La loi de règlement

La loi de règlement

Expression traduisant une approche comptable de l’acte budgétaire, la notion de règlement définitif du budget ne semblait s’intéresser historiquement qu’à la régularité du compte. Elle évolue vers une approche de la qualité de l’exécution du budget, qualité de sa gestion, qui semble maintenant enfin correspondre aux prescriptions de l’article 15 de la Déclaration. Une partie de la doctrine n’a vu jusqu’à maintenant que la régularité de l’exécution budgétaire, la qualité de la gestion budgétaire. Depuis que le budget est budget, le pouvoir s’est toujours intéressé à la qualité de sa gestion. La qualité de la gestion ne donnant pas lieu à du contentieux, elle est ignorée par les juristes…


Objet et valeur juridique de la loi de règlement :

On construit la loi de règlement à partir du « compte général de l’Etat » . Ce compte rapproche la comptabilité administrative dans ses deux branches « ordonnateurs » et « comptables », et permet de comparer le budget et la réalité de son exécution.

À l’origine, cette loi de règlement s’appelle « loi de compte » (en 1816, il y a une loi de comptes par ex.). Pratiquement, il s’agit pour cette loi de finaliser un compte. Progressivement, au-delà de la finalisation, il va bien s’agir de procéder au règlement définitif de ce compte, et la loi de compte devient une loi de règlement. LA loi de règlement permet de clore définitivement les comptes des ordonnateurs. On a en effet un budget prévisionnel, qui s’exécute et est modifié (loi de finances rectificative), mais ces lois ne font que mettre les comptes à la disposition des ordonnateurs. On vient clore le compte de l’ordonnateur avec la loi de règlement. À la fin de l’année, on voit ce qu’il avait l’autorisation de faire. La loi de règlement qui est un compte de clôture possède une valeur juridique particulière (auparavant loi de compte), qui a naturellement intégré la catégorie des lois de finances. On en trouve la manifestation à l’article 1 de la loi organique, qui distingue dans les lois de finances d’un côté la loi de finances de l’année et la loi de finances rectificative, et d’un autre côté la loi de règlement (2ème catégorie de loi de finances). Les 3 lois de finances différentes constituent des lois de finances, car elles ont pour vocation d’intégrer le compte des ordonnateurs. Pour autant, on voit bien que la loi de finances de l’année détermine évidemment ce compte. On peut maintenir cette idée de détermination pour la loi de finances rectificative. Mais, la loi de règlement, en ce qui concerne la détermination, arrive en bout de course. Elle ne détermine pas vraiment les recettes et les dépenses de l’Etat, mais vient valider et clore rétrospectivement ces dépenses et ces recettes.

Pour autant, la valeur juridique de ces 3 lois est la même : ce sont toutes les 3 des lois de finances (= leur régime juridique est prévu par la loi organique).

La triple vocation de la loi de règlement :

La loi organique, en son art. 37, se démarque très peu du dispositif de l’article 35 de l’ordonnance de 1959, en ce qui concerne les lois de règlement. Si on lit cet art. 37 en ne se focalisant que sur les verbes, on observe que la loi de règlement constate, et qu’elle ratifie. Il s’agit bien de sa vocation comptable. Elle ratifie des mouvements. Elle vient établir définitivement le compte de clôture. Mais, il existe une nouveauté de cette loi de règlement, intégrée par la LO 2001. La loi de règlement va venir attester de la volonté des parlementaires d’affecter le résultat comptable de l’exercice. Elle constate, ratifie et affecte.

Constater l’exécution budgétaire :

la loi de règlement vient clore l’exercice budgétaire, c’est-à-dire qu’elle arrête les montants définitifs autant en recettes qu’en dépenses, mais aussi en ressources et en charges. À quoi cela peut-il servir d’établir a posteriori ces montants définitifs ? C’est pour informer le Parlement. Cela atteste à quel point la réalité de l’action publique appartient au Gouvernement et à l’Administration. Le Parlement, en tant que représentation démocratique a pour vocation de contrôler ce que font le Gouvernement et son Administration. La loi de règlement en est une manifestation des plus criantes.

Pendant des années, le Parlement s’est complètement désintéressé de la loi de règlement. Tout l’enjeu bien compris de la loi organique consiste à réintroduire cette loi de règlement et à lui donner enfin matériellement et effectivement la place qu’elle a théoriquement (= contrôler l’exécution). On constate et on informe de ce qui s’est réellement passé. On intègre ici une notion : celle de sincérité des comptes. Il ne s’agit plus de la sincérité de l’inscription comptable sur la façon d’inscrire les choses, mais de la sincérité objective que l’on rapproche du concept de transparence des comptes. C’est une transparence de l’exécution, de la réalité de l’action, à l’égard des parlementaires, passe par une sincérité objective. La loi de règlement dit ce qui s’est réellement passé à l’€uro près. Alors que les autres comptes ne sont que des comptes de prévision, la loi de règlement devient enfin un compte de réalité, avec une approche de sincérité.

La loi de règlement présente les résultats généraux de l’exécution budgétaire sous forme de tableaux. On reprend les tableaux de la loi de finances de l’année, mais on a ici les chiffres d’exécution. On peut détailler la réalité des différentes recettes, la réalité des différentes dépenses. Cette réalité sera regroupée selon l’approche comptable traditionnelle (budget de l’Etat distingué en budget général, budget annexe, comptes spéciaux du Trésor). Cette notion de sincérité de la loi de règlement recouvre 2 choses :

– Elle vient de ce que les chiffres présentés sont le fruit de la réalité.

– Ces chiffres ont été certifiés par la Cour des comptes. > Les chiffres sont doublement sincères en loi de règlement.

Une loi de ratification :

Ici, c’est l’article 37, 4°), de la loi organique qui vient préciser que la loi de règlement ratifie les modifications. Cette ratification opérée pour les décrets d’avance (crédits ouverts par décret sous réserve d’une ratification par la loi de finances à venir, qui peut être la loi de règlement) s’intègre dans un processus connu, mais la loi de règlement vient surtout ouvrir les crédits nécessaires à la régularisation des dépassements. Ici, il s’agit de ratifier des dépassements. On ratifie une liberté prise par l’exécutif au regard de la lettre de la loi de finances précédente (rectificative ou de l’année). La loi de finances permet d’accorder une couverture juridique à des procédures financières jusque-là irrégulières. La loi de finances particulière dite loi de règlement vient combler ces dépassements. La loi de règlement a un rôle de ratification, qui est le même que celui d’une loi de finances rectificative (pouvant aussi régulariser un dépassement).

L’affectation du résultat comptable :

c’est le dispositif de l’article 37, 3°), de la loi organique, qui dispose que la loi de règlement affecte au bilan le résultat comptable de l’exercice. La distinction entre le bilan et le compte de résultat vient de la comptabilité des entreprises. Cette distinction n’existe pas dans les comptes de l’Etat avant 2001. On ne parle que de comptes d’exercice avant 2001 correspondant plus ou moins au résultat. Le résultat est ce que l’on constate en fin d’année, et qui concerne la différence entre les ressources et les charges. Ce peut être un bénéfice ou un déficit. Il en va de même pour une entreprise (chiffre d’affaires, charges, avec un résultat soit bénéficiaire, soit déficitaire). La notion est en lien avec l’exercice. L’approche est extrêmement restrictive d’un point de vue comptable. Dans le fond, la réalité de ce qu’est l’Etat aujourd’hui (pareil pour une entreprise) provient d’une accumulation des comptes des différents exercices précédents. L’Etat, aujourd’hui, sur une approche comptable, c’est des fonctionnaires, des bâtiments, des voitures… L’amphithéâtre, s’il n’a pas été construit ou rénové une année, appartient toujours à l’Etat. Le bâtiment de Bercy a été construit en 89. Depuis 89, il n’est plus dans le compte de résultat (= ce qui se passe en 2006). L’Etat possède toujours ce bâtiment. La valeur comptable de ce bâtiment n’est pas inscrite dans le résultat, mais dans le bilan. > Le compte de résultat traduit ce qui se passe pour une année déterminée. > Le bilan reprend l’ensemble de ce qui s’est passé pour l’Etat. Dans le bilan, on trouve tout ce qui mérite encore une inscription comptable. Ex. le bâtiment de Bercy a été construit sur d’anciens terrains du ministère des finances. On a supprimé la valeur des anciens bâtiments détruits. Ex. Le véhicule acheté il y a 3 ans figure au bilan de l’Etat. Le véhicule mis à la casse ne figure plus au bilan de l’Etat. On demande à la loi de règlement de se prononcer sur l’apurement du compte de résultat, qui est transféré et inscrit dans le bilan de l’Etat. C’est la première fois que juridiquement, on distingue un bilan et un compte de résultat dans les comptes de l’Etat. Or, ici encore, on remarque que les entreprises tiennent un compte de résultat et un bilan depuis le XIX siècle. On constate cette attraction très forte de la comptabilité des entreprises qui vient contaminer la comptabilité de l’Etat. Dans le fond, une fois que ce parallèle entre la comptabilité de l’Etat et la comptabilité d’une entreprise est constaté, la loi de règlement fait en ce qui concerne l’affectation du résultat comptable du Parlement une Assemblée Générale des actionnaires ! À la clôture du compte général de l’entreprise, l’entreprise fait une AG.