La préparation du projet de loi de finances

LA PROCÉDURE D’ÉLABORATION DES LOIS DE FINANCES : la préparation du projet de loi de finances

Préparation, discussion & vote.

Tout part de l’article 39 de la Constitution du 4 oct. 1958 : les projets de loi de finances et les PLFSS sont soumis en premier lieu à l’Assemblée Nationale. Le fait de soumettre en premier lieu à l’Assemblée Nationale ces PLF (projet de loi de finances) suppose 2 choses distinctes :

– L’initiative financière appartient au Gouvernement car ce sont des projets (et non des propositions).

– La procédure de discussion accorde la prééminence à l’Assemblée Nationale. > Le Gouvernement prépare le projet de loi de finances (PLF), puis le Parlement est saisi dans un second temps selon une procédure particulière.

Le projet de loi de finances S’il appartient à la responsabilité du Gouvernement de le préparer, cela n’est pas fait rapidement en quelques heures en Conseil des Ministres. La préparation du PLF (projet de loi de finances) représente 1 an de travail. Discuter le PLF 2007 en septembre 2006, les Administrations ont commencé à travailler à la préparation de ce PLF en septembre 2005. Pendant de nombreuses années, le projet de budget a été préparé par un petit bureau de la Direction Générale de la Comptabilité Publique, ce qui explique bien cette approche purement comptable du document. C’était préparé par des comptables, comme un compte prévisionnel, et cela prenait du temps. En nov. 1919, le bureau du Budget devient la Direction du Budget, qui est toujours en charge de la préparation et du suivi de l’exécution du budget. Tout cela sera officialisé par l’ordonnance de 59 et la loi organique de 2001 qui dispose à son art. 38 que « sous l’autorité du PM, le Ministre chargé des finances prépare les PLF (projet de loi de finances) qui sont délibérées en Conseil des Ministres. » Au sens large, c’est le ministre des finances qu’incombe cette tâche de préparation des PLF qui délègue la tâche au Ministre délégué au budget . Il dispose de toute une série d’Administrations, dont la Direction du Budget (350 agents dont les 2/3 de catégorie A : 1/3 d’énarques, 1/3 de BAC +5 et 1/3 d’agents administratifs), qui est une Direction d’Etat major, au 7ème étage de Bercy ; et de la Direction Générale de la modernisation de l’Etat, qui s’occupe plutôt du volet performances de la gestion publique. On essaye de distinguer ici si le budget est un acte politique ou un acte administratif. La question est de savoir si le pouvoir politique a encore une prise sur l’organisation des finances de l’Etat. On essaye de distinguer 2 phases, et on se posera la question de savoir si le politique a encore une prise sur le document.

  • A) La préparation du projet de loi de finances au sein des ministères

Ici, on se situe bien organiquement parlant dans une phase administrative, c’est-à-dire que ce sont bien les Administrations qui vont élaborer les éléments qui vont composer le PLF (projet de loi de finances), corollairement à la question que l’on se pose, on se demande si les politiques au sein de l’Administration (les ministres) peuvent intervenir. Cette préparation oppose 2 administrations : – Les administrations dépensières (au sens péjoratif), comme par ex. l’université, l’administration générale des routes – Les administrations financières et plus exactement la Direction du Budget, en tête.

1) La préparation des budgets au coeur des administrations :

L’encadrement politique du travail administratif :

En début d’année se tient un séminaire gouvernemental sur la stratégie d’ensemble des finances publiques. Au sein de ce séminaire, le Gouvernement va définir ce que sont les grandes orientations financières de la préparation du budget de l’année suivante.

Ce séminaire gouvernemental (nouveauté au niveau formel de la nouvelle préparation en mode loi organique prévu par lettre circulaire du Premier Ministre du 21 janvier 2005) d’une journée débouche sur la pratique ancienne des lettres de cadrage. La circulaire du Premier Ministre du 21 janvier 2005 précise les modalités de préparation du PLF. Les lettres de cadrage sont adressées par le Premier Ministre aux ministres et constituent un cadre financier concourant à délimiter les modalités de préparation du budget. On y trouve par ex. des informations relatives à l’augmentation prévue des dépenses de fonctionnement et des dépenses d’investissement. On précisera dans ces lettres de cadrage l’augmentation ou la constance des dépenses de personnel. Il y a la volonté de mainmise du pouvoir politique sur la préparation du budget par les administrations. Cette lettre de cadrage est reçue par le ministre qui va répercuter cette lettre de cadrage à chacun des programmes concernés par sa politique publique.

La préparation des budgets au sein des administrations :

Il s’agit bien pour chaque administration de tenter de définir ses besoins, d’évaluer l’enveloppe qui lui est nécessaire pour mener sa tâche. On retrouve l’idée d’unité opérationnelle. Chaque UO, à partir de septembre, commence à évaluer ce que seront ses besoins au niveau de l’année suivante. Le procédé reste figé, sclérosé ! Chaque UO commence à envisager ce que sont ses besoins. On peut préciser ici qu’il est rare qu’une UO prévoit des baisses de crédit. Chaque UO commence à établir ses besoins, avec son responsable de BOP et va tenter de définir au sein du BOP un budget prévisionnel. On voit bien qu’il y a un moment très important : la rencontre entre la lettre de cadrage et la centralisation des BOP au niveau du programme. Elle se fait progressivement et intègre les lettres de cadrage. À partir de là s’établir un dialogue financier entre les responsables de programme, les responsables de BOP et les responsables d’UO. On assiste ici aux premières décisions, de type politique en ce qu’elle définissent bien l’action publique, mais qui sont prises par les administrations au niveau des BOP et des programmes. Ici, on note que le responsable de programme est généralement un directeur d’administration centrale, donc un agent technique, et qu’évidemment il devra demander au ministre de trancher quand il a des difficultés à faire entrer tous ces BOP dans son programme. Ces choix sont opérés par le responsable du programme, plus généralement par le responsable de programme sous la direction du ministre.

Les « perspectives » du Ministère du Budget En ce qui concerne la préparation de leur budget par les administrations, elle est définie par un cloisonnement vertical, dans le cadre d’une politique publique déterminée. Politique publique Mission Programme Programme BOP BOP BOP BOP BOP BOP Cloisonnement vertical du budget Chacun est conduit à s’intéresser à son travail. Parallèlement, la Direction du Budget a pour travail d’opérer une approche dite horizontale du budget. La Direction du Budget a pour mission de rapprocher les budgets des différentes missions et de faire coïncider la somme des différentes missions avec le cadre macroéconomique défini dans les lettres de cadrage. En préparant verticalement, on perd le lien avec ce qui se passe à côté, et on prend le risque que chaque ministre (en se ménageant des marges de manoeuvre) que chacun grapille de l’argent publique : le déficit public augmente. Or, la lettre de cadrage a non seulement déterminé des enveloppes de dépenses, mais aussi une idée du déficit tolérable. La lettre de cadrage précise que le déficit restera constant. On qualifie ce rôle d’approche horizontale du budget. La Direction du Budget va bien préparer de son côté ce que l’on appelle des perspectives budgétaires (horizontalement) :

– D’un côté, la Direction du Budget entre en contact avec les administrations, pour sonder les besoins des responsables de programme, de BOP…

– De l’autre côté, elle entre en contact avec les experts financiers du Ministère des Finances,

* la Direction de la prévision ayant pour but de déterminer le cadre [macroéconomique] de l’évolution économique (inflation, croissance mondiale, cours du pétrole…),

* puis la Direction Générale des Impôts qui va évaluer le montant des recettes au regard des prévisions économiques.

La Direction du Budget évalue les recettes et les dépenses avec pour objectif de ne pas dépasser le déficit : elle prépare en réalité l’article d’équilibre. Il compose le socle élémentaire du budget de l’Etat.

2) Des conférences budgétaires aux réunions de budgétisation

Les responsables de programme ont préparés leurs budgets prévisionnels de programme, et en face de ces responsables de programme, on trouve la Direction du Budget (qui a préparé un budget prévisionnel de l’Etat) : à partir de là, d’intenses négociations débutent. Elles ont lieu dans un cadre très particulier que l’on appelait les conférences budgétaires (au printemps et à la fin de l’hiver). Elles permettent bien d’organiser formellement des rencontres entre les responsables de programme et les agents de la Direction du Budget qui sont eux-mêmes responsables de ces programmes au sein de la Direction du Budget (ex. le directeur général des routes, et des agents de la Direction Générale du Budget qui suivent ces tâches pour le compte de la Direction du Budget). Au cours de ces conférences budgétaires, chaque responsable de programme va justifier de ses crédits face à une Direction du Budget qui tente de les prendre en défaut pour faire baisser ces crédits, et trouver des marges de manoeuvre financières. Le ministère de la justice verse des aides aux CARPA (mouvements de fonds des avocats), ces subventions étaient telles que ces caisses étaient à la tête d’une grosse trésorerie. Ils ont diminué dans le temps. C’est un travail en conférence budgétaire de faire pour la Direction du Budget prendre conscience au ministère de la justice de ce que leurs besoins ne sont pas forcément mobilisés aux bons endroits. Ces conférences budgétaires ont changé de nom, et on parle maintenant de réunion de budgétisation (circulaire du 21 janvier 2005 a changé ce nom). Ces réunions de budgétisation manifestent le pouvoir de transaction de l’Administration. Dans les années 1960, pour l’Administration, un bon budget est un document préparé, finalisé, à l’issue des conférences budgétaires. Autrement dit, pour les responsables d’administration de l’époque, un bon budget est un budget négocié entre administrateurs. La seule contrainte est macroéconomique : les lettres de cadrage. Autant cette approche du bon budget était viable dans les années 50, 60, 70 dans le cadre des Trente Glorieuses, parce que la croissance était telle qu’il s’agissait de répartir des augmentations de crédits. La contrainte financière n’était pas forte. Il était loisible de répartir cette croissance entre les ministères qui s’en satisfaisaient. À partir des années 1980, la crise économique s’installe, et la contrainte financière sur le budget devient plus forte. Il va donc falloir au mieux stabiliser les budgets, au pire les amputer. C’est ici que le pouvoir administratif trouve ses limites. Autant l’Administration peut se mettre d’accord sur une augmentation, autant il lui est difficile de se mettre d’accord sur des diminutions.

  • B) La finalisation du PLF au niveau du Gouvernement

On comprend ici qu’on en est au stade où les réunions de budgétisation ont donné lieu à la rédaction de documents que l’on appelle des documents de restitution. Ces documents sont remis au Gouvernement qui va devoir trancher. On comprend bien que la décision est typiquement politique : – Elle est politique au sens organique : la décision est prise par un être politique (ministre, et surtout Premier Ministre), – Elle est politique au sens matériel, car il s’agit de décider si oui ou non on mettre en œuvre des politiques publiques (et d’opérer des choix entre les politiques publiques). On se situe dans le cas où les dossiers de restitution n’ont jamais abouti à un accord.

1) Les arbitrages ou réunions de restitution

Les projets de budget sont donc inclus au niveau des programmes sont donc intégrés aux dossiers de restitution. Des sous projets de performance sont adjoints au documents de restitutions. Les responsables de programmes ne cadrent jamais avec le contenu des lettres de cadrage. Les besoins sont supérieurs à la lettre de cadrage, et il faut arbitrer. On en est au stade où le ministre refuse d’arbitrer : il estime que les routes et l’aviation civile expriment des besoins raisonnables et qu’il faut leur donner satisfaction. Face à cette demande de besoin, la Direction du Budget met en avant ce que l’on appelle une menace (c’est-à-dire une menace sur l’article d’équilibre). Il faut augmenter le déficit dans ce cas. L’ensemble des besoins exprimés fait peser un risque sur le déficit. On demande au Premier Ministre d’arbitrer : il devra choisir entre augmenter le déficit, et augmenter les crédits des ministères (ex. choisir entre construire un tribunal et une prison). L’administration a-t-elle une chance d’arriver au terme du conflit. Au début des années 1990, le ministère de l’équipement présente 2 chantiers de travaux souterrains à Paris. D’un côté, la RATP prévoit la création de la ligne dite Meteor (14), et de l’autre côté, la SNCF prévoit l’extension de la ligne E du RER dite Eole. Il faut choisir entre les 2. Le ministre a été incapable de trancher, car il s’agissait de trancher entre 2 établissements publics aussi puissants l’un que l’autre. Le ministre incapable de trancher est remonté à l’arbitrage du Premier Ministre (Rocard). Rocard a tranché, et les 2 chantiers ont été faits. Aller à l’arbitrage n’est pas toujours au détriment des ministères dépensiers. Il y a un problème de terminologie. Jusqu’à maintenant, ces arbitrages étaient appelés arbitrages pour faire référence au fait que les Administrations n’étaient pas d’accords entre elles. En parlant de réunions de restitution, on fait référence à la restitution des crédits.

2) Les lettres de plafond

Au cours de ces réunions de restitution, le Gouvernement va trancher : il arbitre. Les administrations, averties de ces arbitrages, vont intégrer rapidement la décision politique dans leurs enveloppes, leurs projets de budget. Puis, cela est retransmis aux services de Bercy, informant le PM. Au début de l’été, le Premier Ministre fait parvenir à chacun des ministres/chacun des responsables des missions, ce que l’on appelle une lettre plafond. Cette lettre plafond concerne au sens large les orientations de la politique budgétaire. Elle arrête définitivement les grandes masses des différents budgets, en distinguant les autorisations d’engagement et les crédits de payement. Cette distinction autorisations d’engagement/crédits de payement s’effectue au sein de la nomenclature de la loi organique, c’est-à-dire au sein des missions et des programmes. En juin, le budget est réglé au niveau gouvernemental. Mais, là-dessus, il y a toujours un responsable de mission qui n’a pas obtenu satisfaction. En fonction de son influence, il peut essayer un surarbitrage du PR (procédure officieuse). Pratiquement, en août, le PR rappelle aux Français que « la justice est une priorité nationale », ce qui veut dire aux gens de la direction du budget de revoir le budget du ministère de la justice. Tout le monde se défend de ce surbitrage, car le ministre reste dans le cadre de la politique définie par le Gouvernement. Il n’est pas régulier de la part d’un ministre de doubler le Premier Ministre pour se faire accorder des crédits par le PR. Le Premier Ministre explique qu’il n’y en a pas, car il dit qu’il a la main sur la politique de la Nation. Les lettres de fond constituent le cadre politique dans lequel il va falloir faire entrer ou maintenir les bleus, c’est-à-dire le budget de chacun des programmes. Ces lettres sont la décision politique venant encadrer les bleus. À partir de là, les responsables des programmes connaissent les montants qui vont leur être attribués et vont finaliser leur budget, c’est-à-dire qu’ils vont à la marge, finaliser cette ventilation des crédits de leurs programmes en actions. Tout ceci s’opère au sein de réunions de répartition. À l’issue de ces réunions de répartition, on a des bleus budgétaires par programmes, qui sont finalisés. Puisqu’on dispose de l’ensemble des documents budgétaires, on peut saisir l’Assemblée, mais on transmet au CE au préalable pour avis les différentes dispositions allant constituer le Projet de Loi de Finances (PLF). On ne lui transmet pas les bleus, mais les dispositions juridiques (fiscales, relatives au contrôle du budget…).

Le CE a prononcé son avis sur la légalité, puis le Conseil Constitutionnel va étudier la constitutionnalité. Le PLF est prêt mi septembre. Il va être déposé sur le bureau du président de l’Assemblée Nationale.