La possession des biens : définition et effets juridiques

La possession en droit des biens

Un parallèle est souvent fait entre la place qu’occupe la possession en droit des biens et la place qu’occupe la possession d’état en droit de la filiation.

Le droit en effet doit parfois s’incliner devant le fait. Le fait occupe une place importante dans le droit des biens en dépit du très peu de place qu’accorde le du Code Civil à la possession : articles 2255 à 2279 du Code Civil.

Section 1 : Qu’est ce que la possession

Définition de la possession selon le « lexique des termes juridiques » de Dalloz : La possession est la maitrise de fait exercée sur une chose corporelle et correspondant, dans l’intention du possesseur, à l’exercice d’un droit réel. S’oppose à la détention, laquelle implique la reconnaissance du droit d’autrui, bien qu’elle soit identique à la possession dans sa manifestation extérieure.

Il convient de distinguer la possession et la propriété.

L’idée générale est que la propriété étant le droit, la possession est le fait. Selon, Carbonnier « la possession de ce point de vue est l’ombre du droit ».

La possession se définit comme la maîtrise de fait comme un pouvoir physique exercer sur une chose. Ce pouvoir coïncide ou non avec le pouvoir de droit qu’est la propriété.

Autrement dit la possession c’est le fait de se comporter comme si on était titulaire du droit correspondant, car le plus souvent c’est un droit de propriété mais pas toujours. L’usufruit et la servitude sont des droits réels (ils peuvent s’acquérir par le jeu de la possession).

Très souvent la possession tout en étant parfaitement distincte de la propriété, la possession est réunie avec la propriété. La grande majorité des propriétaires sont possesseurs de la chose sur lequel s’exerce leur droit de propriété. Ainsi ils joignent le fait et le droit lorsqu’ils exercent leur droit, soit par eux-mêmes, soit par autrui.

Il existe des cas où la possession est pratiquement séparée de la propriété.

Exemple :

Un voleur conserve un objet volé chez lui, il en est le possesseur (pas de bonne foi)

Mais le propriétaire et de l’autre coté la personne qui a été volée demeure propriétaire mais dépossédé.

Un agriculteur qui en labourant son propre champ empiète sur le champ du voisin, il est possesseur de la bande de terrain mais il en est pas le propriétaire tant que l’usucapion n’a pas joué. Mais l’autre propriétaire voisin est toujours propriétaire de la bande mais plus la possession.

Un acheteur d’immeuble acquière « a non domino » (achat à non propriétaire), cet acheteur ne peut pas en acquérir la propriété car l’auteur n’avait pas le droit de propriété. En revanche il va en acquérir la possession en entrant dans les lieux de facto, le propriétaire conservera son droit de propriété quoi que dépouillé de la possession.

Des raisons d’attacher des effets à la situation de fait n’en existe pas moins dans les 2 hypothèses :

Si le possesseur est bien le titulaire du droit de propriété :

o La possession est importante car le titulaire du droit de propriété va prendre la position du défendeur au procès (action en revendication). En deuxième lieu il est dispensé de la charge de la preuve en tant que possesseur et parce qu’il est possesseur il va bénéficier des actions possessoires.

o De surcroît à défaut de preuve parfaite de la propriété la possession permet à terme au propriétaire de consolider définitivement son droit de propriété dans l’hypothèse ou le possesseur est bien titulaire du droit.

Si le possesseur n’est pas titulaire du droit de propriété :

o Il existe des raisons de lui accorder une protection importante, notamment s’il est possesseur de bonne foi.

o Car le propriétaire ne peut se faire justice à lui même et la protection de la possession constitue un facteur de paix sociale, un facteur du respect d’ordre public.

o Les tiers y ont intérêt à cette action possessoire car ils ont traités avec le possesseur dans la croyance du droit de propriété.

o Le possesseur aura été souvent économiquement utile car il aura entretenue et exploitée longtemps la chose, on aura un propriétaire qui aura été bien souvent négligeant ou absent. Il est normal que ce possesseur utile soit regardé, après un certain temps (10 ans quand de bonne foi), comme le propriétaire, et ce par le jeu de la prescription acquisitive (usucapion).

Section 2 : Effets de la possession

  • &1 : Les effets probatoires (Qui s’attache à la possession)

Toute possession fait présumer jusqu’à preuve du contraire du droit de propriété dont cette possession est l’apparence. Ce qui entraîne plusieurs corollaires :

Le possesseur va assumer la position de défendeur dans le procès relatif à la propriété de la chose c’est à dire l’instance en revendication ou en restitution, c’est à celui qui n’a pas la possession de la chose de prendre l’initiative d’un procès.

Dans le procès, la charge de la preuve pèse sur celui qui n’est pas en possession (sur le demandeur).

Si la preuve n’est pas rapportée, le bien dans le doute sera conservé par le possesseur.

Ces avantages profitent avant tout au véritable propriétaire car le propriétaire est souvent possesseur, il sera dispensé de la preuve de son droit dés lors qu’il est possesseur de la chose.

Par ailleurs, ces avantages expliquent que le débat pétitoire (Relatif à la propriété) est souvent précédé, en matière immobilière, par un débat possessoire qui déterminera laquelle, des deux parties, devra occuper la place passive de défendeur.

Cette présomption n’est pas inscrite dans la loi, elle résulte de la nature des choses car celui qui est en possession n’a rien à demander, il suffit qu’il reste sur la défensive.

Il n’y a pas à distinguer si c’est une possession de bonne ou mauvaise foi, et il n’est pas même nécessaire que la possession est exempte de vice ou non et le demandeur devra, en sa qualité, rapporter la preuve des vices.

  • &2) Les effets créateurs de la possession

A)L’acquisition de la propriété

C’est le principal effet créateur de la possession, le plus important, c’est de permettre au possesseur d’acquérir le droit réel qu’il exerce. Le possesseur n’ayant jamais traité avec le propriétaire et ne bénéficiant d’aucun transfert de propriété, peut devenir directement par l’effet de la loi propriétaire de la chose. C’est un mode d’acquisition de la propriété mais différent selon la matière mobilière ou immobilière. C’est le premier effet créateur de la possession car acquisition directe par l’effet de la loi.

B)L’acquisition des fruits par le possesseur de bonne foi

La situation visée est la suivante, le possesseur n’est pas propriétaire, il devra à un moment ou à un autre, si l’usucapion n’a pas joué, restituer la chose car le véritable propriétaire aura réalisé avec succès l’action en revendication en restitution ou parce qu’il n’est pas véritablement le propriétaire d’un titre qui est résolu ou annulé.

Logiquement, si le possesseur doit restituer la chose car il n’est pas propriétaire mais également restituer les fruits produits par la chose. En effet, parce que les fruits appartiennent au propriétaire et que le possesseur n’est pas le propriétaire. L’art 549 du Code Civil dispose que le possesseur de bonne foi n’a pas à restituer car il est acquis par perception sans qu’il eu à distinguer s’il s’agissait de fruits civils ou naturels.

La bonne foi doit être appréciée de manière séparer pour chaque époque de la perception (article 550 du code civil).

Les fruits ont vocation naturellement à être consommés par le propriétaire et obligé le possesseur, qui se croyait propriétaire, à restituer la chose l’exposerait à une dette considérable, ceux alors que le propriétaire absent ou négligeant n’a subi aucun préjudice.

Même de bonne foi le possesseur doit restituer les fruits qui ont été récupérés postérieurement à l’assignation introductive de l’instance.

Le possesseur de mauvaise foi doit restituer avec l’immeuble tous les fruits qu’il a perçus.

Le possesseur de bonne ou mauvaise foi ne peut jamais conserver les produits éventuellement prélevés sur la chose.

  • &3 : Les bénéfices des actions possessoires

Les corollaires de la présomption de propriété :

Une protection est donnée à la possession. La protection possessoire est donnée à la protection pour elle-même. Articles 2282 et suivant (Ancien) et 2278 et 2279 (Nouveau) du Code Civil. Il s’agit de protéger la possession contre les troubles que pourraient lui causer les tiers, troubles qui peuvent aller jusqu’à l’éviction. Protection que causeraient les tiers sans avoir à prouver un quelconque droit.

La protection s’avère utile pour le propriétaire parce que le véritable propriétaire peut agir au pétitoire c’est agir sur le terrain de la propriété comme pour l’action en revendication mais s’il a la possession il sera plus opportun d’assurer une caution possessoire.

Le possesseur bénéficie de cette protection par le biais de 3 actions en justice qu’il pourra exercer.

A) Les actions

Ces actions n’existent qu’en matière immobilière.

Art 2282 et 2283 (Ancien) et 2278 et 2279 (Nouveau) du Code Civil, issus de la loi du 9 juillet 1975. Article 1264 à 1267 du Code de Procédure Civile.

Le du Code Civil parle dans l’art 2283 (Ancien) ou 2279 (Nouveau) au pluriel d’actions possessoires mais il ne les nomme pas, elles relèvent du droit judiciaire, et touchent au droit civil quant à leur condition d’ouverture ainsi par ailleurs qu’au travers des principes généraux qui gouvernent la procédure.

1) La complainte

Action possessoire générale en ce sens qu’elle est ouverte dans tous les cas de trouble actuelle apporté à la possession. Trouble actuel c’est-à-dire déjà subit par le possesseur.

Un trouble de fait : mensonge, agression matérielle contre la possession (ex : destruction du bien, empiétement, intrusion).

Un trouble de droit, sera le cas avec tout acte extrajudiciaire contredisant la possession. Ex : sommation faite à un locataire de ne plus payer les loyers au possesseur, une rétention à un droit de passage sur un fond, une sommation de déguerpir.

La possession est ici affectée. L’objectif de la complainte est de faire cesser le trouble.

Observations :

A défaut d’un fait volontaire ou d’une volonté de contredire la possession le litige relève du droit commun de la responsabilité.

Vrai pour les trois actions :

o Peu importe que le trouble possessoire cause ou non un préjudice pour le possesseur c’est la contradiction au trouble du possesseur que vienne protéger ces actions.

o Pour cette réparation on se réfère au droit commun article 1382 et suivant du code civil.

2) La dénonciation de nouvelle œuvre (Ouvrage)

Elle est ouverte pour empêcher un trouble qui n’est qu’éventuel, que lui laisse craindre des travaux par exemple entreprit sur le fond voisin ou des fouilles du fond voisin.

La possession est ici menacée, caractère préventif de la dénonciation de nouvelle œuvre, article 2282 (Ancien) ; 2278 (Nouveau) du Code Civil.

3) La réintégrande (« Action en réintégration »)

Article 1264 du Code de Procédure Civile

La réintégrande sanctionne une dépossession, une spoliation qui a été commise sinon par la violence tout au moins par une voix de fait. Exemple de la destruction d’une clôture, empiétement.

Il s’agit d’une atteinte grave portée à la possession par un individu mais également atteinte grave à la paix publique. Cette gravité justifie une large ouverture de l’action, la condition de la possession annale (D’un an, article 1264 du code civil.).

Objectif : il s’agit de contraindre le voisin de se retirer.

B)Les conditions d’exercice de l’action

1) Les bénéficiaires des actions

Le possesseur

En premier lieu, les possesseurs à condition que la possession présente les qualités requises pour être utile.

Le possesseur doit justifier pour la complainte et dénonciation de nouvelle œuvre, une possession paisible, et, il faut qu’elle ait duré au moins un an.

S’agissant de la réintégrande il faut une possession paisible sans condition de durée. Même un possesseur même de mauvaise foi peut exercer une action possessoire. Elle protège la possession pour elle-même.

Les détenteurs précaires

Le détenteur précaire prétendrait agir contre la personne même de laquelle il tient ses droits

Contre la personne pour le compte de laquelle il détient l’immeuble (locataire contre propriétaire), l’action est refusée dans ce cas —> Civ 18 janvier 1949.

Loi du 9 juillet 1975 et aujourd’hui article 2282 al 2 (Ancien) ; 2278 (Nouveau) du code civil. L’explication du refus de cette action est que le détenteur précaire n’a pas besoin de cette protection car bénéficie déjà de la protection de son propre contrat, il n’aura qu’à demander l’exécution.

Le détenteur précaire agit contre un tiers

Le détenteur qui est troublé dans sa jouissance par un tiers peut d’abord dénoncer un trouble du cocontractant (les locataires dénoncent le trouble à son bailleur, article 1726 du code civil) Il a toujours la possibilité d’exercer directement contre le tiers, les actions possessoires sont possibles.

2) La procédure

Elles sont communes aux trois actions. La procédure doit être simple et rapide.

  • a) Le délai

Les actions doivent être introduites dans l’année du trouble (article 1264 du Code Civil.)

  • b) Non cumul du possessoire et pétitoire

Les actions possessoires sont indépendantes du fond de droit, le législateur l’a exprimé dans l’article 2282 (Ancien) 2278(Nouveau) du code civil.

Il est précisé que « la possession est protégée sans avoir égard au fond du droit ».

Dans l’article 1265 du Code de Procédure Civil dispose que « la protection possessoire et le fond du droit [pétitoire] ne sont jamais cumulés », et ajoute que « les mesures d’instruction ne peuvent porter sur le fond du droit ».

Ce principe s’adresse aux parties :

Le possesseur qui est troublé ou évincé dans sa possession et exerce une action ne peut pas se voir opposer par l’auteur du trouble, un droit de propriété ou d’ailleurs ni un quelconque autre droit. —> Civ 3ème, 4 janvier 1990, 18 mai 1994.

Celui qui agit au pétitoire n’est plus recevable à agir au possessoire (article 1266 du Code Civil), sauf trouble nouveau, c’est à dire qu’il serait survenu depuis l’introduction de l’instance. Car en agissant d’ambler au pétitoire le demandeur aura reconnu la possession de son adversaire et ne pourra plus revenir sur cette reconnaissance.

Le défendeur au pétitoire peut agir au possessoire car avant que la question de propriété soit régler il peut avoir intérêts à faire cesser les troubles qui atteignent sa possession. L’action en revendication qui peut être exercé contre lui constitue un trouble de sa possession.

Le principe s’adresse au juge :

Le juge n’a pas à examiner le fond du droit article (2282 ancien) 2278 du Code Civil. Le juge ne pourrait pas maintenir une partie dans la possession quel à de la chose au motif qu’elle justifie de son droit de propriété sur la chose. Le juge ne peut d’avantage refuser de maintenir une partie dans la possession sur ce motif qu’elle ne justifie pas de droit de propriété. Il n’a pas à examiner le fond du droit mais peut prendre en compte les titres invoqués mais seulement comme élément de fait à l’effet de « vérifier si les conditions de la protection possessoire sont réunies ». (Article 1265 al 2 du Code de Procédure Civile)

  • c) Le jugement

Le juge ne peut se prononcer sur le fond du droit. Le jugement reconnaîtra la possession qui est contestée et ce même si, dés l’instant que les conditions requises pour la possession sont réunies même s’il est convaincu que le possesseur n’est pas titulaire du droit correspondant.

Il ordonnera les mesures nécessaires pour qu’elle soit respecté si besoin est sous astreinte. Par ex : il fera remettre en possession celui qui a été déposséder ou fera démolir les travaux susceptibles de troubler la possession du demandeur, peut condamner l’auteur du trouble à des dommages et intérêts.

La décision rendu au possessoire ne peut avoir autorité de la chose jugée au pétitoire. Par conséquent il peut arriver qu’un possesseur maintenu au terme de la décision rendue dans sa possession, soit jugé être un usurpateur dans le cadre d’une action pétitoire.

  • d) La compétence

Le TI a une compétence exclusive pour connaître des actions possessoires.

Le TGI avait et a toujours une compétence exclusive des actions pétitoires, loi du 26 janvier 2005 a donné compétence au Tribunal de Grande Instance pour connaître des unes et des autres.