La liberté de la presse

Le régime juridique de la presse

Sous l’impulsion du mouvement des Lumières qui plaide pour l’universalité du droit d’expression, la Révolution de 1789 proclame la liberté de la presse en France. Puis il faut attendre la loi de 1881, sous la IIIe République, pour que cette liberté bénéficie d’une garantie légale. Toujours en vigueur, la loi de 1881 a été complétée, entre autres dispositions, par la loi relative à la liberté de communication de 1986 afin d’inclure le domaine audiovisuel, en fort développement depuis l’abandon du monopole de programmation d’État en 1982.

La Déclaration de 1789

C’est l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui proclame la liberté de la presse, inspirant en 1948 la Déclaration universelle des droits de l’homme (articles 19 et 29.2) et en 1950 la Convention européenne des droits de l’homme (article 10).

Selon cet article 11, « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

La presse y gagne sa puissance politique, même si elle devra affronter diverses entraves à sa liberté jusqu’à la stabilisation de la IIIe République, qui promulgue la loi sur la liberté de la presse en 1881.

La loi de 1881 sur la liberté de la presse

Comme en témoigne son premier article, qui dispose que « L’imprimerie et la librairie sont libres », la loi de 1881 est fondamentalement libérale. Toute la réglementation antérieure est ainsi abrogée. Une simple déclaration suffit désormais à créer une entreprise de presse, dont le journal doit mentionner un gérant (juridiquement responsable) et un imprimeur, les personnes mises en cause pouvant faire valoir leur droit de réponse.

Une liberté renforcée par le Conseil constitutionnel en 1984

En statuant que « les lecteurs, qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée à l’article 11 de la Déclaration de 1789 » doivent être « à même d’exercer leur libre choix », le Conseil constitutionnel prend une décision historique. Il consacre le droit à l’information du public en reconnaissant sa contribution à la vie démocratique.

  • &1 : Le régime de l’entreprise de presse

Le XIXe s. s’est préoccupé du régime juridique de l’entreprise de presse, afin de lui assurer sa liberté, ce qui a abouti avec la loi de 1881. A partir de la deuxième moitié du XXe siècle, on s’est rendu compte que cette liberté pouvait impliquer des difficultés économiques.

A)Principes juridiques

Les principes juridiques sont des principes de liberté : la loi du 29 juillet 1881 aboutit comme l’aboutissement des revendications libérales. Cette loi débute par un art.1 garantissant la liberté de l’imprimerie et de la librairie : au XIXe s. on tentait d’entraver en amont et en aval de l’entreprise de presse. Est également libre l’entreprise de presse et la création d’un journal, ce qui est mentionné à l’art.5 : publication de tout journal ou quotidien sans autorisation préalable et sans dépôt de cautionnement, après la déclaration auprès du parquet prévue à l’art.7, qui est une simple information. Cette liberté est définitivement acquise, sauf période d’exception, elle laisse le choix du support juridique de l’entreprise de presse. Cette dernière peut être une propriété individuelle ou familiale : cas au XIXe s., ce qui est resté. De plus en plus souvent, les entreprises de presse sont propriété de groupements. Le directeur de la publication doit y exercer une responsabilité principale effective car il est pénalement responsable à titre principal. La loi de 1880 a mis en place un régime de responsabilité en cascade : le directeur de la publication est responsable principal, le journaliste est complice, les imprimeurs sont complices secondaires.

B) Les difficultés économiques

Difficultés économiques touchant les entreprises de presse : constatées régulièrement –> dernier en date = rapport d’information réalisé par le sénateur Loridant du 7 juillet 2004. Il y a une diminution considérable du nombre de journaux, notamment des quotidiens depuis un siècle et encore plus depuis un demi siècle. On est passé entre 1946 et 2001 de 28 quotidiens nationaux d’information générale à une dizaine, au niveau de la presse régionale de 175 à 56 : il ne subsiste qu’un tiers des quotidiens. Il y a une chute du nombre de quotidiens d’information, la moyenne de leur lecteurs est de plus en plus âgé. La publicité fournit une part importante du financement, pour autant elle est très irrégulièrement répartie. Remède juridique : interdire les concentrations, c’est ce qui avait été l’objet de la loi de 1984, le Conseil constitutionnel en a validé les principes, même si certaines modalités ont été jugées contraires à la Constitution. Modification : aucun groupe de presse ne peut contrôler plus de 30 % de la presse française. Le législateur de 1986 a défini des seuils multimédias en matière de communication radiophoniques et audio-visuelles. Aides de l’Etat justifiées au plan théorique : le pluralisme est indispensable au fonctionnement de ces institutions. Il y a actuellement deux types d’aides. Aides directes aux journaux aux faibles ressources directes, aux journaux à l’étranger : aides relativement faibles par leur montant global. Aides indirectes : les plus importantes, de nature fiscal : fiscalité avantageuse en matière de TVA, aides au transport et à la distribution postale : accords renouvelés entre les éditeurs, La Poste, les pouvoirs publics. Ces aides indirectes sont les principales. Globalement, les aides de l’Etat en faveur de la presse ne sont pas superficielles, il s’agit d’aides substantielles qui ne sont pas négligeables mais insuffisantes, or on ne change pas ces règles car mécontenterait une grande partie des entreprises de presse. Modification de ce système en essayant de favoriser les aides à la modernisation.

  • &2 : La diffusion de la presse

Les saisies administratives, si elles n’ont pas disparu ne pourraient réapparaître que de manière exceptionnelle pour les périodes exceptionnelles : TC, 7 février 1935, Action Française–> pour qu’une saisie administrative soit pratiquée, il faut qu’il y ait une menace pour l’ordre public et qu’il n’y ait pas d’autre moyen d’y faire face que de procéder à la saisie qui doit être proportionnée dans le temps et l’espace à ce qui est indispensable, sinon voie de fait.

Il existe toujours un régime juridique spécifique destiné à protéger la jeunesse : lois de 1949 et de 1967. Tout d’abord a été prise en compte les publications destinées aux mineurs qui ne doivent pas présenter sous un jour favorable un certain nombre de vices, à défaut sanction pénales. Commission spécialisée qui a pour mission de surveiller la presse destinée au jour, commission consultative qui a assez peu saisi le parquet et a plutôt tenté de jouer un rôle consultatif : système fonctionnant de manière consensuelle.

Lorsque des publications destinées aux adultes peuvent, en raison de leur caractère pornographique ou violent, se révéler dangereuses pour la jeunesse, le ministre de l’Intérieur peut interdire la vente de ces publications aux mineurs, interdire la publicité et l’exposition au public. En réalité, les publications ainsi interdites l’ont été par tous les ministres de l’intérieur : il s’agit de publications purement pornographiques ou violentes.

Décret-loi de 1939 permettait au ministre de l’intérieur d’interdire des publications étrangères : le Conseil d’Etat appliquait un contrôle restreint : CEDH, 17 juin 2001, Association Ekin c/ France, la CEDH a condamné la France car régime non démocratique , puis CE, 7 février 2003, Gisti: injonction au premier ministre d’abroger le décret-loi de 1939 qui était resté un décret. Demeure l’interdictions des publications néo-nazies, ultra pornographiques, islamistes.