La hiérarchie des normes et la pyramide de Kelsen

LA HIÉRARCHIE DES NORMES

Les règles de droit s’organisent selon une hiérarchie des normes, un principe essentiel qui assure que les textes de niveau inférieur ne peuvent pas contredire ceux de niveau supérieur. Cette structure, souvent représentée par la pyramide des normes théorisée par Hans Kelsen, garantit la cohérence et la prééminence des règles fondamentales, avec la Constitution au sommet.

 

&1. L’ordre de hiérarchie et la pyramide des normes de Kelsen

Les règles de droit écrites, qu’elles soient communautaires, internationales ou nationales, s’organisent selon une hiérarchie précise. Le principe fondamental est qu’un texte de catégorie inférieure est toujours subordonné à un texte de catégorie supérieure et ne peut y déroger. Cette hiérarchie des normes permet de garantir la cohérence et la primauté des textes les plus fondamentaux, notamment la Constitution. Ce modèle hiérarchique est connu sous le nom de pyramide des normes, concept formalisé par le juriste Hans Kelsen.

L’ordre de hiérarchie et la pyramide des normes de Kelsen

La pyramide des normes se structure ainsi, du sommet vers la base :

  • Bloc de constitutionnalité (Constitution et principes fondamentaux)
  • Traités internationaux ratifiés et publiés
  • Droit communautaire (droit de l’Union européenne)
  • Lois organiques
  • Lois ordinaires
  • Décisions prises en vertu de l’article 16 ayant un objet législatif
  • Ordonnances du Président de la République ratifiées par le Parlement
  • Décrets autonomes (règlements indépendants de la loi)
  • Décisions prises en vertu de l’article 16 ayant un objet réglementaire
  • Décrets d’application (détaillant l’application des lois)
  • Arrêtés ministériels ou interministériels
  • Circulaires réglementaires (instructions administratives)
  • Arrêtés préfectoraux
  • Arrêtés municipaux

Application de la hiérarchie des normes

Pour que cette hiérarchie ne soit pas purement théorique, plusieurs mécanismes sont prévus afin de garantir son respect. Ces mécanismes comprennent notamment :

  • Le contrôle de constitutionnalité des lois, confié au Conseil constitutionnel en France (a priori et a posteriori avec la QPC).
  • Le contrôle de conformité des règlements aux lois par les juridictions administratives (notamment via le recours pour excès de pouvoir).
  • Le contrôle de la conformité des lois nationales aux traités internationaux et au droit communautaire par les juges ordinaires (administratifs et judiciaires).

Conflit entre Constitution, traités et droit communautaire

L’ordre de hiérarchie n’a pas toujours été sans contestation, notamment en ce qui concerne la place des traités internationaux et du droit communautaire vis-à-vis de la Constitution.

1. Supériorité des traités internationaux :
Pendant un temps, certains auteurs considéraient que les traités internationaux devaient être placés au-dessus de la Constitution, au motif qu’un traité international ne peut être ratifié que si la Constitution est préalablement révisée pour supprimer toute contradiction (article 54 de la Constitution). Ils en concluaient que si un traité peut entraîner une révision constitutionnelle, il lui est nécessairement supérieur.

Cependant, cette position a été rejetée par la jurisprudence. Par un arrêt Sarran et Levacher de 1998, le Conseil d’État a clairement affirmé la primauté de la Constitution sur les traités internationaux dans l’ordre juridique interne. Cela signifie que si une disposition d’un traité est contraire à la Constitution, la Constitution prévaut, et le traité ne peut être appliqué en France sans révision constitutionnelle préalable.

2. Supériorité du droit de l’UE:
Le même débat a eu lieu au sujet du droit de l’Union européenne). Le Conseil d’État a, dans plusieurs arrêts, réaffirmé la supériorité de la Constitution par rapport aux normes communautaires. Par exemple :

  • Dans une décision de 1961, le Conseil d’État a rappelé que la Constitution restait la norme suprême.
  • Dans l’arrêt « Syndicat national des industries pharmaceutiques » de 2001, le Conseil d’État a réaffirmé que les directives européennes ne pouvaient primer sur les principes constitutionnels.

Cependant, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a toujours défendu la primauté du droit de l’Union sur les législations nationales, y compris sur les Constitutions des États membres. Dans l’arrêt historique « Costa c. ENEL » de 1964, la CJUE a affirmé que le droit communautaire constituait un ordre juridique autonome qui ne pouvait être subordonné à des normes nationales, quelle que soit leur hiérarchie interne. Cela signifie que, pour la CJUE, le droit de l’Union européenne prime sur la Constitution des États membres.

Autres arrêts importants :

  • Arrêt « French Data Network » (2021) : Cet arrêt du Conseil d’État portait sur la rétention des données personnelles à des fins de sécurité nationale, dans le cadre de la législation française. Bien que le droit de l’Union européenne (par des décisions de la CJUE) limite cette rétention généralisée aux cas les plus graves, le Conseil d’État a permis à la France de maintenir cette mesure. Le Conseil d’État a adopté une approche pragmatique, conciliant le droit de l’Union et les exigences constitutionnelles françaises en matière de sécurité. En substance, il a reconnu la primauté du droit européen, mais a ajusté son application pour respecter les impératifs de sécurité nationale garantis par la Constitution française​ Constitutional Discourse
  • Arrêt « Syndicat national des industries pharmaceutiques » (2001) et jurisprudence Nicolo (1989) : Le Conseil d’État a confirmé à plusieurs reprises la primauté de la Constitution française sur le droit européen dans l’ordre interne, tout en appliquant rigoureusement le principe de primauté du droit communautaire sur les lois ordinaires. Dans l’affaire Nicolo, il a pour la première fois accepté de vérifier la compatibilité des lois françaises avec les traités uropéens, consolidant ainsi l’intégration du droit européen dans le système juridique français​ Cesran International

Vous vous demandez pourquoi la Constitution est en haut de la pyramide de Kelsen malgré la primauté des traités ou du droit de l’UE ? En droit français, bien que les traités internationaux et le droit de l’Union européenne aient une primauté sur les lois internes (article 55 de la Constitution française), cette primauté est subordonnée à la Constitution elle-même. Ainsi, en cas de conflit entre une norme européenne ou internationale et la Constitution, il appartient au législateur ou aux autorités compétentes de modifier la Constitution pour permettre l’application de la norme internationale ou européenne. La Constitution française prévoit que le droit européen s’impose à nos lois et règlements mais ce n’est pas pour autant que le droit européen s’impose à la Constitution elle-même. Le droit européen n’a en effet une primauté que sur le reste du droit national

&2 : Les mécanismes de sauvegarde du respect de la hiérarchie des normes.

Le contrôle de constitutionnalité en France s’applique aux lois, traités et règlements pour garantir leur conformité à la Constitution. Le Conseil constitutionnel vérifie les traités avant ratification, les lois par le contrôle a priori et la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) pour les lois en vigueur. Les règlements sont soumis à des recours pour excès de pouvoir et à l’exception d’illégalité. Les juridictions françaises assurent la primauté du droit européen et international sur les lois.

Tableau sur les contrôles de constitutionnalité des normes en France

Type de norme Contrôle de constitutionnalité
Traités internationaux Saisine du Conseil constitutionnel avant ratification (Article 54). Révision constitutionnelle si nécessaire.
Lois Contrôle a priori avant promulgation (Article 61) et contrôle a posteriori via la QPC (Article 61-1).
Règlements européens Primauté du droit communautaire, contrôlé indirectement par les juridictions françaises.
Règlements nationaux Exception d’illégalité et recours pour excès de pouvoir, contrôle indirect via QPC pour loi écran.

A) Les contrôles de constitutionnalité.

Les contrôles de constitutionnalité désignent les procédures visant à s’assurer que les normes juridiques inférieures, comme les traités, lois et règlements, respectent la norme suprême qu’est la Constitution. Hormis les règlements, qui relèvent d’un contrôle particulier, ces procédures relèvent principalement de la compétence du Conseil constitutionnel.


1) Comment contrôler la conformité d’un traité à la Constitution.

 

L’article 54 de la Constitution permet de vérifier la conformité d’un traité international avec la Constitution avant sa ratification. Le président de la République, le Premier ministre, les présidents des deux assemblées (Assemblée nationale ou Sénat) ou un groupe de 60 députés ou sénateurs peuvent saisir le Conseil constitutionnel pour s’assurer qu’un traité ne comporte pas de dispositions contraires à la Constitution.

  • Si une incompatibilité est détectée, le Conseil constitutionnel impose une révision constitutionnelle avant que la France ne puisse ratifier le traité. Cela signifie qu’il est nécessaire de modifier la Constitution pour aligner le droit interne avec les obligations internationales.
  • Si aucune saisine n’est effectuée, le traité peut être ratifié, même s’il est potentiellement en contradiction avec la Constitution. Dans ce cas, les conséquences de l’application du traité sont laissées à la discrétion du législateur et des juridictions.

Un exemple marquant de ce mécanisme est l’avis rendu sur le traité de Maastricht en 1992. Le Conseil constitutionnel avait relevé plusieurs incompatibilités avec la Constitution française, ce qui a conduit à une révision constitutionnelle préalable avant la ratification du traité.

2) Respect de la conformité des règlements européens à la Constitution française.

Il n’existe pas de mécanisme national spécifique pour contrôler la conformité des règlements européens à la Constitution française, car les règlements européens relèvent directement du droit communautaire, considéré comme un ordre juridique autonome. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) affirme la primauté du droit européen sur les droits nationaux des États membres, y compris la Constitution. En conséquence, les juridictions françaises ne peuvent écarter une norme européenne en se fondant sur la Constitution nationale.

Cependant, la CJUE intègre les droits fondamentaux comme principes généraux du droit de l’Union, et elle s’inspire des traditions constitutionnelles communes aux États membres pour veiller à ce que les actes de l’Union respectent ces droits. Cela permet une certaine harmonisation des droits fondamentaux à l’échelle européenne.

En France, une approche indirecte a été développée pour assurer la cohérence entre le droit européen et la Constitution. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision de 2004 (loi pour la confiance dans l’économie numérique), a admis qu’il pouvait vérifier la conformité d’une directive européenne à la Constitution lors de l’examen de la loi de transposition. Bien que le droit européen prime sur le droit interne, le Conseil constitutionnel peut s’assurer que la loi transposant une directive respecte les principes constitutionnels français.

Autre exemple, dans la décision n° 2018-768 DC du 26 juillet 2018, le Conseil a examiné une loi de transposition d’une directive européenne d’harmonisation minimale. Il a exercé un contrôle différencié : d’une part, il a validé les dispositions législatives qui traduisaient des obligations précises et inconditionnelles issues de la directive. D’autre part, il a vérifié la constitutionnalité des dispositions adoptées dans le cadre de la marge d’appréciation laissée aux États membres, s’assurant qu’elles respectaient les principes constitutionnels français​    Hoche Avocats      JFA Legal & Tax Associates

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           3) Conformité d’une loi à la Constitution.

L’article 61 de la Constitution confie au Conseil constitutionnel le contrôle de la conformité des lois à la Constitution. Deux procédures permettent ce contrôle : le contrôle a priori (préventif) et le contrôle a posteriori introduit par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 via la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC). Cette réforme a modernisé le contrôle des lois, notamment en permettant aux justiciables de contester des lois déjà en vigueur.

a) Le contrôle a priori de la constitutionnalité des lois par le Conseil Constitutionnel

Le contrôle a priori s’applique avant la promulgation d’une loi. Ce contrôle est obligatoire pour les lois organiques. Pour les lois ordinaires, il est déclenché après leur adoption par le Parlement mais avant leur promulgation. Ce pouvoir de saisine appartient à certaines autorités : le Président de la République, le Premier ministre, les présidents des assemblées parlementaires, ou un groupe de 60 députés ou sénateurs.

  • Si une loi est jugée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel, elle ne peut être ni promulguée ni appliquée.
  • Si aucun contrôle n’est initié dans les délais, la loi entre en vigueur, même si elle est potentiellement inconstitutionnelle. Cette absence de contrôle systématique a suscité des critiques, car des lois non conformes pouvaient être appliquées. Par exemple, la loi prorogeant l’état d’urgence en 2005 ou la loi du 31 janvier 2007 sur la modernisation du dialogue social n’ont pas fait l’objet d’une saisine, échappant ainsi à un contrôle préventif.

b) Le contrôle a posteriori de la constitutionnalité des lois par le Conseil Constitutionnel : La Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC)

Depuis la réforme du 23 juillet 2008, le contrôle a posteriori de la constitutionnalité est possible via la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC). Cette procédure, prévue par l’article 61-1 de la Constitution, permet à tout justiciable de contester une loi en vigueur lors d’un procès, s’il estime que cette loi porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.

  • Déclenchement de la QPC : Un justiciable peut soulever la QPC au cours d’un procès, mais la saisine du Conseil constitutionnel n’est pas directe. La QPC doit d’abord être filtrée par les juridictions suprêmes : la Cour de cassation (si l’affaire relève des juridictions judiciaires) ou le Conseil d’État (pour les juridictions administratives). Ces instances vérifient si la question est sérieuse avant de la transmettre au Conseil constitutionnel.

  • Délais : La loi organique du 10 décembre 2009 impose des délais stricts pour ne pas retarder les procès. Les juridictions suprêmes disposent de trois mois pour décider si la QPC doit être transmise. Le Conseil constitutionnel a également trois mois pour se prononcer après avoir été saisi.

  • Effets de la décision : Si le Conseil constitutionnel déclare qu’une disposition législative est inconstitutionnelle, cette disposition est abrogée dès la publication de la décision. L’abrogation peut être immédiate ou différée selon les modalités fixées par le Conseil. Les décisions de la QPC ont un effet erga omnes, c’est-à-dire qu’elles s’appliquent à tous.

Depuis sa création, la QPC s’est affirmée comme un outil puissant et efficace pour protéger les droits constitutionnels des citoyens. En 2024, la procédure continue d’être régulièrement utilisée pour contester des lois affectant les droits fondamentaux. Voici quelques exemples marquants d’utilisation de la QPC :

  1. Droit de garde à vue (Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010)
    Cette QPC a marqué un tournant dans la protection des droits des personnes placées en garde à vue. Le Conseil constitutionnel a jugé que certaines dispositions du Code de procédure pénale étaient contraires à la Constitution, notamment celles qui limitaient les droits de la défense (absence d’avocat dès le début de la garde à vue). Cette décision a conduit à une réforme majeure de la garde à vue en France, garantissant une meilleure protection des droits des personnes gardées à vue.

  2. Prohibition du mariage entre beau-père et belle-fille (Décision n° 2013-34 QPC du 29 novembre 2013)
    Une QPC a permis de remettre en cause l’interdiction générale du mariage entre un beau-père et sa belle-fille, qui était prévue par l’article 161 du Code civil. Le Conseil constitutionnel a jugé que cette interdiction n’était pas justifiée dans tous les cas et a donc abrogé cette disposition. Cet arrêt a élargi la possibilité de mariage dans certaines situations.

  3. Rétention de sûreté (Décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010)
    Cette QPC portait sur la rétention de sûreté, une mesure permettant de maintenir en détention une personne après avoir purgé sa peine si elle est jugée dangereuse. Le Conseil constitutionnel a validé le principe, mais a rappelé que cette mesure ne pouvait s’appliquer qu’à des personnes condamnées après l’entrée en vigueur de la loi, assurant ainsi le respect du principe de non-rétroactivité des peines.

  4. Droit des étrangers et rétention administrative (Décision n° 2011-631 QPC du 9 juin 2011)
    Dans cette affaire, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition de la loi concernant la rétention administrative des étrangers en attente d’expulsion. Le Conseil a jugé qu’il était contraire à la Constitution de ne pas prévoir l’intervention rapide d’un juge pour contrôler cette rétention, renforçant ainsi les garanties des droits fondamentaux des étrangers retenus.

  5. Censure de la taxe carbone (Décision n° 2013-682 QPC du 11 avril 2013)
    La QPC a été utilisée pour contester certaines dispositions liées à la taxe carbone. Le Conseil constitutionnel a estimé que cette loi créait des discriminations injustifiées entre différents secteurs économiques, en violation du principe d’égalité. La taxe a dû être réaménagée en conséquence pour respecter la Constitution.

  6. Loi de sécurité intérieure (Décision n° 2021-917/918 QPC du 4 juin 2021)
    Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, une QPC a été soulevée concernant les mesures de surveillance et de restriction de liberté des personnes soupçonnées de terrorisme. Le Conseil constitutionnel a censuré certaines dispositions jugées disproportionnées, notamment en matière de surveillance électronique, au nom de la protection des libertés individuelles.

  7. Délit de solidarité (Décision n° 2018-717 QPC du 6 juillet 2018)
    Cette QPC portait sur l’aide apportée aux étrangers en situation irrégulière. Le Conseil constitutionnel a consacré le principe de fraternité, en jugeant que le délit de solidarité, qui punissait les personnes aidant des étrangers, ne pouvait s’appliquer lorsque cette aide avait un but humanitaire. Cette décision a marqué un tournant dans la protection des personnes venant en aide aux migrants.

  8. Accès à la PMA pour toutes les femmes (Décision n° 2021-824 QPC du 17 juin 2021)
    Après l’adoption de la loi bioéthique de 2021, qui a élargi l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes célibataires et aux couples de femmes, une QPC a été soulevée par des opposants à la loi. Le Conseil constitutionnel a confirmé la conformité de cette loi à la Constitution, affirmant que l’extension de la PMA ne portait pas atteinte aux principes constitutionnels.

 

c) Conformité d’un règlement à la Constitution

Il n’existe pas de procédure spécifique pour contrôler la conformité des règlements à la Constitution devant le Conseil constitutionnel. Toutefois, un règlement peut être attaqué devant les juridictions administratives s’il est contraire à une norme supérieure (la Constitution, la loi, ou une norme européenne). Le juge administratif a la possibilité d’écarter l’application d’un règlement illégal, mais il n’effectue pas un contrôle direct de la constitutionnalité.

 

B. Le contrôle de la conformité des loi aux traités internationaux et au droit de l’UE.

L’article 55 de la Constitution française consacre la supériorité des traités ratifiés sur les lois internes, à condition que ces traités soient appliqués par les autres parties signataires (principe de réciprocité). De plus, les normes de l’Union Européenne, notamment les règlements européens, ont une autorité supérieure à la loi nationale. Ainsi, lorsqu’il y a une contradiction entre une loi interne et un traité international ou une norme de l’UE, la règle de droit international ou communautaire doit prévaloir.

Conflit entre une loi interne et une norme internationale ou de l’UE

En l’absence de contrôle préventif, il n’existe aucun mécanisme systématique pour s’assurer que les lois votées par le Parlement respectent les traités internationaux ou les normes communautaires. Le conflit entre une loi interne et une norme supérieure est généralement révélé à l’occasion d’un procès. C’est alors au juge saisi d’un litige de trancher en appliquant la règle supérieure et en écartant la loi interne qui lui est contraire. Le juge veille ainsi à respecter la hiérarchie des normes, en appliquant la norme internationale ou communautaire à la place de la loi.

Traitement du conflit selon la chronologie des normes

Le problème de contradiction entre une loi interne et un traité ou une norme communautaire est plus facilement résolu lorsque la loi est antérieure au traité ou au règlement européen. Dans ce cas, les juges ont longtemps considéré que la loi était implicitement abrogée pour les dispositions entrant en contradiction avec le traité ou le règlement, car la norme internationale ou de l’UE plus récente prime sur la loi.

Cependant, lorsque la loi interne est postérieure au traité ou à la norme communautaire, les juridictions françaises ont, pendant longtemps, été plus réticentes à écarter la loi. Ce n’est que par l’arrêt Nicolo du 20 octobre 1989 que le Conseil d’État a accepté de contrôler la conformité d’une loi avec un traité international et d’écarter la loi nationale si elle était contraire à un traité. Cela a marqué un tournant important dans l’évolution du droit administratif français.

De leur côté, les juridictions judiciaires ont reconnu cette primauté plus tôt. L’arrêt Jacques Vabre du 24 mai 1975, rendu par la Cour de cassation en chambre mixte, a affirmé la supériorité du traité de Rome sur une loi nationale postérieure et contraire, introduisant ainsi le contrôle de conformité des lois avec les traités internationaux dans le domaine judiciaire.

Rôle du Conseil Constitutionnel

Le Conseil constitutionnel n’a, quant à lui, jamais accepté de contrôler la conformité des lois aux traités internationaux dans le cadre de son contrôle classique des lois, sauf lorsqu’il statue en tant que juge de l’élection. Cependant, il peut être amené à sanctionner indirectement une atteinte à l’article 55 de la Constitution, par exemple si une loi tentait de rendre un traité applicable sans condition de réciprocité. En dehors de cette situation, le Conseil constitutionnel refuse de se prononcer sur la conformité des lois aux traités, laissant ce rôle aux juges ordinaires (administratifs ou judiciaires).

Contrôle de conformité par le juge

Aujourd’hui, en cas de contradiction entre une loi et un traité international ou une norme communautaire, il revient aux juges administratifs ou judiciaires d’écarter l’application de la loi nationale au profit de la norme internationale ou communautaire. Ce contrôle diffus exercé par les juges permet de garantir la primauté du droit international et du droit européen sur le droit interne.

En ce qui concerne la conformité au droit de l’Union Européenne, les juridictions françaises appliquent désormais rigoureusement la primauté du droit de l’Union européenne. Cette primauté a été renforcée par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui affirme que les États membres ne peuvent appliquer des lois nationales contraires aux règlements et directives européennes.

Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC)
Bien que le contrôle de la conformité des lois aux traités ne soit pas dans le cadre de la QPC, celle-ci permet depuis 2010 de vérifier la conformité des lois à la Constitution. Cela ne touche pas directement la conformité aux traités, mais permet de garantir la cohérence du droit national avec la Constitution, en parallèle des mécanismes de contrôle du droit international.

Exemple pratique :
Si une loi nationale autorisait certaines restrictions de circulation pour les jeunes filles, mais qu’un traité international ratifié par la France (par exemple, la Convention européenne des droits de l’homme) interdisait ces discriminations, un juge saisi d’un tel conflit écarterait l’application de la loi nationale et ferait primer le traité international en vertu de l’article 55 de la Constitution.

En conclusion, le juge français, qu’il soit administratif ou judiciaire, ont un rôle important dans le contrôle de la conformité des lois aux traités internationaux et au droit communautaire, ils veillent ainsi au respect de la primauté des engagements internationaux et européens sur le droit interne.

 

 

C. Le contrôle de la conformité des règlements à toute norme d’autorité supérieure.

Lorsqu’un règlement contredit une norme d’autorité supérieure, deux mécanismes principaux peuvent être utilisés pour contester ce règlement : l’exception d’illégalité et le recours pour excès de pouvoir. Ces procédures permettent soit de neutraliser l’application du règlement dans un cas particulier, soit de l’annuler complètement.

1) L’exception d’illégalité

L’exception d’illégalité est une défense utilisée par un particulier dans le cadre d’un procès pour contester un règlement au motif qu’il contredit une norme supérieure (comme une loi ou la Constitution). Si l’exception est retenue, le règlement est écarté pour ce cas précis, mais n’est pas annulé. Il demeure en vigueur et pourrait être appliqué dans d’autres situations à moins qu’une nouvelle exception d’illégalité ne soit soulevée.

  • Juridictions compétentes :
    • Les juridictions administratives peuvent examiner directement la légalité des règlements.
    • Les juridictions pénales ont également le pouvoir d’apprécier la légalité d’un règlement et de retenir l’exception d’illégalité.
    • En revanche, les juridictions civiles ne peuvent pas examiner la légalité d’un règlement, en raison du principe de séparation des pouvoirs. Elles doivent renvoyer la question au juge administratif s’il existe un doute sur la légalité d’un règlement, sauf lorsque l’illégalité invoquée concerne des questions touchant à la liberté individuelle, à l’inviolabilité du domicile ou au droit de propriété. Dans ces cas spécifiques, les juridictions civiles peuvent apprécier elles-mêmes la légalité d’un règlement.

2) Le recours pour excès de pouvoir

Le recours pour excès de pouvoir vise à obtenir l’annulation d’un règlement, et non simplement à écarter son application dans un cas particulier. Ce type de recours a des effets erga omnes, c’est-à-dire qu’il bénéficie à tous, car si le règlement est annulé, il cesse d’exister pour l’ensemble de la population. Ce recours doit être introduit dans un délai de deux mois à compter de la publication du règlement contesté. Contrairement à l’exception d’illégalité, le recours pour excès de pouvoir est limité dans le temps.

Le contrôle de la constitutionnalité d’un règlement

Lorsque la conformité d’un règlement à la Constitution est en jeu, un cadre spécifique s’applique, notamment en présence d’une loi écran. Deux situations sont distinguées :

  • Absence de loi écran : Si le règlement est directement en contradiction avec la Constitution et qu’il n’y a aucune loi interposée entre les deux, les juges peuvent examiner la conformité du règlement à la Constitution.

  • Présence d’une loi écran : Lorsqu’une loi, votée par le Parlement, intervient entre la Constitution et le règlement et qu’elle traite du même domaine, les juges ne peuvent pas examiner directement la conformité du règlement à la Constitution. Ils doivent se limiter à vérifier la conformité du règlement à la loi. Tant que le règlement est conforme à cette loi, il est jugé légal, même si cette loi elle-même pourrait être contraire à la Constitution. Cela découle de la volonté de préserver le principe de la séparation des pouvoirs et d’empêcher un juge de contrôler indirectement la constitutionnalité d’une loi par l’intermédiaire du règlement.

Mises à jour récentes et exemples

Les récents développements en matière de contrôle de la légalité des règlements, notamment avec l’apparition de nouveaux recours tels que la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC), permettent désormais un contrôle indirect de la constitutionnalité d’une loi dans le cadre d’un procès. La QPC, introduite par la réforme constitutionnelle de 2008, permet à un justiciable de contester la constitutionnalité d’une loi écran lorsque celle-ci fait obstacle à l’application directe de la Constitution à un règlement. Si la loi est jugée inconstitutionnelle, elle est abrogée, et par voie de conséquence, le règlement qui en découle peut également être affecté.

Exemple pratique :
Imaginons un décret qui interdit aux jeunes filles de sortir le soir. Ce décret est potentiellement contraire à la Constitution (principe d’égalité). Toutefois, s’il existe une loi qui permet certaines restrictions de sortie pour les personnes considérées comme fragiles, cette loi pourrait servir de loi écran. Même si la loi n’est pas conforme à la Constitution, le règlement serait considéré légal tant qu’il est conforme à cette loi. Cependant, avec l’introduction de la QPC, la constitutionnalité de la loi elle-même pourrait être remise en cause, entraînant l’annulation indirecte du règlement.

 

 

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