Les aspects jurisprudentiels du droit primaire
Le droit de l’Union n’échappe pas au pouvoir créateur de la jurisprudence. La CJCE a trouvé l’occasion de laisser se déployer tout son zèle interprétatif.
L’interprétation créatrice vaut tant pour le droit primaire que pour le droit dérivé, mais elle a revêtu ses aspects les plus saillants pour le droit primaire, elle en a été un puissant facteur d’évolution.
La CJCE a été à l’origine d’une œuvre prétorienne monumentale, les principes généraux communautaires.
La CJCE a mobilisé des méthodes d’interprétation très audacieuses chaque fois qu’elle s’est trouvée face à une clause des traités qui lui a paru insuffisante, du fait de divergences linguistiques, ou parce que sa rédaction ne permettait pas de servir le but d’intégration poussée qu’elle entendait servir.
Elle n’a pas inventé de méthodes nouvelles de toute pièce, mais a utilisé les méthodes classiques, en poussant leur logique au point ultime du service de l’interprétation.
Ex : le principe de l’effet utile écarté au profit de l’interprétation maximaliste.
L’interprétation téléologique consiste à interpréter un texte à la lumière du but qu’il vise ou qu’on lui assigne. Au sens des organisations internationales, c’est une méthode subsidiaire quand l’interprétation littérale ne suffit pas, ou à la rigueur au soutien de celle-ci, alors que selon la Cour, elle s’y substitue dès que nécessaire.
L’interprétation systémique consiste à interpréter un énoncé à la lumière de son concept, pour retenir l’interprétation la plus cohérente. Au sens de la CJCE, contrairement aux organisations internationales, elle peut aller à l’encontre de l’interprétation littérale, et ne fait pas seulement appel au contexte normatif proche de la clause, mais à un contexte entendu au sens large.
Pendant les vingt-trente premières années de la construction européenne, la Cour a fait preuve d’un véritable activisme jurisprudentiel, on parlait de révision judiciaire des traités. La CJCE a fait un usage très intensif de ces méthodes.
Elle s’est transformée en véritable moteur de l’intégration, c’est elle qui a permis le développement de l’intégration et l’approfondissement de l’intégration communautaire car elle en jetait les bases qui figuraient mal dans les traités.
Cette période d’activisme est-elle toujours d’actualité ? Non, elle a cessé à la fin des années 80, et ce pour deux raisons :
Les audaces de la Cour de justice sont moins nombreuses mais elles sont acquises.
Ces principes généraux ont une origine jurisprudentielle, qui est un acte de droit dérivé ; mais les arrêts de principe font jurisprudence, et le principe général consacré à cette occasion ne relève pas du droit dérivé mais du droit primaire, tout comme les traités. Cela s’explique pour plusieurs raisons :
Les principes généraux, lorsqu’ils touchent aux droits fondamentaux, figurent dans les traités en plus d’être des principes jurisprudentiels (selon l’ancien article 6 du traité UE).
Ces principes, en conséquence, s’imposent à l’ensemble des normes de droit dérivé, et donc des institutions, mais aussi aux Etats membres lorsqu’ils exécutent le droit de l’Union, et quand ils agissent dans le champ d’application du droit de l’Union.
Ainsi, le Conseil d’Etat n’a pas hésité, dans l’arrêt du 3 décembre 2001 Syndicat national de l’industrie pharmaceutique, à admettre la primauté des principes généraux du droit communautaire sur la loi nationale, en précisant qu’il s’agit de la primauté des principes généraux ayant la même valeur juridique que le traité.
En conséquence, que se passerait-il en cas de conflit ? Faute de hiérarchie entre les deux, la seule solution consisterait en leur conciliation, et c’est bien la logique retenue par la Cour de justice dans un arrêt du 12 juin 2003 Schmidberger : il y avait un conflit entre le principe de libre circulation des marchandises et la liberté de manifester.
La Cour n’invente pas ces principes généraux, le juge s’inspire de l’idée de droit (Georges Burdeau). Elle les a puisé dans des sources diverses.
Elles se dédoublent : la Cour a puisé à la source des traités eux-mêmes (malgré parfois le silence des traités) et à la source des droits des Etats membres.
1) Les principes inspirés des traités eux-mêmes
Quelques exemples :
La Cour créé cela dit de réels principes :
2) Les principes inspirés des droits des États membres
La Cour n’a pas totalement inventé cette source puisque dans le domaine de la responsabilité, le traité de Rome et celui de Lisbonne prévoient qu’en matière de responsabilité extra-contractuelle de la Communauté, celle-ci devait réparer les conséquences dommageables de ses actes conformément aux principes généraux communs aux droits des Etats membres.
Pour élaborer la jurisprudence en matière de responsabilité de la Communauté, la Cour était fermement et expressément invitée à s’inspirer de la jurisprudence administrative existant dans les Etats membres.
La Cour a généralisé cette méthode pour élever au rang de principes généraux de droit communautaire des principes importants dans de nombreuses législations : elle travaille sur la base du droit comparé.
Il est arrivé que la Cour consacre des principes comme principes généraux du droit alors qu’elle n’en avait trouvé l’expression que dans un très petit nombre d’Etats membres : c’est le cas du principe de confiance légitime, qui n’existe pas formellement en droit français mais seulement en droit allemand.
Sur la base de ces deux sources endogènes, la moisson des principes généraux communautaires a été considérable.
Elles proviennent du fait que l’Union est un sujet de droit international doté de la personnalité juridique, soumise au droit international et aux coutumes internationales.
Le droit communautaire devrait-il demeurer totalement imperméable aux coutumes internationales ? Il faut distinguer deux niveaux d’analyse.
1) Les coutumes internationales sont-elles applicables à l’Union Européenne en sa qualité de sujet de droit international ?
Oui, on ne voit pas pourquoi l’Union serait le seul acteur international à en être dispensé. Mais cela a tardé à être consacré par la jurisprudence de façon très nette, cela n’est venu qu’au moment où la Cour a pu trancher cette question. C’est l’arrêt Racke du 16 juin 1998 dans lequel elle affirme que les compétences de la Communauté doivent être exercées dans le respect du droit coutumier international qui lie les institutions et fait partie de l’ordre juridique (à propos de la règle pacta sunt servanda).
Auparavant, la Cour avait admis qu’un certain nombre de coutumes internationales puissent s’appliquer à la Communauté, telles que le principe général de bonne foi, le principe de loyauté, qui est l’expression particulière du premier, mais aussi le principe de l’effet relatif des conventions en vertu duquel il ne lie que les parties et n’a d’effets ni favorables ni défavorables.
La Cour s’est montrée beaucoup plus prudente : elle n’a pas exclut que la coutume internationale ait une telle portée, mais elle n’accepte l’inclusion de celle-ci dans les rapports intra-européens que sous bénéfice d’inventaire, elle fait le tri, et ce en fonction de la compatibilité du principe coutumier avec la spécificité de l’ordre juridique de l’Union.
C’est ainsi par exemple qu’elle a admis l’applicabilité aux relations intra-communautaires du principe de droit international selon lequel un Etat ne peut refuser l’accès à son territoire de ses propres ressortissants.
En revanche, elle a catégoriquement refusé la réserve de non-réciprocité, et ce :
Ce droit primaire constitue la «Constitution» de l’Union.
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