très positive car se forment des dynasties d’officiers de très grande valeur. Ces officiers qui ont donné à la monarchie ce que on a appelé « les grands serviteurs de l’Etat ».

Mais l’officier est obligé de vivre, non pas de son office, mais de sa propre fortune. L’officier doit vivre de ses rentes grâce aux affaires de sa famille.

Ce qui prouve que l’office, avant d’être un profit, est avant tout une dignité.

2) Conséquences politiques

Du 16ème siècle au milieu du 17ème siècle, en s’élevant dans la hiérarchie sociale, la bourgeoisie est très attachée à la monarchie et à l’affirmation de l’autorité royale.

Dans la seconde moitié du 18ème siècle, les choses changent avec ce que l’on appelle la deuxième génération dont l’indépendance à l’égard du roi se fait ombrageuse.

Si cette autonomie vis-à-vis du pouvoir politique est une bonne chose, cette autonomie s’avère très néfaste dans les autres domaines.

En effet, ces officiers, comme ils se considèrent propriétaires de l’autorité que leur confère leurs offices, ils agissent donc en titulaires d’un pouvoir indépendant.

Le résultat est avant tout un manque d’obéissance à la monarchie. Cela se souligne chez les parlementaires.

De plus, les officiers ne travaillent pas assez et on ne peut rien leur dire. Cela nuit à l’administration du royaume. Un écart s’ouvre entre le roi et ses officiers sur lesquels il peut de moins en moins compter et il faut qu’il s’en méfie.

Les officiers se sont repliés sur eux-mêmes. Cela a fortement réduit leur rôle politique alors que dans le même temps leur nombre ne cesse d’augmenter.

Cela alourdit la machine administrative.

La monarchie va mettre en place une autre organisation administrative qui va surplomber le monde des officiers.

Section 2: La commission

Il était urgent qu’il existât des agents royaux prêts à obéir au roi et à faire respecter les ordres du gouvernement. Ce sont les commissaires, à qui est confié cela par lettre patente. Commission qui correspond à une tendance de l’organisation de la fonction. Par son statut, elle répond aux nécessités de la monarchie.

  • 1) Les tendances générales

La fonction est un balancement entre les agents de l’autorité qui visent à se stabiliser et celle de l’autorité supérieure qui vise à maintenir subordonnés des agents auxquels elle délègue des pouvoirs. Si l’office est « fonction publique ordinaire » et répond à la première tendance, la commission est « fonction publique extraordinaire » et répond à la seconde.

  • 2) Le statut juridique

Elle y répond par son statut, fondé sur l’idée que la fonction publique est une fonction extraordinaire. La commission est conférée par lettre ad nominem.

Elle est révocable, spéciale.

Leurs objectifs définissent la nature de ce mandat qu’est la commission.

A la différence des lettres de provision de l’office qui se contentent de désigner le titulaire. Les devoirs de l’office sont fixés par des lois générales.

La lettre de commission précise de façon détaillée la mission que le roi fixe à chacun de ses commissaires. Le commissaire tire ses pouvoirs de la commission.

Il est un mandataire révocable.

Ses pouvoirs existent par la seule volonté du roi.

Limites que le commissaire ne doit pas dépasser.

  • 3) Les besoins de la monarchie

Ce système a permis à la monarchie de lutter contre l’indépendance des offices car les commissaires « ignorent le sentiment de sécurité propre aux propriétaire d’offices » (Michel Antoine).

Par le jeu des commissaires, le roi a toujours a toujours pu pourvoir à tous les postes de commandement.

Il y a :

-Les secrétaires d’Etat

-Le contrôleur général des finances

-Les gouverneurs et intendants (agents locaux qui représentent le roi)

Sans toucher aux offices, le roi, pour l’intérêt du bien public, superpose à l’administration de ces offices, les commissaires qui constituent « le bois vif de la fonction publique » (Harouel).

La fonction publique prend place dans la construction en voie d’achèvement de la monarchie devenue, au terme d’une très longue mutation, administrative sans conférer au roi un pouvoir illimité. Cette monarchie, qui, forte d’un pouvoir normatif, donne toute son ampleur au concept moderne de « souveraineté législative ».

A la fin de l’ancien régime, à coté d’elle et très souvent contre elle, la monarchie devra affronter les parlements qui s’opposent aux réformes. Finalement, la monarchie, malade de ses parlements, qui sont les gardiens du droit et des LFR finira par sombrer mais les parlements vont couler avec elle.

Isa Germain

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Isa Germain

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