La possession en droit belge

La possession en Belgique

Selon l’article 2228 du Code civil, la possession est : « le jouissance d’une chose ou d’un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-même, ou par un autre que la tient ou qui l’exerce en notre nom ».
La possession est un état de pur fait. Selon l’arrêt de la Cour de cassation du 14 octobre 1926, la possession est « la manifestation extérieure de la prétention à un droit ».

Section 1. Définition, fondements et éléments constitutifs de la possession en droit belge

  • 1. Définition

C’est un état de fait qui se caractérise par un certain nombre d’actes, posés sur une chose et ces actes correspondent, dans le chef du possesseur, au moins en apparence, à l’exercice d’un droit réel sur la chose.

Certains droits réels ne sont pas susceptibles de possession (ex : hypothèque, certaines servitudes)

Le plus souvent, la possession coïncide avec le droit dont elle est l’apparence. Mais, parfois, cette situation de fait ne correspond pas forcément avec la situation de droit.

La possession fait naître une présomption, et le législateur va même jusqu’à accorder une protection au possesseur dans certains cas.

  • 2. Fondements

Pourquoi cette protection ?

– Souvent, quand on protège le possesseur, on protège le titulaire du droit. De plus, il peut parfois être difficile de prouver le droit, donc en protégeant l’apparence, on protège le véritable titulaire du droit

– On protège les tiers : les tiers vont accomplir des actes juridiques en fonction de ce qu’ils voient, de ce qu’ils pensent être la réalité

  • 3. Eléments constitutifs

Il faut la réunion de deux éléments :

Le corpus

C’est l’élément matériel de la possession, c’est le pouvoir matériel du possesseur sur la chose. Est-ce que l’accomplissement d’acte juridique sur une chose implique la possession ? Controverse en doctrine.

La maîtrise matérielle peut s’exercer corpore alieno, c’est-à-dire par l’intermédiaire d’autrui, d’un autre corpus (ex : je dépose des bijoux dans le coffre de la banque)

L’animus

C’est l’élément intentionnel, il faut la volonté de se comporter comme le titulaire du droit dont les actes posés sont l’apparence.

L’article 2223 du Code civil belge ne fait allusion qu’au droit de propriété mais on peut être possesseur en vertu d’autres droits (cf supra).

Il convient de distinguer l’animus de la bonne foi : je peux très bien avoir la volonté de me comporter comme un propriétaire (animus) alors que je sais que j’ai volé la chose.

C’est l’animus qui permet de distinguer la possession de la détention matérielle. Avec la détention, j’accomplis un certain nombre d’actes de jouissance sur la chose, mais sans avoir la volonté de me comporter comme titulaire du droit (ex : locataire)

L’article 2228 du Code civil belge est critiquable à cause de l’emploi du mot « détention ». Il faut donc entendre détention dans son sens commun, et non dans le sens technique.

L’article 2236 quant à lui énumère une série de personnes considérées comme détenteurs précaires. Certaines de ces personnes ne posent pas de problèmes (ex : locataire), mais d’autres bien, par exemple l’usufruitier. Ce dernier est titulaire d’un droit réel. Or la possession est la situation de fait qui crée l’apparence d’un droit réel. En fait, dans l’article 2236, le législateur vise l’usufruitier dans sa relation avec le nu-propriétaire. Mais l’usufruitier est bien un possesseur dans sa relation avec les autres tiers.

  • 4. Qualités et vices de la possession

Une des prérogatives du possesseur est le fait de pouvoir prescrire (il convient de noter que, dans le Code civil belge la possession est dans le chapitre consacré à la prescription).

Lorsque les quatre qualités suivantes sont réunies, alors la possession est utile. Sinon elle est viciée (ou inutile) et elle ne permet dès lors pas la prescription.

La possession doit être continue

Les actes de maîtrise matérielle doivent être accomplis avec la même régularité que celle du titulaire du droit.

La possession doit être paisible (exempte de violence)

Donc on ne peut être possesseur après l’expulsion violente du précédent possesseur. C’est la mise en possession qui ne peut être violente, peu importe s’il y a violence après.

La possession doit être publique (donc, pas clandestine)

La possession ne doit pas être équivoque

Les actes accomplis ne doivent pas être susceptibles de deux explications (ex : copropriété (voir syllabus page 62), ou lorsque des actes de maîtrise sont posés par plusieurs personnes).

Rem : – La possession peut être exercée autrement qu’à titre de propriétaire

– Il ne faut pas confondre ces quatre qualités avec la bonne ou mauvaise foi. Ici, la bonne foi est la croyance chez le possesseur qu’il possède légitimement.

  • 5. Acquisition et perte de la possession

Acquisition

Il faut donc acquérir le corpus et l’animus. On peut acquérir le corpus de deux manières : soit j’appréhende physiquement la chose, soit par le transfert de la possession, par l’ancien possesseur.

On distingue deux conventions de transfert :

– la tradition de brève main : convention qui transforme un détenteur précaire en possesseur (ex : le locataire qui achète la maison qu’il loue)

– le constitut possessoire : convention qui transforme un possesseur en détenteur précaire (ex : une personne vend sa maison mais en devient locataire)

Perte de la possession

Il faut qu’il y ait la perte du corpus (perte de la chose, vol, disparition…) et/ou de l’animus (constitut possessoire…)

  • 6. Preuve de la possession

La matière est régie par les articles 2230 et 2231 du Code civil belge : ce sont deux présomptions établies par le législateur.

Article 2230 : Lorsqu’on exerce un droit réel et lorsqu’on donne l’apparence d’exercice de ce droit réel, on est présumé être titulaire de ce droit (ce n’est pas forcément le droit de propriété, mais aussi tous les autres droits réels). Donc, le possesseur d’un droit réel est présumé en être le titulaire.

Article 2231 du Code civil belge : Lorsqu’il est établi que l’on possède pour autrui, on continue à être présumé posséder pour autrui, à moins que l’on ne renverse cette présomption. Donc, le détenteur précaire doit démontrer qu’il y a eu inversion de titre, que de détenteur il est devenu possesseur. La cause de cette inversion peut venir soit d’un tiers, soit d’une situation de contradiction permanente.

  • 7. Effets de la possession

La possession est un état de fait mais avec une particularité : elle est protégée par le législateur.

On distingue 3 types d’effets à la possession :

L’effet probatoire

Toute possession fait présumer dans le chef du possesseur la titularité du droit dont la possession est l’apparence.

Cet effet s’attache même aux possessions vicieuses et de mauvaise foi.

Protection possessoire

Cette protection entraîne deux actions judiciaires (voir infra, section 2)

Effet acquisitif

La possession permet d’acquérir le droit. Cet effet ne s’applique pas à toutes les possessions (voir infra).

Section 2. Protection possessoire en droit belge

L’un des effets de la possession est de protéger le possesseur. Le législateur établit deux actions possessoires : la complainte et la réintégrande.

Ces deux actions sont prévues aux articles 1370 et 1371 du Code judiciaire.

La complainte

Action en justice possessoire par laquelle le possesseur va défendre sa possession contre toutes les atteintes.

Le trouble doit être actuel : il faut une manifestation d’une contestation contraire à la possession. La manifestation peut être de fait (ex : mon voisin construit en surplombant mon terrain, le voisin déplace une borne séparative de deux terrains) ou de droit (ex : un tiers se dit possesseur mais donne congé à mon locataire).

La réintégrande

Le possesseur se défend en justice mais l’acte de perturbation constitue une voie de fait, avec ou sans violence.

Conditions

Il existe quatre conditions pour l’exercice d’une action possessoire.

Complainte

Réintégrande

Article 1370, al.1, 1° du Code civil belge : Les actions possessoires n’existent qu’en matière immobilière, et ce droit immobilier doit être susceptible de prescription

Oui

Oui

1370, al.1, 4° du Code civil belge: l’action possessoire doit être intentée moins d’un an après le trouble

Oui

Oui

1370, al.1, 2° du Code civil belge: l’action possessoire requiert que l’on ait possédé au moins un an avant le trouble

Oui

Non (1370, al.2)

1370, al.1, 3° du Code civil belge : la possession doit être exempte de vice, elle doit être utile à prescrire

Oui

Non (1370, al.2)

Si le possesseur n’obtient pas gain de cause (donc, que le défendeur est déclaré véritable possesseur), il ne lui restera que l’action pétitoire (action en revendication).