La liberté de communication et d’information

Le principe de la liberté de communication et d’information

Le droit de la communication est l’ensemble des règles qui s’appliquent aux acteurs et aux supports de la communication. Il se subdivise en diverses branches dont les deux principales sont le droit de la presse et le droit de la communication audiovisuelle.

La communication

L’exercice de la liberté de communication suppose l’existence d’un support de communication ainsi qu’une information, un message. Dans la mesure où il n’y a pas de contact « physique » entre l’émetteur et le récepteur – ce contact se matérialise par un support -, l’exercice de cette liberté repose sur un émetteur diffusant une information à destination d’un public potentiel.

Dès l’instant où la communication cesse de se limiter à l’échange entre deux personnes –communication intersubjective-, et où, par conséquent, elle s’inscrit aussi dans l’espace public ouvert à la discussion, elle prend des formes qui sont compréhensibles par l’ensemble des acteurs sociaux. A ce titre, l’article 1er de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication nous montre de quelle façon se crée l’espace public de discussion qu’appelle la société démocratique (au sens du droit français, mais également au sens du droit communautaire). L’espace public doit permettre la libre circulation des idées et des informations autorisant ainsi l’ingérence des pouvoirs publics. Cette «liberté ne peut être limitée que dans la mesure requise, d’une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d’autrui, du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion et, d’autre part, par la protection de l’enfance et de l’adolescence, par la sauvegarde de l’ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle». L’ingérence des pouvoirs publics est nécessaire à l’exercice de cette liberté. Les médias permettent des formes collectives de communication et crée par conséquent une conscience collective. Ces formes de communication peuvent faire l’objet d’échanges et de diffusion dans l’ensemble de l’espace public, et c’est le sens de la communication médiatique d’inventer ainsi une logique et des formes de communication dont le sens ne relève pas d’un échange entre deux personnes qui s’inscrivent elles-mêmes dans les structures de la communication, mais relève d’une logique de médiation. Dans cette logique nos mots et nos informations n’engagent pas que nous-mêmes mais aussi les liens sociaux.

L’évolution des médias se fait au sein même de l’espace public.

Pour Michel Mathien, « c’est dans l’espace public, caractérisé par l’indistinction de tous ceux qui y circulent, que nous avons besoin de médias pour représenter notre appartenance, notre citoyenneté et les choix qui structurent nos pratiques sociales en leur donnant le sens d’un engagement. L’espace public, en ce sens, est le lieu où se déroule l’histoire des médias, puisque c’est dans l’espace public que nous faisons circuler des représentations: la nécessité de l’information est, d’abord, une nécessité sociale et politique, celle de donner une consistance aux institutions et aux relations qui construisent notre sociabilité et qui rendent significatives nos relations avec les autres dans l’espace public. C’est le sens du mot si simple de média : les médias sont les formes symboliques de la médiation, c’est-à-dire de la relation établie entre les acteurs singuliers de la sociabilité et les structures collectives de leur appartenance»[1].

Les médias vont eux-mêmes connaître, au cours de leur histoire, une évolution complexe, qui les fera aller d’un usage collectif (la presse, la radio et la télévision, qui se lisent et s’écoutent, dans le cercle familial ou dans des lieux publics comme les cafés) à un usage de plus en plus individualisé – en particulier à partir de l’apparition du téléphone jusqu’à Internet qui induira une dimension singulière, individualisée, de la communication. Alors qu’au départ, la radio et la télévision ont contribué, après la presse écrite, à unifier les territoires nationaux en structurant l’espace public.

L’information : Un bien, un service, une marchandise, un produit… immatériel ?

Outre le support, au terme de l’évolution des médias on en arrive nécessairement au contenu, à savoir l’information. L’information est un bien –si l’on considère sa rareté – un produit – si l’on considère sa reproduction massive- une marchandise – si l’on considère sa valeur et sa matérialité – ou un service – si l’on considère son utilité – immatériel[2].

Les essais de définition de l’information n’ont jamais été satisfaisants tout en clarifiant des significations qui, dans bien des cas, se complètent ou se superposent. Dire, par exemple, que l’information caractérise toute activité humaine, dans ses aspects relationnels ou techniques, n’est pas suffisant si on considère l’activité d’informer sur le plan de l’économie où l’on cherche à lui donner un statut de produit », de « marchandise» ou de « service marchand ».

Pour les ingénieurs des télécommunications dans leur mission de transport des signaux, le mot désigne pour eux un signe, un signal, in fine un binary digit ou bit. Il s’appliquait, déjà avant l’ère de l’informatique, au fonctionnement de systèmes physiques auto-régulés où le signal intervenait à partir de l’accumulation ou de l’absence de données.

Le bien « information» n’est donc pas saisissable en tant que tel en toutes circonstances, surtout si l’on considère l’action par laquelle l’individu acquiert une connaissance qui lui permet d’accroître ses propres connaissances, que ce soit sous un angle intellectuel ou sous un angle purement pratique et immédiat. L’information, comme nouvelle connaissance, s’inscrit dès lors dans un apprentissage personnel tout en pouvant acquérir une dimension collective ou de masse.

La matérialité de l’information

L’informatique a joué, ici, le rôle déclencheur en faisant apparaître après la Seconde Guerre mondiale, la possibilité de réduire à des opérations numériques simples toutes les opérations intellectuelles reproduites par des machines et par des technologies industrielles. À partir de ce moment, toute la logique du développement de l’informatique et des modes industriels de traitement de l’information a été orientée vers la recherche de la simplification et de l’unification des procédures, en vue de construire des appareils pouvant traiter des informations de plus en plus nombreuses et diverses. Or, ce qui distingue entre eux les types d’information et les supports qu’ils empruntent, c’est précisément leur matérialité, c’est-à-dire le contenant et le contenu qu’ils offrent aux perceptions de leurs usagers ou de leurs destinataires. Quand elle est pleinement intégrée dans un processus de production, l’information apparaît comme un produit dépendant d’un support ou un vecteur de transmission qui le lie au domaine de la marchandise sur le plan formel tout en lui échappant sur le plan des idées. C’est dire que l’information a sa valeur liée à un coût de collecte et d’élaboration (le coût de production dans l’industrie) mais aussi et surtout à un mode de communication ou de transmission à ses destinataires disposant ou pouvant accéder au support adéquat. De par sa nature, l’information échappe aux fondements de l’économie. Elle n’a jamais pu être conceptualisée comme bien ou marchandise ; sa valeur n’a jamais été clairement définie. Quand l’information est devenue l’enjeu d’une activité économique en soi, son prix est supposé connu par les acteurs à chaque instant.

Il en va de même de sa qualification de service, faute de précision de l’objet évoqué. De façon schématique, l’information peut aussi être considérée comme un service rendu à chacun et à tous. Mais comment l’évaluer ?

Distinction contenant/contenu

Le droit s’est saisi de cette distinction contenant/contenu en appliquant une réglementation distincte selon les supports qui dans un premier temps a pu se justifier en raison des spécificités de chacun d’eux mais qui ne se justifie plus dans le cadre de la convergence des supports. Le président de l’ARCEP, Paul Champsaur, définit ce phénomène de convergence comme « la capacité de différentes plates-formes à transporter des services similaires »[3]

Autrement dit, la réalisation d’une unification du traitement et de la diffusion de l’information, quels qu’en soient les supports, passe par la neutralisation de l’obstacle de sa matérialité.

Le Conseil d’Etat dans son rapport de 1998 relevait qu’« avec Internet, accessible par tous les réseaux et offrant l’accès à des contenus transnationaux d’une grande variété, la réglementation des services ne peut plus dépendre des supports empruntés »[4].

Dès lors, le contenu informatif sera soumis à un régime juridique plus unifié alors qu’aujourd’hui il s’apprécie en fonction des supports de diffusion. La dématérialisation de l’information montre à quel point les questions qu’elle suscite et les caractères qui l’animent sont exclusifs de toute autre considération.

C’est dans cette perspective que nous étudierons les multiples facettes de la liberté de communication.

  • [1] Economie générale des médias, Ellipses, Infocom, 2003.
  • [2] v. en ce sens CJCE, 155-73 du 30 avril 1974, Giuseppe Sacchi, Rec., 1974, p.406.
  • [3] Legicom, revue thématique de droit de la communication, n°40-2007/4, « convergence numérique, convergence juridique ? », p.21.
  • [4] « Internet et les réseaux numériques », rapport du Conseil d’Etat, 1998, La documentation française.

Consultation en ligne : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/984001519/index.shtml