La gérance du fonds de commerce (location gérance…)

La gérance du fonds de commerce : exploitation directe ou location gérance

Le fond peut être exploité directement sans gérant : on exploite soi-même son fond. C’est de loin l’hypothèse la plus fréquente. Mais il y a deux autres façons de l’exploiter :

  • on peut en assurer l’exploitation directe par l’intermédiaire agissant en qualité soit de salarié soit de mandataire
  • on peut confier l’exploitation à un locataire gérant qui va l’exploiter à ses fins et à ses risques.

  • &1 : L’exploitation directe avec gérant

Il peut s’agir :

  • D’un gérant salarié, c’est à dire d’un gérant lié au propriétaire du fond par un contrat de travail qui le place en situation de subordinnation. Il est rémunéré par un salaire. Il bénéficie du régime de la sécurité sociale et les litiges sont de la compétence du conseil de prud‘hommes.
  • D’un gérant succursaliste. C’est l’article L. 782-1 du Code du travail (loi de 1944) qui parle de “gérant non salarié des succursales des maisons d’alimentation de détail“.

Il s’agit de personnes qui exploitent, moyennant des remises proprortionnelles, une maison d’alimentation de détail. Pas totalement autonomes masi plus indapendants que les salariés, ils ont un statut hybride. Le contrat ne fixe pas les conditions de son travail. Son contrat lui laisse toute lattitude d’embaucher du personnel ou de se substituer des remplaçants à ses frais et sous son entière responsabilité. Ce sont des non salariés alors même que le contrat contient une clause de fourniture exclusive avec vente à prix imposé. Il n’est pas lié par un contrat de travail. Le législateur évite ainsi la requalification judiciaire en contrat de travail (article L 782-1). Une succursale est une agence non dotée de personnalité juridique. Ces gérants ont un statut hybride car ils bénéficient de certaines règles du droit du travail (le SMIC, les règles de rupture du CDI, électeurs du comité d’entreprise, ils bénéficient de règles protectrices du droit social, compétence du conseil des prud‘hommes…). Leurs litiges avec les propritétaires du fond relèvent de la compétence du tribunal de commerce lorsqu’ils portent sur des modalités commerciales de l’exploitation. Ce qui est clair c’est qu’ils sont en situation de faiblesse.

  • D’un gérant mandataire qui est régit par une loi du 2 août 2005(article L 146-1 et suivants du code de commerce).

Création d’un nouveau régime proche des gérants succursalistes. Il s’agit d’exploiter d’autres fonds, le cas échéant, dans le cadre d’un réseau. C’est donc le gérant mandataire. Le mandant reste propriétaire du fond, il supporte les risques liés à l’exploitation du fond. Il fixe la mission du gérant en lui laissant toute latitude dans le cadre ainsi tracé de déterminer ses conditions de travail, d’embaucher des salariés, de se substituer des remplaçants tout cela à ses frais et sous son entière responsabilité. Le gérant mandataire, personne physique ou morale, est immatriculée au RCS (mais cela ne veut pas dire qu’il est commerçant). Son contrat est mentionné au RCS. Il bénéficie d’une commission minimale, un accord cadre. Il jouit d’une protection en cas de rupture (qui peut intervenir à tout moment) = il a droit à une indemnité égale en 6 mois de commissions. C’est aussi un travailleur indépendant en situation de faiblesse, avec un statut hybride “presque commerçant / presque salarié“.

  • &2 : La location gérance ou gérance libre

C’est un contrat par lequel le loueur, propriétaire ou exploitant du fonds, donne le fonds de commerce en location à un locataire gérant, locataire gérant qui moyennant le paiement d’une redevance, l’exploite à son profit et à ses risques. (Loi du 20 mars 1956 Article L. 144-1 du Code de commerce).

C’est un contrat de bail qui a pour objet le fonds de commerce comme meuble incorporel.

Article 1713 du code civil : on peut louer toutes sortes de biens meubles ou immeubles.

Il faut bien distinguer la gérance libre de la gérance ordinaire :

Dans la gérance ordinaire, c’est le propriétaire qui exploite le fond.

Dans la gérance libre, c’est le locataire gérant qui exploite pour son propre compte et comme il l’entend. Le gérant est libre de faire ce qu’il veut et c’est lui qui a a qualité de commerçant ou d’artisan.

C’est lui qui perçoit les bénéfices ou qui supporte les pertes. Avec cette gérance libre, le propriétaire n’a plus rien à voir avec l’exploitation. Il reçoit une rémunération forfaitaire, un loyer, et si il s’agit d’une personne physique, celui qui donne à bail son fonds de commerce perd la qualité de commerçant (normal puisqu’il n’exploite plus ce fond).

Cas particulier lorsqu’une clause prévoit la répartition des bénéfices : qui rémunère qui ?

La réponse dépend de savoir qui prend en main la direction ?

Si c’est le propriétaire, il y a gérance salarié.

Si c’est le gérant, il y a gérance libre. Un problème particulier s’est posé lorsque le gérant verse un loyer, est inscrit au RCS comme un gérant libre mais exécute des ordres et donc n’est pas vraiment libre … Cela suscitait un lourd contentieux dans les années 1970 à propos des gérants de stations-services : l’application du statut de location gérance n’est pas incompatible avec l’application d’un lien de subordination. Les gérants de stations-services sont des locataires gérants (1) affiliés au statut de la sécurité sociale des salariés (2).

Exemple : arrêt du 27 février 1973 de la cour de cassation.

Il faut aussi bien distinguer la gérance libre du bail commercial. Il s’agit de deux louages qui n’ont pas le même objet.

Le bail commercial a pour objet le local, les murs.

La location gérance a pour objet un meuble incorporel parmi lequel le droit à la jouissance du local. Dans la réalité, il y a un risque de confusion lorsque le contrat porte à la fois sur le local et le matériel d’exploitation qui s’y trouve installé par le fait de certains fraudeurs.

Le critère qui permet de désigner clairement la location gérance du bail commercial sera de savoir s’il y a une clientèle.

Il y a location gérance si une clientèle est transférée du loueur au locataire.

S’il n’y a pas de clientèle, la seule chose que l’on pourra donner à bail sera le local, les murs et donc à bail commercial.

Il est encore plus délicat de faire cette distinction lorsque le propriétaire du fond est lui-même locataire des murs. La location gérance ne doit-elle pas être analysée comme une sous location des murs ?Toute sous location totale ou partielle est interdite sauf stipulation contraire du bail. Pour la jurisprudence, “la location gérance n’est pas une sous location car elle concerne le fonds et pas le local“.

Un vieil arrêt reste très interessant : cour de cassation 8 février 1949 : le locataire a droit au renouvellement pour deux raisons , il faut une exploitation effective mais pas nécessairement une exploitation personnelle (1ère apparition de cette notion) et la location litigieuse ne constituait pas une sous location litigieuse mais la location d’un fond de commerce.

Le bailleur, à la conclusion du contrat peut interdire toute location sur le local.

Location gérance : Contrat par lequel l’exploitant du fonds le donne en location à quelqu’un qui va l’exploiter à ces risques et qui prend donc la qualité de commerçant.

Quel est l’intérêt d’une location gérance du fond ?

1er intérêt : cela permet de pallier le problème qui se pose en cas d’indisponibilité, de maladie, du commerçant. Si le bail est destiné à quelqu’un qui ne peut pas être commerçant, mineur non émancipé.

2ème intérêt : c’est une technique de reprise des entreprises en difficultés. Cette location gérance peut servir de prélude à l’acquisition du fond par le locataire gérant.

Si l’exploitation en location gérance est rentable, il s’en portera acquéreur.

3ème intérêt : permettre à un investisseur d’en faire un placement. C’est donc un instrument de spéculation et c’est pour lutter contre cette spéculation qu’une loi de 1956 a subordonné à une exploitation personnelle de 2 ans la possibilité de donner le fond en location gérance. Il faut exploiter le fond au moins 2 ans avant de le donner en location gérance.

Conditions et Effets de la location gérance:

A) Conditions

Conditions de fond :

  • le locataire gérant doit avoir la capacité commerciale car il va obtenir la qualité de commerçant et exploiter le fond en son nom et à ses risques
  • le loueur, le bailleur peut être propriétaire du fond ou usufruitier du fonds ou exploitant du fonds (celui qui a pris le fonds peut sous-louer le fonds s’il est autorisé à le faire par contrat) en ce sens que le locataire gérant peut lui même sous louer le fonds de commerce si il est autorisé à le faire. Si le propriétaire du fond est locataire des murs, la location gérance est licite mais seulement en l’absence de clause qui l’interdirait.
  • Le loueur doit avoir exploité lui même le fond pendant deux ans sous peine de nullité absolue (article 144-10). Les contractants ne peuvent pas invoquer cette nullité à l’encontre du tiers. Si celui qui le fait est locaire des murs, il perd le droit au renouvellement. Ce principe a été assoupli :

o Le délai de 2 ans peut être réduit ou supprimé par le président du TGI en cas d’impossibilité d’exploiter le fond personnellement ou par l’intermédiaire de préposé.

o Cette exigence de délai de 2 ans n’est pas applicable à certaines personnes : Etat, collectivités locales, établissements de crédit, commerçants frappés d’incapacité, héritiers et légataires, conjoints attributaires (le conjoint du commerçant lorsqu’il se voit attribuer le fond) et à certains fonds : cinémas, music-hall … (article L. 144-5). De plus ce n’est pas applicable à la personne qui achète un fonds de commerce en location gérance donnée par le vendeur.

o Dans certaines circonstances l’exigence ne joue pas et nottamment à l’égard des entreprises faisant l’objet d’une procédure collective (article 642-14)

Conditions de forme :

  • Il n’y a pas de conditions de forme mais le loueur doit satisfaire à une obligation de renseignement et un écrit sera rédigé en guise de preuve. Cet écrit est rendu de fait obligatoire car il y a des conditions de publicité.

Conditions de publicité :

  • Le contrat doit être publié dans les 15 jours de sa conclusion sous forme d’avis dans un journal d’annonces légales.
  • Le locataire gérant doit faire figurer cette publicité dans sa demande d’inscription au RCS (article R. 123-38) . Il y a donc un paradoxe : le locataire gérant exploite le fond en son nom et à ses risques alors que le loueur n’a plus a être inscrit au RCS. Or si le loueur est pas propriétaire et qu’il est titulaire d’un bail commercial, il sera quand même lié avec le propriétaire mais aussi avec le lcoataire gérant. Le loueur sera partie au contrat de bail et c’est lui qui a vocation à demander au terme du contrat de bail le bénéfice du droit à la propriété commerciale et au renouvellement du bail . Le renouvellement joue à l’égard des locaux commerciaux appartenant à un commerçant incrit au RCS or le loueur ici ne sera plus inscrit au RCS.

B) Effets

Effets entre les parties :

C’est un contrat de bail.

En cours de contrat, le loueur a une double obligation de délivrance et de garantie. Au titre de cette obligation légale de garantie, il est débiteur automatiquement d’une obligation de non concurrence. Le locataire, lui, doit conserver la chose càd exploiter le fonds conformément à sa destination. Il faut qu’il paie le loyer convenu. Ce loyer est en principe toujours assorti d’une clause d’indexation laquelle ne doit pas conduire à une variation excessive (article 144-11 : “la révision du loyer peut être demandé chaque fois que par le jeu de la clause, le montant du loyer se trouve augmenté ou diminué de plus du quart“).

Le locataire n’a pas le droit de céder le fonds ni de le sous louer sauf clause l’y autorisant expressément.

A l’expiration du contrat, il n’existe pas de droit au renouvellement. Le locataire gérant n’a pas droit au renouvellement. Le propriétaire du fond n’est pas tenu de reprendre les stocks. Après l’expiration, le locataire reste débiteur, tenu d’une obligation de non concurrence envers le propriétaire. Le locataire gérant peut se porter acquéreur en levant l’option s’il y a une promesse de vente ou subir la rigueur de la loi du contrat.

A l’égard des tiers, créanciers :ils sont protégés contre le risque de dépréciation en ce sens que si il apparait que la location gérance met en péril le recouvrement de leur créance. Ils peuvent demander au tribunal de commerce l’exigibilité immédiate de leurs créances(article L. 144-6 du Code de commerce). Le loueur est tenu tout comme le locataire des dettes qui sont née avant la publication du contrat ou dans les 6 mois qui suivent. Les dettes nées plus de 6 mois après la publication du contrat tiennent seulement le locataire gérant.

Il peut aussi y avoir une promesse de vente faite par le loueur au locataire gérant.

Le crédit-bail sur fonds de commerce est un moyen pour le commerçant de financer son achat. Dans le crédit-bail, c’est un établissement de crédit qui finance l’achat.

Ne pas confondre avec le crédit-bail du droit au bail. Il s’agit ici d’un crédit-bail qui a pour objet le fonds de commerce lui-même.

La cession bail (fait pour le propriétaire de vendre le bien à un établissement de crédit afin que celui ci lui donne en crédit bail) sur fond de commerce est exclu.

Le crédit-bail sur fonds de commerce est un bail du fonds de commerce.

Cela reste soumis aux règles de la location gérance avec certains assouplissements :

  • l’établissement de crédit est dispensé de la condition d’exploitation personnelle pendant 2 ans ;
  • Est exclue toute possibilité de révision du loyer ;
  • L’expiration du contrat ne rend pas immédiatement exigible les dettes du crédit preneur.

Il y a deux faiblesses à ce mécanisme du crédit bail à la location gérance :

  • la solidarité du loueur et du gérant (pas dans la logique du crédit-bail)
  • si au terme du contrat, le locataire ne lève pas l’option. Il y a un véritable problème pour l’établissement de crédit qui va récupérer un fond de faible valeur avec éventuellement des salariés dont il va avoir la charge.

Cession-bail:
Les opérations de cession-bail consistent à céder un actif et à le reprendre immédiatement en location (sale and lease back en franglais). Ils donnent lieu au traitement suivant: la plus-value de cession doit être différée et constatée en résultat sur la durée du contrat de location si ce dernier est un crédit-bail, et constatée immédiatement en résultat s’il s’agit d’un contrat de location simple.

Le crédit-bail (aussi appelé leasing en anglais) est un crédit permettant l’acquisition d’un bien en échange de redevances et avec option d’un droit de propriété à l’échéance.