La notion de nationalité

La nationalité

 On pourrait dire ironiquement que cette théorie générale se réduit à pas grand chose, ce serait un peu sévère puisqu’on observe à la base de la nationalité un accord assez profond de la plupart des pays sur le concept même de nationalité et de ce point de vue, dans tous les pays, le concept de nationalité est au fond à double versant, à double face, il y a en quelque sorte un versant international et il a aussi un versant interne. En d’autres termes, il sert à la fois à répartir la population du monde entre les différentes souverainetés étatiques et il sert aussi à déterminer la population constitutive de chaque Etat pris dans son individualité propre. 

 

Sur la polysémie du mot ordre, le concept de nationalité permet de mettre de « l’ordre » aussi bien dans le champ international, la population mondiale est répartie dans des Etats et dans un chaos distinct et en même temps, il sert à mettre de l’ordre interne car il est capital de savoir qui est son ressortissant. 

 

On retrouve ces deux éléments d’ordre international et interne dans pratiquement tous les pays et en même temps, il y a aussi dans tous les pays du désordre car on observe des conflits de nationalité : 

 

 —> soit que certaines personnes aient plusieurs nationalités à la fois ce qui est un phénomène en

expansion 

 

 —> soit que certaines personnes n’aient aucune nationalité, c’est le cas des apatrides, ce qui est un phénomène très négatif pour les personnes concernés et qui est un phénomène qui n’est pas en voie de disparition malgré le droit de la nationalité comme droit de l’homme.

 

 

Chapitre 1 : le concept de nationalité dans l’ordre international

 

Le concept de nationalité joue un rôle essentiel dans la construction de l’ordre international puisqu’il permet de répartir l’ensemble de la population mondiale entre les différentes souverainetés étatiques. 

 

Cependant, une fois que l’on a énoncé cette constatation qui est d’ailleurs évidente, il est assez difficile d’aller plus loin du point de vue de l’ordre international puisque la seule règle que l’ordre international impose en la matière, c’est le principe de souveraineté exclusive de chaque État pour ce qui concerne sa propre nationalité. Cependant, ce principe connaît quand même quelques atténuations, quelques tempéraments très timides qui ont quand même le mérite d’exister et qu’il faudra signaler.

 

Section 1 : le principe de souveraineté exclusive de chaque Etat

 

Chaque État est exclusivement souverain et donc exclusivement compétent pour tout ce qui concerne sa propre nationalité qu’il s’agisse :

 

 —>  de l’attribution de la nationalité, 

 

 —>  de l’acquisition de la nationalité, 

 

 —>  de la perte de la nationalité. 

 

Il revient exclusivement à l’État français et à ses propres autorités de dire qui est français et qui ne l’est pas :

 

 —>  Dire qui est français :

 

  •    soit de dire qui est français de naissance, c’est ce qu’on appelle l’attribution de la nationalité française,
  •     soit pour être devenu français en cours d’existence, c’est ce qu’on appelle l’acquisition de la nationalité française,

 

 —>  Et de dire qui n’est pas français :

 

  •      soit que la personne concernée ait perdu la nationalité française soit qu’elle n’ait jamais été française.

 

En revanche, s’il revient à l’État français de dire qui n’est pas français, l’État français n’a strictement aucune compétence pour dire quelle est la nationalité étrangère de la personne qui n’est pas française, cela revient aux États en cause.

 

C’est une règle qui relève de la coutume internationale, beaucoup plus que d’un texte explicite véritablement contraignant. Il existe cependant une convention internationale : Convention de La Haye du 12 avril 1930 relatif aux conflits de nationalité mais cette Convention a été assez peu ratifiée et notamment elle n’a pas été ratifiée par la France. On estime d’un accord général que cette Convention exprime un principe universellement reconnu et qui vaut par lui-même indépendamment de la ratification ou non de la Convention  

Section 2 : les tempéraments au principe

 Toute la question est de savoir ici s’il existe ou non des règles correctives quand un État abuse manifestement de sa souveraineté exclusive soit pour attribuer ou concéder, soit pour retirer sa nationalité dans des conditions manifestement déraisonnables ou scandaleuses ou contraire à tous les droits humains. La réponse à cette question n’est malheureusement pas évidente. Il y a, il est vrai un arrêt de la Cour International de Justice, rendu le 6 avril 1955, NOTTEBOHM qui, dans une situation de pluri-nationalité a déclaré inopposable aux États-tiers, une des nationalités plurinationales qui étaient en réalité dépourvues de tout rattachement effectif avec l’État concerné. En réalité l’arrêt NOTTEBOHM s’inscrit dans une affaire très particulière puisqu’il s’agit non pas de la nationalité en général mais d’un cas de pluri-nationalité et en l’espèce, la nationalité en cause était manquée de fondements sérieux.  

 

« Ces faits établissent clairement d’une part l’absence de tout lien de rattachement entre Nottebohm et le Liechtenstein, d’autre part l’existence d’un lien ancien et étroit de rattachement entre lui et le Guatemala, lien que sa naturalisation n’a aucunement affaibli. Cette naturalisation ne repose pas sur un attachement réel au Liechtenstein qui lui soit antérieur et elle n’a rien changé au genre de vie de celui à qui elle a été conférée dans des conditions exceptionnelles de rapidité et de bienveillance. Sous ces deux aspects, elle manque de la sincérité qu’on doit attendre d’un acte aussi grave pour qu’il s’impose au respect d’un Etat se trouvant dans la situation du Guatemala. Elle a été octroyée sans égard à l’idée que l’on se fait, dans les rapports internationaux, de la nationalité. Plutôt que demandée pour obtenir la consécration en droit de l’appartenance en fait de Nottebohm à la population du Liechtenstein, cette naturalisation a été recherchée, par lui pour lui permettre de substituer à sa qualité de sujet d’un Etat belligérant la qualité de sujet d’un Etat neutre, dans le but unique de passer ainsi sous la protection du Liechtenstein et non d’en épouser les traditions, les intérêts, le genre de vie, d’assumer les obligations – autres que fiscales – et d’exercer les droits attachés à la qualité ainsi acquise.

Le Guatemala n’est pas tenu de reconnaître une nationalité ainsi octroyée. En conséquence, le Liechtenstein n’est pas fondé à étendre sa protection à Nottebohm à l’égard du Guatemala et il doit être, pour ce motif, déclaré irrecevable en sa demande. La Cour, en conséquence, n’a pas à examiner les autres fins de non recevoir présentées par le Guatemala ni les conclusions des Parties autres que celles sur lesquelles elle statue conformément aux motifs précédemment énoncés. »

 

 —>  Est-ce que cette jurisprudence pourrait aller plus loin ? 

La question est restée en suspend. La question de l’abus de sa souveraineté exclusive par l’État est beaucoup plus grave dans l’hypothèse inverse, quand un État retire abusivement ou scandaleusement sa propre nationalité à un ressortissant. Et là, malheureusement, les exemples sont nombreux dans l’histoire du XXe siècle. 

Exemple : des citoyens allemands d’origine juive qui ont été rapidement déchus de la nationalité allemande sous le nazisme. Ce qui signifiait l’apatride de ces personnes et ensuite leurs exterminations.

 

 —>  Quand est-t-il de cette déchéance de la nationalité pour les Etats-tiers ? Ont-ils considéré que ces retraits fussent scandaleux et attentatoires aux droits de l’homme ? 

Il est difficile de répondre à cette question, suivant la question posée sous le nazisme ou après sa défaite. Dans une situation de ce genre, la déchéance de nationalité n’est pas reconnue par les autres États lorsqu’elle est ouvertement ou manifestement discriminatoire. Ce tempérament a été énoncé plus fermement en 1945 qu’avant.

 

Exemple : La question a été posée avec une pratique de l’ancienne Union Soviétique, après 1945, qui, en règle générale, retirait la nationalité politique aux résidents qui choisissaient de s’exiler dans un pays occidentale. Paradoxalement, ce retrait de nationalité s’accompagnait d’un apparent assouplissement du régime soviétique. Le régime soviétique acceptait de laisser s’exiler certains résidents mais s’accompagnait de la perte de la nationalité fixée à la date même du départ ; ce qui faisait que la personne arrivait apatride sans toujours le savoir. Cette situation n’est pas comparable sous le nazisme mais tout de même attentatoire aux Droits de l’homme, perte de la nationalité à la seule contrainte que ces personnes devaient s’exiler pour vivre sous leurs propres convictions. L’attitude des États tiers a été de considérer comme inopposable ces déchéances scandaleuses de nationalité. Cependant, outre que la réaction des Etats-tiers manque parfois de force et de fermeté, il est à craindre que l’inopposabilité de la déchéance de nationalité par un État oppresseur est un remède un peu illusoire tant que cet État oppresseur subsiste. Le remède le plus efficace dans l’immédiat est d’accorder aux personnes concernées la qualité de réfugiés et aussi sans doute de leurs ouvrir un accès plus facile à la nationalité du pays où ils trouvent refuges. En toute hypothèse, l’inopposabilité de la déchéance de nationalité n’a véritablement d’intérêt pratique qu’après la chute du régime dictatorial ou totalitaire quand la personne concernée peut revenir dans son pays d’origine et qu’elle entend faire établir ses droits fondamentaux et notamment celui d’avoir conserver sa nationalité d’origine malgré les mesures du régime d’oppression.

Chapitre 2 : le concept de nationalité dans l’ordre interne

 

S’agissant de ce concept dans l’ordre interne, on s’aperçoit que du point de vue de l’ordre interne la nationalité peut être conçue de deux façons différentes, qui ne sont d’ailleurs pas nécessairement contradictoires mais qui portent une lumière différente sur la réalité de la nationalité. 

 

 —>  On peut voir dans la nationalité surtout une appartenance, elle est d’ailleurs à la fois la cause et la conséquence de la nationalité française. De ce point de vue, la nationalité est fondamentalement une question d’appartenance. 

 

 —>  Un deuxième point de vue possible, plus strictement juridique et qui voit dans la nationalité, une allégeance (je suis sujet de l’État français, ou souverain français). 

 

On voit bien que les deux approches sont différentes. L’approche d’appartenance est plus horizontale, elle se réfère à l’appartenance à un peuple à une nation. L’autre approche est plus verticale, c’est l’allégeance à un État. Beaucoup de questions de la nationalité dans l’ordre interne relèvent de ces deux points de vue.

 

Section 1 : la nationalité comme appartenance

 S’agissant de la nationalité comme appartenance, un premier problème peut se poser qui concerne les rapports du droit et du fait. 

 

Incontestablement, la nationalité est un concept juridique, parfaitement constitué. Avoir la nationalité française est une situation juridique tout à fait claire. 

 

Ce concept juridique doit être distingué de la situation de fait de la personne, il se peut que j’ai la nationalité française et que de fait, de surcroît, je me sente tout à fait français, c’est même la situation la plus fréquente. Il se peut à l’opposé que j’ai la nationalité française et que je ne me sente pas français, situation de fait qui est parfois revendiquée. Il peut y avoir distinction dans des cas minoritaires entre ce qu’on appelle la nationalité de droit et ce qu’on appelle la nationalité de fait. 

 

Le plus souvent il y a alliance entre la nationalité de droit et la nationalité de fait. 

 

Il conviendra aussi de s’interroger sur un problème sans doute plus contemporain qui est celui des rapports complexes entre la nationalité et la citoyenneté.

 

&1) La distinction de la nationalité de droit et de la nationalité de fait

 

 —>  Pour la nationalité de droit, la définition est très simple, c’est la nationalité qui correspond aux règles d’attribution ou d’acquisition de la nationalité du pays concerné. Cette nationalité de droit existe indépendamment du point de savoir si je me sens ou non réellement français. 

 

 —>  Quant à la nationalité de fait, qui est d’ailleurs une expression ambigüe, c’est plutôt le sentiment qu’a la personne d’appartenir ou non à une nationalité ou à un peuple déterminé. Un certain nombre de personnes peuvent estimer qu’elles n’ont pas la nationalité qu’elles portent juridiquement ou elles peuvent estimer à l’inverse que leur vraie nationalité n’est pas celle qui leur est attribuée. 

 —>  Est-ce que cette distinction de la nationalité de droit et de la nationalité de fait recoupe exactement le débat actuel sur l’identité nationale ? 

 

Lorsque l’on s’interroge sur la distinction de la nationalité de droit et de fait, on s’intéresse essentiellement à ce que ressent intimement la personne concernée et à ce qu’elle dit de son propre sentiment ; Soit qu’elle se revendique de sa propre nationalité ou d’une autre nationalité. 

 

Dans le débat sur l’identité nationale, le point de vue est différent, on ne se demande ce que ressentent les personnes concernées individuellement mais plutôt ce que ressent collectivement le peuple français dans son ensemble sur ce qui, en réalité, constituerait vraisemblablement l’identité française. L’analyse de ce qui est véritablement ressenti en fait ou de ce qui devrait être pratiqué selon les canons dominants est une analyse extraordinairement complexe et dont les résultats ne peuvent pas être tranchés, c’est un des avantages du concept juridique que d’éviter ce genre d’interrogation.

 

&2) L’alliance de la nationalité de droit et de la nationalité de fait

 

C’est la situation souhaitable. Cette situation d’alliance est dans l’intérêt de l’individu et elle est aussi dans l’intérêt de l’État, aucun État n’a intérêt à ce que ces ressortissants ressentent un sentiment de différenciation. Pour autant cette alliance n’est pas toujours réalisée, l’histoire donne de nombreux exemples des difficultés de cette alliance et la période contemporaine aussi.

 

Cette alliance n’est pas toujours réalisée. Il y a au contraire divorce entre la nationalité de droit et le sentiment de la personne, chaque fois la personne relève d’un État qu’il ne sent pas comme le sien :

 

 —>  Soit la personne a disparu,

 

 —>  Cet État n’a pas pu encore s’affirmer.

 

Sur ce terrain, les exemples historiques et contemporains abondent. 

 

Exemple : En Europe, l’un des exemples historiques les plus connus est celui de la Pologne, puisqu’elle a disparu en tant qu’État entre 1795 et 1918. Le territoire de l’ancien royaume de Pologne avait été partagé entre l’empire Russe qui possédait Varsovie, l’empire d’Autriche et le Royaume de Prusse devenu en 1871 l’empire Allemand. Il n’y avait plus de nationalité de droit polonaise mais pourtant la très grande majorité de la population polonaise à continuer à se sentir polonaise de fait. Il y a d’ailleurs eu dans cette période des révoltes très fortes surtout dans la partie russe, réprimées très fortement. Ce divorce de la nationalité de droit et de la nationalité de fait a disparu en 1918 mais par une sorte d’ironie de l’histoire qui est assez fréquente, la République polonaise créée dans les traités de paix en 1918 intégrait des minorités qui ne se sentaient pas du tout polonaise. 

 

Autre exemple : La période contemporaine connaît des situations de ce type : l’exemple le plus connu est celui des kurdes qui ont un sentiment national important dans la grande majorité alors qu’aucun État kurde n’existe. Il y a également l’exemple complexe des palestiniens (pas d’État palestinien au sens complet du terme). Et, sur un terrain différent, dans certains cas les citoyens se sentent nationaux d’une communauté ou d’une province à l’intérieur de celui-ci (Breton, Basque, Corse ; Belgique et flamands).

 

&3) Les rapports entre citoyenneté et nationalité

 

Il s’agit d’une question qui est plus récente que celle de la distinction de la nationalité de droit et de la nationalité de fait. Jusqu’aux dernières décennies les deux concepts ont été presque totalement assimilés au profit d’ailleurs du concept de nationalité englobant le concept de citoyenneté. Seul le national était citoyen et la citoyenneté était à l’inverse exclusivement liée à la nationalité. 

 

La situation aujourd’hui est un peu plus complexe pour au moins deux types de raisons : 

 

 —>  d’abord il y a depuis le traité de Maastricht du 7 février 1992, la citoyenneté européenne qui est de plein droit attribuée à tout national d’un pays membre de l’Union Européenne. Cette citoyenneté reste liée à la nationalité mais dans ce cas la citoyenneté et la nationalité ne sont pas sur le même plan. La nationalité concerne un État membre alors que la citoyenneté européenne concerne l’ensemble de l’Union Européenne. 

Aujourd’hui, tout ressortissant d’un État membre de l’Union Européenne a finalement deux citoyennetés : la citoyenneté relative à l’État dont il est ressortissant et la citoyenneté européenne. Par conséquent, on voit aussi que le concept de citoyenneté commence à prendre une certaine autonomie, limitée mais quand même réelle par rapport au concept de nationalité. 

 

Cette citoyenneté européenne a des conséquences pratiques non négligeables sur le terrain de la liberté de circulation et d’installation et aussi sur le terrain du droit de vote aux élections municipales et évidemment aussi aux élections européennes.

 

 —>  Il y a un deuxième facteur de dissociation qui est moins net, plus ambigu. C’est la tendance à reconnaître en France ou à voir reconnaître en France des droits de citoyenneté aux non-nationaux. 

 

Par exemple : le droit de vote au moins aux élections locales. Il existe un courant d’opinions qui est favorable à ce que les étrangers non communautaires aient un droit de vote aux élections municipales s’ils ont leurs domiciles réguliers en France. Si cette réforme était réalisée, il y aurait une grande autonomisation de la citoyenneté à la nationalité.

 

 

Il y a une tendance à poser certains problèmes en termes de citoyenneté en dehors de toute référence au moins directe à la nationalité. 

 

Par exemple : toute la thématique de la citoyenneté des salariés dans l’entreprise. C’est une thématique qui n’a pas de rapport avec le concept de nationalité, et elle a pour conséquence de reconnaître aux salariés étrangers.

 

Section 2 : la nationalité comme allégeance

 Le terme d’allégeance contient une idée d’autorité, de rapport vertical entre l’État qui octroie ou refuse sa nationalité et la personne qui tantôt ressortissant de cet État, tantôt étrangère. 

 

Sur le terrain de l’allégeance, il faut connaître le point de vue de l’État, et la personne elle-même, sujet de ce rapport de nationalité.

 

&1) La nationalité du point de vue de l’État

 

Ici, il y a une règle majeure que nous avons déjà abordée plusieurs fois. Seul un État peut conférer, dans le monde d’aujourd’hui, une nationalité. En d’autres termes, il n’y a pas de nationalité sans États. 

 

Même dans le monde d’aujourd’hui très marqué par un phénomène de mondialisation, de globalisation, dans lesquelles les frontières tendent à disparaître, il n’y a pas de nationalité sans aval de l’État, sans États internationalement reconnus, c’est-à-dire par le concert, par la communauté internationale des autres États. 

 

 

L’État ne peut conférer à ses ressortissants une nationalité que d’abord s’il est reconnu par États par les autres États. Toutes les constructions plus ou moins artificielles tendant à créer de faux-États ou ce qu’on appelle des États fantoches ne débouchent en droit international sur aucune nationalité réelle. 

 

Exemple : En Afrique du Sud, à l’époque de la politique de l’apartheid (développement séparé), politique qui séparait de façon rigide les blancs et les noirs sur l’État. Cette politique d’apartheid s’était accompagnée de la création sur le territoire africain d’Etats noirs, réservés aux noirs qui portaient le nom de bantoustan, qui était en réalité des constructions entièrement dans la main du gouvernement sudafricain, et qui n’avait aucune indépendance réelle. Le Gouvernement de l’époque dénigrait leur propre nationalité à leurs ressortissants et donc, aucune reconnaissance de ces États par le concert international. Il y en a d’autres connus. Il est à craindre qu’il y en ait dans l’avenir.

 

 

Sur un terrain maintenant plus apaisé, et plus technique, la question se pose de savoir ce qu’il en est de la nationalité dans les États fédéraux, très nombreux dans le monde (Allemagne, États-Unis) qui sont des constructions fédérant. 

 

 —>  Quel est le véritable niveau de la nationalité dans un État fédéral ?

Les ressortissants d’un État fédéral ont-ils seulement la nationalité d’un État fédéral, ou ont-ils seulement la nationalité d’un État fédéré dont ils relèvent ? Contrairement à ce qu’on peut penser, ce n’est pas la troisième réponse qui est la bonne. Il n’y a pas de cumul d’une nationalité fédérale et d’une nationalité fédérée, d’un point de vue international, seule vaille la nationalité de l’État fédéral.

 

Dernier point, en l’état actuel de l’évolution de l’Union Européenne, il n’y a pas de nationalité européenne puisque l’UE n’est pas un État mais il y a une citoyenneté européenne du traité de Maastricht.

 

&2) La nationalité du point de vue de la personne

 

Du point de vue de la personne, trois questions se posent ici :

 

 —>  La nationalité est-elle strictement réservée aux personnes ou peut-elle être concédées à d’autres entités?

 

 —>  La nationalité est-elle attribuée à quelques personnes que se soient ?

 

 —>  La nationalité est-elle un droit pour toute personne ? Est-ce que le droit à une nationalité est un droit de l’homme ?

 

  1. La nationalité est-elle strictement réservée aux personnes ?

 

Ici, la réponse est incontestablement oui. Il n’y a de nationalité que pour les personnes. Il est vrai que dans le langage courant et même dans certaines branches du droit (droit maritime, droit aérien), on parle couramment de nationalité d’un navire (juridiquement il y a une procédure qui s’appelle la francisation d’un navire, aéronef, nationalité d’une automobile). 

 

Toutes ces expressions sont commodes mais n’ont pas de valeur juridique, il n’y a que des personnes qui puissent avoir une nationalité. Pas seulement les personnes humaines. Du point de vue du droit international, il n’y a pas de navires français au sens que ce navire aurait la nationalité française. Navire possédé en majorité par les français, ou immatriculés en France. Ce n’est que par commodité de terme qu’on l’utilise. Il y a une vision personnaliste de la nationalité qui encore une fois ne rime cependant aux seuls êtres humains.

 

  1. La nationalité est-elle attribuée à quelques personnes que se soient ?

 

Toute personne physique quelle qu’elle soit peut avoir une nationalité, même le nouveau-né. La nationalité n’est pas nécessairement un acquis, elle est en majorité attribuée dès la naissance de la personne. 

 

La question est en revanche beaucoup plus discutée pour les personnes morales. C’est oui peut-être, oui mais, oui à l’extrême rigueur… Ce n’est pas oui tout court. Les personnes morales sont des groupements auxquels la loi reconnaît à certaines conditions la personnalité juridique, c’est-à-dire pour l’essentiel la capacité de jouir de droit et d’assumer des devoirs. Ces personnes morales sont de nature et de configurations très diverses, depuis les sociétés aux associations ou personnes morales de droit public. Cela concerne spécialement les sociétés commerciales et dans une moindre mesure les associations.

 

Nous retrouvons cette question plus en détail dans la deuxième partie du cours, puisque la question très importante en droit commercial international de la condition des sociétés étrangères suppose un accord. 

 

L’essentiel de la réponse est le suivant, si la nationalité concerne une personne morale, il faut entendre le même concert, le même concept, qu’en matière de nationalité des personnes, il est clair qu’il n’y a pas de nationalité des personnes morales. 

 

Beaucoup des éléments de la nationalité des personnes physiques sont purement intransposables aux personnes morales. D’ailleurs il suffit de lire les articles 17 et suivants du Code civil sur la nationalité française pour se rendre compte qu’ils ne peuvent de toute évidence s’appliquer qu’aux personnes physiques. Lorsque l’on dit aujourd’hui que la France approche les 65 millions d’habitants, on ne tient évidemment aucun compte du nombre des personnes morales françaises. 

 

Si par nationalité et personne morale, il faut entendre la même chose que nationalité et personne physique, il n’y a pas de nationalité des personnes morales.

 

Si le concept de nationalité des personnes morales est défini de façon autonome, s’il a ses caractéristiques propres, distincts de celle de la nationalité des personnes physiques, alors on peut admettre au moins pour des raisons de commodité, qu’il puisse y avoir une nationalité des personnes morales, qui a sans doute une substance moins riche que la nationalité des personnes physiques, qui est sans doute plus strictement juridique et moins politique que la nationalité des personnes physiques, mais qui peut rendre des services utiles sur le terrain du droit et spécialement dans la détermination de la loi applicable aux sociétés et aux personnes morales.

 

  1. C)Toute personne a-t-elle le droit d’avoir une nationalité ?

 

 —>  Existe-t-il un droit de chacun à la nationalité qui serait un droit de l’homme ?

La pratique internationale semble hélas imposer une réponse négative puisqu’aussi bien l’histoire que le temps présent révèle qu’un grand nombre de personnes dans le monde, des millions de personnes dans le monde sont apatrides, c’est-à-dire dépourvues de toute personnalité. Et, cette situation est d’ailleurs dans la majorité des cas la conséquence inéluctable de la législation des États en ce qui concerne leurs nationalités. Il n’est même pas sûr que le phénomène de l’apatride soit aujourd’hui en régression. 

 

Par conséquent, dans ces conditions, il peut sembler tout à fait illusoire de parler d’un droit de l’homme à la nationalité. Ce droit est manifestement bafoué. Cependant, une analyse plus précise impose de nuancer un peu cette affirmation catégorique.

 

La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 proclamée dans le cadre de l’ONU énonce un droit à la nationalité. Cette déclaration n’a pas en elle-même de valeur contraignante mais elle a une valeur d’exemple et de symbole fort. En quelque sorte, elle oblige au moins moralement les États-membres de l’ONU. 

 

Article 15 

Tout individu a droit à une nationalité. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité.

 

La législation française en matière de nationalité française est très vigilante dans la prévention de l’apatride. 

 

 —>  Aucun enfant naissant en France ne peut y naître apatride, même si ses parents n’ont pas de nationalité ou ne peuvent pas lui transmettre de nationalité. 

 

 —>  Et, d’autre part, il est pratiquement impossible sauf cas extrêmement particuliers à une personne perdant la nationalité française de la perdre si elle n’a pas déjà une autre nationalité, de telle sorte que la perte de la nationalité française n’entraîne jamais ou pratiquement jamais une situation d’apatride. 

 

C’est dire qu’au moins implicitement le législateur français reconnaît pratiquement un véritable droit à la nationalité puisqu’au fond il n’accepte pas de faire courir à quiconque le risque d’apatride. Et, il est vraisemblable que les législateurs de différents pays sont pour la plupart dans des situations assez voisines.

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