La police judiciaire : rôle, organisation, compétence

La police judiciaire : définition, organisation, compétences…

Selon l’article 14 du Code de procédure pénale, la police judiciaire est l’autorité ayant pour mission de « constater l’infraction, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs ». Dans le cadre de cette mission, la police judiciaire doit « recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions, et de les transmettre le cas échéant au service territorialement compétent » (art.15-3 du code de procédure pénale).

Dès lors, la police judiciaire est à la fois une fonction et un organe, ce qui rend difficile la compréhension de son organisation.

La police judiciaire est tout d’abord une fonction. Contrairement à la police administrative, orientée vers la prévention des troubles à l’ordre public, elle tend à la répression des infractions

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Titre 1 : Définition de la police judiciaire (et distinction avec la police administrative).

Les services de police reposent sur une distinction entre la police administrative et la police judiciaire. En pratique la différence entre la police administrative et la police judiciaire peut être ténue, ce qui explique que la différence puisse être difficile à établir. La police judiciaire est tout d’abord une fonction. Contrairement à la police administrative, orientée vers la prévention des troubles à l’ordre public, elle tend à la répression des infractions.
— Les Missions :

  • La police administrative a une mission « d’ordre », de prévention, elle a pour mission de prévenir les infractions, de maintenir l’ordre et d’assister les citoyens en difficulté. On dit ainsi que la police administrative est une police d’ordre. Elle s’exerce sous l’autorité administrative. Lorsque la police administrative échoue – c’est-à-dire lorsque l’infraction n’aura pas été prévenue, mais commise – intervient alors la police judiciaire.
  • La police judiciaire a une mission d’investigation et de répression.Lorsqu’une infraction a été commise, il faut en effet en rechercher les auteurs, ce qui permettra d’exercer l’action publique à leur encontre. . L’article 14 du code de procédure pénale prévoit que la police judiciaire est chargée de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte.

— Le droit applicable :

  • la police administrative relève du droit administratif donc c’est le juge administratif qui est compétent,
  • alors que celle de la police judiciaire concerne la procédure pénal donc le juge judiciaire est compétent.

En pratique, ce sont souvent les mêmes personnes qui remplissent les fonctions de police administrative et de police judiciaire, il faut tenir compte du critère de la finalité de l’opération.

Ex : un gendarme règle la circulation (fonction de police administrative), et s’il constate une infraction il est dans le registre de la police judiciaire.

Donc sur « la même opération peut donc, en cours d’exécution, changer de nature, avec l’apparition du soupçon : il suffit qu’à un instant donné, l’agent, sur la foi d’un indice, subodore la simple possibilité qu’une infraction a été commise ou va l’être » (Ph. Conte et P. Maistre du Chambon, Procédure pénale, Armand Colin).

Titre 2 : Rôle de La police judiciaire : un auxiliaire du ministère public

En tant qu’auxiliaire, la police judiciaire seconde le ministère public de deux manières différentes.

  • D’une part, en aval, à l’issue des poursuites, elle aide le ministère public à assurer l’exécution des condamnations prononcées. Le Code de Procédure Pénale précise que le ministère public doit assurer l’exécution des sentences pénales, et qu’il a le droit de requérir pour cela, l’assistance de la force publique.

  • D’autre part, en amont, la police judiciaire est chargée d’informer les autorités de poursuite, de la commission des infractions, afin que ces autorités publiques puissent en pleine connaissance de cause décider du sort qu’il faut réserver à l’action publique.

La police judiciaire est donc l’informateur par excellence du ministère public. C’est son rôle principal, étant observé qu’elle partage ce rôle avec d’autres. Les sources d’information des autorités publiques sont en effet diverses. C’est ainsi que le procureur de la république peut en effet recevoir des dénonciations, conformément au Code de Procédure Pénale, émanant de particuliers qui vont l’informer de la commission d’une infraction. Cette dénonciation dont la plainte est finalement un cas particulier, car elle est une dénonciation qui émane non pas d’un tiers, mais d’une personne qui se prétend victime de l’infraction.

Cette dénonciation a un rôle très important pour l’information du procureur de la république. Il ne faut pas la confondre avec la délation qui est la dénonciation pour des motifs vils. La dénonciation est noble. C’est un devoir civil mais aussi juridique. L’article 10 du Code civil faitobligation à chacun de collaborer avec la justice, comme endénonçant les infractions dont on a connaissance. (« Chacun est tenu d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité. Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à cette obligation lorsqu’il en a été légalement requis, peut être contraint d’y satisfaire, au besoin à peine d’astreinte ou d’amende civile, sans préjudice de dommages et intérêts. » Article 10, Code civil).

En matière pénale plus spécialement, plusieurs textes obligent à dénoncer les infractions. L’article 40 du Code de Procédure Pénale oblige tout officier public, tout fonctionnaire qui a connaissanced’une infraction dans l’exercice de ses fonctions, de la dénoncer au procureur de la république. Plus largement, en qualité de citoyen, on a l’obligation de dénoncer au procureur des infractions dont on a connaissance. Par exemple, il faut dénoncer des crimes lorsqu’il est encore possible d’en prévenir les effets, sous peine d’infraction pénale. Il faut aussi dénoncer des infractions qui s’exercent à l’encontre des mineurs ou des personnes vulnérables.

Certains professionnels, dans l’exercice de leur profession, doivent dénoncer des infractions dont ils ont connaissance. Le commissaire aux comptes peut, s’il découvre des infractions, les dénoncer, et doit d’ailleurs le faire à défaut de quoi il se rend coupable d’une infraction.

Le phénomène est donc naturel et pas critiquable, même s’il pose des difficultés procédurales. On en trouve essentiellement deux : celle qui tient à la dénonciation anonyme. Peut-on y apporter une importance quelconque ? La CEDH a considéré qu’une dénonciation de cette nature était incontrôlable. Elle a donc jugé qu’aucune condamnation ne peut intervenir si elle prétend se fonder sur une dénonciation anonyme. Le législateur français a intégré cela en organisant une procédure particulière permettant à un témoin de garder l’anonymat. L’article 706 -57 du Code de Procédure Pénale prévoit cette procédure. Là encore, conformément aux leçons du Code de Procédure Pénale, aucune condamnation ne peut intervenir si elle se fonde exclusivement sur un témoignage anonyme.

On se pose ensuite la question de la moralité du dénonciateur. Certains sont payés. C’est parfois officiellement reconnu par les textes. D’autres sont les « repentis » : ils parlent et obtiennent une certaine impunité. Le Code de Procédure Pénale accepte alors parfaitement que l’on puisse payer un dénonciateur par divers moyens.

L’informateur de premier rang est alors la police judiciaire. Le ministère public reçoit communication des procès verbaux et des rapports qui sont dressés par la police judiciaire. C’est à travers ces documents écrits que l’information va circuler de la police judiciaire vers le parquet, d’où l’importance décisive des enquêtes de police, ce qui nous amène à exposer l’organisation de la police judiciaire et ses opérations.

Titre 3. L’organisation de la police judiciaire

L’expression de police judiciaire fait partie des notions rendue inutilement complexe par le fait qu’une même expression désigne plusieurs réalités juridiques différentes. Cette même expression désigne plusieurs vérités juridiques. En effet, la police judiciaire désigne une fonction à laquelle correspondent des opérations de police judiciaire. On désigne aussi des organes qui se composent des différents membres de la police judiciaire.

Ici, lorsque l’on va évoquer la police judiciaire en tant qu’informatrice par excellence, on va essentiellement s’attacher aux organes de police judiciaire et aux membres qui la composent, qui participent à l’organisation de la police judiciaire.

Ce qui complique les choses, c’est qu’il n’y a pas de coïncidence totale entre les actes qui relèvent de la fonction de police judiciaire et la qualité des personnes qui les accomplissent. Un acte de police judiciaire peut alors être accompli par une personne qui n’appartient pas à la police judiciaire. On n’a ainsi pas de correspondance entre la fonction et l’organe.

Certains magistrats ne sont ainsi pas membres de la police judiciaire. Ils avaient cette qualité, mais en ont conservé les prérogatives. C’est le cas notamment du procureur de la république. Il a l’ensemble des pouvoirs d’un officier de police judiciaire. Il dirige ainsi l’activité de la police judiciaire étant entendu qu’il n’en est pas membre. Puisqu’il a tous les pouvoirs de cette police judiciaire, il peut recevoir les plaintes et les dénonciations comme le peut un officier de police judiciaire lui -même qui peut procéder ou faire procéder à tous les actes nécessaires à la poursuite ou la recherche des infractions. Il peut aussi requérir l’usage de la force publique.

C’est aussi le cas du juge d’instruction. S’il n’a plus la qualité d’officier de police judiciaire que lui reconnaissait le Code d’instruction criminelle, il en a tous les pouvoirs. Il peut donc recevoir les plaintes et dénonciations. Il peut ainsi diriger l’activité de la police judiciaire au stade de l’instruction par l’intermédiaire d’une « commission rogatoire ». Il peut aussi requérir la force publique de la même manière.

Il résulte de cette césure entre les pouvoirs de police judiciaire et une qualité que les titulaires de ce pouvoir n’ont pas, le constat suivant : la police judiciaire n’agit jamais de façon autonome. Le Code de Procédure Pénale dit que la police judiciaire est placée sous la direction du procureur de la république, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre de l’instruction. En cas d’ouverture d’une instruction, elle exécute les ordres du juge d’instruction.

Autrement dit, dans un État de droit, la police est aux ordres de la magistrature. Elle n’est qu’une exécutante et n’a aucune autonomie. Si d’aventure un officier de police judiciaire refusait d’exécuter les ordres d’un procureur ou d’un juge d’instruction, il serait suspendu, révoqué et expulsé de la police, car sinon on ne serait plus dans un État de droit.

Chapitre 1. Les organes de la police judiciaire

La police judiciaire se compose de deux corps : la police nationale et la gendarmerie nationale, auxquels il faut ajouter les polices municipales. On trouve un essor considérable de ces polices municipales. La police nationale relève du ministre de l’intérieur alors que pendant longtemps, la gendarmerie a relevé du ministère de la défense, y compris lorsqu’elle accomplissait des missions civiles, de police judiciaire.

Par l’effet d’une réforme , d’août 2009, dans sa fonction de police judiciaire, la gendarmerie relève désormais du ministère de l’intérieur. Si la gendarmerie a vocation à intervenir plutôt dans les zones rurales, lorsqu’un magistrat veut confier une mission, il choisit librement de le faire à la police ou la gendarmerie.

Chapitre 2. Les membres de la police judiciaire

C’est ici qu’on vérifie l’ambigüité de la police judiciaire. Les membres de la police judiciaire n’appartiennent pas nécessairement à la police ou la gendarmerie nationale. Le Code de Procédure Pénale identifie plusieurs types de membres de la police judiciaire. On a les officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints, et enfin ceux que le Code de Procédure Pénale appelle « fonctionnaires et agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire ».

Section 1 : Les officiers de Police Judiciaire

En réalité, on a au sein de ces officiers, deux catégories : ceux de plein exercice, c’est-

à-dire compétents pour assurer l’ensemble des missions confiées aux officiers de police judiciaire, contrairement aux officiers n’ayant compétence que pour certains actes. On ne parlera ici que des premiers.

Ceux qui ont cette qualité sont visés par l’article 16 du Code de Procédure Pénale pour confier les qualités à un nombre croissant de personnes. Parmi cette énumération, on trouve :

  • maire d’une commune et ses adjoints,

  • les officiers de la gendarmerie
  • les commissaires de police.

Viennent ensuite, d’une part, les agents de police judiciaire, dont la liste, donnée par l’article 20 du Code de Procédure Pénale comprend entre autres les gendarmes n’ayant pas la qualité d’officierde police judiciaire et les membres de la police nationale ;

D’autre part, les agents de police judiciaire adjoints dont l’article 21 comprend par exemple les agents de la police municipale.

Fonctionnaires et agents de certaines administrations chargés de fonctions de police judiciaire : il y a un nombre croissant d’agents recevant certaines compétences de police judiciaire, pour constater des infractions qui lèsent les intérêts dont leur administration ont la charge. P.ex les administrations des eaux et forêts ; les gardes champêtres ; les agents … (répression des fraudes, douane, police des chemins de fer).

S’agissant de la compétence, on peut envisager les règles ordinaires de compétence, avant de voir les règles dérogatoires de compétence. S’agissant des règles ordinaires de compétence, il faut commencer la compétence matérielle.

Section 2 : Les règles ordinaires de compétence

  • 1. La compétence matérielle de l’officier de police judiciaire

Il a des pouvoirs policiers mais aussi des pouvoirs d’instruction.

Actes policiers : Les officiers de police judiciaire visés par l’article 16 assurent l’intégralité des missions confiées aux officiers de police judiciaire de plein exercice. Ils sont chargés de constater les infractions, d’en identifier les auteurs et d’en rassembler les preuves. Ils reçoivent les plaintes et dénonciations, procèdent aux enquêtes de polices – préliminaire ou de flagrance – et peuvent requérir l’appui de la force publique. Ils doivent dans l’exercice de ces fonctions, informer le procureur de la république des infractions dont ils ont connaissance et faire parvenir les procès verbaux.

Lorsqu’une instruction a été ouverte, ils peuvent se voir déléguer des actes d’instruction par les juridictions d’instruction, au terme d’une « commission rogatoire ». Cela résulte de l’article 14 du Code de Procédure Pénale (« Elle [police judiciaire] est chargée, suivant les distinctions établies au présent titre, de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte. Lorsqu’une information est ouverte, elle exécute les délégations des juridictions d’instruction et défère à leurs réquisitions. »).

La compétence matérielle de l’agent de police judiciaire est de seconder les officiers de police judiciaire dans l’exercice de leur mission. Selon l’article 20 du Code de Procédure Pénale, ils sont privés du pouvoir de décider d’une garde à vue. Les adjoints de l’article 21 secondent aussi les officiers de police judiciaire avec moins de pouvoirs que les agents de police judiciaire.

  • 2. La compétence territoriale de la police judiciaire

Chacun des membres de la police judiciaire a des limites territoriales pour exercer ses prérogatives. Par exemple, un groupement de gendarmerie a compétence sur un département. C’est à propos de cette compétence territoriale qu’il y a parfois des règles dérogatoires. Il se peut en effet que la compétence territoriale soit étendue.

Cette extension de compétence intervient tantôt à l’initiative du ministère public, tantôt à l’initiative de l’officier de police judiciaire lui-même . Parfois, c’est sur réquisition du ministère public que la compétence territoriale va être étendue. C’est ainsi qu’à l’occasion d’une enquête policière, le procureur de la république peut conférer à un officier de police judiciaire compétence sur tout le territoire national. La même possibilité existe lorsqu’un officier de police judiciaire exécute une commission rogatoire émanant d’un juge d’instruction.

Un officier de police judiciaire peut se transporter dans les ressorts limitrophes du tribunal de grande instance auquel il est rattaché. De la même manière, s’il s’agit d’une enquête relative à la criminalité organisée, l’officier de police judiciaire reçoit des pouvoirs particuliers. Au titre de cette criminalité, il peut étendre sa compétence à tout le territoire national sauf si le procureur de la république s’y oppose.

C’est l’occasion d’indiquer ce qu’est la criminalité organisée. Il y a dans le système procédural actuel, une procédure pénale qui est très différente selon le type de criminalité auquel dont on a à faire. On a ainsi des règles de procédure particulières notamment vis-à-vis de la criminalité organisée. Le législateur, lorsqu’il s’agit d’un concept criminologique et non juridique, a renoncé à définir la criminalité organisée. Il s’est limité à définir des infractions dont il estime qu’elles appartiennent à la criminalité organisée. Elles figurent à l’article 706-73 du Code de Procédure Pénale. On pense notamment aux infractions commises avec la circonstance aggravante de la bande organisée mais également meurtre, au vol, à la destruction de biens, ou encore le trafic de stupéfiants non commis en bande organisée.