La nature juridictionnelle de l’arbitrage

Nature juridictionnelle de l’arbitrage.

L’arbitrage est un procédé de nature juridictionnelle. Il s’agit de trancher un différend, et l’arbitre est pour cela doté de certaines prérogatives et de certains pouvoirs qui sont ceux du juge étatique.

Néanmoins, l’arbitre tire toute sa légitimité de la volonté des parties. Il ne peut y avoir d’arbitrage si les parties ne l’ont pas voulu. Dans ce contexte, l’arbitrage est aussi contractuel.

On peut dire que l’arbitrage est un procédé juridictionnel qui naît d’une volonté d’origine contractuelle.

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Paragraphe 1 – Un arbitre investi d’une mission juridictionnelle

A – La personne de l’arbitre

Qui peut-être désigné comme arbitre ?

N’importe qui peut être désigné comme arbitre. Article 1451 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE : il faut être une personne physique. Toutefois, la convention d’arbitrage peut désigner une personne morale qui n’aurait cependant que le pouvoir d’organiser l’arbitrage. Ex : CCI de Paris (Chambre de commerce international = ONG internationale).

Quelles sont les qualités essentielles exigées d’un arbitre ?

Il doit s’agir d’une personne physique ayant le plein exercice de ses droits civils. C’est une évidence. Aucune condition de moralité ou de casier judiciaire vierge n’est requise. Il faudrait peut-être une harmonisation avec la médiation sur ce point, encore que la moralité soit une notion très subjective.
15-20% des arbitres sont des universitaires, le reste étant des praticiens dont la grande majorité sont des avocats.
Une qualité essentielle est l’indépendance de l’arbitre, bien qu’elle ne soit pas énumérée dans cet article. On peut penser aux exigences de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme mais les dispositions de cette convention ne s’appliquent pas à l’arbitrage.
L’indépendance peut conduire à l’impartialité.
On attend surtout de l’arbitre qu’il respecte une obligation d’information, plus précisément de révélation, à l’égard des parties. Ainsi, il doit révéler les causes de récusation qui le concernent. Il s’agit d’une obligation de résultat. Même si ces causes de récusations ne sont qu’une supposition, l’arbitre doit en informer les parties.

B – La mission arbitrale

La conclusion d’un contrat d’arbitre

C’est le contrat qui, après le compromis d’arbitrage, sert à définir la mission confiée à l’arbitre. Il rappelle l’objet de l’arbitrage, se réfère au contrat portant la clause compromissoire, établit comment la mission va devoir être assumée (arbitrage en droit ou en amiable composition), indique le délai d’arbitrage… Elle peut indiquer si les parties renoncent à l’appel de la sentence ou cela peut faire l’objet d’un acte séparé.
Le contrat d’arbitre est un contrat de prestation de service juridictionnel, qui sert d’abord à encadrer la relation juridique entre l’arbitre et les parties.
Il est possible d’insérer une clause relative à la responsabilité de l’arbitre.

Comment faire dans le cas où il n’existe pas de contrat d’arbitrage ? En droit français, le principe du consensualisme implique que l’écrit n’est pas requis. C’est au juge qu’il revient de rechercher dans la volonté des parties quelles missions ces dernières souhaitaient confier à l’arbitre.


Généralités sur l’office d’arbitre

L’office de l’arbitre est le pouvoir du juge. Il est à inhérent à la fonction arbitrage (pouvoir de juger, fonction juridictionnelle). Mais sa particularité est qu’il est fondé sur une convention (volonté contractuelle des parties en litige) et non par l’Etat, et la convention si elle est très étroite peut largement limiter les pouvoirs de l’arbitre.
L’arbitre doit respecter les grands principes du procès équitable (respect du contradictoire…) qui sont contenues dans la convention EDH même si celle-ci ne s’applique pas à l’arbitrage.

Interrogations sur la responsabilité de l’arbitre

Pendant longtemps, on a considéré que l’arbitre bénéficiait d’une immunité (c’est le cas aux USA) ce qui se justifie par le fait qu’il ne se rattache à aucune souveraineté (l’arbitre n’a pas de for).

L’arbitre n’est pas rattaché à un ordre professionnel, donc l’arbitre n’est pas soumis à une responsabilité disciplinaire. Toutefois, certaines personnes morales (associations classiques) pourraient voir leur responsabilité disciplinaire engagée en théorie, en pratique ce n’est pas le cas. Il y a donc bien une « immunité disciplinaire ».

Une responsabilité pénale existe (extorsion de fonds, blanchiment d’argent sale…).
Jusqu’à une époque récente, les arbitres ne prenaient pas d’assurance responsabilité civile professionnelle dans le cadre de leur activité.
Un arrêt de la première chambre civile du 6 décembre 2005 pose un principe de responsabilité arbitrale, mais la question de la mise en œuvre de cette responsabilité demeure. Dans cette affaire, l’arbitre rend sa sentence hors délai. Dans une telle situation, l’arbitre aurait pu demander une prorogation de délai au président du TGI ou demander aux parties de rallonger le délai, avant expiration. En l’espèce, le juge a reconnu la responsabilité civile de l’arbitre, et l’annulation de la sentence, car l’arbitre a commis une faute (il a laissé expirer le délai sans demander de prorogation au juge, ce qu’il aurait dû faire dans la mesure où les parties n’étaient en l’espèce pas d’accord pour prolonger le délai). La Cour de cassation qualifie cette obligation d’obligation de résultat. Il s’agit d’une responsabilité contractuelle, fondée sur le contrat d’investiture. Ici il s’agissait d’une faute grave, mais il semble qu’une faute simple suffise à engager la responsabilité de l’arbitre.
Selon la Cour, le respect du délai par l’arbitre pour rendre la sentence est une obligation de résultat.

D’autres obligations pèsent sur l’arbitre : siéger, délibérer…

Enfin, l’obligation de signer la sentence existe, mais elle n’est pas absolue puisqu’elle ne s’applique que lorsqu’il n’y a qu’un seul arbitre (dans le cas où c’est un collège d’arbitres, la sentence ne sera pas signée par un arbitre qui n’est pas d’accord avec la solution et qui ne veut pas en être solidaire afin de s’extraire de sa responsabilité).
L’obligation de confidentialité ne serait qu’une obligation de moyens selon certains auteurs, cependant, on peut la considérer comme une obligation de résultat.

Il faut noter qu’il existe souvent un collège arbitral avec une responsabilité partagée dans sa mise en œuvre.
Enfin le centre d’institution arbitral qui organise et met en œuvre la procédure peut commettre des fautes (gestion du dossier trop lente) et donc assume une responsabilité.
Les arbitres peuvent payer des Dommages et Intérêts contractuels (formation et inexécution du contrat) et délictuels (réparation de l’entier préjudice, c’est une réparation par équivalence on parle aussi de dommage prévisible). Le dommage est objectivement le résultat d’un fait générateur alors que le préjudice est le ressenti de la victime donc est subjectif.

Paragraphe 2 – Une sentence constitutive d’un acte juridictionnel

A – Bref rappel sur la notion d’acte juridictionnel

La sentence est un jugement. L’acte juridictionnel se caractérise par la force exécutoire et l’autorité de la force jugée, caractère authentique.
Dans la notion d’acte juridictionnel il y a des hypothèses dans lesquelles les parties soumettent au juge leur accord en plein procès, hypothèses où les parties simulent un désaccord. Quand les parties soumettent leurs accords au juge il s’agit d’un contrat judiciaire.

B – Spécificité de la sentence arbitrale

La sentence arbitrale est un jugement qui a l’autorité de la chose jugée dès son prononcée, elle aura la forme authentique (minute de la sentence).
Elle n’aura pas la force exécutoire.
Concernant une sentence arbitrale en amiable composition : quand on statue en équité le juge ne dit pas le droit et bien qu’il y ait autorité de la chose jugée ce n’est pas conforme à l’approche normale du jugement.
Article 1476 CODE DE PROCÉDURE CIVILE : la sentence a l’autorité de la chose jugée.
Dans certains cas il y a impossibilité de contestations sérieuse : cas d’une sentence prescrivant des mesures conservatoires et qui ne tranchera pas le litige. Le juge étatique devra déterminer la qualification de la sentence. Si ce n’est pas une sentence, le recours n’est pas possible. En cas de pluralité de sentences dites partielles certaines peuvent être mal qualifiées.

Cas particulier de la sentence d’accord partie :

Situation dans laquelle les parties devant l’arbitre décident de mettre fin amiablement à leur litige et demande à l’arbitre de constater leur accord par une sentence (rappel le contrat judiciaire). Cependant aucun texte n’autorise cette pratique en France (existe en Suisse, Afrique avec l’OHADA qui harmonise le droit des affaires).

Dans ce contexte, le Tribunal arbitral est une chambre d’enregistrement. L’arbitre pourrait refuser de signer la sentence (mais nécessité de motif sérieux sous peine de déni de justice et donc responsabilité délictuelle). En cas de refus de signature, un contrat sous seing privé se retrouve sans force exécutoire donc nécessité de le faire homologuer auprès du juge. Néanmoins dans le silence du législateur, l’arbitre semble avoir le droit de signer une sentence d’accord des parties.
De plus, l’accord des parties est mi-contractuel mi-juridictionnel. Cette sentence d’accord-partie ouvre droit aux voies de recours.

Le jugement d’expédient (assimilable à un contrat judiciaire) est un jugement par lequel le juge s’approprie les éléments contractuels préparés par les parties. Est une forme de transaction judiciarisée.

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