LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE
Liberté paradoxale parce que c’est celle à laquelle nous somme le plus attaché. C’est pourtant l’une des plus dures à présenter. Il existe un contraste frappant entre la certitude de sa valeur juridique et une très grande incertitude quant à sa définition.
La liberté de conscience est reconnue par les documents auxquels la France a adhéré. Cette liberté bénéficie d’un double fondement constitutionnel : Décision du 25/11/1977 qui fonde la liberté de conscience sur l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et il y a vu un PFRLR.
I- Une définition incertaine
- Les libertés fondamentales (Grand oral, CRFPA, EFB, IEJ)
- Histoire et source des libertés fondamentales
- L’évolution des droits de l’Homme : crises et critiques
- La Constitution et la loi face aux libertés publiques
- Le droit européen des libertés publiques
- Le droit à la vie
- La liberté de conscience
On peut d’abord noter la très grande diversité terminologique relative à cette liberté quand elle est abordée par les auteurs ou par des personnes extérieures au droit.
Cette liberté apparaît très liée à la liberté de culte, de religion, d’expression.
Quant aux qualifications proprement dites, on la qualifie de liberté de conscience intellectuelle, spirituelle, d’opinion, de croyance ou de conviction.
Elle apparaît une liberté fragile par rapport aux libertés physiques. Hauriou expliquait que les droits antiques avaient consacré les libertés de l’Homme physique pour plus tard diffuser la notion de liberté de conscience.
Riveiro plaçait cette liberté au cœur même de la liberté de penser. C’est l’un des auteurs qui a le plus réfléchi sur ce que caractérisait cette liberté. Elle est « la liberté d’opinion portant sur des questions morales et religieuses ».
On peut présenter la liberté de conscience comme une liberté stratifiée car elle a une unité diversifiée :
– On trouve la liberté de croyance au sens religieux, ou d’incroyance. Bref liberté de faire tes choix dans le domaine religieux.
– On peut aussi trouver la liberté de conviction morale et philosophique qui découle des choix faits.
– Liberté d’opinion relative à tout ce qu’il reste (météo, résultats sportifs…)
L’état n’a pas à prendre parti sur tous ces choix donc on parle de liberté de conscience. Mais le terme n’est pas fixé.
Les juristes ont le sentiment que cette liberté et une de celle qui leur échappe : Dans la littérature consacrée à la conscience humaine on trouve plus d’ouvrage à caractère théologique que d’ouvrages juridiques.
La conscience est présentée comme le sanctuaire au sein duquel l’homme dialogue avec Dieu. Le principe même d’un choix fait en conscience a toujours été rappelé.
On trouve encore des réflexions au niveau philosophique où la conscience est valorisée comme étant le lieu où l’homme prend ses décisions fondamentales : C’est la plus grande liberté pour certains auteurs.
Les juristes ne s’intéresseraient pas à ces questions et ils ont tendance à concevoir que cette liberté est hors d’atteinte car on ne peut pas porter atteinte directement à cette liberté. Sans négliger toutefois que certains régimes totalitaires s’étaient attaqués à la liberté de conscience : Les camps de concentration qui réduisaient les individus à des objets ou des numéros.
Reconnaissance du caractère intangible de la liberté de conscience. Article 4 du Pacte civil et politique a un caractère intangible.
Il est fâcheux que la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales n’ait pas reconnu cette liberté comme l’une à laquelle on ne peut déroger au sens de l’article 15.
Toutefois en lisant l’article 9 on se rend compte qu’il est possible de limiter l’expression de cette liberté mais non pas cette liberté en elle-même.
Que signifie la proclamation de la liberté de conscience ?
Elle signifie que l’on attend de l’état libéral autre chose que de ne pas être un état totalitaire. On attend sans doute qu’il reconnaisse cette liberté comme étant le fondement d’autres libertés : Cultes, religions, pensé, et même économique.
On attend aussi de cet état qu’il protège la conscience en favorisant le développement de la conscience individuelle et personnelle dès la plus petite enfance.
D’où toute une série de règles tendant à protéger la conscience de l’enfant afin que l’adulte puisse bénéficier de ce que les théologiens appellent une conscience éclairée.
II- La portée de la liberté de conscience en droit Français
Il faut distinguer selon que l’on se situe dans les relations administration / Administrés ou dans les relations entre personnes privées.
- a) Administration / Administrés
Dans ces relations, la liberté de conscience est censée être protégée par le biais du principe de laïcité de l’état.
Laïcité constitutionnelle puisque la Constitution de 1958 proclame dans son article 1er que la France est une « république indivisible, Laïc et indissociable ».
La laïcité est devenue constitutionnelle depuis 1946. Mais on peut situer l’origine en 1905 avec la séparation…
Mais en réalité on est parti d’une laïcité philosophique et militante, c’est-à-dire d’une idéologie qui avait pour but de se substituer aux croyances religieuses. On voulait remplacer ces croyances pour lutter contre les obscurantismes et s’insérer dans une politique de progrès.
Cette définition de la laïcité n’a pourtant jamais trouvé sa place en droit. L’interprétation donnée par les juridictions mais aussi par l’administration a fait de la laïcité le synonyme d’une notion de neutralité. L’état Laïc est l’état NEUTRE.
R.SCHUMAN avait accepté cette reconnaissance de la laïcité en expliquant que cela signifiait que l’état devait être neutre et impartial, et respecter toutes les options qui étaient celle des individus.
Le blême c’est que la plupart des états politiques et libéraux sont neutres et impartiaux. Donc la France n’est pas originale et pourtant c’est la seule à se revendiquer laïc. Donc elle a peut-être une conception particulière.
La neutralité est respectée par l’Administration qui ne doit pas faire état ou connaître les convictions de l’individu. Ceci a rarement été affirmé au contentieux. Conseil d’Etat, 9/07/1943, FERAND : Le Conseil d’Etat estime qu’est illégal le fait pour un préfet d’exiger que les fiches qu’on remplissait dans un hôtel portent la mention RELIGION.
On ne peut pas écarter la candidature de quelqu’un du fait de sa croyance.
En revanche, l’Administration qui ne peut pas non plus écarter les convictions politiques, peut éventuellement prendre en compte l’extériorisation de ces conventions.
Donc les administrés doivent être traités en toute neutralité ; principe que doivent respecter les agents de l’administration.
Les Bâtiments publics ne doivent plus comporter d’emblèmes religieux ou autres.
Dès la loi de 1905 on a voulu que les individus puissent exercer librement leur liberté de culte ou de religion. Donc on a reconnu le droit de mettre en place des aumôneries.
Exemple, les internats scolaires, les hôpitaux, les taules, les enceintes militaires ont des aumôneries.
Fonctionnement des abattoirs municipaux est régi par des réglementations sur la santé publique : Etabli en fonction des convictions du plus grand nombre mais l’abatage pourrait choquer des personnes d’un certain culte qui abattent les animaux différents.
Conseil d’Etat, 25/11/1994, ASSOCIATION CULTUELLE ISRAELITE : Les prescriptions de la religion juive doivent être respectées au niveau des abattoirs.
Donc l’Administration doit tenir compte des spécificités des diverses religions.
L’Administration doit aussi tenir compte d’un certain nombre de réglementations, de comportements, des clauses de conscience.
Exemple : Pour le service militaire si on faisait valoir une clause de conscience et bien on pouvait faire son service différemment.
Les clauses de conscience sont de plus en plus nombreuses à la lumière de la diversité sociale. Des dispenses peuvent aussi être accordées pour que des personnes ne travaillent pas un jour religieux.
En revanche, les clauses de conscience n’ont jamais été autorisées aux impositions fiscales ! Normal J
- b) Entre individus
Préambule de 46 : « Nul ne peut être lésé dans son travail ou son emploi en raison de ses origines, croyances et opinions »
Donc on ne peut pas au niveau de l’embauche, du règlement intérieur, prendre en compte les croyances ou incroyances, opinions des individus.
La liberté de conscience a donc une dimension collective qui caractérise la démocratie libérale ou la démocratie véritable.
La société civile doit permettre aux individus d’exprimer leurs croyances collectivement ou individuellement. Pour cela ils doivent avoir la possibilité de se regrouper par affinités (ou plus) : Groupements politiques, religieux ; syndicats etc…
Entreprises, groupements de tendances, la terminologie n’est pas fixée. Ces groupements ont besoin d’embaucher du personnel salarié et il serait absurde de leur imposer d’embaucher des personnes ne défendant pas leur conviction ou même combattent cette conviction.
Si on lit le code du travail c’est trop général ! Donc il faut se reporter à la Jurisprudence.
Dans un premier temps, la Cour de Cassation en assemblée Plénière, la 19/05/78, avait vue dans les convictions du salarié d’une entreprise de tendances, un élément de l’accord des volontés exceptionnellement incorporé au contrat de travail.
Une entreprise peut donc prendre en compte les convictions pour embaucher mais aussi pour virer.
Mais depuis un arrêt de la chambre sociale du 17/04/1991, c’est le bordel : La Cour n’admet plus que le licenciement fondé sur le comportement de l’individu qui compte tenu de la finalité de l’entreprise cause un trouble au sein de celle-ci a été licencié.
Critiquable car cela ne reconnaît pas assez la spécialité de ces groupements de tendance.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme a été conduite à réfléchir sur ce qui était abusif ou pas de la part de certains groupes et de leurs membres : KOKKINAKIS c/ GRECE de 1993, la liberté de conscience et de religion représente une des assises des sociétés démocratiques.
Il en va du pluralisme ce qui inclut donc un certain droit au prosélytisme : Dans une démocratie pluraliste chacun a le droit de convaincre ses semblables de la justesse de ses convictions.
LA Cour ne donne pas les critères permettant de savoir ce qui est acceptable ou non de la part de ces groupements.
Mais en tous cas on ne peut pas violer les consciences, profiter de l’état d’une personne pour lui imposer ses opinions etc…bref la notion de conscience d’autrui est le critère qui permettrait de savoir ce qui serait acceptable dans le prosélytisme.
Le législateur a tenté de fixer ce qui n’était pas souhaitable : Le lavage de cerveau par exemple qui est utilisé par certaines sectes.
L’individu qui est privé de sa personnalité à la suite des traitements qu’on lui fait subir par exemple.
Le législateur a préféré sanctionner l’abus d’une situation de faiblesse, ce qui correspond plus à d’autres notions de droit commun.
Les droits fondamentaux sont durs à cerner. Il est quand même délicat de placer ces droits fondamentaux au fondement de l’ordre juridique et social sans définir qui est le titulaire de ces droits.