La Perte volontaire de nationalité par décret ou déclaration
L’intéressé est à l’initiative de la perte.
Ici la volonté individuelle de la personne concernée joue un rôle essentiel mais cette volonté individuelle ne se suffit pas à elle-même : Il faut qu’elle soit consolidée, confirmée par un autre élément plus ou moins important selon qu’il s’agit d’une perte par déclaration ou d’une perte par décret.
&1) La perte par déclaration
Elle est admise que dans 2 hypothèses :
– soit à la suite de l’acquisition volontaire d’une nationalité étrangère,
– soit à la suite du mariage avec un conjoint étranger.
A) A la suite du mariage avec un conjoint étranger
Article 23-5 du Code civil : cette hypothèse est l’autre versant de l’influence du mariage sur la nationalité française.
L’historique de cette question est évidemment le même que celui exposé à propos de l’acquisition de la nationalité française à raison du mariage avec un français.
En 1804, la française qui épouse un étranger perdait automatiquement la nationalité française.
En 1927, le législateur posa le principe de l’indépendance de la nationalité par rapport au mariage ce qui permis aux femmes françaises épousant un étranger de conserver leur nationalité française.
De plus, le Code de 1945 énonça qu’une française qui épousait un étranger restait française sauf déclaration contraire de sa part.
Avec la loi du 9 janvier 1973, le français homme ou femme qui épouse un étranger ou une étrangère
conserve la nationalité française mais il peut s’il le veut, la perdre par déclaration à raison de son mariage.
Pour autant, la situation est-elle complètement symétrique de celle d’acquisition de la natioanlité française à raison du mariage avec un français ou une française ?
Non, parce que l’état d’esprit du législateur n’est pas le même. En matière de perte de la nationalité, il n’y a presque plus de crainte de fraude. Cette indifférence aux risques de fraudes est d’autant plus grande qu’aujourd’hui le service militaire français n’est plus obligatoire et qu’il n’y a pas à craindre qu’un français de sexe masculin veuille perdre notre nationalité pour éviter le service militaire en France.
Néanmoins, il peut avoir des contrôles lors de la déclaration de perte car il y a un risque à éviter qui est celui d’une déclaration de perte irréfléchie qui ne correspondrait pas à la situation réelle de l’intéressé et qui le mettrait par la suite en grande difficulté
1 – Les conditions de la perte par déclaration à raison du mariage
—> Le déclarant doit être majeur
—> Il doit être marié avec un conjoint étranger dont il aura acquis la nationalité.
On pourrait croire à la lecture de cette condition qu’elle a pour but essentiel d’éviter l’apatridie. C’est un de ses objectifs mais ce n’est pas le seul car pour éviter l’apatridie, il suffirait s’exiger que le déclarant ait une autre nationalité que celle française même différente de celle de son conjoint. Au-delà de l’absence de risque de l’apatridie, on entend vérifier que la nationalité étrangère du déclarant est particulièrement solide car elle est aussi celle de son conjoint.
—> Les textes officiels continuent à exiger que le déclarant s’il est un homme de moins de 35ans ait satisfait aux obligations du service national français ou qu’il ait été exempté mais cette condition n’a plus de sens aujourd’hui.
—> En revanche, il est exigé que le déclarant ait sa résidence habituelle à l’étranger.
Il suffit ici que la résidence habituelle soit dans un pays étranger quel qu’il soit et pas nécessairement dans le pays du conjoint étranger. Cette différence tient au fait que beaucoup de couples de nationalité différente s’établissent dans un pays tiers.
2 – Les effets
La déclaration se fait selon les articles 26 et suivants du Code civil c’est-à-dire devant le tribunal d’instance ou devant l’autorité consulaire.
La perte prend effet à la date de la déclaration et elle n’a aucun effet collectif sur les enfants mineurs de l’intéressé. Or, il n’y a aucune vérification de la réalité de la communauté de vie entre les époux et il n’y a aucun contrôle du gouvernement français postérieur à la déclaration. Bien entendu, cette déclaration peut se faire dès le prononcé du mariage sans délai minimum de communauté de vie entre les conjoints.
B) La perte par déclaration à la suite de l’acquisition volontaire d’une nationalité étrangère
Cette question a évolué avec une loi du 9 janvier 1973.
Avant 1973, l’acquisition volontaire d’une nationalité étrangère entrainait la perte automatique de la nationalité française. Cette disposition sévère s’expliquait par l’hostilité traditionnelle à la pluri nationalité et par l’hostilité ou la méfiance à l’égard des français qui acquerraient volontairement une nationalité étrangère et qui paraissaient peu loyaux vis-à-vis de leur nationalité d’origine.
Ces raisons ont beaucoup perdu de leur force dans les années qui ont précédé la loi de 1973 parce que la pluri nationalité n’est plus apparue comme un mal à combattre et parce que l’acquisition volontaire d’une nationalité étrangère a souvent été faite dans des conditions excluant le défaut de loyalisme comme des français obligés d’acquérir la nationalité de leur pays d’accueil pour y exercer une profession intéressante. Ces français n’avaient pas pour autant l’intention réelle d’abandonner l’allégeance française.
La loi de 1973 a mis fin à cette règle très peu libérale de perte automatique de notre nationalité par suite de l’acquisition volontaire d’une nationalité étrangère. Mais, cette perte automatique n’a pas complètement disparu du droit positif car certains traités bilatéraux et certaines conventions multilatérales continuent à la prévoir dans leur champ d’application. Dès que ces textes ne s’appliquent pas, le droit français ne la connait plus. L’acquisition volontaire d’une nationalité étrangère n’est plus qu’un cas de perte de notre nationalité par déclaration si l’intéressé le souhaite.
1 – Les conditions de la perte par déclaration
—> L’intéressé doit être majeur
—> Si c’est un homme de moins de 35ans, il doit avoir satisfait aux exigences du service national ou être exempté mais ces exigences sont sans portée réelle aujourd’hui.
—> L’intéressé doit avoir sa résidence habituelle à l’étranger mais pas nécessairement dans le pays dont il a volontairement acquis la nationalité.
—> Mais l’acquisition de la nationalité étrangère doit être volontaire : si l’intéressé a manifesté une manifestation positive de la nationalité étrangère alors cela ne pose pas de problème mais si l’intéressé est devenu étranger non pas parce qu’il a fait une manifestation positive mais parce qu’il n’a pas exercé une faculté de renonciation à cette acquisition : alors est-ce une acquisition volontaire d’une nationalité étrangère ? Le problème est technique et politique : c‘est un problème de technique juridique car qu’est-ce que l’on entend par acquisition volontaire ? Est-ce que l’on assimile à une manifestation positive de volonté ou suffit-il qu’il existe d’une volonté négative c’est-à-dire celle de ne pas exercer une faculté de renonciation ?
C’est aussi un problème politique car avant 1973, la perte était automatique et la jurisprudence protectrice des intérêts français concernés avait exigé une manifestation positive de volonté pour entrainer la perte automatique de la nationalité.
Depuis 1973, il devrait en être autrement car désormais la perte de la nationalité étrangère dépend de la volonté de l’intéressé donc on peut imagine que la notion d’acquisition volontaire de la nationalité étrangère soit interprétée plus largement. La jurisprudence n’a pas réellement changé, ils continuent à exiger une manifestation positive de volonté d’acquérir la nationalité étrangère.
2 – Les effets
Il faut une déclaration qui peut être prononcée dès le dépôt de la demande d’acquisition de la nationalité étrangère et au plus tard, jusqu’au bout du délai d’un an, à compter de la date de cette acquisition.
La déclaration prend effet à la date d’acquisition de la nationalité étrangère et elle n’a aucun effet collectif.
&2) La perte par décret
Il s’agit d’une perte par décret à l’initiative de l’intéressé. La décision est prise par le gouvernement mais dans notre cas, l’intéressé demande aux autorités publiques de prendre un décret pour lui faire perdre la nationalité française.
L’intéressé n’est dans aucun des deux cas précédents (pas épousé un conjoint étranger ou pas acquis volontairement la nationalité étrangère) ou s’il n’est pas dans ces deux cas, alors c’est qu’il n’est pas majeur. Cependant, il souhaite être libéré de l’allégeance française.
On est dans un cas typique où un droit de la nationalité purement libéral permettrait à cette personne de perdre la nationalité française par simple déclaration comme le cas du droit belge et non celui du droit français qui prévoit une décision des pouvoirs publics et donc l’existence d’un contrôle. Le décret de perte est pris à la suite d’une procédure qui évoque une sorte de naturalisation à l’envers : le gouvernement s’assure que l’intéressé n’a pas gardé de liens suffisants avec la France et sa volonté de perte correspond à sa situation réelle. Si les liens avec la France sont toujours existants, le gouvernement refusera de prendre le décret de perte et le contrôle des pouvoirs publics est un contrôle rigoureux.
Lorsque le décret est accepté, la perte prend effet à la date du décret et la perte n’a aucun effet collectif.