Le droit du recrutement : de la sélection du candidat à l’embauche

 DU RECRUTEMENT A L’EMBAUCHE

  Alain Supiot  dans ses Critiques du droit de travail dit : « dans le contrat civil, la volonté s’engage, dans le contrat de travail, elle se soumet ».

La subordination conduit à encadrer les règles du contrat de travail pour protéger le salarié. Cette protection intervient dès l’opération de recrutement qui est opéré par l’employeur et la promesse d’embauche.

La règle est la liberté. Mais des limites ont été apportées.

§1er: La protection du salarié lors du recrutement

Le recrutement est un acte important. Toute erreur coûte chère. Par ailleurs, les méthodes de recrutement doivent répondre à des critères.

A) L’offre d’emploi

Plus de monopole de l’ANPE. Donc l’offre est spontanée : dans la presse, cabinets de recrutements. Un article interdit de recourir à l’affichage sauf pour les emplois domestiques.

Pour la rédaction des offres d’emploi, pas de contenu obligatoire ; Il est laissé à l’appréciation de l’employeur. Par contre des mentions interdites : en principe les termes étrangers sont interdits sauf si le travail s’exécute en-dehors du territoire national, ou si l’offre est insérée dans un journal de langue étrangère ou encore s’il n’y a pas de terme correspondant en français.

Les mentions discriminatoires sont interdites. Elles concernent toutes les annonces fondées sur le sexe, les mœurs et l’orientation sexuelle, la situation de famille, l’appartenance à une ethnie, une nation, une religion. Des offres discriminatoires encourent la cassation. D’ailleurs, un arrêt de 1960, de la Chambre criminelle avait jugé répréhensible l’annonce ainsi formulée : « recherche ouvrier spécialisé, manutentionnaire européen ».

La loi interdit en principe, L123-1 : on ne peut mentionner dans une offre d’emploi le sexe recherché ou la situation de famille à moins que l’appartenance à telle ou telle catégorie soit l’obligation du contrat (mannequin homme ou femme…). Interdiction de publier des annonces mensongères. En principe on ne peut mentionner une limite d’âge supérieure (+ de 50 ans…).

B) La sélection des candidats

La loi est intervenue pour corriger toutes les maladresses. C’est la loi du 31 décembre 1992 « Lyon-Caen », insérée dans les articles L121-6 du code du travail. En dehors de cela, des Chartes de la Diversité ont été signées par de grandes entreprises qui prônent un CV anonyme destiné à prohiber les sélections abusives.

En fait, il faut la pertinence des informations demandées et la transparence des méthodes utilisées

1° La pertinence des informations demandées

L121-6 : les informations demandées ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé. Cette exigence de pertinence s’applique à tout : texte, questionnaire et entretien.

Ce qui est permis

Toutes les questions relatives à l’état civil, aux diplômes, aux antécédents professionnels, situation militaire : on pouvait demander à un candidat s’il était dégagé des obligations militaires mais pas s’il avait effectué ses services militaires (cela sous-entendait que le candidat avait peut être un problème de santé).

 Exemple : on peut demander à un candidat (vivement conseillé) s’il est lié ou non par une clause de non-concurrence car la mention qui figure dans le certificat de travail « libre de tout engagement » ne veut rien dire. Si le candidat ment à ce sujet, cela constitue une déloyauté qui peut être sanctionnée par un licenciement. On peut demander à un candidat à un poste de chauffeur s’il est titulaire du permis de conduire mais pas à une secrétaire.

Ce qui n’est pas permis

Tout ce qui est relatif à la vie privée, situation familiale, … Tout ce qui est appartenance syndicale, religieuse n’ont pas à figurer dans un test d’embauche.

            Pour les antécédents judiciaires : peut-on demander la présentation d’un casier judiciaire? Non sauf dans le secteur public et sauf si des conventions collectives l’ont prévu notamment dans le domaine financier (banque). La cour de cassation a dit dans un arrêt du 25 avril 1990  « Association L’arbre c/ Merzoug » : « le silence d’un candidat à l’embauche sur son casier ne pouvait pas lui être reproché pour justifier un licenciement ».

L’employeur n’a pas à prendre en considération l’état de santé sauf si le poste nécessite des compétences physiques particulières. Si c’est le cas, le silence du candidat sur une maladie  est une déloyauté qui permettrait un licenciement ultérieur. Attention, la séropositivité n’est pas une maladie.

Concernant certains tests de dépistage notamment dans le domaine des stupéfiants. La CEDH à propos d’un capitaine de ferry : dépistage obligatoire de produit stupéfiant. En fait, pour certaines professions qui vont mettre en jeu la sécurité des personnes le test de dépistage sera autorisé.

A partir du moment où les questions sont pertinentes (pas d’atteinte à la vie privée mais relative à l’emploi sollicité), le candidat est tenu de répondre de bonne foi (L121-6).

Il doit fournir un CV loyal avec des indications qui doivent être vérifiées par l’employeur.

En particulier, une décision du 30 mai 1991 qui disait que l’employeur devait vérifier le diplôme qui avait été allégué par une candidate au poste de préparatrice en pharmacie : La Cour de cassation avait admis la faute du salariée mais également celle de l’employeur qui n’avait pas vérifier la véracité des faits. La faute grave a été requalifiée en faute pour cause réelle et sérieuse.

En 1994, (05 octobre 1994, Soc) la cassation a eu à juger d’un litige dans lequel un salarié avait fait libeller sa demande d’embauche et son CV par son épouse (le fond concernait bien les capacités du mari, seule l’écriture était celle de l’épouse). Il avait été recruté au motif que l’analyse graphologique s’était révélée positive qui avait ressorti des qualités en rapport avec le profil du poste. Après s’être rendu compte qu’il ne s’agissait pas de son écriture il avait été licencié pour faute grave. Le salarié a esté en justice. L’employeur avait demandé la nullité pour dol. La cour de cassation n’a pas suivi sur ce terrain car l’employeur ne démontrait pas qu’en l’absence de ces manœuvres il n’aurait pas contracté. Le salarié a été licencié pour cause réelle et sérieuse au lieu de faute grave.

La valeur juridique du CV : est-ce que le candidat à l’embauche peut se targuer de titres qu’il n’a pas ou doit-il toujours dire la vérité ?

Une décision du 30 mars 1999 rendue par la cour de cassation qui a dit « la fourniture de renseignements inexacts par le salarié lors de l’embauche n’est un manquement à l’obligation de loyauté susceptible d’entraîner la nullité du contrat que si elle constitue un dol.

Elle constitue une faute seulement s’il est prouvé que le salarié n’avait pas les compétences effectives pour exercer les fonctions pour lesquelles il a été recruté.

Autrement dit, au regard de la jurisprudence, la tendance est de dire que l’expérience professionnelle peut parfois suppléer le diplôme. Cependant l’article L121-6 du code du travail exige du candidat qu’il réponde de bonne foi aux questions pertinentes.

 Cette décision n’est pas systématique. Quelquefois, Soc 26 janvier 1983 : le fait de se prétendre faussement titulaire de diplômes pouvait être constitutif d’une faute grave.

2° Transparence et pertinence des méthodes

1° Pertinence des méthodes

Selon le L121-7, on dit que les méthodes d’aide au recrutement doivent être pertinentes au regard de la capacité de l’emploi : tous les tests professionnels basés sur des méthodes rationnelles sont licites.

Les méthodes dites ésotériques, comme l’astrologie, la numérologie ne peuvent pas être utilisées à titre principal. Elles peuvent être utilisées à titre accessoire.

Voir jurisprudence sous le L121-7. Pas de sanctions pénales à ce sujet.

2° Transparence des méthodes

L121-7 : le candidat à un emploi doit être expressément informé préalablement à la mise en œuvre des méthodes et techniques de recrutement.

De plus dans l’entreprise il doit y avoir une information collective comme le dispose la loi du 31 décembre 1992, qui oblige l’employeur a informer le comité d’entreprise préalablement à leur utilisation des méthodes de recrutement. Dans cette même loi, il y a un « droit d’alerte » au profit des délégués du personnel (que l’on retrouve en matière de sécurité) même quand il y a une atteinte aux libertés individuelles, ils peuvent demander une enquête. Si l’employeur s’y oppose, on est dans le cas d’un délit d’entrave.

C) Le choix des futurs salariés

Le principe, constitutionnel, est le principe du libre choix par l’employeur de son collaborateur. Cette liberté à certaines limites.

1° La non discrimination 

Qu’elles soient syndicales, sexuelles, ethniques…au regard de ces discriminations on ajoute souvent l’orientation sexuelle, l’apparence physique et le patronyme.

2° Les restrictions légales

Les priorités d’emploi : (qui ne sont pas du tout respectées) : les handicapés, le licenciement économique : les licenciés économiques sont prioritaires dans la ré-embauche. Les gens qui ont résilié un contrat en raison d’un congé maternité ou adoption, les salariés à temps partiel.

3° Les restrictions conventionnelles ou contractuelles

Clause d’exclusivité dans les contrats de travail qui interdisent de travailler au service d’un autre employeur.

§2nd: Les promesses d’embauche et les conclusions du contrat de travail

A) La promesse d’embauche

C’est assez souvent la confirmation par l’employeur au salarié, du caractère positif d’un entretien et la confirmation de l’intérêt pour une future embauche. La distinction n’est pas toujours simple entre l’offre d’emploi, promesse d’embauche et conclusion du contrat de travail.

Quand l’employeur adresse une lettre à la suite d’un entretien ou d’une annonce sans précision sur les éléments qui constituent les clauses essentielles du contrat, une telle lettre vaut dans la jurisprudence seulement acceptation de principe de la candidature mais elle ne crée pas d’obligations contractuelles attachées au contrat de travail.

En revanche lorsque l’employeur propose au candidat de façon ferme et précise de l’engager, c’est-à-dire qu’il fixe les conditions de sa rémunération et une date  limite pour sa prise de fonction, dans ce cas, il y a une promesse d’embauche et cette promesse doit être honorée.

Les salariés en cas de rupture de promesse d’embauche peuvent engager la responsabilité théoriquement délictuelle ou quasi délictuelle de l’employeur puisque il n’y a pas de contrat mais une promesse de contrat à laquelle il a été mis activement fin. La rupture donnera lieu à des dommages et intérêts d’autant plus élevés que le préjudice l’est. Dans la jurisprudence on assiste aussi à une indemnisation sur une base contractuelle c’est-à-dire tout se passe comme si pour la jurisprudence la promesse équivalait parfois au contrat. Dans ce cas, la jurisprudence assimile la rupture à un licenciement abusif.

B) L’échange de consentements

Tout d’abord, le droit français est réticent pour rendre l’écrit obligatoire. Au-delà, le droit européen est plus exigent sur ce point.

En réalité, l’écrit est obligatoire dès lors qu’il s’agit d’une obligation de faire ou d’une promesse d’embauche.

1° Pour le contenu du contrat

CJCE 08 février 2001: Lorsque l’employeur veut faire faire des heures supplémentaires à son salarié, il doit le dire par écrit dans le contrat.

2° Pour les moyens de preuve

Le contrat de travail se prouve par tous moyens.

Cass.: « L’existence d’une relation de travail salarié dépend des conditions de fait dans laquelle est encadrée l’activité professionnelle. »

3° Pour la charge de la preuve

C’est le plus souvent le salarié qui doit prouver l’existence du contrat. Mais il existe des prescriptions en droit du travail.

Pour les journalistes, les mannequins, les artistes du spectacle et représentants de commerce

En présence d’un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui veut détruire cette apparence de démontrer qu’elle est fausse, c’est-à-dire le non salariat.  

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