HISTOIRE DU RÉGIME PARLEMENTAIRE BRITANNIQUE
Le régime parlementaire britannique se distingue de systèmes comme le régime présidentiel américain par son caractère empirique. Il n’est pas le fruit d’une conception théorique mais résulte des circonstances historiques, des ajustements pragmatiques et, dans une certaine mesure, du hasard.
Une Constitution coutumière, flexible et évolutive
La Constitution britannique repose sur une tradition coutumière, composée de pratiques, d’usages politiques et de lois fondamentales qui s’adaptent aux rapports de force et aux évolutions sociopolitiques.
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Absence de texte unique : Contrairement aux Constitutions écrites comme celle des États-Unis ou de la France, la Constitution britannique est décentralisée et informelle, ce qui la rend flexible.
- Elle inclut des textes tels que la Magna Carta (1215), l’Habeas Corpus Act (1679) et le Bill of Rights (1689), mais repose également sur des conventions non codifiées.
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Un processus d’ajustement : Cette souplesse a permis de transférer progressivement le pouvoir :
- Du monarque au Parlement, à travers des conflits comme la Révolution anglaise du XVIIe siècle.
- Du Parlement au Cabinet, en raison de l’évolution du rôle des partis politiques et de la montée en puissance du Premier ministre.
Une évolution historique marquée par des crises
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La crise de la monarchie absolue au XVIIe siècle :
- À cette époque, la monarchie anglaise subit un affaiblissement progressif face à un Parlement en expansion.
- Les conflits entre Charles Ier et le Parlement mènent à la guerre civile (1642-1649), à l’exécution du roi et à une courte période républicaine sous Oliver Cromwell.
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La Glorieuse Révolution (1688) :
- Cet événement marque le triomphe du Parlement sur la monarchie. Le Bill of Rights (1689) limite les prérogatives royales et consacre la souveraineté parlementaire.
- La monarchie devient constitutionnelle, le roi n’agissant plus qu’en accord avec les décisions du Parlement.
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I) L’affirmation du Parlement contre la couronne : une lutte pour le pouvoir
L’histoire politique britannique est marquée par une évolution progressive du pouvoir, qui passe de la monarchie absolue à un régime parlementaire. Cette transformation, longue et complexe, reflète une série de conflits entre le roi et le Parlement, avec des avancées majeures dans la reconnaissance des droits parlementaires et des libertés individuelles.
A) Origines du Parlement
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Le Parlement, successeur du Magnum Concilium :
- Le Parlement britannique en tant qu’organe représentatif trouve ses racines au XIIIe siècle, avec l’admission en 1265 de représentants des comtés, succédant au Conseil de vassaux (Magnum Concilium).
- La Magna Carta (1215) est un texte fondateur qui établit des limites au pouvoir royal, notamment en reconnaissant au Conseil le droit de consentir à l’impôt et de présenter des pétitions au monarque.
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Consolidation du pouvoir parlementaire au XVe siècle :
- Les parlementaires acquièrent le droit de rédiger et d’adopter des lois, réduisant progressivement le rôle du monarque à celui de promulgateur.
B) L’interruption monarchique sous les Tudor et Stuart
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Le retour de l’absolutisme avec les Tudor :
- La dynastie des Tudor, à la fin du XVe siècle, marque une rupture avec les principes représentatifs. Henri VIII et Élisabeth Ire incarnent une monarchie forte et centralisée, marginalisant le Parlement.
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L’affrontement sous les Stuart :
- Avec l’arrivée des Stuart au début du XVIIe siècle, Jacques Ier et son fils Charles Ier tentent d’imposer un absolutisme royal, ce qui les met en conflit avec un Parlement en expansion.
- Charles Ier refuse de convoquer le Parlement pendant 11 ans et utilise des moyens extrajudiciaires pour lever des impôts.
C) La révolution et la courte république
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La Pétition des droits (1628) :
- Le Parlement réagit aux abus de Charles Ier avec la Pétition des droits, limitant les prérogatives royales. Ce texte est une tentative de réaffirmer les droits fondamentaux face à l’autoritarisme royal.
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La guerre civile et l’exécution de Charles Ier (1642-1649) :
- Le conflit dégénère en une guerre civile entre les partisans du roi et les forces parlementaires.
- En 1649, Charles Ier est jugé et exécuté, un événement sans précédent dans l’histoire de la monarchie européenne.
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La République sous Cromwell (1649-1660) :
- Oliver Cromwell établit un régime républicain, mais son autoritarisme et son impopularité conduisent à la restauration de la monarchie après sa mort.
D) La restauration et l’affirmation des libertés individuelles
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Restauration monarchique (1660) :
- Charles II est restauré sur le trône en 1660, mais doit accepter des compromis avec le Parlement.
- L’Habeas Corpus Act (1679) marque une étape cruciale, garantissant les libertés individuelles, notamment contre les détentions arbitraires. Ce texte fonde le droit à la sûreté et inspire d’autres démocraties.
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La Glorieuse Révolution (1688) :
- Le règne autoritaire et pro-catholique de Jacques II provoque une nouvelle crise. Le Parlement appelle Guillaume d’Orange, un protestant, à prendre le pouvoir.
- En 1689, Guillaume accepte le Bill of Rights, qui limite les prérogatives royales et reconnaît les droits et privilèges du Parlement, établissant une monarchie constitutionnelle.
E) Vers le parlementarisme moderne
Le Cabinet et la responsabilité gouvernementale :
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- À la fin du XVIIIe siècle, le gouvernement, représenté par le Cabinet, devient politiquement responsable devant la Chambre des communes. Cette évolution donne sa forme définitive au régime parlementaire britannique.
- Ce principe repose sur l’idée que le Cabinet ne peut gouverner qu’avec la confiance de la majorité parlementaire.
Résumé : Le régime parlementaire britannique, issu d’une lutte historique pour le pouvoir entre le roi et le Parlement, est le fruit de compromis successifs :
- La Magna Carta et l’Habeas Corpus Act établissent les fondations de l’État de droit.
- Le Bill of Rights consacre une monarchie constitutionnelle, garantissant l’équilibre entre les pouvoirs.
- Le transfert progressif de l’autorité vers le Parlement et le Cabinet aboutit à un modèle parlementaire unique, caractérisé par sa flexibilité constitutionnelle et son pragmatisme politique.
II) La constitution d’un Cabinet autonome et responsable
Le Cabinet britannique, élément central du régime parlementaire, a émergé progressivement en tant qu’organe autonome et solidaire, plaçant la responsabilité politique du gouvernement au cœur de son fonctionnement. Cette évolution marque la distinction fondamentale entre le régime parlementaire et le régime présidentiel.
A) Une évolution historique et pragmatique
1. Origine : du conseil privé au Cabinet
Le Cabinet trouve ses origines dans le conseil privé du roi, un organe consultatif composé de ministres. À l’origine, les membres du Cabinet étaient des conseillers personnels du monarque. Cependant, ce cadre a évolué :
- Autonomie progressive : Les ministres se détachent du conseil privé pour former un organe indépendant, sous l’autorité d’un Premier ministre, qui émerge comme le leader du Cabinet.
- Le rôle des Hanovre : L’accession au trône des souverains de la dynastie de Hanovre au début du XVIIIe siècle a accéléré cette transformation. Ces monarques allemands, peu anglophones et peu impliqués dans les affaires britanniques, ont délégué l’essentiel des responsabilités à leurs ministres. Robert Walpole, souvent considéré comme le premier véritable Premier ministre, joue un rôle crucial en consolidant cette autonomie.
2. Une reconnaissance politique et collective
L’émergence d’un Cabinet autonome a permis de consacrer la responsabilité politique du gouvernement devant le Parlement :
- Chaque ministre engage sa responsabilité pour les actes adoptés de manière collégiale par le Cabinet.
- Cette responsabilité collective reflète le caractère solidaire de l’exécutif, qui agit comme une entité unifiée sous l’autorité du Premier ministre.
B) De la responsabilité individuelle à la responsabilité collective
1. La procédure d’impeachment
Depuis le XIVe siècle, les ministres étaient responsables individuellement devant le Parlement par le biais de la procédure d’impeachment :
- La Chambre des communes pouvait accuser un ministre de crimes ou délits et le traduire devant la Chambre des lords.
- Les sanctions pouvaient être graves, y compris la peine de mort, mais un ministre pouvait échapper à cette procédure en démissionnant avant son déclenchement.
Cette responsabilité individuelle était avant tout pénale, limitée aux fautes graves, mais ne couvrait pas les actes de gestion ou les décisions politiques.
2. L’évolution vers une responsabilité collective
Avec le temps, la responsabilité s’est élargie pour inclure les décisions politiques et s’est transformée en une responsabilité collective :
- Le roi étant politiquement irresponsable, les ministres ont dû assumer les conséquences politiques des actes du gouvernement.
- La responsabilité collective repose sur le principe de solidarité : un gouvernement ne peut être tenu responsable que si tous ses membres partagent la responsabilité des décisions prises.
3. Remplacement de l’impeachment par la motion de censure
L’habitude de démissionner avant l’activation de la procédure d’impeachment a progressivement conduit à son abandon. À sa place, le Parlement a adopté un mécanisme plus souple :
- La motion de censure, qui permet à la Chambre des communes de retirer sa confiance au gouvernement, entraînant la démission du Cabinet.
Un exemple marquant est celui de Lord North, qui en 1782 démissionne avec l’ensemble de son gouvernement, consacrant ainsi la pratique de la responsabilité collective en cas de perte de confiance du Parlement.
C) Une responsabilité distincte mais parfois imbriquée
1. Responsabilité pénale individuelle
Les ministres restent responsables pénalement pour leurs actions personnelles. Cette responsabilité s’applique à des infractions spécifiques et est distincte de la responsabilité politique.
2. Responsabilité politique collective
La responsabilité collective implique que les ministres assument ensemble les décisions prises par le Cabinet. Cela garantit que l’exécutif fonctionne comme une entité solidaire.
3. Confusion possible entre les deux responsabilités
Dans certains cas, les responsabilités pénale et politique peuvent se superposer. Par exemple :
- Dans l’affaire du sang contaminé en France, des responsables politiques et administratifs ont été poursuivis à la fois pour des fautes pénales et pour des défaillances politiques dans la gestion de la crise.
D) Une évolution consolidée au XVIIIe siècle
L’idée d’un Cabinet solidaire et responsable a été définitivement consacrée en 1782, lorsque Lord North, Premier ministre, a démissionné avec l’ensemble de son gouvernement après avoir perdu la confiance du Parlement. Ce précédent a établi une règle fondamentale :
- La responsabilité politique collective est le fondement du fonctionnement du Cabinet dans le régime parlementaire britannique.
- Cette pratique assure que le gouvernement reste dépendant de la confiance de la majorité parlementaire.