LA HIÉRARCHIE DES RÈGLES DE DROIT

Le droit est constitué d’un ensemble complexe de normes juridiques disposées selon une organisation hiérarchique. Cette structure vise à assurer une cohérence dans l’application du droit en fixant des niveaux de force obligatoire pour chaque norme et en établissant les conditions de leur interaction. Cette hiérarchie repose sur la pyramide de Kelsen, qui organise les normes selon leur autorité respective.

Organisation verticale et horizontale des normes

Dans une perspective verticale, certaines normes sont supérieures à d’autres, ce qui implique que chaque norme doit être conforme à celles qui lui sont supérieures dans la hiérarchie. En revanche, la dimension horizontale renvoie à la diversité des normes au sein d’un même niveau, regroupées en fonction de leur domaine d’application (droit constitutionnel, droit international, droit européen, droit civil, etc.).

La pyramide de Kelsen

La pyramide de Kelsen représente cette hiérarchie. Elle se compose, en ordre décroissant de force obligatoire, des normes suivantes :

  • Constitution et bloc de constitutionnalité : Au sommet de la hiérarchie, la Constitution est la norme suprême en droit interne. Elle inclut le bloc de constitutionnalité, qui englobe des textes fondamentaux tels que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et le préambule de la Constitution de 1946.
  • Traités internationaux et droit de l’Union européenne : Les traités internationaux, ainsi que le droit dérivé de l’Union européenne (règlements et directives), sont supérieurs aux lois nationales, mais doivent être conformes à la Constitution.
  • Lois organiques et ordinaires : Les lois organiques, votées dans des domaines spécifiques définis par la Constitution, sont supérieures aux lois ordinaires, qui relèvent des compétences du Parlement (Assemblée nationale et Sénat).
  • Règlements (décrets et arrêtés) : Les règlements sont adoptés par l’exécutif pour mettre en œuvre les lois ou régler des domaines techniques non couverts par la législation. Ils comprennent les décrets du président de la République ou du Premier ministre et les arrêtés ministériels, préfectoraux ou municipaux.
  • Circulaires et directives administratives : Ces textes interprétatifs n’ont pas de force obligatoire en tant que normes juridiques, mais permettent aux fonctionnaires de comprendre et d’appliquer les règles supérieures.

Le principe de légalité

Le principe de légalité impose que chaque norme respecte celles qui lui sont supérieures. Toute infraction à ce principe constitue une violation susceptible de créer des désordres juridiques et d’engager la responsabilité de la collectivité publique. Par exemple, une loi ou un règlement contraire à un traité ou à une directive européenne peut être contesté devant les juridictions nationales ou européennes.

Pour garantir cette conformité, les nouvelles dispositions législatives ou réglementaires doivent être évaluées non seulement par rapport aux normes nationales existantes mais aussi en tenant compte des normes européennes et internationales en préparation. Ce respect de la hiérarchie est essentiel pour assurer la cohérence du droit et la sécurité juridique.

 

I) La pyramide de Kelsen

La pyramide de Kelsen est un schéma théorique illustrant la hiérarchie des normes juridiques dans une conception positiviste du droit, où les normes sont rangées selon leur importance et leur source. Chaque niveau doit respecter le niveau supérieur pour assurer la cohérence et l’unité du système juridique.

A) Les différents échelons de la pyramide

1) L’échelon supra-législatif

Cet échelon inclut les normes constitutionnelles et internationales, placées au-dessus de la loi nationale :

  • Constitution : Au sommet de la pyramide, elle fixe les fondements du système juridique. Le Conseil constitutionnel exerce un contrôle de constitutionnalité pour s’assurer qu’aucune loi ne contredit la Constitution avant sa promulgation, mais uniquement en amont (contrôle ex ante). Une fois promulguée, la constitutionnalité de la loi ne peut être contestée par les juges ordinaires, ce qui limite les possibilités de contestation ex post.

  • Traités internationaux et droit de l’Union européenne : L’article 55 de la Constitution française donne aux traités ratifiés une valeur supérieure aux lois, mais cette supériorité est soumise au contrôle des juges ordinaires (Conseil d’État et Cour de cassation), qui vérifient la conformité des lois aux traités internationaux, ce qu’on appelle le contrôle de conventionnalité. Le Conseil constitutionnel refuse de juger la conformité à la Constitution des lois de transposition des directives européennes, car elles font partie de l’ordre juridique communautaire, avec lequel le Conseil évite tout conflit direct.

2) L’échelon législatif

L’échelon législatif est structuré par différents types de lois :

  • Lois organiques : Ces lois sont adoptées dans les domaines fixés par la Constitution (comme le fonctionnement des pouvoirs publics) et exigent des majorités renforcées. Elles possèdent une valeur hiérarchique supérieure aux lois ordinaires et encadrent des aspects essentiels de l’État.

  • Lois ordinaires : Votées par le Parlement (Assemblée nationale et Sénat), elles traitent des matières importantes énumérées dans l’article 34 de la Constitution, telles que les droits civiques, la nationalité et les droits de propriété. Les ordonnances, prises par le gouvernement dans des domaines relevant normalement de la loi, ont un caractère temporaire : elles acquièrent une valeur législative une fois ratifiées par le Parlement.

3) L’échelon infra-législatif

L’échelon infra-législatif regroupe les normes de nature réglementaire, élaborées par le pouvoir exécutif et les administrations locales :

  • Décrets : Pris par le président de la République ou le Premier ministre, les décrets d’application précisent les modalités d’exécution des lois, tandis que les décrets autonomes interviennent dans les domaines ne relevant pas du champ législatif (article 37 de la Constitution).

  • Arrêtés : Ils sont émis par des ministres, préfets, maires, ou présidents de conseils régionaux et concernent des règlements d’application locale ou sectorielle.

  • Circulaires et instructions : Ces textes internes servent surtout à interpréter les lois et à donner des directives aux fonctionnaires, mais n’ont pas de valeur normative.

4) Normes non inclues dans la pyramide de Kelsen

Les normes privées, édictées par des entités comme les associations, les copropriétés ou les entreprises, sont des règles propres aux communautés privées et ne figurent pas dans cette pyramide car elles ne relèvent pas de l’autorité publique ni du droit étatique.

 

B) L’influence de la jurisprudence sur la pyramide

La jurisprudence, en clarifiant et interprétant les lois, joue un rôle central dans la hiérarchie des normes, influençant l’application et la compatibilité des normes entre elles.

1) Le statut de la règle prétorienne

Une règle prétorienne est une norme créée par le juge à travers l’interprétation de textes de loi ou de règlements. Elle est considérée comme faisant corps avec la norme interprétée, occupant ainsi le même rang dans la hiérarchie. Par exemple, lorsqu’un tribunal interprète un traité, cette interprétation est traitée comme ayant la même valeur que le traité lui-même.

Dans certains cas, une règle prétorienne peut créer une norme nouvelle, ayant un effet similaire à celui d’une loi, notamment dans les situations où la législation est floue ou absente. Dans ces circonstances, la hiérarchie des normes est respectée, et toute question de conflit est tranchée devant les juridictions compétentes.

2) La mise en œuvre de la hiérarchie par les tribunaux

Les tribunaux garantissent le respect de la hiérarchie des normes en rendant les normes inférieures compatibles avec les normes supérieures. Cependant, lorsque cette harmonisation est impossible, le juge peut être amené à écarter ou à invalider la norme inférieure.

  • Contrôle par voie d’action : Le juge administratif peut annuler un acte administratif qui contrevient à une norme supérieure par voie d’action. Cette annulation a un effet « erga omnes » (à l’égard de tous), rendant l’acte invalide pour tous les cas futurs. Par exemple, le Conseil constitutionnel peut invalider une loi non conforme à la Constitution avant sa promulgation, mais il ne peut pas contrôler la conformité d’un traité à la Constitution.

  • Contrôle par voie d’exception : Dans ce cas, le juge écarte l’application d’une norme spécifique pour un litige particulier sans l’invalider de manière générale. Les juges administratifs et judiciaires peuvent, par exemple, écarter une loi ou un règlement contraire à un traité. Ce contrôle permet de traiter des exceptions de conventionalité (contradiction entre une norme nationale et un traité) et des exceptions d’illégalité (contradiction entre un règlement et une loi).

  • Restrictions du contrôle : Le juge judiciaire ne peut pas apprécier la légalité d’un règlement ou l’interpréter pour vérifier sa conformité aux normes administratives, car le contrôle de l’administration relève exclusivement des juridictions administratives. Néanmoins, en cas de voie de fait — lorsqu’une décision administrative porte une atteinte manifeste aux libertés individuelles sans fondement juridique — le juge pénal peut intervenir pour garantir la protection des libertés publiques.

3) Hiérarchie entre Constitution, traités, et droit de l’Union européenne

Un point de tension demeure quant à la hiérarchie entre la Constitution, les traités internationaux et le droit de l’Union européenne. La Constitution est théoriquement supérieure aux traités, mais en pratique, les juridictions françaises, notamment le Conseil d’État, peuvent écarter une loi jugée contraire à un traité, même si cette loi a été jugée conforme à la Constitution. Cette situation reflète un compromis, où le juge administratif cherche à respecter la primauté du droit international et européen tout en préservant la souveraineté de la Constitution.

 

II . Les normes juridiques

Les normes juridiques régissent la société en imposant des règles de conduite et en garantissant l’ordre public. Bien que le Parlement soit en principe responsable de l’élaboration des lois, d’autres sources participent également à la création des normes.

La loi, rédigée et votée par le Parlement, est une norme de droit écrite et obligatoire, appliquée une fois promulguée par le président de la République et publiée dans le Journal officiel. Les lois couvrent divers domaines essentiels tels que les droits civiques, le régime fiscal, les institutions publiques, etc. Qu’elles soient ordinaires, organiques, référendaires ou de finances, elles partagent un régime identique en matière de force obligatoire, d’interprétation et d’application.

La Constitution de 1958 confère au gouvernement le pouvoir de légiférer par voie de règlement dans des domaines ne relevant pas du champ législatif (article 37 de la Constitution). Les règlements, incluant les décrets et arrêtés, servent à mettre en œuvre les lois en fixant leurs modalités pratiques et en réglementant des domaines spécifiques.

En plus, le Parlement peut déléguer son pouvoir de légiférer à l’exécutif par le biais des ordonnances (article 38 de la Constitution). Ces ordonnances permettent au gouvernement de prendre des mesures normalement réservées au Parlement, mais elles doivent être ratifiées par le Parlement pour acquérir une valeur législative permanente.

Certaines règles de droit proviennent de la coutume ou de pratiques répétées, qui, bien que non écrites, sont reconnues et appliquées. La jurisprudence, quant à elle, est constituée des décisions des juridictions, qui interprètent la loi et parfois créent de nouvelles normes dans des domaines où la législation est lacunaire.

 

1) La place de la Constitution dans la hiérarchie des normes

La Constitution française de 1958 est au sommet de la hiérarchie des normes en France. Elle s’impose aux lois, règlements et traités dans l’ordre interne, et détermine ainsi les fondements du droit français.

A) Supériorité de la Constitution dans l’ordre interne

La Constitution prime sur toutes les autres normes juridiques internes, y compris les lois et règlements. Cependant, la théorie de la loi écran, établie par le Conseil d’État dans l’arrêt Arrighi (CE, 1936), limite le contrôle de constitutionnalité des actes réglementaires : si un règlement découle directement d’une loi, le Conseil d’État refuse de juger de sa constitutionnalité, puisqu’il n’a pas le pouvoir de censurer les lois.

L’article 66 de la Constitution confère au juge judiciaire le rôle de gardien des libertés individuelles, le rendant ainsi responsable de sanctionner toute atteinte à ces libertés. Cela confirme la suprématie de la Constitution en protégeant directement les citoyens contre les violations de droits fondamentaux.

B) Supériorité de la Constitution sur les traités

L’article 54 de la Constitution stipule qu’un traité international ne peut être ratifié s’il contient des dispositions contraires à la Constitution. En 1992, cet article a été révisé pour permettre à 60 députés ou 60 sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel en cas de doute sur la conformité d’un traité à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel s’est appuyé sur cet article pour déclarer certains traités incompatibles avec la Constitution, empêchant ainsi leur ratification. Un exemple notable est sa décision de 1999 déclarant la Charte européenne des langues régionales et minoritaires contraire à la Constitution, entraînant son rejet.

C) La spécificité du droit de l’Union européenne

Le droit de l’Union européenne (UE) se distingue par sa primauté et son effet direct dans les États membres, comme le montrent plusieurs décisions importantes de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) :

  • Van Gend en Loos (CJCE, 1963) : La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a jugé que le droit communautaire a un effet direct. Cela signifie que les particuliers peuvent invoquer les normes européennes devant les juridictions nationales, même sans transposition en droit interne.

  • Costa c/ ENEL (CJCE, 1964) : Cet arrêt consacre la primauté du droit communautaire sur les droits nationaux, stipulant que, dans le cadre des compétences de l’Union, le droit européen prévaut en cas de conflit avec une loi nationale.

  • Internationale Handelsgesellschaft (CJCE, 1970) : La CJCE affirme que le droit communautaire prime même sur les normes constitutionnelles nationales. Cet arrêt établit que, en cas de contradiction, les normes de l’UE doivent être appliquées, indépendamment des dispositions constitutionnelles de l’État membre.

  • Tanja Kreil (CJCE, 2000) : En cas de conflit entre le droit de l’UE et une norme constitutionnelle nationale, cette dernière doit être écartée au profit de la norme européenne, confirmant ainsi l’autorité du droit de l’UE au-delà des constitutions nationales.

  • Affaire Mangold (2005)
    • Contexte : Cet arrêt concernait la discrimination liée à l’âge dans un contrat de travail en Allemagne.
    • Décision : La CJUE a jugé que les principes généraux du droit de l’UE, notamment l’interdiction de la discrimination en raison de l’âge, avaient un effet direct et devaient s’imposer même sans transposition par l’État. Cela a renforcé la primauté du droit de l’UE dans des domaines relatifs aux droits fondamentaux, obligeant l’Allemagne à appliquer cette interdiction même si le droit national n’y était pas conforme​  Wikipedia​           Chambers & Partners.
  • Affaire Kücükdeveci (2010)
    • Contexte : Cette affaire portait également sur la discrimination liée à l’âge dans un contrat de travail allemand.
    • Décision : La CJUE a affirmé la primauté de la directive européenne anti-discrimination sur le droit allemand, donnant un effet direct horizontal aux directives dans certains cas, c’est-à-dire applicables même entre particuliers, et obligeant les juridictions nationales à écarter les règles nationales contraires aux droits fondamentaux de l’UE​    International.
  • Affaire Akerberg Fransson (2013)
    • Contexte : La question portait sur la portée de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, dans le cadre de poursuites pour fraude fiscale en Suède.
    • Décision : La CJUE a décidé que la Charte des droits fondamentaux s’appliquait dès lors qu’un État membre mettait en œuvre le droit de l’UE, soulignant la primauté de la Charte sur les lois nationales lorsque le droit de l’UE est en cause​    Chambers & Partners.
  • Affaire Taricco (2015)
    • Contexte : L’Italie contestait l’application de règles de prescription dans des affaires de fraude à la TVA qui auraient permis aux auteurs de crimes économiques d’échapper à des sanctions.
    • Décision : La CJUE a statué que les juges italiens devaient écarter les règles nationales si celles-ci compromettaient les intérêts financiers de l’UE, renforçant ainsi la primauté du droit de l’UE sur les droits pénaux nationaux en matière de protection des intérêts financiers de l’UE. Cela a créé des tensions avec la Cour constitutionnelle italienne, qui a jugé que certains droits fondamentaux devaient être protégés​    Wikipedia.
  • Affaire Coman (2018)
    • Contexte : Un citoyen roumain demandait la reconnaissance de son mariage homosexuel, légalement contracté dans un autre État membre.
    • Décision : La CJUE a jugé que les États membres devaient reconnaître la liberté de circulation des citoyens de l’UE et accorder des droits de séjour à leur conjoint, quelle que soit la législation nationale en matière de mariage homosexuel. Cet arrêt a affirmé la primauté des libertés de circulation de l’UE sur les lois nationales contraires​    International.
  • Affaire Republique tchèque contre Commission (2022)
    • Contexte : Cette affaire portait sur des sanctions infligées pour non-respect de normes environnementales européennes.
    • Décision : La CJUE a confirmé que le droit de l’UE s’imposait même sans harmonisation préalable en droit national, renforçant la primauté des règles de l’UE en matière environnementale, que les États membres doivent appliquer sans dérogation​ EUR-Lex.
  • Affaire Polski Komitet (2021)
    • Contexte : L’affaire portait sur la compatibilité d’une norme polonaise avec les règles de l’UE relatives au marché intérieur.
    • Décision : La CJUE a réaffirmé que le droit de l’UE prévalait sur les normes constitutionnelles nationales, ce qui a déclenché des controverses en Pologne et a contribué aux tensions actuelles entre la CJUE et le Tribunal constitutionnel polonais​     Wikipedia   Chambers & Partners.

Ces décisions montrent comment la CJUE a consolidé la primauté du droit de l’UE et l’effet direct de ses normes, parfois même face à des normes constitutionnelles nationales, établissant une jurisprudence qui s’impose aux États membres en cas de conflit juridique.

Cette jurisprudence de la CJUE pose des tensions avec le Conseil d’État français, qui dans l’arrêt Sarran et Levacher (CE, 1998) a réaffirmé la supériorité de la Constitution sur les traités dans l’ordre interne. Selon le Conseil d’État, la primauté du droit de l’UE ne s’étend pas au-dessus de la Constitution.

Problème de contrôle des actes communautaires en droit interne

Les actes communautaires échappent généralement au contrôle du Parlement et du Conseil constitutionnel malgré les dispositions de l’article 88-4 de la Constitution. Toutefois, le gouvernement a pu obtenir un avis du Conseil d’État pour vérifier la compatibilité d’un acte communautaire avec la Constitution. Par exemple, l’adoption de la directive sur le mandat d’arrêt européen a conduit à une révision de la Constitution en 2003 (CE, avis 2002).

Ainsi, la Constitution reste la norme suprême dans l’ordre juridique interne français, mais son rapport au droit de l’UE est marqué par des compromis et des tensions, reflétant un équilibre délicat entre souveraineté nationale et engagements européens.

 

2)       La loi parlementaire :

La loi parlementaire est une règle de droit votée par le Parlement (Assemblée nationale et Sénat), représentant la souveraineté nationale et incarnant l’expression de la volonté générale des citoyens. Elle se distingue de la loi constitutionnelle (émanant du pouvoir constituant pour modifier la Constitution) et de la loi référendaire, adoptée directement par le peuple sur proposition du président de la République, notamment pour les sujets relatifs à l’organisation des pouvoirs publics (comme le passage au quinquennat en 2000).

Types de lois parlementaires

  1. Lois organiques : Fixent l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics dans des domaines limitativement définis par la Constitution (ex. : statut des magistrats, organisation des élections). Elles suivent une procédure particulière et sont soumises à un contrôle obligatoire de constitutionnalité avant promulgation.

  2. Lois ordinaires : Règles de droit générales votées par le Parlement dans les domaines prévus par la Constitution. Elles doivent être adoptées en termes identiques par les deux chambres du Parlement, mais en cas de désaccord, l’Assemblée nationale a le dernier mot. Les lois ordinaires peuvent émaner d’un projet de loi (proposé par le Premier ministre) ou d’une proposition de loi (déposée par les parlementaires).

  3. Lois de finances et lois de programme :

    • Les lois de finances déterminent les ressources et dépenses de l’État.
    • Les lois de programme définissent les objectifs de l’action économique et sociale de l’État pour une période donnée.

Limites du domaine législatif : Article 34 de la Constitution

La Constitution de 1958, dans son article 34, délimite strictement le domaine de la loi, conférant au Parlement le pouvoir de fixer des règles et principes fondamentaux dans des domaines spécifiques :

  • Règles fondamentales : Droits civiques, libertés publiques, statut des magistrats, organisation des juridictions, régime de la nationalité, droits des fonctionnaires, régime des établissements publics, etc.
  • Principes fondamentaux : Organisation de la défense nationale, administration des collectivités locales, droit du travail, propriété, sécurité sociale, etc.

Ces limitations permettent de distinguer le domaine législatif de celui du réglementaire, dévolu à l’exécutif pour toutes les matières non expressément prévues dans l’article 34 (voir article 37 de la Constitution).

Encadrement de la loi parlementaire

  1. Irrecevabilité et contrôle par le Conseil constitutionnel : Si le Parlement souhaite empiéter sur le domaine réglementaire, le gouvernement peut opposer une irrecevabilité au texte. Si le Parlement insiste, le gouvernement peut saisir le Conseil constitutionnel pour empêcher la promulgation de la loi, dans le respect de la séparation des pouvoirs.

  2. Contrôle de constitutionnalité : En France, le contrôle de constitutionnalité des lois parlementaires n’intervient qu’avant promulgation, lorsque le Conseil constitutionnel est saisi. Cela le distingue des cours constitutionnelles d’autres pays (comme la Cour suprême aux États-Unis), où les lois peuvent être contestées pour inconstitutionnalité même après leur adoption.

Publication et hiérarchie des lois et règlements

Les lois parlementaires, une fois adoptées, sont publiées dans le Journal officiel de la République française. Elles sont hiérarchiquement supérieures aux règlements, qui peuvent inclure les décrets et arrêtés, tous subordonnés à la loi pour respecter la hiérarchie des normes juridiques.

3)      Les règlements :

Les règlements en droit français regroupent les actes juridiques émanant du pouvoir exécutif (le président de la République et le Premier ministre) et sont des sources de droit subordonnées aux lois. Ils se composent principalement des décrets et des arrêtés, mais ici, nous nous concentrons sur les décrets.

Types de décrets

  1. Décrets simples : Signés par le Premier ministre, ils concernent des décisions n’exigeant pas une procédure plus élaborée et sont souvent utilisés pour des mesures techniques ou organisationnelles.

  2. Décrets en Conseil des ministres : Prises par le Président de la République et adoptées lors d’un Conseil des ministres, ces décrets concernent généralement des décisions importantes, notamment en matière de défense, de sécurité, ou de nominations aux postes de haute fonction publique.

  3. Décrets en Conseil d’État : Ce type de décret est pris après consultation et avis obligatoire d’une section spécialisée du Conseil d’État, garantissant un contrôle de conformité avec les normes supérieures. Ils concernent souvent des domaines plus complexes ou sensibles, nécessitant une expertise approfondie.

Règlements d’application et règlements autonomes

Les décrets se distinguent également en fonction de leur rapport à la loi :

  • Décrets d’application : Pris pour l’application d’une loi, ils en précisent les modalités pratiques (dates, conditions, méthodes). Une loi ne peut généralement pas être appliquée sans ses décrets d’application, lesquels assurent que les dispositions législatives soient exécutées conformément à l’intention du législateur.

  • Décrets autonomes : Adoptés dans des matières n’étant pas du domaine législatif, tels que ceux relatifs à la procédure civile. Conformément à l’article 37 de la Constitution, ces décrets relèvent exclusivement du pouvoir réglementaire de l’exécutif, sans intervention préalable du Parlement. Ils permettent au gouvernement de réglementer les domaines qui échappent à la loi parlementaire.

Hiérarchie et conformité des règlements

Dans la hiérarchie des normes juridiques, les règlements doivent respecter les lois ainsi que les traités internationaux et la Constitution. En cas de non-respect, un particulier peut contester un règlement par un recours pour excès de pouvoir devant les juridictions administratives, lesquelles peuvent annuler le règlement en cas d’illégalité.

4)      Les arrêtés :

Les arrêtés sont des actes administratifs à portée générale ou individuelle, subordonnés aux décrets et dépendant du rang de l’autorité qui les émet. Ils participent à l’application des lois et des règlements, selon les instructions du pouvoir exécutif.

Types d’arrêtés

Les arrêtés sont classés selon leur auteur :

  • Arrêtés ministériels : Émis par un ou plusieurs ministres (arrêtés interministériels).
  • Arrêtés préfectoraux : Prises par les préfets ou sous-préfets pour s’appliquer à un département ou une circonscription administrative.
  • Arrêtés municipaux : Émis par le maire pour les affaires locales relevant de la compétence de la commune.

Différence entre arrêtés et autres actes administratifs

Les arrêtés ne sont pas assimilables à certains autres actes de l’administration :

  • Réponses ministérielles : Réponses à des questions écrites des parlementaires, sans valeur réglementaire.
  • Circulaires : Textes interprétatifs qui précisent l’application d’une loi ou d’un règlement, mais qui n’ont pas de portée normative.
  • Décisions individuelles : Actes administratifs relatifs à des situations particulières, comme la nomination d’un fonctionnaire ou l’octroi d’un permis de construire.

Rôle des arrêtés dans le cadre réglementaire

L’article 37 de la Constitution précise que le pouvoir réglementaire couvre les matières qui ne relèvent pas du domaine législatif. Dans ces cas :

  • Décrets d’application : Permettent au gouvernement d’exécuter une loi en précisant ses modalités.
  • Règlements autonomes : Émis lorsque la matière n’est pas encadrée par une loi et relèvent directement du pouvoir exécutif (comme la procédure civile).

Hiérarchie et conformité des arrêtés

Les arrêtés doivent respecter la hiérarchie des normes :

  • Conformité aux décrets : Les arrêtés sont subordonnés aux décrets, eux-mêmes subordonnés aux lois.
  • Conformité aux normes supérieures : Ils ne doivent pas contredire les lois, les traités internationaux ou la Constitution. Ce principe garantit leur conformité avec les normes juridiques supérieures.

Contrôle de légalité des arrêtés

Les arrêtés sont soumis à un contrôle de légalité, ce qui permet aux particuliers de contester leur conformité aux normes supérieures par deux voies principales :

  1. Recours en annulation pour excès de pouvoir :

    • Objet : Vérifier la conformité d’un arrêté aux lois et règlements supérieurs.
    • Effet : Si l’arrêté est jugé illégal, il est annulé avec un effet rétroactif.
    • Délai : Deux mois à compter de la publication de l’arrêté.
    • Compétence : Ce recours relève exclusivement des juridictions administratives.
  2. Exception d’illégalité :

    • Objet : Faire écarter l’application d’un arrêté jugé illégal dans un litige spécifique.
    • Effet : L’arrêté n’est pas annulé, mais son application est écartée pour le cas en question.
    • Délai : Perpétuel ; cette exception peut être soulevée à tout moment.
    • Compétence : Outre les juridictions administratives, les juridictions civiles et répressives peuvent examiner cette exception en cas d’atteinte à des droits fondamentaux.

5)   Les ordonnances

Les ordonnances sont des actes législatifs ayant une position intermédiaire entre la loi et le règlement. Prévue par l’article 38 de la Constitution de 1958, l’ordonnance permet au gouvernement de légiférer temporairement dans des domaines réservés à la loi, sous réserve d’une autorisation préalable du Parlement.

Évolution historique des ordonnances

Avant 1958, le recours à des actes similaires aux ordonnances (appelés décrets-lois) avait lieu dans des contextes spécifiques :

  • Périodes de crise : Lorsque l’exécutif devait agir rapidement en l’absence de Parlement. Un exemple est le gouvernement de la Défense nationale en 1870 ou encore à la Libération en 1944.
  • Périodes d’instabilité politique : Le Parlement déléguait son pouvoir législatif pour permettre des mesures urgentes, par exemple en 1939 ou 1953, lorsque l’urgence de la situation nécessitait des décisions rapides.

Avec la Constitution de 1958, le recours aux ordonnances a été institutionnalisé et encadré par l’article 38.

Cadre juridique actuel : Article 38 de la Constitution

L’article 38 prévoit que le gouvernement peut demander l’autorisation du Parlement pour légiférer par ordonnances dans des domaines réservés normalement au pouvoir législatif, afin d’exécuter son programme. Cette autorisation est encadrée par une loi d’habilitation, qui délimite le champ d’application et la durée pendant laquelle le gouvernement peut recourir aux ordonnances.

Domaines d’application

Les ordonnances sont utilisées dans divers secteurs importants du droit, notamment :

  • Droit social : Par exemple, les ordonnances de 1982 sur le contrat de travail.
  • Organisation du système de santé : Ordonnances de 2003 sur l’organisation des soins.
  • Droit de la concurrence : Ordonnance de 1986 visant à structurer la concurrence en France.
  • Simplification et codification du droit : Depuis 2000, des ordonnances facilitent la simplification et la mise à jour des codes juridiques, comme la publication des lois de 2004.
  • Transposition des directives de l’Union européenne : Depuis 2001, des ordonnances permettent de transposer rapidement les directives européennes en droit national.

Procédure d’élaboration

La procédure d’élaboration des ordonnances suit un cadre précis établi par la loi d’habilitation :

  1. Demande d’habilitation par le gouvernement.
  2. Avis du Conseil d’État sur le projet.
  3. Adoption en Conseil des ministres et signature par le président de la République.
  4. Publication au Journal officiel pour entrer en vigueur.

Après leur publication, les ordonnances peuvent être soumises à ratification par le Parlement, leur donnant alors valeur de loi.

Contrôle et valeur juridique des ordonnances

  • Avant ratification : Les ordonnances ont une valeur réglementaire et sont soumises à un contrôle de légalité, notamment leur conformité à la loi d’habilitation.
  • Après ratification : Les ordonnances acquièrent une valeur législative et ne peuvent être modifiées que par une nouvelle loi. Elles cessent également d’être soumises au contrôle de légalité des juridictions administratives.

Les ordonnances constituent donc un instrument puissant pour le gouvernement, permettant de répondre rapidement aux besoins législatifs tout en respectant les principes constitutionnels

 

6)  La loi

La loi est une règle de droit écrite, promulguée par le Parlement ou issue de l’exécutif (dans le cas des ordonnances et règlements). Une fois promulguée et publiée, elle devient obligatoire pour tous les citoyens jusqu’à son éventuelle abrogation.

Processus d’entrée en vigueur de la loi

L’entrée en vigueur de la loi se déroule en deux phases :

  1. Promulgation : Acte par lequel le président de la République rend la loi exécutoire.
  2. Publication : La loi est ensuite publiée au Journal officiel, la rendant accessible à tous. La loi est réputée connue de tous à partir de cette publication.

Abrogation de la loi

La loi reste applicable tant qu’elle n’est pas formellement abrogée. Cette abrogation peut se faire de plusieurs façons :

  • Abrogation expresse : Une nouvelle loi indique explicitement que la loi précédente est abrogée.
  • Abrogation tacite : Lorsqu’une nouvelle loi est incompatible avec une ancienne, cette dernière est implicitement abrogée.
  • Abrogation par désuétude : En droit français, une loi qui n’est plus appliquée reste théoriquement en vigueur. Toutefois, certaines lois tombées en désuétude cessent d’être appliquées dans les faits, bien qu’elles ne soient pas officiellement abrogées.

Principe de l’obligation de connaissance de la loi

Le principe selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » s’applique : chaque citoyen est présumé connaître les lois en vigueur. Ce principe est essentiel pour l’égalité, empêchant les individus d’invoquer leur ignorance de la loi comme défense. Il incombe donc à chacun de se renseigner, notamment auprès des professionnels du droit, tels que les avocats et les notaires.

Caractère impératif et supplétif de la loi

La loi peut être de deux natures :

  • Loi impérative : Elle s’impose à tous sans exception, surtout dans les domaines touchant l’ordre public et les bonnes mœurs (article 6 du Code civil). Par exemple, les lois encadrant le mariage ou le divorce sont impératives.
  • Loi supplétive : Elle s’applique par défaut, c’est-à-dire en l’absence d’accord spécifique entre les parties. Par exemple, selon l’article 1651 du Code civil, le paiement lors d’une vente est dû au lieu et moment de la livraison, sauf accord contraire des parties. Les lois supplétives permettent ainsi une flexibilité pour que les parties puissent fixer leurs propres règles si elles le souhaitent.

Application dans les contrats : principe de consensualisme

Dans le cadre des contrats, la loi adopte un principe de consensualisme, selon lequel un contrat est parfait dès que les parties se sont accordées sur les éléments essentiels, tels que l’objet du contrat et le prix. Les dispositions légales supplétives interviennent uniquement si les parties n’ont pas stipulé de règles précises sur d’autres aspects secondaires (comme les modalités de livraison), offrant une base commune mais adaptable aux préférences individuelles.

7)   La Jurisprudence

La jurisprudence est l’ensemble des décisions rendues par les juridictions sur des questions de droit, contribuant à l’interprétation et à l’application de la loi. Elle constitue une source importante du droit en France, notamment dans des domaines où les textes sont incomplets ou silencieux, comme certaines questions de responsabilité civile ou de protection des consommateurs.

a) Sources et portée de la jurisprudence

  • Rôle de la jurisprudence : En l’absence de texte clair, la jurisprudence comble les lacunes législatives. Elle distingue les dispositions impératives, nécessaires à l’intérêt général (par exemple, celles concernant la protection des consommateurs), des dispositions supplétives, qui s’appliquent seulement en l’absence d’accord contraire entre les parties.

  • Importance dans le droit : La jurisprudence occupe une place cruciale car elle permet une adaptation continue du droit aux évolutions sociales. Par exemple, la responsabilité du vendeur professionnel pour les défauts cachés est une question largement précisée par les décisions judiciaires, permettant une meilleure protection du consommateur face aux vices cachés.

b) Organisation des juridictions et compétence

Pour comprendre l’impact de la jurisprudence, il est nécessaire de connaître l’organisation judiciaire française, qui inclut diverses juridictions étatiques mais exclut les organismes privés d’arbitrage (souvent utilisés dans les litiges commerciaux sur demande des parties). Les juridictions sont divisées selon deux types de compétence :

  1. Compétence d’attribution : Elle désigne la catégorie de juridiction qui sera compétente selon la nature de l’affaire. Par exemple, les tribunaux civils (comme le tribunal judiciaire) tranchent les litiges entre particuliers, tandis que le tribunal de commerce est compétent pour les affaires commerciales.

  2. Compétence territoriale : Cette compétence détermine la localisation de la juridiction à saisir, en fonction du domicile du défendeur ou du lieu où s’est produit le fait générateur du litige. En règle générale, c’est le tribunal du ressort où habite le défendeur qui est compétent pour juger de l’affaire.

 

c) La classification des juridictions se fait en fonction de la compétence d’attribution :

– Les juridictions administratives en France

Les juridictions administratives traitent des litiges relevant du droit public et opposant des particuliers à des personnes publiques (État, collectivités territoriales, établissements publics).

1. Les tribunaux administratifs

Les tribunaux administratifs sont les juridictions de droit commun en matière administrative. Ils sont compétents, sauf lorsqu’un texte attribue un litige à une autre juridiction administrative spécialisée. Ils examinent en premier ressort les actes et contrats administratifs passés par des autorités publiques dans leur ressort territorial.

  • Premier ressort : Leurs jugements sont susceptibles d’appel.
  • Référé : Le président des tribunaux administratifs peut statuer en référé, c’est-à-dire en urgence, pour ordonner des mesures provisoires.

2. Les cours administratives d’appel

Créées par la loi du 31 décembre 1987 et mises en place le 1er janvier 1989, les cours administratives d’appel jugent les appels contre les décisions rendues par les tribunaux administratifs. Elles n’interviennent pas sur les recours pour excès de pouvoir visant les actes réglementaires ni sur les recours en appréciation de légalité.

  • Recours en cassation : Les arrêts des cours administratives d’appel peuvent être contestés devant le Conseil d’État par le biais d’un recours en cassation.
  • Référé : Le président de chaque cour administrative d’appel est également compétent pour statuer en référé.

3. Le Conseil d’État

Le Conseil d’État assure une double fonction :

  • Fonction de conseil : Il est consulté par le gouvernement sur les projets de lois, d’ordonnances et de décrets.
  • Fonction juridictionnelle : Le Conseil d’État intervient à plusieurs niveaux :
    • Premier et dernier ressort pour les recours pour excès de pouvoir contre les décrets et arrêtés ministériels.
    • Appel pour certains jugements des tribunaux administratifs non appelables devant les cours administratives d’appel.
    • Cassation pour les arrêts des cours administratives d’appel et les décisions des juridictions administratives spécialisées (par exemple, la Cour des comptes pour les litiges concernant les comptables publics).

4. Le tribunal des conflits

Le tribunal des conflits résout les conflits de compétence entre les juridictions administratives et judiciaires, afin de protéger l’administration contre les empiètements du pouvoir judiciaire.

  • Composition : Il est composé de manière paritaire avec des magistrats des deux ordres (administratif et judiciaire).
  • Présidence : Le tribunal est présidé par le garde des Sceaux, ministre de la Justice, assurant l’équilibre dans les décisions de compétence.

 

– Les juridictions judiciaires :

Elles connaissent des litiges, relevant du droit privé, concernant des particuliers, personnes privées, et parfois l’État ou les personnes publiques quand ils agissent comme des particulier (par exemple, activité commerciale des personnes publiques comme EDF ; accidents d’autos causés par des véhicules de l’Administration) : juridictions civiles. Elles ont aussi pour fonction d’appliquer les règles de droit pénal à ceux qui ont commis des infractions : juridictions répressives.

 

juridictions civiles en France

Les juridictions civiles se répartissent entre plusieurs types de tribunaux, chacun ayant des compétences spécifiques. Plusieurs réformes ont modifié leur organisation, en particulier la loi de programmation et de réforme pour la justice de 2019.

1. Tribunal judiciaire

La réforme de 2019 a fusionné le tribunal de grande instance (TGI) et le tribunal d’instance (TI) pour créer le tribunal judiciaire (TJ), qui devient la juridiction de droit commun pour les affaires civiles.

  • Compétence générale : Le tribunal judiciaire est compétent pour tous les litiges civils pour lesquels aucun autre tribunal n’est expressément compétent. Il est en charge des litiges d’ordre civil dépassant 10 000 € et de ceux impliquant des domaines comme les états des personnes (mariage, filiation), les litiges immobiliers (propriété, possession) et les obligations alimentaires.
  • Compétence exclusive : Certains contentieux relèvent exclusivement du TJ, notamment les divorces, les actions immobilières (questions de propriété et de possession), les obligations alimentaires et les litiges relatifs à l’autorité parentale.
  • Président du tribunal : Le président du tribunal judiciaire peut statuer en référé pour les décisions urgentes et provisoires.

2. Tribunal de commerce

Les tribunaux de commerce sont des juridictions d’exception spécialisées en droit commercial et composées de juges élus parmi les commerçants.

  • Compétence : Ils traitent des litiges entre commerçants, entre associés de sociétés commerciales, ainsi que des procédures de redressement et de liquidation judiciaire.
  • Référé : Le président du tribunal de commerce peut également statuer en référé pour des décisions rapides.
  • Seuils de jugement : Les affaires inférieures à 5 000 € sont jugées en dernier ressort, au-delà, elles peuvent faire l’objet d’un appel​ .

3. Conseil de prud’hommes

Le conseil de prud’hommes est une juridiction d’exception composée de représentants des employeurs et des salariés, élus à parts égales. En cas de partage des voix, le juge départiteur (un juge du tribunal judiciaire) tranche.

  • Compétence : Cette juridiction règle les différends entre employeurs et salariés concernant le contrat de travail et les conditions d’emploi.
  • Référé : Elle dispose d’une procédure en référé pour les urgences.
  • Seuils de compétence : Les décisions sont rendues en dernier ressort pour les litiges d’un montant inférieur à 5 000 €. Si la somme en jeu est supérieure, les parties peuvent faire appel​   village Justice.

4. Tribunal paritaire des baux ruraux

  • Le tribunal paritaire des baux ruraux est une juridiction compétente pour les litiges liés aux baux ruraux (contrats de location de terres agricoles). Il est composé d’un juge du tribunal judiciaire accompagné de deux représentants des bailleurs et deux des preneurs.
  • Compétence : Les décisions sont rendues en dernier ressort pour les litiges d’un montant inférieur à 5 000 €, sinon les décisions sont susceptibles d’appel.

5. Les pôles sociaux des tribunaux judiciaires

Les tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et les tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI) ont été supprimés en 2019 et leurs compétences transférées aux pôles sociaux des tribunaux judiciaires.

  • Compétence : Les pôles sociaux des TJ sont compétents pour les litiges en matière de sécurité sociale (accidents du travail, invalidité, cotisations).
  • Appel : Les décisions rendues en premier ressort peuvent être contestées si le montant en jeu dépasse 5 000 €.

Depuis les réformes récentes, le tribunal judiciaire constitue désormais la juridiction de droit commun en matière civile. Les tribunaux spécialisés (prud’hommes, tribunaux de commerce, tribunaux paritaires des baux ruraux) conservent leurs compétences respectives, tandis que les pôles sociaux au sein des tribunaux judiciaires traitent des affaires relevant de la sécurité sociale et de l’incapacité.

 

Juridictions répressives en France

1. La cour d’assises

La cour d’assises est une juridiction compétente pour juger les crimes, c’est-à-dire les infractions les plus graves, telles que le meurtre, le viol ou le vol avec armes. Les peines encourues vont de 15 ans de réclusion à la perpétuité. Elle est composée de trois juges professionnels et d’un jury de citoyens tirés au sort, comprenant six jurés en première instance et neuf en appel. Les décisions de la cour peuvent être portées en appel devant une autre cour d’assises, une possibilité instaurée en 2000 pour renforcer les droits de la défense.

2. La cour criminelle départementale

Depuis 2019, la cour criminelle départementale a été créée pour alléger le travail de la cour d’assises et éviter les longs délais de jugement. Elle juge certains crimes punis de 15 à 20 ans de réclusion (comme les viols et vols aggravés), mais sans jury, étant composée uniquement de cinq juges professionnels. Les affaires plus graves (pouvant entraîner 30 ans de réclusion ou la perpétuité) sont toujours jugées par la cour d’assises. En cas d’appel, le dossier est transféré à la cour d’assises.

3. Le tribunal correctionnel

Le tribunal correctionnel, formation spécialisée du tribunal judiciaire, est compétent pour juger les délits, c’est-à-dire les infractions passibles de peines allant jusqu’à 10 ans d’emprisonnement (20 ans en cas de récidive) ou d’importantes amendes, ainsi que de peines complémentaires (ex. interdiction d’exercer une profession). Les affaires mineures sont jugées par un juge unique, et les affaires plus complexes par une formation collégiale de trois juges. Cette juridiction statue publiquement, sauf si le huis clos est requis pour des raisons de sécurité ou de protection des victimes.

4. Le tribunal de police

Le tribunal de police est compétent pour les contraventions de 5ᵉ classe, qui incluent des infractions telles que les excès de vitesse majeurs ou la destruction de biens. Les peines prononcées sont principalement des amendes (jusqu’à 1 500 €, ou 3 000 € en cas de récidive) et peuvent inclure des peines complémentaires, telles que la suspension de permis ou la confiscation d’objets. Ce tribunal statue généralement en formation de juge unique, et les audiences sont publiques.

Ces modifications visent à améliorer l’efficacité de la justice pénale et à mieux répartir les dossiers entre les juridictions en fonction de la gravité des infractions jugées. Pour plus de détails, voir les sources sur le Ministère de la justice

 

8)  Les normes communautaires

Les normes de l’Union européenne (UE) régissent divers domaines stratégiques tels que le droit de la concurrence, la liberté d’établissement, la politique agricole commune, les transports, l’environnement, la protection des consommateurs, la fiscalité, la pêche, la circulation des personnes et les relations extérieures.

Types de normes de l’Union européenne

Les normes de l’UE se déclinent en trois catégories principales :

  1. Les règlements :

    • Ce sont des actes législatifs de portée générale, obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables dans chaque État membre, sans nécessité de transposition dans le droit national.

    • Un règlement peut être invoqué par toute personne, physique ou morale, soit contre une institution de l’UE (effet vertical), soit dans un litige entre particuliers (effet horizontal).

  2. Les directives :

    • Les directives obligent les États membres quant au résultat à atteindre, mais leur laissent le choix des moyens et de la forme pour leur mise en œuvre.

    • Si une directive n’est pas transposée dans le délai imparti, elle peut être invoquée directement par un individu devant les juridictions nationales, à condition qu’elle soit suffisamment claire et précise pour produire un effet direct.

  3. Les décisions :

    • Les décisions de l’UE concernent des cas spécifiques et sont obligatoires uniquement pour leurs destinataires (États, entreprises ou particuliers).

    • Leur interprétation relève de la jurisprudence de la cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en cas de litiges.

Origine des normes et processus d’adoption

Les normes de l’UE sont adoptées principalement par deux institutions :

  • La commission européenne : composée de membres désignés pour cinq ans par les gouvernements des États membres après approbation du parlement européen, la commission est chargée de proposer et d’initier les textes législatifs.

  • Le conseil de l’Union européenne : constitué des ministres des États membres en fonction du domaine législatif concerné, il prend les décisions finales sur les propositions législatives et assure leur adoption.

Publication et entrée en vigueur

  • Les règlements sont publiés dans le journal officiel de l’Union européenne (JOUE) et entrent en vigueur 20 jours après leur publication, sauf si un autre délai est spécifié.

  • Les directives et décisions doivent être notifiées à leurs destinataires, bien qu’elles puissent également être publiées dans le JOUE pour assurer leur visibilité.

Primauté et applicabilité directe des normes de l’Union européenne

Les normes de l’UE bénéficient d’une primauté sur les lois nationales, ce qui implique que :

  • Applicabilité directe : les normes de l’UE s’intègrent immédiatement dans l’ordre juridique des États membres, contraignant les juridictions nationales et permettant aux particuliers de s’en prévaloir directement.

  • Supériorité sur les lois nationales : en cas de conflit, les normes de l’UE priment sur les lois nationales, entraînant l’abrogation implicite des lois antérieures et l’invalidité des lois postérieures incompatibles.

Interprétation des normes par la cour de justice de l’Union européenne

Les juridictions nationales, notamment les cours suprêmes, peuvent demander à la cour de justice de l’Union européenne (CJUE) une interprétation des normes de l’UE dans le cadre d’un renvoi préjudiciel. L’interprétation de la CJUE s’impose aux juridictions nationales pour garantir une application uniforme du droit de l’UE dans l’ensemble des États membres.

 

9)  Les traités internationaux

Les traités internationaux sont des accords officiels conclus entre États souverains pour établir des règles dans les relations entre États ou avec les individus (par exemple, les normes de transport maritime et aérien). Ces accords, aussi appelés conventions, pactes ou chartes, définissent des normes auxquelles les signataires doivent adhérer.

Classification des traités selon le nombre d’États signataires

  1. Traités bilatéraux : conclus entre deux États, ils concernent souvent des aspects économiques ou fiscaux :

    • Commerce : Certains traités d’établissement garantissent aux citoyens d’un pays signataire la possibilité d’exercer des activités commerciales dans l’autre pays.

    • Fiscalité : Des accords visent à éviter la double imposition des revenus des citoyens dans les deux États.

    • Douanes : Ils facilitent le commerce transfrontalier par l’harmonisation des droits de douane.

  2. Traités multilatéraux : conclus entre plus de deux États, ils abordent des domaines variés et visent souvent des objectifs économiques ou politiques. Par exemple :

    • Les accords de Bretton Woods (1944) ont institué le Fonds monétaire international (FMI) pour stabiliser les relations économiques mondiales.

    • La Charte des Nations unies (1945) établit des principes de coopération internationale pour la paix et la sécurité.

Types de traités selon leur contenu juridique

Les traités sont également distingués selon leur portée juridique :

  1. Traités portant « loi uniforme » : Ils unifient les règles internes des États signataires sur un sujet particulier. Par exemple, la Convention de Genève sur le chèque (1931) établit des normes uniformes sur l’usage des chèques.

  2. Traités portant « unification internationale » : Ils appliquent des normes unifiées uniquement aux relations internationales entre États, sans imposer ces normes dans le droit interne des signataires. Un exemple est la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises (1980), qui régit les transactions commerciales internationales.

Entrée en vigueur d’un traité

Pour qu’un traité entre en vigueur, il doit suivre plusieurs étapes :

  • Négociation et signature : Les représentants des États rédigent et signent l’accord.

  • Ratification : En France, le président ratifie le traité. Toutefois, si le traité modifie une loi interne, il nécessite une autorisation préalable du Parlement.

  • Publication au Journal officiel : Cette publication est nécessaire pour que le traité devienne opposable aux citoyens.

Statut des traités dans l’ordre juridique français

Selon l’article 55 de la Constitution française, un traité régulièrement ratifié et publié a une autorité supérieure aux lois, qu’elles soient antérieures ou postérieures. Cependant, les dispositions constitutionnelles restent supérieures : si un traité est incompatible avec la Constitution, il ne peut être ratifié sans modification de celle-ci.

Rôle des tribunaux dans l’interprétation des traités

Les tribunaux nationaux doivent interpréter les clauses ambiguës des traités, même en matière de droit international public, limitant ainsi l’interprétation exclusive du gouvernement.

Les traités du Conseil de l’Europe et la Convention européenne des droits de l’homme

Le Conseil de l’Europe, créé en 1949, rassemble aujourd’hui 46 États et promeut les valeurs européennes à travers des traités, dont la Convention européenne des droits de l’homme (1950). Cette convention garantit plusieurs droits fondamentaux, notamment :

  • Droit à la vie et à la liberté

  • Interdiction de la torture, de l’esclavage et de la peine de mort

  • Droit à la justice équitable, présomption d’innocence et respect de la vie privée et familiale

  • Liberté de pensée, de conscience, de religion et d’expression

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), basée à Strasbourg, peut être saisie individuellement par toute personne estimant que ses droits ont été violés par un État membre, après l’épuisement des recours internes. Ses arrêts sont contraignants pour les États condamnés, qui doivent adapter leur droit interne pour s’y conformer.

Isa Germain

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Isa Germain

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