La possession en droit belge

La possession en Belgique 

L’article 2228 du Code civil belge, qui définissait traditionnellement la possession comme la « jouissance d’une chose ou d’un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-même, ou par un autre qui la tient ou qui l’exerce en notre nom », a été remplacé par les dispositions du Livre 3 du Code civil, entré en vigueur le 1er septembre 2021. Cette réforme vise à moderniser et à clarifier le droit des biens, en restructurant et simplifiant les définitions et les effets de la possession dans le contexte des droits réels. La possession est un état de pur fait. Selon l’arrêt de la Cour de cassation du 14 octobre 1926, la possession est « la manifestation extérieure de la prétention à un droit ». 

Désormais, le Livre 3 ne se limite pas à la simple définition de la possession, mais introduit une approche élargie pour inclure des concepts relatifs à l’acquisition, à l’exercice et à la perte des droits réels. L’accent est également mis sur le caractère public, paisible, et continu de la possession comme conditions pour que la possession puisse mener à la prescription acquisitive. Par ailleurs, la réforme consolide plusieurs concepts de jurisprudence et de doctrine, offrant ainsi une base légale plus complète et moderne pour les droits de propriété, les servitudes, et les autres droits réels, y compris les relations de voisinage et les copropriétés​  eJustice  UVCW

Ce nouveau cadre législatif supprime la référence ancienne de l’article 2228 et regroupe toutes les dispositions relatives aux droits réels dans des articles qui vont de 3.1 à 3.100 dans le Livre 3. Il convient donc de se référer directement à ce Livre pour comprendre les nouvelles définitions et applications légales de la possession et des autres droits réels en Belgique

 

Section 1. Définition, fondements et éléments constitutifs de la possession en droit belge 

 

1. Définition de la possession

  • La possession se définit comme un état de fait où une personne effectue un certain nombre d’actes sur un bien, qui semblent exprimer l’exercice d’un droit réel sur ce bien.
  • Tous les droits réels ne sont pas possessoires. Par exemple, les hypothèques et certaines servitudes n’impliquent pas de possession.
  • En général, la possession correspond à l’exercice d’un droit réel apparent, mais elle peut parfois diverger de la situation juridique réelle. La possession est protégée, car elle génère une présomption de titularité, ce qui justifie une protection légale.

2. Fondements de la protection de la possession

La protection de la possession repose sur deux principaux fondements :

  • Protection du titulaire potentiel : En protégeant la possession, on protège souvent l’individu légitime titulaire du droit réel, surtout lorsque prouver le droit réel s’avère difficile.
  • Stabilité pour les tiers : Les tiers agissent en fonction des apparences visibles de possession, car elles représentent la réalité perçue. Cela leur permet de fonder leurs actes juridiques sur une base tangible et de bonne foi, renforçant ainsi la sécurité des transactions.

 

3. Éléments constitutifs de la possession

La possession repose sur deux éléments clés :

  • Corpus (élément matériel) :

    • C’est le pouvoir physique ou la maîtrise concrète qu’a une personne sur un bien. En pratique, le corpus peut être direct ou exercé via un tiers (corpus alieno), par exemple, lorsqu’un individu dépose des objets de valeur dans un coffre de banque.
    • La question de savoir si certains actes juridiques peuvent seuls constituer le corpus est controversée, notamment au sein de la doctrine.
  • Animus (élément intentionnel) :

    • Cet élément reflète l’intention de se comporter comme titulaire du droit réel. Il distingue la possession de la simple détention, où l’on use d’un bien sans prétendre un droit réel sur celui-ci (exemple : un locataire).
    • Contrairement à la bonne foi, qui implique une croyance dans la légitimité de la possession, l’animus peut être présent même si le possesseur sait que le bien ne lui appartient pas légalement.

 

4. Qualités et vices de la possession

Pour qu’elle soit utile à la prescription acquisitive, la possession doit remplir certaines conditions :

  • Continuité : Elle doit être exercée de manière régulière, à l’instar d’un propriétaire légitime.
  • Paisibilité : La possession ne doit pas résulter d’une acquisition par violence. Ainsi, l’obtention de la possession ne doit pas être violente, même si des actes violents surviennent ultérieurement.
  • Publicité : Elle doit être publique et non dissimulée, assurant une visibilité suffisante pour permettre une reconnaissance par les tiers.
  • Univocité : La possession ne doit pas être équivoque ; elle doit être clairement attribuable, sans ambiguïté (exemple : possession conjointe en copropriété).

Remarques :

  • La possession peut être exercée sans viser la propriété, comme dans le cas de l’usufruit.
  • Ces quatre qualités sont distinctes de la bonne foi ; la croyance du possesseur dans la légitimité de sa possession ne modifie pas les critères d’une possession utile.

 

5. Acquisition et perte de la possession

Acquisition de la Possession

Pour acquérir la possession, il est nécessaire de disposer de deux éléments :

  • Le corpus, soit la maîtrise matérielle du bien, que l’on peut acquérir en appréhendant directement le bien ou via un transfert de possession.
  • L’animus, soit l’intention de posséder, qui distingue la possession de la simple détention.

Les deux méthodes principales de transfert de possession sont :

  • La tradition de brève main : Ce type de convention transforme un détenteur précaire (comme un locataire) en possesseur, par exemple lorsqu’un locataire acquiert la propriété du bien loué.
  • Le constitut possessoire : Cette convention inversement transforme un possesseur en détenteur, comme lorsqu’un propriétaire vend son bien mais continue de l’occuper en tant que locataire.

Perte de la Possession

La possession peut être perdue soit par perte de corpus (par exemple, lorsque le bien est volé ou abandonné), soit par perte d’animus (comme dans le cas du constitut possessoire).

6. Preuve de la Possession

Le Livre 3 du Code civil belge reprend et modernise les dispositions relatives à la preuve de la possession, notamment les anciens articles 2230 et 2231 :

  • Article 2230 posait la présomption que le possesseur d’un droit réel est présumé titulaire de ce droit, à moins que la preuve du contraire ne soit apportée. Cette présomption concerne les droits de propriété, d’usufruit, et autres droits réels.
  • Article 2231 précisait que lorsqu’une personne possède pour le compte d’autrui, elle continue d’être présumée posséder pour autrui tant que la preuve d’une inversion de titre n’est pas apportée.

 

7. Effets de la Possession

La possession produit trois effets distincts :

  1. Effet probatoire : Elle présume la titularité du droit apparent pour le possesseur. Cet effet s’applique même si la possession est de mauvaise foi, renforçant ainsi la sécurité des transactions et la stabilité juridique.

  2. Protection possessoire : L’action en réintégrande, désormais principalement utilisée en cas de voie de fait grave, permet de protéger le possesseur contre des actes d’intrusion violents ou de dépossession. Le référé, en revanche, est souvent préféré pour les cas de perturbations mineures, afin d’obtenir des décisions rapides.

  3. Effet acquisitif : La possession permet d’acquérir un droit réel par prescription acquisitive, selon des conditions plus claires et harmonisées par la réforme. Pour la prescription de droit de propriété, la réforme a également réduit le délai de 30 à 10 ans en cas de bonne foi, tout en maintenant 30 ans pour la mauvaise foi.

Section 2. Protection possessoire en droit belge 

Le législateur belge a défini des actions pour protéger la possession d’un bien immobilier, principalement via la réintégrande. Traditionnellement, les actions possessoire comprenaient également la complainte, mais celle-ci a été supprimée dans un souci de simplification et d’efficacité procédurale.

La complainte, autrefois utilisée pour contester des troubles mineurs à la possession, a été supprimée dans la réforme récente du droit des biens en Belgique. Désormais, seule la réintégrande subsiste, s’appliquant aux cas graves de voie de fait ou de violence. Ce changement vise à clarifier le rôle de la réintégrande en tant que protection de la possession contre des actes de dépossession violents ou intrusifs, tandis que les troubles mineurs et les litiges de possession sont traités en référé pour plus d’efficacité.

La réintégrande

Aujourd’hui, la réintégrande est l’unique action possessoire en cas de voie de fait ou de violence ayant causé une atteinte directe à la possession. Cette action permet au possesseur d’obtenir une décision de justice pour se voir rétablir dans sa possession en cas de dépôt violent ou de trouble majeur. Contrairement aux exigences antérieures pour d’autres actions possessoires, il n’est pas nécessaire d’avoir possédé le bien pendant une année complète avant l’atteinte pour engager une réintégrande.

Conditions d’exercice de la réintégrande

Pour qu’une réintégrande soit recevable, les conditions suivantes doivent être remplies :

  • Bien immobilier uniquement : L’action s’applique exclusivement aux biens immobiliers, qui doivent être susceptibles de prescription acquisitive.
  • Acte de violence ou de voie de fait : Le trouble doit être causé par un acte de force ou une appropriation illicite (comme une expulsion forcée ou une appropriation illégitime).
  • Délai d’un an : L’action doit être intentée dans l’année suivant l’acte de dépossession ou le trouble.
  • Possession paisible et publique : La possession doit être libre de vices, soit paisible, publique, continue, et non équivoque.

Conséquences des réformes récentes

Depuis les réformes du droit des biens, l’ancienne complainte n’est plus accessible, et les litiges de possession, notamment ceux impliquant des troubles mineurs, sont généralement traités en référé. Cette approche facilite une intervention rapide en permettant au juge des référés de statuer temporairement sur des litiges urgents de possession sans examiner le fond du droit de propriété. De plus, les actions possessoires ne peuvent être cumulées avec les actions pétitoires. En d’autres termes, celui qui souhaite protéger sa possession ne peut en même temps revendiquer un droit de propriété définitif dans la même procédure, et inversement.

En Cas d’Échec de l’Action Possessoire

Si le demandeur n’obtient pas gain de cause dans l’action possessoire, il peut se tourner vers l’action pétitoire pour faire valoir un droit de propriété sur le bien concerné. Toutefois, la pétition reste distincte et ne peut être menée qu’après avoir échoué au possessoire.

Ainsi, avec la suppression de la complainte et la focalisation sur la réintégrande pour les troubles graves, le cadre juridique belge offre aujourd’hui un dispositif plus clair pour protéger efficacement les possesseurs de biens immobiliers, tout en évitant des procédures complexes et redondantes.

Les conditions de l’action possessoire :

En droit belge, les actions possessoires sont des actions judiciaires qui visent à protéger la possession d’un bien, indépendamment de la question de la propriété. Elles sont principalement prévues pour défendre une personne qui se trouve en possession d’un bien contre les perturbations ou les menaces de perturbations de cette possession. Voici les conditions pour intenter une action possessoire :

1. La possession

  • Le demandeur doit être en possession du bien ou du droit en question. La possession implique la maîtrise de fait sur le bien, avec l’intention de se comporter comme un propriétaire ou un titulaire du droit.
  • La possession doit être continue, paisible, publique et non équivoque.
  • La possession doit avoir été exercée pendant un an au moins pour certaines actions, notamment l’action en réintégration, mais ce délai n’est pas requis pour l’action en complainte.

2. Une atteinte à la possession

  • Il doit y avoir eu trouble (menace ou obstacle dans l’exercice de la possession) ou dépouillement (expulsion de la possession) causé par un tiers.
  • Le trouble peut être matériel (actes concrets sur le bien, tels que des dégradations ou des actes perturbant l’usage) ou juridique (actes qui remettent en question les droits du possesseur, comme des allégations infondées de droits de propriété).
  • L’atteinte doit être récente, c’est-à-dire que l’action doit être intentée dans un délai d’un an suivant le trouble ou le dépouillement.

3. Absence de titre ou de cause légitime de la part du perturbateur

  • Le trouble ou le dépouillement doit être effectué sans droit légitime. Si la personne perturbant la possession a un titre légitime, alors l’action possessoire ne peut pas être engagée.

4. Types d’actions possessoires

  • Action en complainte : pour faire cesser un trouble dans la possession.
  • Action en réintégration : pour rétablir le possesseur dans la possession d’un bien dont il a été dépouillé.
  • Action en dénonciation de nouvel œuvre : pour prévenir des travaux ou constructions qui pourraient affecter la possession du bien.

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