Le travail au temps des codes.
Ce qui préoccupe Bonaparte (futur Napoléon), c’est de remettre l’ordre en France.
A cette époque, il y a les balbutiements de l’industrialisation.
Le législateur n’a pas anticipé le développement industriel : Les codes ont une vision rurale, or le monde change.
Dans ces codes, il y a des règles qui concernent les travailleurs et les travailleuses, mais il n’y a pas de vrai code du travail.
Ces règles du travail existent accessoirement dans le code civil et dans le code pénal de manière éparse.
On les trouve également dans les lois annexes.
Le monde du travail est un monde d’usage.
Dans ces usages, on trouve l’embauche à l’essai, la suspension du travail en cas de maladie, l’apprentissage,…
On trouvera le droit du travail dans le contrat, notamment le contrat de louage.
Il y a des règles tacites, donc des usages.
1 : La relation de travail dans le code civil.
Cela s’appelle un louage d’ouvrage et de service.
C’est un contrat.
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. »
L’article 1779 du code civil définit les 3 types de louages.
On s’intéresse ici au louage de service.
Le code civil s’intéresse à la durée des engagements puisqu’il interdit l’engagement perpétuel.
Seul l’esclave est dans une relation d’engagement perpétuel.
On ne peut pas concevoir l’existence d’un contrat à durée déterminé.
Dans le code civil, l’article 1781 du code civil est relatif à la preuve des salaires.
« En matière de gage, le patron est cru sur son affirmation.
Ceci reprend un usage du monde de l’Ancien Régime.
L’explication est qu’un patron n’a pas pas intérêt à mentir puisque le salaire est dérisoire.
Si l’on n’admet pas la preuve orale, on aura recours à la preuve écrite.
Cependant, la plupart des contrats de louage sont verbaux.
La preuve se fera donc par témoin, par oral.
C’est pourquoi, pour éviter une bataille de chiffonnier, on va affirmer une présomption de vérité pour le patron en matière de salaire.
Cette présomption de preuve s’applique à défaut d’écrit.
A l’article 2101, il y a un privilège de l’ouvrier en ce qui concerne son salaire.
Il a une créance de salaire contre son patron (voir aussi article 2271 et 2272)
Le contrat de travail n’est pas un contrat comme les autres.
Petit-à-petit, la jurisprudence va égratigner la conception dualiste du contrat de travail.
Du louage de service, on parle dans les années 1860-1870 de louage de travail.
Le réglement d’atelier, c’est la loi de l’usine.
Il s’agit d’un réglement de discipline.
Le patron devient la législateur de son usine.
Il faut attendre un arrêt de 1870 de la cour de cassation pour savoir quelle est la nature juridique de ce réglement d’atelier.
Il s’agit d’un contrat d’adhésion.
Le règlement d’atelier est un document contractuel conventionnel.
En cas de violation du règlement d’atelier par l’une des parties, des dommages et intérêts sont alloués à la victime.
Le règlement d’atelier est une annexe du contrat de travail.
C’est le règlement d’atelier qui fixe le délai de préavis.
Les usages et les coutumes déterminent la durée de l’engagement.
Cela peut être au mois ou à l’année.
Un ouvrier agricole est embauché à l’année avec tacite reconduction.
Un saisonnier est embauché à la saison.
Plus on est qualifié, plus la durée de l’engagement est longue.
Les employés sont embauchés selon les régions, soit au mois, soit à l’année.
Les domestiques sont embauchés au mois.
La rémunération se fait en argent avec parfois des avantages en nature.
Les employés peuvent être payés à la journée, à la quinzaine, au mois, ou à l’année.
La mensualisation sera généralisée en 1968 et ceci est un luxe.
La courte durée correspond à un cycle économique.
Si le salaire était mensuel, le pauvre ferait crédit.
Mais l’on ne fait pas crédit aux pauvres.
Le salaire mensuel est imposé par l’Etat dans les marchés publics.
Les ouvriers des arsenaux de l’Etat sont payés à la quinzaine.
Le montant du salaire est librement négocié d’après le code.
Mais en pratique, c’est le patron qui l’impose.
Les créances de salaire se prescrivent en 6 mois (Article 2271).
C’est la coutume et les usages qui fixent les horaires de travail.
Jusqu’en 1830, on vit avec le temps.
Il y a une législation des jours fériés.
On est dans un pays chrétien :
la loi du 18 novembre 1814 interdit de travailler le dimanche, les jours fériés, et les jours de fêtes reconnus par la Loi.
En 1801, le dimanche était redevenu chômé avec le Concordat.
Sous la Révolution, on chômait le 10ème jour que l’on appelait le « Décadi ».
Ceci est décidé en 1793.
On abolit le calendrier Gregorien et on met en place le calendrier révolutionnaire ou Républicain.
C’est le Directoire qui avait obligé d’appliquer le Décadi.
Ceux qui travaillaient le Décadi payaient une amende, sauf pour le travail à domicile.
La Révolution a voulu redéfinir le temps.
Travailler le dimanche est un délit puni de 5 francs d’amende.
Les jours de fêtes reconnus par la loi sont au nombre de 4 :
– L’Ascension (Le jour de Pâques).
– L’Assomption (Le 15 août).
– La Toussaint (Le 1er novembre).
– Noël (25 décembre).
En 1810, le jour de l’an devient un jour férié reconnu par l’Etat.
Certains commerçants restent ouverts le dimanche.
Ces sont des exceptions légales.
Exemple : Cafetiers, les salles de jeux, …
Mais, on ne peut pas ouvrir pendant la messe.
Il y a également une exception pour les professionnels de santé et certains métiers.
Exemple : Le médecin, la poste, les pharmaciens, les entreprises de transports, les foires traditionnelles,…, travaillent le dimanche.
Les meuniers et les agriculteurs peuvent aussi travailler le dimanche dans certains cas graves.
Exemple : S’il y a Péril pour les récoltes.
Le 21 janvier est un jour férié, c’est la mort de Louis XVI.
Ce jour férié sera aboli en 1833.
La loi de 1814 sera définitivement abrogée en 1880.
La République est laïque: Il n’y a plus de dimanche obligatoire.
2 : Le code pénal.
La relation de travail est une relation sociale.
Le code pénal de 1810 est le code d’un Etat gendarme.
Il rappelle les règles en cas de violation de ces règles, on est sanctionné.
Le droit pénal sanctionnera les atteintes à la concurrence.
Il y aura quelques délits économiques tels que la contrefaçon ou la divulgation des secrets de fabrication à une puissance étrangère.
Il y aura également une régulation des rapports entre patron et salariés.
A l’extérieur de l’usine, cela relève du droit pénal.
A l’intérieur de l’usine, cela relève du règlement intérieur.
Dans le code pénal, on va sanctionner le délit de coalition.
Il y a une continuité entre la loi Le Chapelier et le code pénal.
(loi du 22 germinal an XI relative aux manufactures et qui interdit les coalitions).
La coalition prend différentes formes :
C’est un terme générique et c’est volontaire.
La grève est un terme beaucoup plus restrictif.
La place de la grève est une place publique derrière l’Hotel de Paris.
Les ouvriers sans travail attendaient sur cette place.
Le mot « grève » apparaît dans un arrêté de 1805.
L’article 414 et l’article 415 du code pénal sont de très célèbres articles.
Le premier de ces articles sanctionne et punit les coalitions patronales.
On interdit le « lock out » et les « ententes illicites ».
Les coalitions patronales tendent injustement et abusivement, de manière concertée, à abaisser les salaires.
Les patrons qui réalisent des coalitions étaient sanctionnés d’une peine d’emprisonnement et d’une amende pécunière de 200 à 3000 francs.
L’article 415 interdit et punit les coalitions ouvrières, c’est-à-dire toute coalition ayant pour but de cesser de travailler, de suspendre, d’empêcher, ou d’enchérir les travaux.
S’il n’y a eu que tentative ou commencement d’exécution, 1 à 3 mois de prisons sont requis contre les participants.
Les meneurs, eux, seront punis d’1 an d’emprisonnement.
Si l’infraction a été consommée, les meneurs encourent de 2 à 5 ans de prison.
Les incriminations de l’article 415 sont plus larges que celles de l’article 414.
L’appel à la grève et la réunion préparatoire à la grève peuvent être sanctionnés.
Le patron est sanctionné de 6 jours à 1 mois de prison en cas d’appel à la grêve.
Alors que l’ouvrier, lui, est puni de 1 à 3 mois d’emprisonnement.
Cela s’explique par le fait que le patron doit diriger l’usine.
Le code ne parle pas des meneurs patronaux.
Cambacérès dit que toute coalition ouvrière constitue, pour ceux qui la forme, un état de révolte.
On peut constater qu’avec le temps, il y a de plus en plus de poursuites et de prévenus.
Exemple : De 1826 à 1830, on recense 32 affaires et 169 prévenus par an en moyenne.
Alors que de 1836 à 1840, il y avait en moyenne 69 affaires et 398 prévenus par an.
Il y a peu d’affaire au niveau national, on utilise le code avec parcimonie.
En 1864, Napoléon III abolit le délit de coalition.
Dans le code pénal, on interdit également les associations (Article 291 du code pénal).
Une association est une coalition institutionnelle, c’est-à-dire une coalition qui dure.
La coalition est par nature temporaire.
Les critères de la coalition sont :
– Elle doit regrouper plus de 20 personnes.
– Il doit y avoir des réunions périodiques pour parler de religion, de littérature, de politique, ou d’autres choses.
Ces associations ne pourront se former qu’avec l’agrément du gouvernement et aux conditions que le gouvernement posera.
Les réunions de moins de 20 personnes sont elles, en principe libres.
Cependant, l’article 291 du code pénal interdit également les réunions non déclarées de moins de 20 personnes et les considèrent comme des réunions de familles ou d’amis.
En dessous de 20 personnes on peut en effet ne pas demander l’autorisation de se réunir, mais on peut être interdit de réunion si l’on est pris sur le fait.
Les contrevenants seront punis de peine d’amendes renforcées pour les meneurs.
Cet article a un régime de droit commun.
L’article 293 du code pénal permet de poursuivre les « cris séditieux ».
Tout appel public à la grève, à la révolte, à la rébellion est un délit.
Le mouvement associatif est ancien dans le monde du travail.
C’est parce que l’on travaille difficilement que l’on s’associe.
Pendant très longtemps, les ouvriers se sont réunis hors du cadre officiel, c’est-à-dire hors des corporations.
La fraternité est fréquente dans les milieux ouvriers.
Les travailleurs et les travailleuses se réunissent dans des compagnonnages (Des associations de compagnons).
Le pouvoir les tolèrent car l’on ne pouvait pas les interdire.
Ce système associatif du compagnonnage disparaîtra avec l’industrialisation.
Le pouvoir les sanctionnent quand il y a abus ou trouble à l’ordre public.
Le pouvoir tolère également les associations de secours mutuel.
Au contraire, il incite à la création de telles associations.
Il les tolère tant qu’ils ne font pas de politique, qu’ils ne complotent pas une grève, …
Si jamais ça dégénère, on sanctionne.
On est hors du cadre légal, mais le cadre légal sert uniquement à sanctionner les abus.
En droit pénal, il y a le principe d’opportunité des poursuites.
La loi du 10 avril 1834 modifiera le régime des associations, mais il faudra attendre la 2ème République pour revoir la question dans les débats.
L’inégalité juridique reflète l’inégalité sociale.
3 : Le livret.
Pour contrôler les gens, il faut qu’ils aient tous des papiers.
Au début du XIXème siècle, la volonté du pouvoir, c’est de surveiller et punir.
Les papiers servent à prouver qui l’on est.
Dès que l’on quitte son canton, il faut un passeport intérieur.
Cette pratique existait sous la Révolution mais également sous l’Ancien Régime.
En effet, un texte de 1749 impose un usage :
On met en place le billet-congé.
Si l’on n’a pas ce certificat, on n’est pas demandeur d’emploi.
La loi du 22 germinal An XI réintroduit le livret ouvrier.
Tous les patrons ne pourront embaucher un ouvrier que si celui-ci à un livret.
Le livret est un certificat d’acquis.
La carte d’identité est imposée aux gens du voyage vers 1903.