La hiérarchie des fautes dans la responsabilité pour faute

LA HIÉRARCHIE DES FAUTES

En principe, la faute ordinaire suffit à engager la responsabilité (Responsabilité Délictuelle ou Responsabilité Contractuelle). Ce principe date du Code civil : dans l’Ancien droit, on distinguait fautes selon leur gravité (théorie de la gradation des fautesdéfendue par POTHIERS): faute très légère, faute légère, faute lourde, faute dolosive. Pour engager la responsabilité, fallait prouver l’une de ces fautes. A lui s’opposait un grand juriste, LEBRUN: il plaidait pourl’unité des fautes. Cette controverse est restée célèbre. Rédacteurs du Code civil ont tranché pour LEBRUN (une fois n’est pas coutume!). La faute simple suffit pour engager la responsabilité Ça ne veut pas dire que la gravité de la faute n’a pas d’influence sur la responsabilité Parfois (rare), on exige une faute d’une certaine gravité.

Traces pénalité dans droit civil. Parfois, faute d’une certaine gravité demandée pour engager la responsabilité (faute simple ne suffit pas, cas très rares). Dans d’autres cas, faute grave (qualifiée) aggrave responsabilité et donc condamnation.

Un peu plus fréquemment, responsabilité engagée lorsque la faute est grave. De ce fait, la responsabilité est aggravée. 3 fautes qualifiées:

I/ FAUTE INTENTIONNELLE OU DOLOSIVE

A_ NOTION

C’est la plus grave. C’est une faute qui implique une intention, un dol = c’est la volonté d’un résultat (tendue vers le dommage). La faute intentionnelle implique la volonté de causer un dommage. Par conséquent, on ne se contente pas d’un comportement négligent: on veut le dommage que la victime subit. Ne faut pas la confondre avec l’intention de nuire. On peut vouloir causer un dommage à autrui sans vouloir forcément lui nuire (juste recherche d’un avantage personnel). Il y a un mobile particulier = la volonté de nuire à autrui.

La Jurisprudence a retenu une définition plus large de la faute dolosive (en matière contractuelle, on utilise plutôt ce terme : “dol élargi”): la Cour de Cassation parle souvent de dol élargi en matière contractuelle, en certains domaines. Arrêt célèbre,Civil 1ère, 4 fév. 69: il y a faute dolosive« à chaque fois qu’il y avait violationdélibéréed’une Obligation contractuelle.» C’est un élargissement très considérable. On dit quelquefois comportement de mauvaise foi. En matière contractuelle, il n’est pas nécessaire qu’un débiteur ait voulu créer un dommage au créancier, suffit qu’il aitvolontairementrefusé l’exécution de l’Obligation: implique tout de même la conscience du débiteur du risque de créer un préjudice en transgressant cette Obligation. Cette conscience du préjudice n’est pas la volonté du préjudice! Il y a une marge.

B_ EFFETS

  • La faute dolosive va conditionner la responsabilité civile (insuffisance d’une faute ordinaire). Cas lorsque la loi écarte la responsabilité de certaines personnes dans certaines situations. L’auteur du dommage bénéficie d’une véritable irresponsabilité. Cette irresponsabilité prévue par la loi va disparaitre dans des Hypothèse de faute dolosive.Ex: en matière d’accident du Travail, l’employeur est considéré comme irresponsable par la loi (il ne devra pas indemniser) sauf faute dolosive.

Se peut que les parties à un contrat aient prévu qu’en cas d’inexécution, le débiteur sera irresponsable (accord conventionnel avec insertion d’une clause de non-responsabilité). Validité de cette clause tombe si faute dolosive.

La Jurisprudence a alors recours à la définition élargie du dol: c’est la violation délibérée d’une Obligation contractuelle qui fera céder cette clause.

  • Dans d’autres cas, la faute dolosive a pour effetd’aggraver la responsabilité d’une personne.

2 APPLICATION: –art 1150 Code civil : en matière de contrat, le débiteur ne répond que des dommages prévisibles (= allégement de la responsabilité). Si débiteur commet une faute dolosive, la responsabilité est aggravée et le débiteur devra répondre de tous les dommages.

– dans certains domaines, la loi prévoit un allégement de la responsabilité (domaine des transports: en présence d’une faute dolosive, le plafond de réparation disparait et le transporteur devra réparer l’intégralité du dommage).

Hypothèse : très souvent les parties d’une convention insèrent une clause limitative de responsabilité. Se distingue des clauses d’irresponsabilité. Ces clauses sont valables sauf si débiteur de l‘Obligation a commis une faute intentionnelle. S’applique aussi aux clauses pénales (s’appliquent tant qu’il n’y a pas de faute intentionnelle).

Dans toutes ces illustrations, même règle: allègement qui disparait si faute intentionnelle > aggravation de la responsabilité.

2 OBSEVATIONS °: – dans tous ces cas, la faute dolosive est entendue dans unsens large(le dol élargi).

– aggravation de responsabilité joue essentiellement en RESPONSABILITÉ CIVILE. Aussi Hypothèse où loi prévoitrégime spécialde responsabilité (transporteurs). Régime spéciaux d’indemnisation…droit du travail, accidents de la circulation…

Dans ces 2 domaines, il y a une incidence de la faute dolosive > aggravation de la responsabilité (pourtant alléger au départ).

II/ FAUTE LOURDE

A_ NOTION

Faute non-intentionnelle, pas de volonté de créer le dommage mais présente quand même une gravité particulière: négligence, imprudence particulièrement grave, particulièrement inadmissible, erreur de conduite particulièrement grossière. Définition de la Cour de Cassation :« c’est une négligence d’une extrême/exceptionnelle gravité dénotant l’inaptitude du débiteur à accomplir sa mission contractuelle. »On la retrouve souvent en matière contractuelle mais vaut en matière délictuelle. La Jurisprudence a évolué ces dernières années sur les critères de la faute lourde.3 critèresretenus aujourd’hui:

* le critère tiré de l’examen de la conduite de l’agent. Il y a faute lourde lorsqu’il a eu un comportement particulièrement dangereux. Certains auteurs prennent cette image de l’écart énorme par rapport à la norme (attitude du bon père de F). Le petit écart = faute ordinaire / grand écart = faute lourde.

– D’autres insistent sur l’attitude de l’agent à travers des qualificatifs: la faute révèle l’extrême incurie, l’extrême incompétence, la témérité de l’agent; d’autres parlent de l’extrême stupidité/idiotie de l’agent; d’autres l’extrême témérité de l’agent.

*la conscience du dommage. Beaucoup plus subjectif. On se rapproche du dol élargi retenu en matière contractuel, ils se confondent presque. Cette volonté délibérée de ne pas exécuter son Obligation contractuel. implique la conscience du dommage que l’on va créer.

* critère retenu plus rarement:la répétition des fautes. Personne commettant une suite de fautes ordinaires est équivalent à la commission d’une faute lourde unique. Hypothèse de personnes qui se conduisent négligemment tout au long de l’exécution du contrat.

  • Jusqu’à une époque récente (années.1980 jusque 2005), la Jurisprudence avait tendance à retenir des critères beaucoup plus objectifs, détachés de l’examen du comportement de l’agent: s’attache à la nature de l’Obligation transgressée: il y avait faute lourde à transgresser une Obligation essentielle du contrat. (Beaucoup d’arrêts en ce sens). Cour de Cassation a mis un frein àcette déviancede la J: en réalité, une faute doit d’apprécier au regard du comportement de l’auteur: Chambremixte, 2 arrêts du 22 avril 2005, affaires Chronopost(il existe beaucoup d‘arrêts Chronopost! Refus faute lourde en cas de violation obligation essentielle des contrats de messagerie rapide). L’Obligation essentielle était celle de livrer les colis dans un délai de 24H. Précédemment, le fait de transgresser cette Obligation de ponctualité entrainait une faute lourde. En 2005, on fait machine arrière.

Dans tous les cas, appréciationin abstractode la faute lourde = indépendamment de l’esprit, de l’aptitude intellectuelle de l’agent: c’est son comportement qu’on étudie. Même lorsque la faute est lourde est qualifiée à travers la conscience du dommage (donc très subjectif), l’appréciation reste extérieure (= ce que la conscience de l’agent vue de l’extérieur révèle).

Problème : tous ces arrêts concernant contrat messagerie rapide ou similaires (engagement faire quelque chose dans délai court). D’où question : cette jurisprudence vaut-elle uniquement pour ces contrat ou portée plus générale ?Civil 1, 4 avril 06: pas en cause un contrat de messagerie rapide, La Cour de Cassation admet que l’on puisse encore se référer à la violation d’une obligation essentielle pour qualifier la faute lourde. Peut-etre portée revirement Chambre mixte = que contrat messagerie rapide ?

Appréciation in abstracto faute lourde : pas considérations d’ordre psychologique ou intellectuel (y compris pour l’application du critère de conscience des risques de dommage). Le juge ne recherche pas si tel auteur de dommage a eu réellement conscience des risques mais si eu égard à son comportement, aurait dû avoir cette conscience.

B_ EFFETS

Un peu les mêmes que la faute dolosive

– faute lourde exigée pour engager la responsabilité

– la faute simple engage une responsabilité allégée; responsabilité aggravée si faute lourde.

La Jurisprudence a été conduite à poser unprincipe d’équivalence/d’équipollenceentre la faute lourde et la faute dolosive concernant les effets sur la responsabilité >Culpa lata dolo aequi paratur.

Le dol est difficile à prouver. A partir du moment où une personne a commis une faute lourde, son comportement est présumé dolosif. Observation qui ne concerne que la matière contractuelle. La Jurisprudence retient bien souvent une conception élargie du dol qui revient finalement à la faute lourde; volonté qui implique la conscience du dommage (or, c’est un des critères de qualification de la faute lourde!).

Par exemple, si une clause limite la responsabilité d’un débiteur et qu’il commet une faute lourde, la clause disparait. Le débiteur devra réparer l’intégralité du dommage. De même, lorsqu’une clause dolosive était nécessaire pour engager la responsabilité, une faute lourde suffira à engager la responsabilité

III/ FAUTE INEXCUSABLE

S’intercale entre la faute dolosive et la faute lourde.

– NOTION, APPLICATION et INCIDENCES

En réalité, ne concerne que des applications très particulières où la loi fait produire des effets à la faute inexcusable.

  • En matière d’accident du transport·Droit des transports·accidents de la circulation

Les arrêts qui parlent de la faute inexcusable la définition comme une «faute d’une gravité exceptionnelle». Est quand même moins grave qu’une faute intentionnelle car elle reste une imprudence (imprudence gravissime). Appréciation très objective.

Sa définition varie selon le droit positif: la faute inexcusable n’est pas la même selon le domaine. Le seul trait commun est la gravité exceptionnelle.