Le patrimoine : définition, théorie, principes

Le patrimoine

Le patrimoine représente l’ensemble des biens, droits et obligations d’une personne, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale. En France, chaque individu possède un patrimoine unique qui intègre tous ses actifs et passifs, incluant aussi bien les droits réels (comme la propriété d’un bien immobilier) que les dettes. En droit, le patrimoine est donc conçu comme une universalité de droit, c’est-à-dire un ensemble indivisible dans lequel l’actif répond du passif.

I – Définition et structure du patrimoine

Le patrimoine inclut :

  • L’actif : composé des biens et droits valorisables, tels que les meubles (biens mobiliers comme les voitures et les œuvres d’art) et les immeubles (biens immobiliers comme les terrains et bâtiments).
  • Le passif : constitué des dettes et obligations financières envers des tiers.

Ainsi, le patrimoine d’une personne correspond à une universalité juridique dans laquelle les actifs servent de garantie pour les dettes. Si l’actif est supérieur au passif, la personne est solvable ; en revanche, si le passif excède l’actif, la personne est considérée comme surendettée.

 La théorie classique du patrimoine en France

Bien que la notion de patrimoine soit fondamentale dans le droit français, elle ne dispose d’aucune définition législative précise. La théorie du patrimoine repose sur une construction doctrinale, issue des travaux des juristes français Charles Aubry et Frédéric Rau au XIXe siècle, qui ont conceptualisé le patrimoine comme une unité indivisible.

Selon cette théorie, le patrimoine est :

  1. Indissociable de la personne : chaque personne n’a qu’un seul patrimoine, attaché à sa personnalité juridique. Ce patrimoine persiste tant que la personne existe, et il est transmis lors du décès.
  2. Indivisible : le patrimoine est considéré comme une entité unique et indivisible. L’actif (biens et droits) et le passif (dettes) forment un tout. Cela signifie, par exemple, qu’il n’est pas possible de dissocier une partie des actifs ou des dettes d’une personne sans affecter l’ensemble de son patrimoine.
  3. Constitué d’actifs et de passifs : le patrimoine inclut non seulement des biens matériels et immatériels valorisables, mais aussi des obligations et des dettes.

Cette conception du patrimoine comme unité juridique joue un rôle clé dans la succession et le droit des obligations, car elle établit que le patrimoine d’une personne décédée est transmis à ses héritiers en tant que bloc, sans séparation entre les actifs et les passifs.

Importance pratique de la théorie du patrimoine

La théorie du patrimoine en droit français est utile pour les aspects suivants :

  • Succession : au décès, le patrimoine est transféré dans son intégralité aux héritiers, incluant à la fois les actifs et les dettes, sauf en cas de renonciation par les héritiers.
  • Responsabilité financière : les créanciers peuvent se faire rembourser sur l’ensemble des biens appartenant au débiteur. En cas de faillite ou d’insolvabilité, tous les actifs du patrimoine peuvent être utilisés pour couvrir les dettes.

II – Le patrimoine : le contenant

1) Théorie classique ou subjective : le patrimoine comme émanation de la personnalité

Selon la théorie classique développée par les juristes Aubry et Rau, le patrimoine est considéré comme un prolongement de la personnalité juridique de son titulaire. Cette théorie personnalise le patrimoine en le rattachant intrinsèquement à l’existence d’une personne, avec plusieurs conséquences importantes :

  • Seuls les sujets de droit possèdent un patrimoine : toute entité non reconnue comme sujet de droit (par exemple, les objets ou les animaux) ne peut avoir de patrimoine.
  • Chaque sujet de droit a nécessairement un patrimoine : toute personne, physique ou morale, dispose automatiquement d’un patrimoine, qu’il soit positif (avec un actif) ou négatif (si le passif dépasse l’actif).
  • Inaliénabilité du patrimoine en bloc : de son vivant, une personne ne peut pas céder son patrimoine dans son intégralité ; elle ne peut transférer que des biens individuels ou des droits spécifiques.
  • Principe de l’unité du patrimoine : chaque personne ne peut posséder qu’un seul patrimoine, unifié et indivisible, qui regroupe l’ensemble de ses biens, droits et obligations.

2) Théorie moderne ou objective : le patrimoine d’affectation

La théorie moderne, élaborée principalement par les juristes allemands Brinz et Bekker, introduit la notion de patrimoine d’affectation, qui dépersonnalise le patrimoine en le dissociant de la personne. Selon cette approche, le patrimoine devient une propriété que l’on peut scinder en plusieurs patrimoines affectés à différents objectifs. Cette théorie repose sur les idées suivantes :

  • Multiplicité des patrimoines : une même personne peut posséder plusieurs patrimoines distincts, par exemple, un patrimoine personnel et un patrimoine commercial. Cela permet de mieux gérer les risques financiers, en limitant l’exposition des biens personnels.
  • Cession partielle : une personne peut céder ou transférer l’un de ses patrimoines (par exemple, le patrimoine professionnel) sans céder l’intégralité de ses biens, facilitant les transactions commerciales et la gestion du patrimoine.

Si la théorie classique reste dominante, le droit français connaît aujourd’hui des évolutions notables avec la théorie du patrimoine d’affectation, qui permet de créer des patrimoines distincts rattachés à une même personne dans certaines situations, notamment :

  • Les entreprises individuelles à responsabilité limitée (eirl) : permettent aux entrepreneurs de distinguer leur patrimoine professionnel de leur patrimoine personnel, de manière à limiter leur responsabilité aux biens affectés à leur activité professionnelle.
  • Les fiducies : introduites en 2007, elles permettent la création d’un patrimoine séparé pour des opérations spécifiques (gestion de biens pour des tiers, par exemple).

Ces exceptions montrent que, bien que la théorie classique d’aubry et rau reste influente, le droit français s’adapte aux réalités économiques et sociales en autorisant, dans certains cas, une séparation de patrimoines pour des fins spécifiques.

3) La solution du droit positif français

En droit français, la théorie classique reste dominante, même si elle n’a jamais été consacrée directement par le législateur. Ce choix explique que, traditionnellement, certaines décisions de justice continuent de rejeter la possibilité de céder le patrimoine en bloc.

Toutefois, le droit français connaît certaines situations permettant à une personne de gérer plusieurs patrimoines distincts :

  • Droit des successions : un héritier peut se retrouver temporairement avec deux patrimoines lorsqu’il accepte une succession sous bénéfice d’inventaire, c’est-à-dire qu’il demande un inventaire des biens du défunt pour choisir de les intégrer (ou non) à son propre patrimoine. Durant cette période, il administre les deux patrimoines séparément.
  • Droit des affaires : avec des structures comme l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (eirl), un entrepreneur peut séparer son patrimoine personnel de son patrimoine professionnel, offrant ainsi une protection de ses biens personnels en cas de difficultés financières de l’entreprise.

 

III – Le patrimoine : le contenu

1) Les composants du patrimoine

Le patrimoine est composé de deux éléments essentiels :

  • L’actif : rassemble tous les biens et droits évaluables en argent, tels que les richesses matérielles (meubles, immeubles), les créances (sommes dues par des tiers), les droits réels (comme la propriété) et les droits intellectuels (brevets, marques).
  • Le passif : comprend les dettes et obligations financières envers des créanciers. Pour qu’une personne soit solvable, la valeur de l’actif doit excéder celle du passif.

2) Principe de l’unicité du patrimoine

Le principe d’unicité signifie que l’actif et le passif sont juridiquement unis : l’actif répond toujours du passif. Ce principe est consacré par l’article 2093 du code civil, qui dispose que le débiteur est tenu de répondre de ses obligations sur l’intégralité de son patrimoine. Cela signifie qu’en cas de non-paiement de ses dettes, tous les biens et droits de la personne peuvent être saisis pour honorer ses créances.

À son décès, le principe de l’unicité du patrimoine garantit la transmission en bloc de l’ensemble du patrimoine aux héritiers, incluant à la fois les actifs et les passifs, sauf si les héritiers choisissent de refuser ou d’accepter sous bénéfice d’inventaire pour limiter leur responsabilité.

Le cours Introduction au droit français est divisé en plusieurs fiches (notion de droit, patrimoine, organisation judiciaire, sources du droit, preuves…)

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