La liberté de circuler, d’aller et de venir

Liberté d’aller et de venir, liberté de circuler

  La loi reconnaît deux types de liberté d’aller et venir: la liberté de mouvement à l’intérieur d’un même État et la liberté de mouvement d’un État à un autre État.

— Concernant la liberté de mouvement à l’intérieur d’un État : Comme l’indiquent les textes internationaux, ‘quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un État a le droit d’y circuler librement’. Toutefois, cette liberté est soumise au droit interne de chaque État. C’est-à-dire que même si, en principe, cette liberté d’aller et venir ne tolère aucune restriction et ne nécessite aucun document particulier, la loi prévoit que cette liberté doit être compatible avec les impératifs de sécurité nationale, d’ordre public, de santé et de moralité publiques.

 — Concernant la liberté de mouvement d’un État à un autre État : Même si la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (de 1789) et la Convention européenne des droits de l’homme (de 1950) affirment que la liberté d’aller et venir ne se limite pas au territoire national, il peut exister des restrictions au droit de quitter son pays. Ainsi, les autorités administratives peuvent refuser de délivrer un passeport pour des raisons d’ordre public ou de sécurité nationale.

 

  • 1 : Un principe peu contesté

 Il existe en France une très vieille tradition de liberté qui existait déjà sous l’ancienne monarchie et ceci depuis plusieurs siècles : la liberté d’aller et de venir était plus grande au Moyen-Âge qu’elle ne le fût au XIXe s. et dans une moindre mesure, au XXe s. . Très peu de contentieux : prouve simplement qu’il n’ y avait pas matière à contentieux, il n’y a quasiment aucun arrêt venant rappeler la liberté d’aller et de venir. Il s’agit de contentieux très marginaux, ne portant que sur des aspects extérieurs à la liberté d’aller et de venir. CE, 13 mai 1927, Carrier : le maire d’une commune situé dans une commune montagneuse s’était ému des touristes qui se lançaient dans des expériences périlleuses et, souhaitant protéger les imprudents, exigeait des personnes étrangères à la commune de déclarer préalablement les excursions : régime de déclaration préalable incompatible, arrêté de police trop général. Cass.crim, 1er février 1956, Delle Flavien : pute se plaignant d’un arrêté du préfet interdisant aux putes de stationner dans un certains nombres de lieux, on peut empêcher le racolage mais pas interdire les relations putes/michetons. La réglementation avait des incidences sur la consistance de la liberté d’aller et de venir.

 

 

          On s’est interrogé sur la portée de la liberté d’aller et de venir quant au droit de savoir si elle incluait le droit de quitter le territoire français. La question ne s’était quasiment jamais posée, le droit français n’avait jamais empêcher de quitter la France pour aller s’établir durablement à l’étranger. Des personnes partant à l’étranger pour cause d’évasion fiscale, l’administration avait soit refusé de délivrer un passeport, ou avait empêché le départ. Le juge judiciaire avait trouvé une voie de fait, le Conseil d’Etat raisonnait en terme de légalité (motifs sérieux) : TC, 9 juin 1986, Eucat –> Il convient de distinguer lorsque l’administration invoque des motifs valables de refuser le départ du territoire national, le juge administratif exercera un contrôle normal. En revanche, si l’administration s’opposait à une sortie de territoire sans aucun fondement, alors voie de fait : il appartiendrait au juge judiciaire d’intervenir (valable pour les nationaux aussi bien que pour les étrangers). Assignation à résidence d’un étranger que selon des raisons précises liées à l’ordre public, assignation doit être proportionnée à l’exigence des circonstances.

 

 

          Question de la mendicité sur la voie publique : cas d’arrêtés municipaux interdisant la mendicité dans des zones touristiques pendant l’été en raison de groupes de personnes  mendiant de façon agressive, saouls avec des clébards. Il n’y a pas de droit fondamental de mendier, cependant la mendicité n’est pas interdite : il s’agit d’une liberté de mendier ou non, avec la limite de ne pas troubler l’ordre public, ne pas porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens. Or, le mendiant mendie sur la voie publique ; il fait usage de sa liberté d’aller et de venir. TA Nice, 2 mai 1997 : le maire de Nice avait, après un référendum local, pris un arrêté interdisant trois formes de mendicité : la mendicité assise ou couchée constituant une entrave à la circulation des piétons, la consommation d’alcool sur la voie publique associée à la mendicité de nature à provoquer un certains nombres de troubles (bagarres, rixes), la quête d’argent de manière agressive (verbale, physique) : le juge administratif a admis ce type d’arrêté + CAA, Marseille, 9 décembre 1999, confirmé par CE, 9 juillet 2003, Leconte mais a annulé les arrêtés municipaux non délimités dans le temps et l‘espace. L’art. 65 de la loi du 18 mars 2003 a crée une infraction nouvelle : mendicité agressive sur la voie publique, venant limiter la portée des arrêtés municipaux.

 

 

          Question de la circulation nocturne des mineurs : arrêtés municipaux apparus vers 1996 venant de maires constatant que des mineurs participaient à des bandes constituées de personnes plus âgées ou se faisant agresser du fait des lieux où ils se trouvaient. Arrêtés interdisant aux mineurs de 13-14 ans circuler la nuit entre 23h et 6h : le Conseil d’Etat a considéré qu’il existait d’autres moyens de protéger les mineurs. Avec la procédure de référé-liberté : CE, 9 juillet 2001, Ville d’Orléans, CE, 23 juillet 2001, Ville d’Etampes : globalement, le Conseil d’Etat admet la légalité de ces arrêtés car entrant dans le cadre du pouvoir de police général du maire, ne remettant en cause ni l’autorité parentale, ni l’autorité judiciaire. L’arrêté municipal doit être limité dans le temps et l’espace, proportionné quant aux circonstances : les maires doivent faire valoir que les zones dans lesquelles ils ont circonscrit leur arrêté sont des zones de délinquance ou bien où la délinquance était supérieur à la normale : CE, Ville d’Etampes : le juge administratif a admis l’arrêté pour la partie urbaine mais l’a annulé pour la partie rurale de la ville. L’âge des mineurs est vérifié par le juge administratif : 12-13 ans, ainsi que l’horaire : 23h-6h. Ces arrêtés sont nouveaux en France, aux USA 80% des villes américaines limitent la circulation des mineurs la nuit, ils sont plus âgés (16 ans) et la nuit est plus longue. GB, loi du 1er août 2001 autorise les autorités municipales et de police autorise la mise en place de couvre-feu entre 21h et 6h du matin pour les mineurs de 16 ans.

 

 

La liberté d’aller et de venir est tout d’abord celle du piéton qui bénéficie pleinement de sa liberté dans sa portée maximum. Lorsqu’on utilise un autre moyen l’autorité de police a le droit d’en limiter l’usage : arrêtés anti-rollers ou anti-planche à roulettes. Ces arrêtés ont une base légale : Cass.18 novembre 2003 –>  la mesure prise qui ne règlemente pas une liberté individuelle qui n’a pas pour objet d’interdire de manière absolue l’usage de la planche à roulettes est lié au bon ordre et à la sécurité publique. C’est le cas d’autres moyens, comme l’automobile.

 

 

  • 2 : La circulation automobile

On peut voir dans l’utilisation d’une voiture l’usage de la liberté d’aller et de venir. Depuis plus d’un siècle, l’utilisation d’un véhicule à moteur était soumis à un permis de conduire : décret du président de la République créant le permis de conduire : CE, 1919, Labonne. L’autorité judiciaire peut suspendre le permis de conduire lorsque l’individu apparaît comme avoir commis une infraction, peine pouvant apparaître comme complémentaire. Parallèlement, interventions des autorités administratives : il ne s’agit pas de sanctionner une infraction mais de prendre une mesure de police –> les préfets sont compétents pour prononcer des suspensions parallèlement au juge judiciaire : il est choquant que le juge judiciaire et le préfet interviennent par rapport au même faits en prenant une même mesure. La loi du 11 juillet 1975 intervient pour mieux coordonner les décisions prises par les autorités administratives et judiciaires en faisant prévaloir l’autorité judiciaire, mais aussi permettre l’exercice du droit de la défense.

 

          assurer la prééminence de la décision judiciaire : art. L.224-9 du Code de la route dispose que lorsqu’une mesure de suspension administrative a été prise par le préfet ou le sous-préfet, elle cesse de produire des effets dès qu’intervient la décision judiciaire. Cependant, les préfets agissent beaucoup plus rapidement que les tribunaux judiciaires, la mesure a déjà pleinement pris ses effets au jour de la décision du juge judiciaire. Les mesures administratives sont considérées comme non avenues en cas d’ordonnance de non-lieu, relaxe ou absence de mesures suspensive du permis de conduire. On va considérer que la décision préfectorale avait un fondement : l’infraction constaté. Il en va de même en cas de non-lieu ou en cas de classement sans suite, voire d’ordonnance de non-lieu : la décision préfectorale repose sur un fondement légal car non remis en cause par une jugement ayant force de chose jugée. EN cas de décision de relaxe, l’infraction ne peut plus servir de fondement à la mesure du préfet, l’intéressé peut demander réparation du préjudice lié à la suspension de son permis de conduire. : CE, 14 décembre 1984, Traissac.

 

 

          Assurer le respect des droits de la défense : il était prévue qu’en cas de décision administrative, le préfet ou le sous-préfet devait consulter une commission composée de personnels de la préfecture, de représentant de la police et de la gendarmerie, de représentants des usagers devant laquelle l’intéressé pouvait se défendre, au besoin assisté d’un avocat. Aujourd’hui, il y a eu un grignotage de l’effet de cette procédure : en cas d’urgence on peut ne consulter que le délégué de la commission pour une mesure de suspension d’une durée inférieure à 2 mois. De plus en plus d’infractions sont constatées aux moyens d’appareils homologués et agrées, utilisés par des agents assermentés : contrôles d’alcoolémie, contrôles radar. Il est possible de suspendre le permis de conduire, d’immobiliser le véhicule, le préfet peut prendre un arrêté de suspension dans les 72h sans que l’individu puisse présenter sa défense. L’objectif que le législateur souhaitait atteindre ne l’est que partiellement. D’une façon plus générale, la réglementation de la circulation automobile est parfois attentatoire à des principes fondamentaux du droit : présomption d’innocence, gratuité du domaine public qui risquent d’être affaiblis.

 

Le professeur Rivero avait ainsi souligné que le fait de s’habituer à des entorses à de grands principes risque d’émousser la vigilance des citoyens. Pour bon nombre de citoyens, leur seul contact avec la justice a lieu à l’occasion de contentieux liés à la circulation automobile devant le tribunal de police. Conformément à une tradition française, on s’est beaucoup plus méfié des interventions de l’Etat ou de ses représentants que de l’intervention des personnes privées, la liberté d’aller et de venir a été protégée contre les intrusions de l’Etat. Or, la liberté d’aller et de venir est également remise en cause par des personnes privées : conduite de certains automobilistes, incivilités, entrave de la circulation de trains, de routes pour défendre des intérêts catégoriels.

 

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