La Lex Mercatoria, source du commerce international

Qu’est ce que la Lex Mercatoria? Définition, critique, histoire de la lex mercatoria et des autres sources du commerce international

La Lex Mercatoria est un corps de règles d’origines et contenus différents créées par la communauté marchande pour répondre aux besoins du commerce international. Toutefois, il est difficile d’appliquer à la Lex Mercatoria une définition sur laquelle les différents courants et doctrines peuvent se mettre d’accord car il y a autant de définitions que d’auteurs ayant traité de ce sujet. La Lex mercatoria est composée des usages, de principes généraux du droit, de clauses et contrats types (ex: clauses de hardship), de sentences arbitrales qui contribuent à dégager les principes généraux ou a donner des solutions d’opportunité ou d’équité.

La lex Mercatoria est donc une source important du droit du commerce international, c’est une « source non-étatique » car elle a été créée par la communauté des marchands mais ce n’est pas la seule source du commerce international. Il convient d’étudier dans un second temps les sources nationales (II) et les sources internationales d’origines étatiques (III) (ex : traité, conventions internationales) du droit du commerce international.

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I – sources non-étatiques : la lex mercatoria.

La doctrine et la pratique du Commerce International ont, dans les années 60, favorisé l’émergence de sources du droit. En effet, les règles appliquées par les opérateurs économiques dans leurs rapports internationaux ne sont le plus souvent ni nationales ni internationales.

Dans un chronique, le professeur Goldman nous dit qu’on est obligé de constater la formation d’un droit ou d’un corps de règles issu de la pratique du Commerce International. Les acteurs n’appliquent pas seulement les règles étatiques mais des règles issues de la pratique. Cet ensemble de normes se veut une réponse à des critiques doctrinales adressées à la méthode classique des Conflit de lois. Critiques formulées : cette méthode n’est pas sure car elle dépend du juge ou de l’arbitre qui la met en œuvre. Par ailleurs, cette méthode des Conflit de lois aboutit à la désignation d’une règle étatique qui n’est pas toujours adaptée aux relations économiques internationales car elle a été forgée pour réglementer des relations économiques internes.

Goldman considère que l’application des règles issues de la pratique internationales est préférable car elles ne nécessitent pas le règlement d’un Conflit de lois et elles sont connues par avance (sécurité juridique).

Cependant, les conventions internationales ont pour objet de jouer ce rôle d’unification de la règle. Si on s’en tient à la méthode des Conflit de lois on ne sait pas quelle règles sera appliquée mais si on conclut des conventions internationales et que celles-ci sont ratifiées, cela devrait conférer cette sécurité juridique auxquels les acteurs aspirent. Mais ces conventions n’existent pas dans tous les domaines et leur domaine est souvent très étroit. D’où le recours à cette lex mercatoria.

Sur cours-de-droit.net, le cours de Droit du Commerce International est divisé en plusieurs chapitres :

  1. les auteurs de la lex mercatoria.

a) un droit issu de la pratique

On constate la mise en œuvre de divers corps de règles qui vont être appliqués directement par les acteurs du Commerce International. Ces règles ont parfois été codifiées.

Ex : Association internationale des banques qui a élaboré une sorte de codification privée que mettent en œuvre les banques dans les relations internationales.

Ex : la CCI a forgé en matière de Commerce International plusieurs codifications privées au 1er rang desquelles se trouvent les incoterms.

A côté de ces codifications les Etats eux-mêmes ont encouragé cette multiplication des usages.

Ex : commission économique pour l’Europe a forgé des conditions générales de fourniture d’équipement. Ce texte n’est pas contraignant, il est proposé à la libre disposition des acteurs du Commerce International.

Ex : textes de la CNUDCI comme le règlement d’arbitrage et de conciliation qui est proposé aux acteurs du Commerce International qui souhaitent voir leur litige réglé par voie d’arbitrage.

Ex : les principes relatifs au contrat du Commerce International par UNIDROIT (référence non obligatoire).

Il s’agit de références à des normes qui sont parfois d’origine privée ou publique mais qui n’ont aucune valeur obligatoire sauf :

si les parties l’incorporent dans leur contrat : contractualisation directe. C’est le principe de la force obligatoire du contrat (1134).

quand on se réfère à ses règles comme s’il s’agissait d’une règle coutumière : contractualisation indirecte. C’est le juge ou l’arbitre qui va attribuer à cette règle (à laquelle les parties sont présumées s’être référées) sa force obligatoire.

On a pu parler de droit spontané car son élaboration n’est pas faite par un organe législatif et parce que l’application est spontanée et non obligatoire par les parties.

b) un droit prétorien

Les arbitres privés et les juges étatiques jouent un rôle important dans l’élaboration de cette lex mercatoria.

  • L’arbitre :

Même s’il statue en équité, il applique toujours des principes de la lex mercatoria (en droit évidemment il peut se référer à des principes et usages du Commerce International). Les arbitres sont à la fois des interprètes (en présence de règles d’origine privée, ils sont amenés à interpréter ces règles) et des révélateurs (parfois un usage était inconnu et l’arbitre en l’appliquant lui donne une force obligatoire) de la lex mercatoria.

Cela permet aux parties de s’extraire de tout ordre juridique étatique en stipulant une clause compromissoire car l’arbitre, en statuant par référence à des normes juridiques privées, permet aux parties de s’extraire des normes juridiques étatiques.

Le rôle de l’arbitre se trouve encore accentué si les parties n’ont pas déterminé le droit applicable. En matière d’arbitrage international, l’arbitre doit statuer selon les règles qu’il estime appropriées (1496 du Code de Procédure Civile). Il peut se fonder sur le droit étatique ou sur les usages qu’il va lui-même dégager.

Parfois on constate même que l’arbitre combine la lex mercatoria et le droit étatique. Il peut ainsi par exemple faire subir à ses deux ensembles de normes un traitement égalitaire c’est à dire qu’il fera prévaloir l’un ou l’autre sans a priori de préférence, uniquement en fonction de la volonté des parties.

Il peut aussi y avoir une application prioritaire des usages mais à condition que la question litigieuse entre dans le champ d’application de la lex mercatoria. L’usage peut être contraire à l’ORDRE PUBLIC INTERNATIONAL du pays d’exécution de la sentence ou qu’il n’existe pas d’usages en la matière, la loi étatique aura alors un rôle résiduel.

Il peut aussi y avoir une application cumulative lorsque se référant à un usage, l’arbitre ne va l’appliquer que tout autant qu’il est confirmé par la loi étatique avec laquelle la situation litigieuse est en lien.

  • Le juge étatique :

Contrairement à ce qu’on peut penser, le juge étatique, en matière de Commerce International n’est pas hostile à la lex mercatoria. Quand on examine les décisions des juridictions françaises en la matière, on remarque que ces usages bénéficient d’une faveur qui ne s’est jamais démentie.

Comment le juge participe-il à l’élaboration de ces usages ? Il y participe en favorisant le développement de l’arbitrage. En effet, en allégeant son contrôle sur les sentences arbitrales, le juge participe indirectement à l’émergence de la lex mercatoria puisque dans la pratique, le seul critère de reconnaissance d’une sentence est contenu dans 1496 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE : il suffit que la sentence ne soit pas contraire à l’ORDRE PUBLIC INTERNATIONAL du lieu d’exécution de la sentence et c’est le juge français qui appréciera cela.

Ex : Affaire Hilmarton 1994, sentence arbitrale rendue en Suisse mais par la suite annulée par les juridictions suisses en raison d’une violation de l’OPI. Cette sentence devait s’exécuter en France et la partie qui avait obtenu gain de cause demanda l’exécution de cette sentence. La Cour de Cassation indique la nullité de la sentence prononcée en Suisse n’interdit pas l’exécution en France dès lors que l’ORDRE PUBLIC INTERNATIONAL français n’est pas contrarié. Allègement du contrôle de la sentence.

Autre élément : reconnaissance de l’autonomie de la clause compromissoire par rapport au contrat dans laquelle elle est située (Hecht 1972) favorise le développement de l’arbitrage.

Galakis 1986 : consécration de la possibilité pour une personne morale de droit public de stipuler une clause compromissoire du moment qu’il s’agisse d’un contrat international « conclu dans des conditions conformes aux usages du Commerce International ». Il y a ici une référence directe aux usages du Commerce International pour admettre la possibilité de compromettre (ajouter une clause compromissoire).

2061civ autorise aussi cette clause en présence d’un contrat entre professionnels. On peut ajouter le refus des juges d’intervenir dans l’application des usages que font les arbitres.

Enfin, il y a une faveur du législateur lui-même à ce développement de la lex mercatoria. 1496 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE : dans tous les cas, l’arbitre tient compte des usages du commerce.

  1. l’objet de la lex mercatoria.

a) les éléments constitutifs

Selon Goldman, la lex mercatoria est constituée de 3 éléments :

  • principes : directives et modèles qui sont applicables directement à une situation ou qui sont à la source de règles qui vont gouverner cette situation (principes directement ou indirectement applicables). Ces principes sont fréquemment tirés des principes qui existent en matière d’application des traités (droit international public).

Ex : pacta sunt servanda (force obligatoire), principe de bonne foi, clause rebus sic stantibus qui signifie que le contrat doit être exécuté en l’état sous réserve que le contexte économique et social ne soit modifié. Cette clause est une consécration en matière de Commerce International de la théorie de l’imprévision.

  • règles : visent des actes ou des situations juridiques, qui font l’objet d’une véritable codification (codifications privées évoquées supra : incoterms par exemple).
  • usages:la coutume c’est à dire comportements qui sont reconnus et consacrés par la jurisprudence arbitrale ou étatique et qui acquièrent un vrai caractère normatif.

b) la nature de l’objet

Question de la juridicité de la lex mercatoria c’est à dire question de sa nature :

La lex mercatoria dispose-t-elle d’une juridicité équivalente à celle de la loi ?

Ex : Valenciana 1991 ; société US qui avait vendu du charbon à une société espagnole. Un litige à propos de cette fourniture intervient et le litige est soumis à l’arbitrage (clause compromissoire). Les parties délivrent à l’arbitre un acte de mission qui l’oblige à statuer en droit. L’arbitre se fonde alors sur les usages du Commerce International et l’une des parties considère alors que l’arbitre a violé l’acte de mission (les usages ne seraient donc pas du droit). La CA de Paris rejette la prétention de cette partie ; confirmé par la Cour de Cassation : « en se référant à l’ensemble des règles du commerce international (…) l’arbitre a statué en droit ».

Question des rapports avec les ordres juridiques internationaux :

Goldman aurait voulu que la lex mercatoria soit un ordre juridique autonome c’est à dire anational (sans attache à un système juridique). Cette position est peut-être excessive car elle signifie que les Etats abandonnent leur souveraineté en matière de Commerce International. Dans la hiérarchie des normes, la lex mercatoria est soumise aux ordres juridiques internationaux.

Question des rapports avec les normes internationales :

Au niveau international, on ne peut les faire prévaloir sur les conventions internationales. La lex mercatoria a une place au mieux sur un pied d’égalité avec l’ordre juridique national soit parce que les parties l’ont désigné soit parce que l’arbitre combine les deux ensembles de normes, au pire une place subsidiaire lorsque le contrat comporte une lacune et que le droit étatique autorise le comblement de celle-ci par l’utilisation de ces usages.

Quelques domaines échappent aux usages et dans lesquels la loi étatique a la seule primauté c’est à dire lorsqu’ils veulent garder leur souveraineté (capacité juridique, état des personnes…).

Les sources du Commerce International sont marquées par une pluralité. 2 approches :

les opérateurs du Commerce International / les opérations

étude des mécanismes juridiques qui servent de support au Commerce International c’est à dire le contrat et l’entreprise

  1. Les critiques sur la lex mercatoria.

Plusieurs critiques peuvent être formulées à l’encontre de la lex mercatoria:

  • elle est trop imprécise. On a beaucoup de mal à en connaître le contenu. C’est forcément source d’insécurité juridique pour les parties.
  • elle peut faire l’objet d’une application biaisée contraire aux fondements de celle-ci et par conséquent, servir d’argument fourre-tout. Toutefois, une application cohérente et motivée permet de justifier le recours à ces règles par une analyse poussée de l’origine et du fondement de la règle.
  • elle n’est pas un ordre juridique: les usages du commerce sont trop divers et variés pour qu’il y ait une véritable communauté des marchands (societas mercatorum) homogène.
  • elle n’est pas forcément reconnue par les ordres juridiques étatiques (même si c’est le cas en droit français).
  • elle n’est de toute façon qu’une énumération de principes déjà consacrés par les droits nationaux et par les conventions internationales.

II – sources nationales.

En présence d’un élément d’extranéité, plusieurs solutions :

  • soit chaque pays applique son droit interne et donc se pose la question de la loi applicable (bilatéralisation). Chaque pays va avoir alors à élaborer des règles de conflit de lois : ensemble de règles qui en fonction d’un rattachement va déterminer la loi applicable. Cette règle est le plus souvent mise en œuvre par un juge. Ce qui va conduire à s’interroger sur la question du juge compétent. Dans tout système juridique national il y a deux éléments : un système de règles de Conflit de lois ou Judicaire et un système de règles matérielles mais pour que celles-ci puissent être mobilisées comme solution d’un litige il faut qu’elles soient désignées par la RÈGLES DE CONFLIT DE LOIS.
  • soit chaque pays formule des règles applicables aux seuls rapports internationaux. On pourrait imaginer que dans un système juridique national celui-ci soit doté de règles matérielles qui auraient comme domaine d’application exclusif les relations commerciales internationales. En droit français ces règles étaient inexistantes à l’origine et puis au fur et à mesure la jurisprudence de la Cour de Cassation notamment, a consacré des règles matérielles qui s’appliquent indépendamment de la loi applicable au contrat. Il suffit qu’un juge français soit saisi et que le litige entre dans le champ de cette loi. Donc pour une même question litigieuse on peut avoir deux règles : une applicable aux seules relations de droit interne et l’autre applicable aux seules relations de Commerce International. Ce système n’est pas complet et ne répond pas à toutes les questions qui peuvent se poser. Ces règles le plus souvent se limitent à valider certaines clauses que l’on rencontre dans les contrats internationaux (va servir à justifier la licéité ou l’illicéité de la clause).

Ex : validité des clauses-or (autorisées en droit international), autonomie de la clause compromissoire… On pourrait ajouter les règles en matière d’arbitrage international (1492 et s Code de Procédure Civile).

Le décret du 13/01/2011 portant réforme de l’arbitrage à recodifié l’ensemble de la matière présente dans le Code de Procédure Civile. Cela ne vise que la numérotation de différents articles mais le contenu est resté le même (1492 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE est devenu 1504, et 1496 relatif à la loi applicable par l’arbitre devenu 1511).

III. sources internationales d’origine étatique.

Elles résultent en premier lieu de conventions internationales qui peuvent avoir deux fonctions :

Conventions internationales qui ont pour objet d’unifier les règles de conflit de lois. On peut imaginer que les opérateurs du commerce international incitent les Etats à conclure de telles conventions pour unifier les règles de conflit de lois.

Conventions qui ont pour objet d’unifier les règles matérielles. Exemple le plus emblématique dans notre domaine est la Convention Vienne de 1980 qui unifie le droit de la vente à l’échelle internationale. En droit français il y a donc une série de règles qui réglementent la vente en matière interne et une autre série d’origine internationale qui réglemente la vente internationale.

Autre distinction :

les conventions bilatérales sont aussi supérieures à la loi sous condition de réciprocité avec le pays signataire.

les conventions multilatérales tendent, quant à elle, soit à unifier les règles de conflit de lois (Convention de LH de 1985 sur la loi applicable à la vente internationale de marchandises, Convention Rome 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles remplacée par Rome I) soit les règles matérielles (Conventions internationales en matières de transport). On pourrait dire des dernières conventions qu’elles ont un effet direct c’est à dire que tout justiciable français peut invoquer ces conventions pour justifier d’un certain nombre d’intérêts. Elles peuvent donc être mobilisées au service d’intérêts privés.


A côté de ces instruments internationaux qui ont un effet direct, il y a ceux qui ont un effet indirect (ne peuvent pas être utilisés devant les juridictions nationales par un justiciable privé).

Ex : principe dans l’ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE de non-discrimination. Les Etats s’engagent à ouvrir leurs frontières, dans certaines conditions, aux produits étrangers. Ils s’engagent à abaisser ainsi leurs droits de douane. Ex : affaire du roquefort qui ne peut plus pénétrer aux USA car la CE a refusé l’entrée sur son territoire du poulet US à l’eau de javel (contraires aux règles sanitaires européennes). Toutes ces interdictions prises par les Etats vont à l’encontre du principe de non-discrimination et de libre circulation des marchandises. Le fabricant de roquefort va donc se trouver directement concerné par ces règles (même si c’est un privé).

Ex : les règles de l’organisation mondiale du commerce (ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE). Les accords visent les Etats qui s’engagent à mettre en conformité leur système juridique avec les principes contenus dans ces accords. Un Etat qui ne mettrait pas son droit en conformité, serait susceptible d’être assigné par un autre Etat (et non un justiciable privé) mais ces règles auront tout de même une incidence dans les relations internationales.

Remarque : au sein de l’ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE existe un organe qui a pour objet de trancher les litiges qui surviendraient à l’occasion de l’application des règles issues des Accords mais ces conflits ne peuvent apparaitre qu’entre Etats.

En France, les conventions internationales ont valeur supra-législative (hiérarchie dans le bloc de constitutionnalité[1][2]).

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