La formation du mariage et le droit international

DROIT INTERNATIONAL ET MARIAGE

En guise d’introduction, nous étudierons la question des fiançailles en droit international puis la question du mariage.

Les fiançailles : un problème de qualification.

Déjà le problème de qualification se pose au sujet des fiançailles. Les fiançailles peuvent être considérées comme un vrai acte juridique.

Dans certaines législationsl’existence des fiançailles empêchait le mariage avec un tiers. De même la rupture de fiançailles donnait lieu à réparation. C’est donc le signe d’un vrai acte juridique.

En France les fiançailles n’ont jamais eu d’effet obligatoire. Le seul effet juridique était la possibilité d’une indemnisation en cas de rupture abusive.

En Droit international privé, on hésite entre qualification délictuelle pour la rupture ou la qualification contractuelle. Les droits étrangers qui y voient un acte juridique suivront cette qualification contractuelle sauf à y voir un acte personnel.

En France ce n’est pas le cas, la Jurisprudence a considéré qu’on était en matière délictuelle. Si on considère que c’est la loi du dommage qui s’applique, on appliquera la loi du domicile de la victime.

S’agissant du mariage : il résulte d’un accord de volontés.

I. Les conditions de fond.

Il s’agit de savoir si une personne peut contracter mariage. Il faut déterminer les empêchements qui pourraient s’y opposer ou les conditions applicables au consentement. Etant donné que c’est une question personnelle, le droit français la soumet à la loi nationale respective des futurs époux.

A. Compétence de la loi personnelle des époux.

1. Le principe et sa mise en œuvre.

Le mariage des français en France et le mariage des étrangers en France : Art 3 al 3 du Code civil. Le mariage c’est une question d’état des personnes. Donc il ne fait aucun doute que le mariage des français est régit pas la loi française et la règle ayant été bilatéralisée, le mariage des étrangers est régit par leur loi nationale. En 1993: un franco algérien contracte en Algérie un autre mariage, sans dissolution du 1er mariage en France, donc le 2ème mariage est nul car contraire à la loi Française.

Quand on en dans le cas de bi nationalités, devant une autorité d’un état dont un des intéressés à la nationalité de cet état: Dans cette hypothèse seule cette nationalité (nationalité de l’état saisi) est prise en considération ou encore dit autrement, un conflit de nationalités mettant en jeu la nationalité de l’autorité saisie est toujours résolue en faveur de cette nationalité.

Cela signifie qu’un binational franco algérien serait considéré comme français en France et algérien en Algérie. Quand la loi attribue la nationalité locale à un individu, les autorités locales sont tenues d’appliquer cette loi.

Quand le conflit qui se présente devant une autorité donnée concerne deux nationalités étrangères: par ex devant un juge français s’élève une question de statut personnel pour un individu qui est algérien et tunisien. Le juge français va rechercher quelle est la nationalité la plus effective.

Pour revenir à l’aptitude à contracter mariage on parle d’application distributive des lois personnelles.

Problème du renvoi de la loi étrangère à la loi française.Il suffit que la loi d’un futur époux étranger désigne la loi du domicile si l’intéressé est domicilié en France ou que la loi étrangère renvoi au lieu de célébration qui serait la France.

On ne doit pas se prononcer de manière générale sur la question générale. Il n’y a pas lieu de dire que le système accepte ou rejette le renvoi. La réponse dépend de la matière en cause et précisément de la politique législative dans cette matière.

En France, en matière de mariage, c’est une politique de faveur au mariage qui domine. Comment cela va-t-il se traduire en terme de renvoi ? Si le renvoi permet de célébrer le mariage car la loi française le permet, tandis que la loi étrangère ne le permettrait pas : dans ce cas il faut accepter le renvoi. Inversement, si la loi personnelle étrangère permet le mariage, tandis que la loi française ne le permettrait pas on s’abstiendra de faire jouer le renvoi pour prononcer le mariage. Il en serait autrement que si la loi étrangère serait trop permissive.

2. Les empêchements bilatéraux.

Cette question se présente en cas de différence de nationalité des futurs époux.

En principe, les conditions de mariage dans une loi donnée visent l’aptitude individuelle à contracter mariage. Voilà pourquoi on a dit que l’on appliquait distributivement les deux lois.

Mais là où ça se complique c’est que certains empêchements à mariage prévus par une loi donnée, visent ou atteignent la personne de l’autre.Ex: une loi A qui interdit le mariage entre cousins, cette loi A vise les personnes de nationalité A mais si un personne de nationalité A souhaite épouser une personne de nationalité B dont la loi ne connaît pas cet empêchement, la loi de A atteint l’autre personne puisque le lien de parenté existe.

Un cas qui s’est présenté plusieurs fois au 20ème siècle était celui des lois qui interdisaient d’épouser une personne divorcée ou qui interdisaient d’épouser des personnes religieuses (lois espagnoles). Ces exemples sont surannés.

On ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du 1er= art 147 du Code civil. Ceci interdit à un français de contracter un second mariage. Aussi cela interdit une française, d’épouser un étranger de statut polygame déjà marié. Ceci figurait dans la plupart des ouvrages mais c’est un arrêt de 2002 qui a déclaré cela (24 septembre 2002). Il s’agissait d’une française qui avait épousé en Egypte un Libanais déjà marié. Cette personne d’origine chrétienne s’était convertie à l’islam pour pouvoir contracter ce second mariage. La cour de cassation dit que l’article 147 du Code civ constitue un empêchement bilatéral et absolu.

Que faire quand l’empêchement bilatéral est édicté par une loi étrangère et frappe un(e) française ?Si un français divorcé prétend épouser un espagnol : pas possible à l’époque car la loi espagnole interdisait à une personne de se marier avec un divorcé. L’application distributive voudrait qu’on refuse de célébrer le mariage et des décisions anciennes ont effectivement acceptées de donner l’effet à l’empêchement étranger (dans le cas de l’empêchement espagnol). Puis on s’est aperçu que l’empêchement frappe d’une part un national et d’autre part heurte la politique législative de faveur au mariage.

Il y a un conflit entre deux ordres publics (OP étranger qui énonce l’empêchement et Ordre public français qui ne juge pas bon d’édicter un empêchement de cette nature). L’ordre public français n’a pas à être à la remorque d’un ordre public étranger, ce qui conduit à passer outre un empêchement bilatéral étranger.

Ex, arrêt de 1971 de la cour constitutionnelle allemande. Il s’agissait de savoir si on allait célébrer en Allemagne le mariage d’un allemand divorcé et d’une espagnole. En vertu de la loi fondamentale allemande qui assure la protection fondamentale du mariage par l’Etat, on accepte le mariage. C’est une façon déguisée de dire que la loi étrangère est contraire à l’ordre public du for.

B. L’ordre public international.

La loi étrangère prévoit un empêchement que connaît le droit français mais selon des modalités différentes. Il faut distinguer selon la permissivité de la loi étrangère et le cas du mariage polygamique.

1. Le cas des lois permissives ou plus strictes.

Si l’empêchement est plus exigeant que la loi française, ex: loi étrangère qui fixe un âge du mariage plus élevé que celui prévu par la loi française, ce n’est pas contraire à l’ordre public français sauf si entrave excessive (accord des parents jusqu’à l’âge de 25ans par exemple).

S’agissant de l’instruction générale sur l’état civil, c’est une circulaire établit par le Garde des Sceaux à destination des officiers de l’état civil. Cette circulaire indique que «si les intéressés sont capables selon la loi française, et qu’ils persistent dans leur projet de mariage, l’officier peut célébrer le mariage tout en avertissant les intéressés que leur mariage risque de ne pas être reconnu à l’étranger.»

Maintenant si la loi étrangère est plus permissive que la loi française: sachant qu’un grand nombre d’empêchements à mariage selon le droit international privé français peuvent faire l’objet de dispense, sachant que tous les empêchements à mariage du droit français ne sont pas sanctionnés par la nullité, que quelques fois la nullité est prescrite rapidement, il semble que les lois étrangères plus permissives que le droit français ne sont pas par principe contraires à l’ordre public.

Par exemple, l’ordre public ne s’applique pas systématiquement à une loi étrangère autorisant le mariage à un âge plus jeune que la loi française.

Ce n’est pas qu’une question physiologique, c’est aussi une question d’aptitude à consentir au mariage, c’est pourquoi une loi étrangère qui permettra le mariage de trop jeunes enfants serait déclarée contraire à l’ordre public.

Autre exemple, empêchement tenant à la parenté ou l’alliance. Il est possible de rencontrer une loi plus permissive. Il faudra distinguer si l’empêchement est surmontable en droit interne par une dispense ou insurmontable car il exprime un minimum étroit (mariage prohibé en ligne directe et en ligne collatérale jusqu’au 2ème degré : entre frère et sœur). Une loi qui ne les prévoirait pas serait contraire à l’ordre public, ces empêchements sont insurmontables.

Si dispense impossible, l’empêchement français est appliqué bilatéralement.

Une loi étrangère qui ne prévoirait pas le délai de viduité (pas de mariage dans les 300 jours de la dissolution du premier mariage), cette loi étrangère pourrait être écartée car cet empêchement est peu contraignant alors que la confusion de paternité est un inconvénient sérieux. On peut dire que le délai de viduité est une loi de police.

Depuis 1975, il est prévu de mettre fin à ce délai par un certificat de non grossesse.

Dans la plupart des cas, il apparaît que le droit français respecte les lois françaises les plus exigeantes mais seulement si l’empêchement est connu de la loi française et dont les modalités seraient plus sévères.

2. Le mariage polygamique.

Ce problème se pose souvent avec le contact de plus en plus fréquent avec les lois islamiques.
Le droit français s’oppose au mariage de toute personne de statut personnel monogamique avec une personne au statut polygamique.

Il y a aussi une opposition au mariage polygamique en France entre deux personnes dont la loi personnelle le permet.

Qu’en est-il de la reconnaissance d’un mariage polygamique valablement célébré à l’étranger ? « Valablement » signifie que la loi personnelle des deux époux devait le permettre.

Ici, l’ordre public est susceptible de n’avoir qu’un effet atténué. Dans certaines situations ou l’ordre public français s’opposerait à l’application de la loi étrangère, il ne s’opposerait pas à la reconnaissance en France des effets de cette loi (arrêt RIVIERE).

Affaire CHEMOUNI: Chemouni était un israélite tunisien déjà marié qui a contracté en Tunisie un second mariage avec une femme de même statut que lui. Il s’installe en France et abandonne la seconde épouse pour vivre avec la première. L’épouse abandonnée fait une action en aliment. La Cour d’appel la déboute au motif qu’un tribunal français ne peut donner effet à une union polygamique pour des raisons d’OP. La décision est cassée en raison du fait qu’il ne s’agissait que de laisser se dérouler les effets de l’union = effet atténué de l’Ordre Public. La Cour de cassation condamne Chemouni a versé des aliments à la seconde épouse en 1958.

Pour échapper au versement des aliments, il forme un nouveau pourvoi en invoquant la nullité de son mariage. Il y a un rejet de sa demande en 1963. Des lors que le second mariage était valable au regard de la loi personnelle des deux époux, la qualité d’épouse légitime de la seconde femme avait été définitivement acquise par un mariage valablement contracté à l’étranger conformément à la loi compétente au fond comme en la forme.

On a là une opposition entre l’effet de plein droit de l’Ordre Public et l’effet atténué qui permet la reconnaissance du mariage à l’étranger.

Le refus de reconnaissance du mariage serait une solution injuste pour la seconde épouse qui a contracté mariage dans un environnement licite. Ce serait injuste de permettre à l’époux de se dégager des charges du mariage.

Pour revenir à la solution de l’arrêt de 1963: Il y a eu reconnaissance de la validité du second mariage parce que la loi personnelle de chaque époux le permet. La solution est conforme au principe selon lequel l’aptitude à contracter mariage s’apprécie selon la loi personnelle de chaque époux. Seulement, on ne tient compte que de la capacité du mari et de la seconde épouse or, si la première femme est de statut personnel monogamique elle se trouve entraînée dans un mariage à trois !!!

Si une française épouse un homme de statut personnel polygamique elle contracte un mariage potentiellement polygamique. Il suffira que le mari contracte un second mariage à l’étranger (car interdit en France) avec une femme de même statut que lui.

C’est ici l’affaire BAAZIZ. Une française épouse un homme de nationalité française mais qui à la suite de l’indépendance de l’Algérie avait acquis la nationalité algérienne. Le mari contracte un second mariage avec une algérienne. Au décès du mari la seconde épouse veut faire valoir des droits à une rente. Opposition de la première femme. Il a été conclu à la validité du second mariage mais l’effet demandé (partage de la rente) a été refusé au nom de l’ordre public.

La Cour de cassation maintient le principe selon lequel la validité du second mariage s’apprécie selon le statut personnel, mais elle module les effets au moyen de l’exception d’ordre public.

Commentaires: Cette jurisprudence est contestée dans sa manière de procéder car on admet la validité du second mariage. La doctrine a proposé différents moyens d’empêcher cette situation.

  • Le 1er moyen serait de faire intervenir le premier mariage dans l’appréciation de la validité du second. La conception la plus hostile au mariage polygamique estime même que pour être valable, le second mariage doit être valable selon la loi personnelle de chacun des trois intéressés.
  • Deuxième proposition: on appréciera la possibilité d’un second mariage selon la loi du lieu de célébration du premier. Une française mariée au Maroc avec un marocain à pris le risque de voir son mari contracter un second mariage. En revanche celle qui s’est mariée en France était en droit de compter sur un mariage monogamique. Ce critère est un peu formel. Cela suppose une capacité de réflexion au moment du mariage qui n’existe pas toujours.
  • Une troisième opinion propose de consulter la loi à laquelle le premier mariage se rattachait le plus étroitement. Ce n’est pas aussi formel que le lieu de célébration. On regarde la loi des parties, le premier domicile matrimonial.

La règle demeure que la validité du second mariage ne s’apprécie qu’au regard de la loi personnelle des deux époux.

La meilleure solution semblerait être la 1ère: faire intervenir la loi personnelle de la 1ère épouse. Cela peut paraître sévère pour la seconde épouse qui n’est pas sensée connaître le 1er mariage mais on peut opposer le mariage putatif.

II. Les conditions de forme du mariage.

Le mariage obéit à la règle «locus regit actum» mais le mariage n’est pas un simple contrat. C’est un acte qui donne naissance à un statut qui engendre des droits et des obligations précises et qui est appelé à une longue durée. C’est pourquoi selon la quasi-totalité des législations, le mariage n’est pas seulement un acte consensuel. Il y a presque toujours intervention d’une autorité publique. On peut parler de compétence de la loi et de l’autorité locale.

Il y a l’importance de la cérémonie religieuse dans certains pays. Il y a un lien entre la forme et le fond.

A. Compétence de la loi et de l’autorité locale.

Pourquoi admet-on que c’est la loi du lieu de célébration qui est compétente ?S’agissant du mariage, la loi du lieu de célébration est la plus accessible aux futurs époux. La 2ème raison est que le mariage est un acte grave donc on peut considérer qu’il est réservé aux autorités locales.

Locus regit actumest une règle bilatérale. La bilatéralité de la règle se trouve consacrée par un texte (article 170 du Code civil). Le mariage contracté à l’étranger entre français et étranger sera valable s’il a été célébré en la forme locale.

La jurisprudence a ainsi été amenée à reconnaître la validité en la forme de mariage de français à l’étranger dans les formes les plus diverses.

Le plus souvent c’est une forme religieuse, mais aussi une forme purement privée, voir même une absence de forme qui existait en common law (mariage par cohabitation).

Inversement un arrêt de 2001 refuse de considérer comme mariée une femme congolaise en constatant que le Code de la famille de la République populaire du Congo exigeait à peine de nullité une célébration qui n’a pas eu lieu.

Difficulté de deux ordres :

  • Fraude à loi sur le mariage.
  • Mariage de complaisance en vue de faire une fraude à la loi sur l’immigration.

¨ Fraude à la loi. Respect des conditions de fonds.

L’article 170 du Code civilvalide les mariages de français(es) à l’étranger à condition que le mariage ait été précédé en France de la publication prévue par la loi française. Cette exigence a soulevé dans le passé la question de sa sanction.

Que faire s’il n’y a pas de publication en France? La jurisprudence a pris pour critère la fraude à la loi. Si les français n’ont pas procédé à la publication pour échapper à la loi française, le mariage est nul. Si c’est une simple ignorance de leur part, le mariage est valable.

Cette jurisprudence est mal fondée car si les intéressés se sont mariés à l’étranger dans le but d’échapper à la loi française c’est qu’il y avait un empêchement. Il suffit d’appliquer la sanction des conditions de fonds prévue. Si l’empêchement ne peut plus être sanctionné car il est prescrit, c’est un contre sens d’annuler le mariage pour défaut de publication.

En 1966, un mariage contracté 20 ans avant en Israël par un français mineur et non autorisé. La Cour d’appel de Paris annule le mariage car la minorité était depuis longtemps prescrite ce qui a évité un divorce à l’intéressé (en effet une nullité l’avantageait beaucoup plus).

La bonne solution c’est de prévoir une nullité facultative laissant au juge le soin d’apprécier s’il faut annuler ou non le mariage.

¨ Mariage de complaisance.

C’est une conséquence de l’évolution des migrations internationales qui fait surgir la question des mariages contractés par des nationaux avec des étrangers cela afin de faciliter l’acquisition de la nationalité française ou l’acquisition d’une carte de séjour.

La loi du 26 novembre 2003 vise l’acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger d’un français. Le délai est passé d’un an à deux ans à compter du mariage si l’étranger justifie d’une résidence en France et à trois ans s’il ne réside pas en France.

On est sur le terrain de la fraude à la loi mais c’est différent. Dans l’hypothèse précédente, le mariage était l’objet de la fraude. Dans l’hypothèse du mariage de complaisance, le mariage n’est pas l’objet de la fraude, c’est le moyen de la fraude aux dispositions sur le statut des étrangers.

Le principe est que le mariage doit être annulé pour défaut d’intention matrimoniale.

Il est plus ennuyeux d’annuler un mariage célébré que d’annuler sa célébration.

La Loi du 24 août 1993a pris des mesures pour lutter contre cette pratique en s’opposant à la célébration de mariage dont on a des raisons de douter de la sincérité.

Cela vise aussi bien les mariages en France que les mariages célébrés à l’étranger.

[ 1ère situation : la loi française connaît un empêchement non connu par la loi française, donc se heurte à une politique législative.

2ème hypothèse : empêchement connu de la loi française mais qui présente des modalités différentes. On distingue selon que la loi étrangère est plus stricte ou permisse que la loi française.

Nouveauté: 3ème hypothèse : l’absence dans la loi étrangère d’un empêchement prévu par la loi française. C’est ici qu’il convient de faire passer la polygamie. Idem pour l’identité de sexe. Il faut examiner cette question du point de vue de l’Ordre Public français : il s’oppose certainement à ce que soit célébré en France un mariage homo permis par la loi personnelle des intéressés. Qu’en est-il de la reconnaissance des effets d’un mariage homo entre deux étrangers ? La reconnaissance est contraire à l’Ordre Public Français mais il faut nuance : la reconnaissance des effets personnelle sans doute. En revanche s’il d’agit d’effets purement patrimoniaux, il n’est pas exclu que l’Ordre Public n’est qu’un effet atténué et que l’on accepte de tirer les conséquences sur des biens situés en France de l’existence de cette union.

Pour revenir aux conditions de forme du mariage.

2. Les mariages en France.

Autrefois la France prévoyait une condition de séjour. Cette condition a été supprimée par une loi d’octobre 1981. Afin de lutter contre les mariages de complaisance, une loi de 1993 a inséré un certain nombre de dispositions dans le code civil.

L’article 175-1 du Code civilpermet au ministère public de faire opposition au mariage s’il y a un intérêt.

L’article 175-2permet à l’officier de l’état civil de saisir le procureur de la République afin de faire surseoir au mariage lorsque «il existe des indices sérieux laissant présumer que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé au titre de l’article 146. » L’article 146 dit qu’il doit y avoir consentement au mariage au risque du défaut de consentement matrimonial. Le sursis est prononcé pour un mois et peut être renouvelé une fois. La décision de sursis peut être contestée devait le TGI qui doit statuer dans les 10 jours.

Bilan de la loi: Tout ça n’est pas très efficace car ces textes n’élargissent pas les pouvoirs du MP et de l’officier de l’état civil. Cela a pour intérêt d’attirer l’attention sur ces textes, rien d’autre.

La loi du 26 novembre 2003 a ajouté une disposition selon laquelle l’officier de l’état civil ne pourra en principe publier les bancs et célébrer le mariage qu’après une audition commune des futurs époux ou même après un entretien séparé avec chacun d’eux s’il l’estime nécessaire.

3. Le mariage célébré à l’étranger.

3 dispositions sont applicables : art 146-1 qui exige dans tous les cas la présence du conjoint français à peine de nullité.

Ensuite selon l’article 170-1 l’agent diplomatique ou consulaire français chargé de transcrire l’acte, peut surseoir à la transcription et saisir le MP en France lorsqu’il existe des indices sérieux d’une méconnaissance de la loi française. Le MP dispose d’un délai de 6 mois pour demander la nullité du mariage.

Enfin un nouvel art 190-1 prévoit l’annulation du mariage pour fraude à la loi à la demande d’un époux de bonne foi ou du MP, demande formée dans l’année du mariage.

B. La compétence éventuelle de l’autorité de la loi étrangère.

On se pose cette question car en matière de mariage les exigences de forme ont un lien étroit avec le fond. Le mariage n’est pas un vulgaire contrat. C’est un acte qui engage les personnes, qui a un caractère sacré pour beaucoup comme en témoigne l’importance symbolique de la célébration du mariage. En matière de mariage donc on peut soumettre la forme au moins facultativement à la loi du fond. Cela veut dire par ex en France que si deux étrangers de même nationalité contractent mariage ils auraient le choix entre la forme locale ou une autre forme prévue par leur loi nationale. Ne pourrait-on pas reconnaître la compétence d’autorités étrangères sur le sol français pour célébrer le mariage ?

La question se pose pratiquement au regard des autorités Diplomatiques et consulaires d’une part et d’autre part pour les mariages confessionnels.

1. La compétence des autorités Diplomatiques et consulaires.

Quand les nationaux d’un état se trouvent à l’étranger et qu’intervient un changement dans leur état civil, il est souhaitable que ce changement puisse être constaté au moins par des fonctionnaires de leur pays. Par extension on est conduit à admettre que les mêmes autorités Diplomatiques et consulaires ne se contentent pas de transcrire des mariages célébrés en la forme locale mais qu’ils puissent célébrer eux-mêmes le mariage. Cela est effectivement admis mais sous des modalités diverses.

a. Le mariage d’un français à l’étranger.

L’article 48 du Code civil donne pouvoir aux agents Diplomatiques et consulaires à l’étrangers de recevoir les actes d’état civil concernant les français. On en a déduit la possibilité pour ces agents de célébrer les mariages de français.

La raison précise, c’était de contourner les formes religieuses éventuellement prévues par la loi locale. Mais en 1819 le texte a été interprété comme ne concernant que les mariages entre une française et un français. Une loi de 1901 a ajouté deux alinéas à l’article 170 d’où il ressort que dans un certain nombre de pays désignés par décret, les agents français célèbreront les mariages entre un français et une étrangère. Les pays qui ont ainsi été désignés par décret sont ceux qui ignorent le mariage civil selon la conception française (pays musulmans, pays d’extrême orient). Mais curieusement en vertu d’une interprétation littérale, cette disposition est considérée comme ne s’appliquant pas au mariage d’une française avec un étranger.

b. Le mariage d’un étranger en France.

Le fait pour la France de permettre la célébration de mariages entre ses nationaux à l’étranger implique la reconnaissance par la France de mariages célébrés en France par les autorités étrangères dans les mêmes circonstances.

D’abord il y a des conditions préalables :

· L’officier étranger doit avoir le pouvoir de célébrer le mariage selon sa loi.

· Il faut que les époux aient tous les deux la nationalité de l’autorité célébrante sauf si une convention Diplomatique étend la possibilité au-delà. Mais dans tous les autres cas (différence de nationalité, absence de convention Diplomatique), le mariage doit être célébré devant l’officier d’état civil français.

Est donc absolument sans valeur le mariage célébré dans une ambassade ou consulat étranger lorsque l’un des époux est Français.

2. Les mariages confessionnels.

Les autorités religieuses ne sont pas des autorités étatiques. Mais dans certains systèmes on reconnaît un statut personnel religieux et donc à travers cela, le mariage peut être soumis à une forme religieuse. Et puis il y a aussi des pays où un mariage religieux se voit reconnaître un effet civil. Les époux ont les choix entre le mariage civil ou religieux.

a. Le mariage en France.

On pourrait envisager de reconnaître la validité d’un mariage religieux entre deux étrangers de même statut personnel et dont la loi nationale reconnaît la validité de ce mariage.

Mais il y a des raisons qui militent contre cette solution :

D’abord en France il y a tout ce qui tient au principe de laïcité qui est très fort dans l’ordre juridique français. La loi française érige en infraction pénale le fait pour un officier du culte de célébrer un mariage qui n’a pas été précédé par un mariage civil (art 433-21).

Pourquoi y a-t-il des conditions de forme aussi minutieuses ?Il faut vérifier préalablement les conditions d’aptitude et de consentement des futurs époux (s’assurer qu’ils ne sont pas déjà mariés). Pour cela il faut procéder à une publicité préalable du mariage. Aussi il est important que soit dressé au moment du mariage un acte qui en fasse la preuve de manière durable.

Ces conditions pratiques peuvent conduire à préférer le monopole des autorités publiques pour la célébration des mariages en France. En définitive, les dispositions sur la célébration des mariages en France et en particulier sur les autorités compétentes, sont des lois de police. Effectivement la validité d’un mariage purement religieux célébré en France n’a jamais été admise.

Mais la question a été soumise aux tribunaux sous une forme inversée. Un mariage a été célébré en France en la forme civile mais la loi personnelle d’un ou des conjoints exigeaient une célébration religieuse.

Il y a un siècle, les tribunaux ont accepté d’annuler des mariages civils célébrés en violation de l’exigence religieuse par exemple entre juifs et russes. A l’époque en matière de conflit de lois, la loi nationale était toute puissante. C’était en opposition avec la conception de common law très territorialiste (on applique la loi locale).

A partir des années 20, les tribunaux se sont refusés au nom de l’Ordre Public, à prononcer la nullité de tels mariages pour complaire à une exigence religieuse. La motivation de l’Ordre Public a simplement cédée la place à une autre, dans l’arrêt CARASLANIS 1995. Les faits : mariage en France d’une française et d’un grec. La femme intente une action en divorce et le mari oppose la nullité du mariage. Nullité car la loi grecque impose une célébration religieuse. Question tranchée en faveur de la validité du mariage car la question civile ou religieuse du mariage est une question de forme, par conséquent la seule loi applicable est la loi française en vertu du principe locus regit actum. Cela cache un conflit de politiques législatives (idée de sacralisation du mariage et principe de laïcité).

Sont donc valables les mariages civils nonobstant l’exigence par une loi étrangère d’une célébration religieuse.

L’union civile célébrée en France, elle ne sera normalement pas reconnue à l’étranger (a fortiori s’il s’agit de deux étrangers de même nationalité). La loi des effets du mariage c’est en principe la loi nationale des époux (donc en l’espèce la loi grecque). C’était aussi la loi qui régissait éventuellement le divorce. Mais alors les époux risquent de se trouver dans une impasse. Un des époux ne pourra demander le divorce dans son pays car le divorce n’y est pas reconnu. Il a fallu admettre que quand la loi française avait permis la célébration du mariage en tant que règle de forme, elle est quand même obligée d’assumer aussi les effets du mariage lorsque la loi personnelle des époux ne reconnaît pas le mariage. C’est ce qui a été jugé dans l’affaire GHATTAS. Il a été jugé que lorsque le mariage n’est valable qu’au regard du droit français, la loi française est nécessairement compétente pour en prononcer la dissolution.

Quand un mariage civil a été célébré ainsi en France dans une situation de type CARASLANIS et que le mariage français vient à être déclaré nul à l’étranger, en principe cette décision ne peut être reconnue en France parce qu’elle n’a pas appliqué la loi considérée comme compétente dans la forme, ou qu’elle méconnaît l’Ordre Public français. On retrouve le conflit de politiques française et étrangère.

b. Le mariage célébré à l’étranger.

La Jurisprudence CARASLANIS, selon laquelle la question de la célébration civile ou religieuse est une question de forme, conduit à reconnaître la validité en France de mariages religieux célébrés à l’étranger. Il en sera ainsi si la loi locale prévoit la validité d’un mariage religieux.

Affaire ZAGHA de 1982: c’était un mariage rabbinique donc religieux célébré en 1924 en Italie entre époux syriens. Puis le mari, après avoir divorcé dans des conditions douteuses, contracte en Israël un 2d mariage. Et puis après son décès, la 2de épouse conteste la validité du 1er mariage. La CA se prononce pour la validité du mariage en invoquant le caractère facultatif de la règle locus regit actum. Le raisonnement est de dire qu’en matière de mariage les époux auraient pu suivre la loi locale italienne mais ils ont préférés suivre la loi de leur statut personnel (loi syrienne = loi du fond). La CA relevait aussi que la validité du mariage était reconnue par l’ordre juridique italien par une sorte de renvoi de la loi civile italienne à la loi religieuse qui avait été appliquée. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi mais en ne retenant que le second des deux motifs c’est à dire le renvoi allégué de la loi civile italienne à la loi religieuse appliquée.

Cette décision est significative car on voit que la Cour de cassation ne tient pas à entériner le caractère facultatif de la règle locus regit actum.

III. La sanction des conditions de formation.

A. La loi applicable à la nullité.

Ici s’applique un principe général. La loi qui fixe les conditions de formation d’un acte est compétente pour régir les conséquences d’une inobservation de ces conditions. En d’autres termes si c’est la loi française qui est applicable à telle condition du mariage c’est cette même loi qui doit régir les conséquences de l’acte.

Selon que la nullité est alléguée pour une raison de fond ou bien de forme (méconnaissance de la loi locale) on appliquera la loi personnelle de l’époux ou la loi du lieu de célébration.

C’est cette loi qui déterminera les personnes qui peuvent agir en nullité, les délais pour agir, les causes d’extinction de l’action. On pourrait dire que ce sont des questions de procédure mais on voit bien que ces questions sont étroitement liées au fond donc c’est la loi de la condition méconnue qui va régir ces questions.

B. La loi applicable aux suites de la nullité.

Le Droit international privé Français opère une distinction entre la question du mariage putatif et le règlement des intérêts des époux si le bénéfice du mariage putatif est reconnu.

1. La question du mariage putatif.

Le Droit interne français inspiré par le droit canonique s’efforce de tempérer les inconvénients de la rétroactivité de la nullité. En Jurisprudence on constate que les tribunaux inspirés par un sentiment d’équité, ont appliqué le plus souvent la loi française sans préciser à quel titre. Mais la cour de cassation a été saisie de la question dans l’arrêt MOREAU de 1956 et la cour a jugé que la loi, d’où résulte la nullité du mariage, en régit les conséquences comme les tempéraments qu’elle y apporte. Ce qui veut dire que normalement on doit consulter la loi d’où résulte la nullité du mariage pour voir si cette loi prévoit ou non le bénéficie du mariage putatif et à quelles conditions. C’est un arrêt de principe mais la Jurisprudence conséquente continue à appliquer la loi française. Il est vrai qu’en droit interne les réformes successives ont élargies le bénéfice du mariage putatif, on peut se demander si une loi étrangère qui ne prévoirait pas le bénéfice du mariage putatif ne serait pas contraire à l’Ordre Public ? Ou encore si les dispositions sur le mariage putatif ne sont pas des lois de police applicables dans tous les cas de nullités invoquées devant un tribunal français ?

Cette conception a eu l’occasion d’être rejetée par un arrêt de la CA de Paris de 1996 mais dans des circonstances particulières.

En principe donc, il faut consulter la loi d’où résulte la nullité mais les tribunaux souvent appliquent la loi française sans respecter le principe conflictuel.

2. La question du règlement des suites.

La loi selon laquelle la loi de la nullité en régit les conséquences s’arrête à l’octroi ou le refus du bénéfice du mariage putatif. Cette loi va donc déterminer si oui ou non le mariage peut être considéré comme ayant existé jusqu’au jour de l’annulation. Si on répond oui, les effets du mariage vont être réglés par la loi qui aurait été appliquée au mariage valide.

Lorsque la loi appliquée à la nullité du mariage reconnaît le bénéfice du mariage putatif, il va falloir liquider les effets du mariage, c’est la loi qui s’applique normalement aux effets du mariage qui va s’appliquer.

Ex : deux époux ont contracté mariage. 10 ans après la nullité du mariage vient à être invoquée pour défaut de conditions de validité du mariage. La nullité est prononcée sur la loi personnelle méconnue. Selon cette loi personnelle on reconnaît le bénéfice du mariage putatif. Il faut donc régler les conséquences pécuniaires du mariage et liquider le régime mat qui a fictivement existé entre les époux Or la loi applicable n’est pas la même que celle en vertu de laquelle la nullité est prononcée.

Arrêt de 1958: annulation d’un mariage entre un musulman et une Française. Le bénéficie de la BF est reconnu au mari. Il faut donc liquider la situation patrimoniale des époux et le mari demande l’application des règles de la communauté légale française. Il est jugé qu’on doit appliquer à cette question la loi qui aurait été compétente si le mariage aurait été valide et qu’en l’espèce il s’agit de la loi musulmane et non pas de la loi française.

2ème affaire : Une polonaise et un libanais vivaient à Paris, Le mari était de statut personnel chrétien. Le mari se converti à la religion musulmane. Ils vont à Beyrouth et un mariage est fait sur place. Les époux reviennent à Pairs et le mari invoque la nullité du mariage. Le mariage est effectivement déclaré nul en raison de l’empêchement bilatéral du côté de la femme. Mais les juges reconnaissent la BF des époux. La femme demande alors un partage de communauté selon la loi française. Cela illustre le raisonnement qu’on voit mais il se trouve que les époux à Beyrouth ont passé un contrat selon le droit musulman lequel ne connaît pas la communauté de biens entre époux et si en Droit International Privé français la loi applicable au régime mat c’est la loi du 1er dom matrimonial c’est à condition qu’il n’y ait pas eu de contrat de mariage.