La place de la loi et du règlement en droit administratif

La place des normes légales et règlementaires

— En France on est encore attaché à l’ARTICLE 6 DDHC : « La loi est l’expression de la volonté générale », mais elle a perdu de son caractère sacré. Aujourd’hui la loi peut être aisément contestée.

— Les actes règlementaires n’ont jamais eu le même prestige car ils émanent du pouvoir exécutif donc ne sont pas l’expression de la volonté générale. Le plus souvent, le pouvoir règlementaire au niveau national vient simplement préciser la loi. Ces actes ont toujours été assujettis aux normes supérieures.

— Ce qui fait le déclin de ces deux normes, c’est l’inflation normative, c’est-à-dire que depuis un demi-siècle les textes normatifs se multiplient.

— En 1991 le CE s’est livré à une estimation du nombre de lois et règlements en vigueur au niveau national : 7.500 lois et 90.000 actes règlementaires. Il faut y ajouter les circulaires (Environs 15.000)

— Les textes sont de plus en plus longs, donc de plus en plus techniques, et donc plus rapidement obsolètes.

— Autre problème : La multiplication de textes législatifs surtout sans aucune portée normative réelle (Droit à l’air pur etc.). Le Conseil Constitutionnel et le CE se sont montrés contre ces actes, le Conseil Constitutionnel a même censuré une de ces lois.

— Le processus de codification à droit constant entamé depuis une vingtaine d’années a permis de créer des ensembles cohérents. Mais il y a eu des erreurs et ces codes ne sont pas exhaustifs, surtout qu’ils sont fréquemment modifiés.

Sous-section 1 : Les domaines respectifs de la loi et du règlement

— Jusqu’en 1958, on s’interdisait de limiter le domaine de la loi. Au nom de cette omni compétence, le législateur s’intéressait aux détails, à des questions de second ordre et laissait au pouvoir règlementaire la charge de poser les grandes règles (Habilitation des décrets-lois). — Pour remédier à cette situation sous la 4ème République, on a délimité les compétences des pouvoirs exécutifs et législatifs.

  • 1 : Le régime normal de répartition des compétences

A) La délimitation des domaines

ARTICLE 34 et 37 de la Constitution : Pour la première fois dans notre histoire constitutionnelle on assigne au législateur un domaine précis de compétence et on attribue le reste au pouvoir règlementaire.

1-Le schéma théorique

— En théorie, la loi ne se définit plus comme l’acte voté par le Parlement (Elément formel), mais il faut ajouter qu’elle intervient dans certaines matières pour en fixer les règles ou en déterminer les principes (Elément matériel).

— Dès la révolution il y avait bien eu des textes constitutionnels attribuant des domaines de compétence au législateur (DDHC 1789 : « La loi fixe les limites à apporter à la liberté individuelle » ; « les limites de la liberté d’expression » etc. C° 1946 préambule : « Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le règlementent » ; Charte de l’environnement de 2005 : compétence pour déterminer les « conditions et les limites applicables notamment au droit à l’information en matière environnementale ») Mais l’ARTICLE 34 de la Constitution est différent : les textes précédents visaient simplement solenniser garantir le statut de ces textes, mais pas pour soustraire la compétence au pouvoir règlementaire.

ARTICLE 34 de la Constitution : Cet article énumère précisément les matières dans lesquelles le pouvoir législatif est compétent. Cet article doit être combiné avec l’ARTICLE 37 al.1 de la Constitution. Dans ce mécanisme, la liste de l’ARTICLE 34 est une liste soustraite au champ de la compétence règlementaire.

Cet article distingue deux types de compétences :

  • Les matières dans lesquelles le pouvoir législatif fixe les règles : Droits civiques, droits accordés aux citoyens dans l’exercice des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, la détermination des crimes et délits, la fixation des peines applicables etc.
  • Les matières dans lesquelles le pouvoir législatif détermine les principes : La libre administration des collectivités locales, le régime de la propriété, des droits réels, des obligations civiques et commerciales etc.

ARTICLE 37 de la Constitution : « Toutes les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi, sont du domaine règlementaire ».

— Ont fait de la loi un acte ayant une compétence d’attribution et du règlement un acte ayant une compétence de principe.

— C’est un renversement total de la répartition des compétences par rapport au système antérieur.

— Ça a une incidence sur la nature des actes règlementaires pris sur le fondement de l’ARTICLE 37 de la Constitution : Ces actes interviennent dans des matières soustraites à la compétence du législateur. Ce sont des actes règlementaires qui ne sont pas assujettis au respect de la loi. Ce pouvoir règlementaire doit néanmoins respecter les normes supérieures à la loi, ainsi que les principes généraux du droit (Règles posées par la jurisprudence administrative, les PGD) C’est le pouvoir règlementaire autonome.

— L’ARTICLE 37 n’est pas le seul pouvoir règlementaire au niveau national. Il y a également les actes règlementaires pris en l’exécution des lois qui est beaucoup plus vaste. Celui-ci découle de l’ARTICLE 21 de la ConstitutionLe 1er Ministre assure l’exécution des lois »)

Il arrive bien souvent qu’une loi ne puisse pas être appliquée telle quelle. Les règlements doivent venir la préciser pour qu’elle puisse être appliquée. Le CE a posé un principe d’édiction des actes règlementaires d’exécution des lois dans un délai raisonnable. En cas de carence, le CE annulera le refus du 1er Ministre avec des astreintes.

— Quelqu’un ayant subi un préjudice en raison du retard de l’application de cette loi peut attaquer l’Etat : CE 27 novembre 1954 VEUVE RENARD.

2-La pratique

— Le pouvoir règlementaire autonome est quasi inexistant car la liste de l’ARTICLE 34 est très longue et générale.

Dans le domaine du pouvoir règlementaire autonome il y a principalement trois matières :

  • La structure de l’administration de l’Etat
  • La détermination des règles juridictionnelles administratives et civiles (Mais pas pénales)
  • La répression des atteintes au domaine public

— Le CE et le Conseil Constitutionnel ont interprété très largement l’ARTICLE 34, ils ne distinguent pas les matières dans lesquelles le législateur fixe les règles de celles dans lesquelles il détermine les principes. Le législateur ne se prive pas de rentrer dans le détail et il n’est pas puni pour ça, donc il sort de sa compétence.

— Quand il rentre dans le détail, le pouvoir règlementaire d’application des lois est très réduit.

— Le législateur s’intéresse à des matières qui ne sont pas définies à l’ARTICLE 34 et n’hésite pas à empiéter sur le pouvoir règlementaire autonome. Cela se fait souvent avec l’accord tacite du Gouvernement.

— Ce décalage entre la théorie et la pratique est possible en dépit des mécanismes de sanction qui sont prévus par la Constitution.

B) La sanction de la délimitation

— Il y a plusieurs procédures qui sont destinées à garantir le respect des sphères de compétences du pouvoir législatif et du pouvoir règlementaire.

1-La protection du domaine règlementaire

— Ils font intervenir le Conseil constitutionnel pour contenir le législateur et la loi.

  • ARTICLE 41 de la Constitution : Le Gouvernement, au cours de la procédure d’examen de la loi peut opposer une exception d’irrecevabilité à une proposition de loi ou à un amendement parce qu’il ne porterait pas sur le domaine législatif. Pour cela il saisit le Conseil Constitutionnel.

  • ARTICLE 37 al.2 de la Constitution : Organisation de deux procédures pour faire la délégalisation, c’est-à-dire faire constater qu’une loi en vigueur est intervenue en dehors du domaine législatif. Cela permet au Gouvernement de pouvoir modifier lui-même le texte. Le Conseil Constitutionnel est saisi par le Gouvernement, et va l’autoriser à modifier la loi par décret. Si la loi est antérieure à 1958, le Gouvernement doit prendre l’avis du CE.

  • ARTICLE 61 al.2 de la Constitution : Le Conseil Constitutionnel peut-il dans le contrôle de constitutionnalité a priori condamner la loi étant sortie de sa compétence ? Il se refuse à censurer la loi intervenue dans le domaine règlementaire dans la décision Conseil Constitutionnel 30 juillet 1982 ; il considère que le Gouvernement aurait du le faire avant, et que c’est trop tard. Conseil Constitutionnel 21 avril 2005 : Le Conseil Constitutionnel admet que dans le cadre du contrôle de l’ARTICLE 61 al.2, il peut dire que la loi est intervenir dans le domaine règlementaire et donc autoriser le Gouvernement à la modifier par décret. Il ne l’annule pas mais la délégalise.

2-La protection du domaine législatif

— Il y a ici une possibilité ouverte de saisir le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif règlementaire qui interviendrait dans le domaine législatif. Le juge administratif peut censurer cet acte s’il constate qu’il est bien sorti de son domaine de compétence. La sanction est l’annulation de l’acte règlementaire.

— Il n’existe qu’un seul mécanisme, mais à la différence des mécanismes protégeant le domaine législatif, il fonctionne.

— La totale inversion du schéma théorique effectué dans la Constitution de 1958 n’est pas avérée en pratique : Seul le domaine législatif est efficacement protégé, et c’est lui qui sort parfois de sa compétence.

§2 : Les régimes exceptionnels

— Il y a beaucoup de règles de dérogation aux domaines de compétence : Ancien ARTICLE 92 de la Constitution (Il a permis au début de la 5ème République l’adoption par ordonnances de valeur législative de textes indispensables à la mise en route rapide des institutions. Ce texte a été abrogé mais les ordonnances existent toujours.), ARTICLE 74-1 de la Constitution (Révision du 28 mars 2003 : Le Gouvernement peut étendre aux collectivités d’outre-mer, par ordonnance, des dispositions législatives qui préexistent en métropole)

A) Les ordonnances de l’article 38

ARTICLE 38 al.1 : « Le Gouvernement peut se faire habiliter par le Parlement pour une période déterminée et pour l’exécution de son programme, à prendre par ordonnance des mesures qui relèvent du domaine de la loi » Le Parlement autorise donc le pouvoir règlementer à s’immiscer dans son domaine de compétence.

1-L’habilitation du Gouvernement

L’initiative appartient au Gouvernement qui va demander la délégation du pouvoir au Parlement. Cela doit être fait pour l’exécution de son programme, cela signifie que le Gouvernement doit exposer son programme et l’habilitation sera donc précise.

La délégation est faite par une loi d’habilitation qui identifie les mesures que le

Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance (Délimitation matérielle) ainsi que le délai durant lequel le Gouvernement est habilité. Le CE a estimé que cela n’empêchait pas que l’habilitation bénéficie au Gouvernement suivant (CE 5 mai 2006 SCHMITT)

— Le Gouvernement va intervenir dans le domaine du législateur, donc durant la période d’habilitation, le législateur ne peut plus lui-même intervenir dans cette matière. Le Parlement se dessaisit de sa compétence.

— Avant la promulgation de la loi d’habilitation, celle-ci peut être contestée devant le Conseil Constitutionnel par l’ARTICLE 61-1 de la Constitution. Il s’assure de la précision du champ d’habilitation du Gouvernement et peut censurer cette loi s’il l’estime contraire à la Constitution.

— A l’expiration de la loi d’habilitation, quel que soit l’avancement du programme, le Gouvernement perd la capacité d’agir dans le domaine législatif et le législateur récupère ce pouvoir.

— Le Gouvernement ainsi habilité agit par des ordonnances. Ces actes sont solennels : Ils émanent du Président de la République, sont signés après délibération du Conseil des Ministres et après avis du CE.

— Ces ordonnances doivent être publiées au JO pour entrer en vigueur, mais elles doivent être déposées sur le bureau de l’une des assemblées avec un projet de loi de ratification dans un délai fixé par la loi d’habilitation. Si le Gouvernement néglige de le faire dans le délai, l’ordonnance devient caduque.

2-La nature juridique des ordonnances

a)L’ordonnance non ratifiée

— C’est le cas où il y a bien eu dépôt du projet de loi de ratification mais où l’ordonnance n’a pas été ratifiée. L’ordonnance devient donc un acte administratif règlementaire qu’on peut donc contester devant le juge administratif par le biais d’un recours pour excès de pouvoir. — On ne peut pas demander l’annulation pour l’intrusion dans le domaine législatif car le législateur a autorisé cela. Mais on peut dire que le Gouvernement a dépassé le champ de l’habilitation. On peut également invoquer la violation de principes constitutionnels, pour violation de la loi d’habilitation, pour violation de traités internationaux ou de principes généraux de droit (Valeur infra-législative mais supra-règlementaire).

— Le juge administratif doit également veiller à ce que le Gouvernement ne soit pas resté en deçà de l’habilitation. Il ne doit pas se borner à poser des principes et à renvoyer à des décrets d’application ultérieurs.

— Ces ordonnances ont valeur réglementaire mais sont intervenues dans le domaine législatif. Donc ces actes, une fois le délai d’habilitation expiré, ne pourront plus être modifiés que par le législateur.

— Les dispositions qui auraient pu relever du pouvoir règlementaire autonome pourront ensuite être modifiées par un acte règlementaire de même niveau que l’ordonnance (Respect du principe de parallélisme des formes et des compétences), donc par un décret du Président de la République, pris après délibération du Conseil des Ministres et après avis du CE.

b)L’ordonnance ratifiée

— Ratifiée par une loi de ratification, l’ordonnance acquiert rétroactivement valeur législative

(Donc dès le jour où le Président de la République a signé l’ordonnance). On admettait que le législateur pouvait ratifier une ordonnance de manière implicite (En adoptant une disposition qui modifie l’ordonnance ; on interprétait cela comme l’acceptation de l’ordonnance par le législateur).

— Depuis la révision de juillet 2008, le constituant a décidé que seules les lois de ratification expresse seraient prises en compte. C’est satisfaisant car personne n’avait véritablement conscience de la ratification implicite (Il fallait l’avis du juge lors d’un litige pour en être sûr).

— L’ordonnance est ratifiée par une loi donc le Conseil Constitutionnel peut être saisi par ARTICLE 61 al.2 de la Constitution contre la loi de ratification, ce qui va lui permettre de statuer sur la constitutionnalité de l’ordonnance.

— Il peut y avoir un litige au cours duquel se pose la question de la constitutionnalité d’une ordonnance ratifiée, qui doit désormais faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité. Mais il n’y a pas encore d’exemple donc on n’est pas certain que ça se passera comme ça. Mais selon la jurisprudence Nicolo on peut invoquer la contrariété de cette ordonnance ratifiée avec une norme internationale.

— L’ordonnance ratifiée ne peut être modifiée que par une loi, et ce en toutes ses dispositions, même celles qui sont intervenues dans le domaine règlementaire. Le Gouvernement, s’il doit modifier une disposition règlementaire d’une ordonnance ratifiée, doit utiliser l’ARTICLE 37 al.2 de la Constitution, ou demander une nouvelle habilitation.

B) L’article 16

— Il permet au Président de la République de prendre les mesures exigées par les circonstances en cas de menace grave et immédiate interrompant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics.

— L’objectif est de rétablir le plus rapidement possible le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Le Président de la République dans le cadre de l’ARTICLE 16 de la Constitution concentre dans ses mains les pouvoirs législatifs et règlementaires.

— Il en résulte une atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, donc la procédure pour mettre en œuvre cet article est stricte. Il n’a fonctionné qu’en 1961 lors de la Crise Algérienne par Charles de Gaulle.

— La décision de mettre en œuvre l’ARTICLE 16 est un acte de Gouvernement. C’est un acte qui n’est pas susceptible de recours (CE assemblée 2 mars 1962 RUBIN DE SERVENS)

— Le juge administratif peut néanmoins être saisi d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre des mesures que le Président de la République va prendre dans le cadre de l’exercice de l’ARTICLE 16. Mais le CE n’acceptera pas de statuer sur toutes les mesures prises car certaines seront prises dans le domaine législatif.

Sous-section 2 : L’autorité respective de ces deux normes

— Elle s’apprécie au regard de sa place dans la hiérarchie des normes. Plus la norme est haute dans la hiérarchie des normes plus son autorité sera forte. Il n’est pas contestable que la loi a une autorité supérieure à l’acte règlementaire qui doit la respecter.

— Il faut également tenir compte des possibilités de contestation de ces normes. De ce point de vue, la loi est aujourd’hui un acte facilement contestable (Procédure de contrôle a priori, procédure de contrôle a posteriori, jurisprudence Nicolo). De même, l’acte règlementaire par la procédure du recours pour excès de pouvoir est très facilement contestable. — Du point de vue de leur contestabilité, la loi et le règlement sont des actes affaiblis.

§1 : La loi

— L’autorité de la loi sur les actes règlementaires est constante. Elle est évidente quand le pouvoir règlementaire est un pouvoir d’application des lois (ARTICLE 21 de la Constitution), mais elle également avéré pour le pouvoir règlementaire autonome si jamais le pouvoir législateur décide d’intervenir dans ce domaine qui lui est normalement interdit.

— L’autorité de la loi dépend également des possibilités de la contrôler : le contrôle de constitutionnalité (A priori : abstrait, général, analyse purement théorique / ou a posteriori : à l’occasion de l’application de la loi) ainsi que le contrôle au regard des normes internationales (Jurisprudence Nicolo du 20 octobre 1989), qu’il s’agisse du droit originaire ou du droit dérivé. La loi est un acte particulièrement bien contrôlé.

§2 : Le règlement

Il s’agit d’actes administratifs unilatéraux qui ont une portée générale (Ce qui les rend intéressant au titre des sources) : Par eux même ils modifient unilatéralement l’ordonnancement juridique ; ils concernent des personnes abstraitement désignées en vertu de l’une de leurs qualités.

Exemple : Un décret organisant les études de droit concerne les étudiants en droit.

Par sa généralité l’acte réglementaire ressemble à la loi : C’est comme elle un acte à portée générale. Tribunal des conflits 16 juin 1923 STEPFONDS : La différence fondamentale avec la loi est la qualité de l’organe dont il émane ; un organe administratif. La loi émane du Parlement ; de ce fait lois et règlements ont des autorités différentes.

A)Les titulaires du pouvoir réglementaire

Ils sont très nombreux et divers :

  • Certains sont évoqués par la Constitution : Président de la République et Premier Ministre. D’autres tirent leur pouvoir réglementaire de nécessités pratiques sans raisons textuelles : C’est la jurisprudence qui leur confère leur pouvoir réglementaire.
  • Certains œuvrent à l’échelle du territoire national (Premier Ministre, Président de la République) d’autres à l’échelon local : maire.

  • Certains sont des autorités étatiques et les actes réglementaires pris sont des actes de l’Etat. D’autres sont des organes d’autorités distinctes de l’Etat : Maire, Présidents de conseil régional ou territorial.

  • Certains, dans certaines hypothèses, sont des personnes privées.

1-Le Premier Ministre et le Président de la République

a)Le pouvoir réglementaire général (ARTICLE 13 et 21 de la Constitution)

L’ARTICLE 13 de la Constitution donne compétence au Président de la République pour signer des décrets et les ordonnances de l’ARTICLE 38 (Qui ont valeur d’acte réglementaire tant qu’elles ne sont pas ratifiées).

Le pouvoir réglementaire de principe appartient au Premier Ministre.

Cas d’un décret délibéré en Conseil des Ministres : Est-ce que le Président a le pouvoir de principe de signer ces décrets ou faut-il un texte lui en donnant la compétence ?

Le CE a hésité : Une première fois durant la première cohabitation ; il retient alors la conception restrictive (Le Président de la République ne pouvait signer un décret délibéré en Conseil des Ministres que si un texte le précisait : CE Syndicat autonome des enseignants de MEDECINE 10 octobre 1987). Rapidement cette position est abandonnée au profit de l’autre : un décret dès lors qu’il a été délibéré en Conseil des Ministres, ne peut être signé que par le Président de la République. C’est le CE assemblée 10 septembre 1992 MEYET. C’est l’état du droit aujourd’hui. Jurisprudence plutôt favorable au Président de la République et nuance fortement la portée de l’article 21, surtout en période de fait majoritaire.

La compétence passe donc au président et quasi définitivement car le décret relevant de la compétence du Président de la République ne pourra être modifié que par un nouveau décret du Président de la République. CE 27 avril 1994 ALLAMIGEON : Il ne pourra y avoir retour à la compétence du Premier Ministre que si le Président de la République modifie le décret en question, en affirmant que ce décret peut être modifié par décret simple.

Cette souplesse depuis l’arrêt Meyet fait qu’il n’est pas surprenant que parfois le Président de la République ne fasse même pas délibérer le Conseil des Ministres pour signer des décrets notamment réglementaires. C’est ahurissant au regard de la compétence du Premier Ministre. Un tel acte n’est pas nécessairement illégal : Une jurisprudence très subtile du CE s’est construite pour sauver ces décrets. Les décrets du Président de la République doivent être contresignés par le Premier Ministre et les ministres responsables (ARTICLE 19 de la Constitution). Un décret non délibéré en Conseil des Ministres mais signé par Président de la République, s’il est contresigné par le Premier Ministre et les ministres responsables est légal, le CE s’en contente et fait comme si l’acte émanait du Premier Ministre et tient pour surabondante la signature du Président de la République et attribue juridiquement le décret au Premier Ministre. Mais cela ne suffit pas car une autre règle de contreseing doit être respectée dans l’ARTICLE 22 de la Constitution : Les actes du Premier Ministre doivent être contresignés par les ministres chargés de leur exécution. Un décret du Président de la République contresigné par Premier Ministre et par les ministres responsables, pour le requalifier en décret du Premier Ministre (Pour qu’il soit légal), il va nécessairement falloir que les contresignatures par les ministres responsables puissent être requalifiées en contreseing par les ministres chargés de l’exécution. On va donc s’interroger sur le contreseing. Il faut savoir comment se déterminent au sens des articles 19 et 22, les ministres responsables et les ministres chargés de l’exécution. La Constitution désigne les ministres responsables comme ceux auxquels incombent à titres principal à la préparation et l’application des actes en cause : CE Section 10 juin 1956 PELON.

Les ministres chargés de l’exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l’exécution de ces actes : Arrêt CE Assemblée 27 avril 1962 SICAR.

Avec ces éléments, le CE voit si les ministres qui ont signé le décret peuvent être requalifiés, et si l’on peut considérer le décret signé par le Président de la République comme un décret du Premier Ministre.

Ce tour de passe-passe pour assimiler un décret du Président de la République et un décret du Premier Ministre pour le sauver et le rendre légal est instauré par l’arrêt Sicar.

b)Le pouvoir réglementaire de police

On a parlé du pouvoir réglementaire comme trouvant sa source dans les articles 37 et 21 de la Constituons (Respectivement le pouvoir réglementaire autonome et celui d’exécution des lois).

Ces 2 pouvoirs du Président de la République et du Premier Ministre n’épuisent pas le pouvoir réglementaire de ces 2 autorités. Le CE y a ajouté un autre pouvoir réglementaire depuis la 3e République, le pouvoir réglementaire de police qui n’est ni autonome ni d’exécution des lois. C’est un pouvoir fait pour prendre des mesures afin de maintenir l’ordre public. Par exemple l’interdiction du jour au lendemain d’une nouvelle activité jugée dangereuse.

Ce pouvoir appartient au Premier Ministre et remonte à la 3ème République. Il n’est pas inscrit dans la Constitution : CE 8 aout 1919 LABONNE. Les 4ème et 5ème Républiques dans leur Constitutions ne fondent pas non plus ce pouvoir par écrit mais il persiste car il parait toujours nécessaire. Le CE continue à le reconnaitre sans base textuelle. Sous la 3ème République le chef de l’état avait cette compétence mais depuis la 4èmè c’est le Premier Ministre qui a ce pouvoir à l’échelon national depuis notamment CE 17 février 1978 Comité pour léguer esprit résistance.

Récemment dans un arrêt de 2007, le CE rattache ce pouvoir aux articles 37 et 21 sans que juridiquement on puisse considérer qu’il le soit réellement.

2-Les ministres

Ce sont toujours des autorités étatiques œuvrant à échelle national, mais ils ne disposent pas du même pouvoir réglementaire que le Premier Ministre et le Président de la République. On a voulu éviter l’émiettement du pouvoir réglementaire à l’échelon national, donc les ministres ne sont pas en principe titulaires du pouvoir réglementaire général. Mais la Constitution autorise notamment dans l’ARTICLE 21 al. 2 le Premier Ministre à déléguer son pouvoir réglementaire à tel ou tel ministre si c’est jugé opportun. Un ministre peut exercer pouvoir réglementaire général sous condition d’une délégation qui en détermine le champ d’action. C’est donc un pouvoir d’attribution.

Le CE section 23 mai 1969 Société distillerie BRABANT confirme cette compétence attribuée. Il écarte la reconnaissance d’un pouvoir réglementaire général au profit des ministres.

Autres hypothèses : Le juge administratif s’était efforcé de compenser cette exclusion du pouvoir réglementaire des ministres en leur donnant un pouvoir para réglementaire. Cela se traduit par la création d’actes hybrides par le juge : des directives internes (Directives « Crédit foncier de France » : CE section 11 décembre 1970 CREDIT FONCIER DE FRANCE) qui ne sont pas des directives communautaires mais des actes dans lesquels les ministres peuvent indiquer à leurs subordonnés un certains nombre de principes d’action pour uniformiser leur pratique et éviter qu’un même problème ne soit traité différemment à deux endroits. Ce sont des directives donc elles ne lient pas le subordonné qui peut s’écarter de la directive (Il ne le pourrait pas si c’était du vrai pouvoir réglementaire). Ces directives sont opposables aux tiers, aux administrés, mais il est possible de s’en écarter pour des raisons de spécificité d’une affaire.

En dehors de ce pouvoir, les ministres exercent un autre pouvoir réglementaire mais très encadré et limité. 4 hypothèses :

  • Délégation par le Premier Ministre

  • Le législateur lui-même habilite dans une loi un ministre à prendre tel ou tel acte réglementaire : habilitation législative qui se traduit par un pouvoir réglementaire d’exécution des lois (Similaire à celui du Premier Ministre)

  • Les ministres sont des chefs de service au sein de l’Administration et comme tous les chefs de service de l’Administration française ils disposent d’un pouvoir réglementaire très particulier pour organiser ces services : Ce pouvoir réglementaire du chef de service n’a pas de base textuelle et a été consacré par le CE Section 7 février 1936 JAMART. Il permet aux ministres d’organiser leurs services et le fonctionnement de ceux-ci, notamment l’exercice du droit de grèves par leurs agents (CE Assemblée 7 juillet 50 Arrêt DEHAENE). Parfois ce pouvoir peut toucher les usagers du service mais il y aura une portée très réduite : Heures d’ouverture guichets… Il n’est pas attentatoire aux libertés individuelles.

  • La dernière hypothèse ne concerne qu’un ministre et a été consacrée au hasard d’une espèce par le CE pour combler un vide : Le ministre de la défense peut rendre obligatoire pour certains militaires certaines vaccinations alors que le législateur qui doit le prévoir ne l’a pas prévu. Fondement juridique incertain, mais le CE Assemblée 3 mars 2004 Association LIBERTE INFORMATION SANTE le reconnait.

3-Les autorités administratives indépendantes

La plupart du temps il s’agit d’organes non dotés de la personnalité juridique et dépendant de celle de l’Etat. Organe très indépendant vis-à-vis de la hiérarchie traditionnelle de l’Etat. Pour la plupart ils ont un pouvoir de décision notamment pour faire respecter des règles de jeu dans des secteurs sensibles de la vie moderne (Fichiers, communication…)

Les AAI sont crées par des lois et souvent dotés d’un pouvoir réglementaires (Le médiateur de la République n’en a pas, par exemple). A cette occasion on se demande si le législateur peut constitutionnellement désigner un titulaire de pouvoir réglementaire que la Constitution n’a pas désigné.

Le Conseil Constitutionnel a cherché une solution pour ne pas interdire ça même si ça n’était ni constitutionnel ni respectueux de la séparation des pouvoirs mais il fallait dire que ça l’était :

S’il l’avait interdit, il aurait fallu annuler de nombreuses lois antérieures. Le Conseil Constitutionnel admet donc la constitutionnalité de cette attribution d’un pouvoir réglementaire à des AAI mais dans un encadrement strict : Le législateur peut confier à une autorité de l’Etat autre que Président de la République ou le Premier Ministre un pouvoir réglementaire d’exécution des lois. Mais cette habilitation ne doit concerner que des mesures de portées limitées tant par leur champ d’application que par leur contenu. C’est la décision Conseil Constitutionnel 88 248 DC 17 janvier 1989. Mais ce n’est pas tout, le Conseil Constitutionnel ajoute des détails : Les mesures prises par ces titulaires du pouvoir réglementaires sont subordonnées aux mesures réglementaires du Premier Ministre et Président de la République.

4 –Titulaires à l’échelon local

a)Autorités déconcentrées

C’est ici une autorité intégrée à la hiérarchie d’administration d’Etat et soumise au pouvoir hiérarchique. Elle prend une décision de portée locale au nom de l’Etat.

Ces autorités visées ici sont les préfets et sous-préfets qui disposent du pouvoir réglementaire dans les mêmes conditions que les ministres : Même au niveau local pas de pouvoir réglementaire de principe mais que sur délégation du Premier Ministre ou du législateur en principe. Ils sont comme les ministres, des chefs de service et a ce titre exercent le pouvoir réglementaire de chef de service de la Jurisprudence JAMART.

A la différence des ministres, les préfets disposent en vertu de la loi d’un pouvoir de police administrative générale qui leur permet d’édicter des mesures notamment réglementaires (Ou individuelles) dépassant le ressort d’une seule commune de leur département. Si ça ne touche qu’une seule commune, c’est le maire qui est compétent.

b)Les autorités décentralisées

Ce sont des personnes publiques distinctes de l’Etat crées au niveau local : La commune, le département et la région. Les décisions prises le sont au nom du département ou autre, mais pas au nom de l’Etat.

Ces autorités disposent depuis longtemps d’un certain pouvoir réglementaire, reconnu depuis longtemps mais mentionné dans Constitution que depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003(ARTICLE 72 de la Constitution). Elles ne disposent pas d’un pouvoir initial concurrent de celui du Président ou du Premier Ministre, mais d’un pouvoir règlementaire subordonné (limité) pour l’exercice de leurs compétences qui doit respecter les actes règlementaires des autorités supérieures. Ces actes doivent obligatoirement être inspirés par un intérêt local, sinon il y a atteinte au principe de l’unicité de l’Etat.

Les autorités décentralisées sont des chefs de service donc pouvoir réglementaire de la Jurisprudence JAMART. Par ailleurs les maires principalement disposent d’un pouvoir de police administrative qui leur permet de prendre notamment des actes réglementaires mais que pour maintien de l’ordre puisque et que sur territoire communale (Mais c’est déjà un pouvoir important).

— Les autorités décentralisées peuvent s’être vues conférer par le législateur un pouvoir réglementaire (C’était plus courant avant la révision constitutionnelle de 2003).

Le CE admet aussi qu’elle disposent d’un pouvoir réglementaire pour préciser les modalités d’application d’une loi qui n’a pas prévu l’édiction de décret d’application mais qui pourtant ne peut pas être appliquer telle quel sans décret. Dans cette hypothèse rarissime, des mesures peuvent être prise pour assurer leur mise en œuvre : CE 13 février 1985 Syndicat d’agglomération de CERGY PONTOISE.

5-Les personnes privées

Très circonscrit, très rare. Elles n’ont pas de pouvoir de principe et n’interviennent que dans le cadre d’une mission de service publique pour laquelle on lui a confié des prérogatives de services public (exemple: l’eau). Ces actes réglementaires sont subordonnés aux actes du Premier Ministre et Président de la République, du préfet et du sous-préfet et même du maire selon l’échelle où intervient cette personne privée.

B) L’autorité des actes réglementaires

1-La qualité de source du droit des actes réglementaires

En effet pour qu’un acte puisse être rangé au titre des sources du droit il faut qu’il porte des normes générales, abstraites. Un acte administratif individuel, ou un acte d’application ne peuvent pas être des sources.

Par contre les actes réglementaires sont des sources du droit: Ils posent des normes générales abstraites s’adressant à une catégorie de personnes, toutes celles qui ont la qualité visée par texte y sont soumises, pour elles il est donc une source du droit.

A coté des actes unilatéraux réglementaires ou individuels il y a aussi les contrats administratifs qui ne sont pas sources du droit car comme les contrats de droits privés ils ont pour objet d’organiser les relations entre deux personnes. Certes elles tirent des droits de ce contrat mais il n’ajoute rien à l’ordonnancement juridique: Il précise juste que la loi et le règlement permettent de négocier librement entre deux personnes. Comme l’acte individuel c’est une mesure d’application du droit. En effet comme en droit privé le contrat n’a pas d’effet sur les tiers.

Certaines clauses des contrats administratifs peuvent avoir des effets sur les tiers mais ce ne sont pas des clauses contractuelles mais des clauses réglementaires.

2-La hiérarchie des actes administratifs

Les actes administratifs individuels sont des mesures d’application de la loi, dessous des actes réglementaires. Les actes administratifs individuels sont soumis aux actes administratifs réglementaires.

Elle s’impose a toutes les personnes visées mais aussi à la personne qui les édicte, les personnes sont liées par leur propres actes jusqu’au jour où elles le modifient en bonne et due forme. Application de l’adage «tu te soumettras à la loi que tu as toi-même posée». Cette autorité des actes réglementaires sur les actes individuels est totale et peut aboutir a des situations étonnantes: L’acte réglementaire émanant d’autorités administratives subordonnée s’impose à un acte individuel d’une autorité supérieur hiérarchiquement.

Malgré tout, l’autorité attachée aux actes réglementaires n’est pas invariable: Au sein de l’Administration il y a une hiérarchie et le pouvoir réglementaire peut appartenir au sein administration d’Etat, du préfet, du sous-préfet, des ministres, du Premier Ministre, du Président de la République, et cette hiérarchie se traduit par une hiérarchie des actes réglementaires émanant de l’Etat. Le préfet doit respecter l’acte réglementaire du ministre qui doit respecter l’acte réglementaire du Premier Ministre qui doit respecter l’acte réglementaire pris par Président de la République car il a été délibéré en Conseil des Ministres.

La chose est simple mais se complexifie quand se greffe aux considérations de hiérarchie, des considérations formelles: Il y a des actes qui doivent être pris dans certaines conditions formelles, et un décret simple du Premier Ministre doit respecter un décret du même Premier Ministre pris après avis du CE. Idem pour les décrets du Président de la République délibérés en Conseil des Ministres, ceux après avis CE s’imposent à ceux sans avis. Si le Premier Ministre prend des arrêtés même réglementaires, ils sont soumis aux décrets du même Premier Ministre.

Les actes réglementaires doivent évidemment respecter les actes supérieurs de la hiérarchie des normes: loi, Constitution, traités, principes etc.

3-La contestabilité des actes réglementaires

Trois voies de contestation d’un acte administratif réglementaire:

  • S’adresser à l’autorité qui a pris l’acte en lui demandant de la modifier ou de l’abroger, c’est le recours administratif préalable, pas besoin de saisir juge si ca marche, c’est un préalable parce que c’est rare.

  • Demander au juge d’annuler l’acte administratif: C’est le recours pour excès de pouvoir. Délai de 2 mois a compté de la publicité de l’acte réglementaire. Il faut prouver devant le juge administratif que l’acte est illégal. Si juge est d’accord il annule l’acte qui disparait rétroactivement de l’ordonnancement juridique, c’est comme si il n’avait jamais existé. On verra plus tard une exception.

  • On peut aussi dire que l’acte administratif est illégal car a été pris en application d’un acte administratif réglementaire lui même illégal. C’est l’exception d’illégalité: A l’occasion du recours contre un acte administratif individuel on fait valoir illégalité de l’acte réglementaire dont il est application. On demande au juge de constater l’illégalité de l’acte réglementaire en question pour obtenir seulement une annulation de l’acte individuel pris en application. L’acte réglementaire est déclaré illégal mais il est toujours en vigueur, et l’administration pourrait continuer à l’appliquer mais pas intérêt car la situation est appelée à se reproduire. Cette exception d’illégalité peut valoir a l’encontre d’un acte réglementaire très vieux; il n’y a pas de délai, mais il faut que ce soit un acte règlementaire dont l’acte individuel est une application.

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