La prescription acquisitive et la prescription extinctive.

La prescription

Il existe deux types de prescription : la prescription acquisitive et la prescription extinctive.

Prescription acquisitive : art. 2258 C.Civ. : « Un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession ». Autrement dit il s’agit d’un mécanisme qui permet d’acquérir un droit par l’effet du temps, notamment un droit réel.

Prescription extinctive : définie par l’article 2219 C.Civ.: « un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction du titulaire pendant un certain laps de temps ».

Elle repose sur l’écoulement du temps. Mais elle entraine la disparition d’un droit. Le droit de la prescription extinctive a été très peu changé entre 1804 et 2008. On a retouché l’article 1270-1 relatif à la prescription en matière extracontractuelle, accidents de la circulation, en 1995, mais c’était une petite modification.

Mais au début des années 2000, il y a eu des écrits de doctrine et des débats parlementaires qui ont faire valoir que le délai de droit commun en matière de prescription était trop long. Il était de 30 ans (ancien article 2262 C. Civ.). Et il y avait une multiplication des effets spéciaux. Ceci a été profondément contesté par une partie importante de la doctrine et même à l’occasion de rapports parlementaires.

C’est pourquoi le législateur a entrepris une réforme d’ensemble de la prescription, qui est intervenue à la faveur de la loi du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription.

Ce texte de 2008 a effectivement modifié de manière très profonde le droit de la prescription. Il l’a révolutionnée. Notamment, il a réduit considérablement le délai de droit commun (de 30 à 5 ans), a diminué le nombre de délai spéciaux, il a autorisé les aménagements conventionnels de la prescription (les parties peuvent s’entendre pour augmenter ou réduire la prescription dans une certaine limite).

§1. La durée du délai de prescription extinctive

On y trouve le délai de droit commun, et enfin les délais spéciaux.

A) Le délai de droit commun

C’est le délai qui s’applique quand il n’existe aucun délai spécial applicable. Il est fixé à l’article 2224 C.Civ.: « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître l’effet lui permettant de l’exercer ».

L’ancienne prescription connaissait un grand nombre d’exceptions , comme celle commerciale qui était de 10 ans, ou celle pour l’action de responsabilité extracontractuelle.

Aujourd’hui le délai de dt commun est de 5 ans mais il a été également unifié avec le droit commercial, l’art. L110-4 C. Comm. prévoit aujourd’hui également une prescription de 5 ans.

B) Les délais spéciaux

Avant la réforme la démultiplication des délais spéciaux nuisaient à la clarté du délai de prescription.

Aujourd’hui il existe également un certain nombre de délais spéciaux :

Délais de 30 ans

Délai de 20 ans

Délais de 10 ans

Délai de 4 ans

Les actions fondées sur un droit réel autre que le droit de propriété

2226 al 2 : En cas de préjudice causé par des tortures ou des actes de barbarie, ou par des violences ou agression sexuelle commises par un mineur.

Art. 2226 al 1. C. Civ. : l’action en responsabilité née à l’occasion d’un dommage corporel se prescrit par 10 ans.

Loi du 31 déc. 1968 : le délai des dettes de l’Etat et des autres personnes publiques.

Les actions réelles immobilières

En matière de vente aux enchères, L321-17 C.Com. Contre les personnes habilitées à représenter ou assister les parties en justice.

Les actions en nullité absolue du mariage

La réparation de certains dommages liés à l’environnement

§2. Le déroulement du délai de prescription extinctive

Tout d’abord on va voir le point de départ du délai puis le cours de la prescription.

A) Le point de départ du délai de prescription

On l’appelle le « dies a quo ».

C’est le jour où la prescription commence à courir.

Il existe une question cruciale qui est de savoir est-ce que pour faire démarrer la prescription on part du jour où le droit est né ou on part du jour où le titulaire de ce droit était en mesure d’agir. En effet il est possible que le titulaire du droit ne savait pas qu’il en était titulaire. Ex : une action en nullité sur le fondement du dol. Avant 2008, ce jour n’était pas identifié dans les dispositions du code civil. Simplement on estimait généralement que la prescription ne pouvait commencer à courir qu’à compter du jour où le créancier avait pu exercer son droit. Cette règle reposait en fait sur un adage latin : actioni non natae non curit praescriptio. (La prescription ne court pas tant que l’action n’est pas née).

Cependant on constatait un certain flottement en jurisprudence.

Exemple : arrêt de l’assemblée plénière du Ass. Plén. 6 juin 2003, n°01-12453, bull. N°6, solution reprise par Civ. 1Ère 30 mars 2005, n°02-13765. «Le point de départ à l’expiration duquel une action ne peut plus être exercée se situe nécessairement à la date d’exigibilité de l’obligation qui lui a donné naissance ».

Le point du départ du délai c’est la date d’exigibilité de l’obligation. Ce n’est pas le moment où le créancier en a eu connaissance, mais c’est un moment déterminé objectivement.

Puis il y a d’autres décisions, notamment en matière de responsabilité extracontractuelle, ex. Civ. 1Ère 11 mars 2010, n°09-12710. Dans cette affaire la Cour a considéré que la prescription d’une action en responsabilité ne court «qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance ».

Deux points de départs possibles :

la date à laquelle la victime a eu connaissance du dommage, ou celui de l’action qui s’est réalisée.

Or en 2008, le législateur a considérablement amélioré le système. Il a pris sur lui de déterminer le point de départ du délai de droit commun. Il figure à l’art. 2224 qui indique que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Le dies a quo n’est jamais à proprement parlé le jour de l’exigibilité de l’obligation, la conception objective a été écartée. Le point de départ c’est soit le jour où le créancier a connu l’exigibilité de l’obligation ou aurait dû connaître celle-ci.

Du point de vue du créancier, il y a la situation où on peut établir le jour où le créancier a connu l’exigibilité de l’obligation. Ce jour sert de point de départ.

2ème situation : le créancier n’a jamais connu l’exigibilité de l’obligation, donc la prescription n’a jamais commencé à courir. C’est pourquoi le Code civil ajoute l’hypothèse où il aurait dû connaître les faits. L’ignorance par le créancier lui est imputable.

Trois arrêts de la chambre commerciale de la Cour de cassation avaient déjà mis en œuvre ce principe alors que la loi n’était pas encore applicable → Cass. 10 juin 2008

Il s’agissait d’une action en nullité de la clause d’intérêt conventionnel inséré dans un contrat de prêt. C’est encadré par le principe du taux effectif global (TEG), lorsqu’une clause ne respecte pas le TEG, il est possible de demander la nullité de cette clause, ce qu’avait fait l’emprunteur.

S’était alors posé la question de la prescription de cette action.

«La prescription de l’action en nullité, de la stipulation de l’intérêt conventionnel engagé par un emprunteur qui a obtenu un concours financier pour les besoins de son activité professionnelle, court à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le taux effectif global ».

Le point de départ de la prescription est la date de la convention et dans les autres cas, la réception de chacun des écrits indiquant ou devant indiquer le TEG appliqué ».

Il aurait dû prendre conscience le taux effectif global le jour où il a été mis en présence du TEG appliqué dans son contrat de prêt.

Com. 16 mars 2010 n°09-11.236. La Cour de cassation considère que c’est au jour où l’emprunteur (professionnel) a été mis en présence du TEG qu’il aurait dû s’enquérir de la validité du TEG. Mais peut être que si ça avait été un emprunteur non professionnel la Cour de cassation eut accepté de repousser la date du point de départ.

B) Le cours de la prescription

Ce délai peut être suspendu (1), il peut être interrompu (2), et enfin il existe un délai butoir (3).

1) La suspension du délai de prescription

Le principe existait avant 2008, mais le Code civil ne définissait pas ce qu’était une suspension de prescription. Mais la loi de 2008 insère la fameuse définition de la suspension. → art. 2230 C. Civ.: «La suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru ».

→ Ces causes de suspension sont visées à l’art. 2233: en présence d’une créance conditionnelle, d’une créance à terme, ou d’une action en garantie.

La créance conditionnelle : la prescription est suspendue tant que la condition n’est pas survenue, ou pour la créance à terme, tant que le terme n’est pas survenu.

L’action en garantie: la prescription est suspendue tant que l’éviction n’a pas eu lieu. Cela signifie que la prescription de l’action en garantie ne commence pas à courir tant que l’évènement n’est pas survenu.

Ces trois éléments interviennent au début de la prescription, on peut donc considérer qu’ils reportent le dies a quo plutôt que de considérer qu’ils suspendent la prescription.

→ Impossibilité d’agir (art. 2234 C.Civ.) «La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention, ou de la force majeure».

Adage : « La prescription ne court pas contre celui qui a été empêché d’agir ».

→ L’incapacité (art. 2235 C.Civ.): «La prescription ne court pas ou est suspendue contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle ».

2) L’interruption de la prescription

Le code civil connaissait le principe d’interruption de la prescription, pour autant, il n’en avait pas prévu de définition. Lors de la réforme de 2008, on a inséré une telle définition.

L’art. 2231 du Code civil prévoit que «L’interruption efface le délai de prescription acquis, elle fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien».

Avant 2008, il y avait une règle d’intervention de la prescription. LA réforme a considérablement simplifié le droit des prescriptions.

Il y a trois causes d’interruption par le Code civil

La reconnaissance du débiteur (art. 2240), le débiteur reconnaît sa dette.

La demande en justice (art. 2241 al1)

L’acte d’exécution forcée

3) Le délai butoir

Il améliore la sécurité juridique pour les débiteurs, en ce qu’il prévoit que le délai de prescription est quoiqu’il arrive enfermé dans un délai prévu, il est aussi appelé « délai secondaire » en référence à la prescription qui est le « délai primaire ».

Le délai butoir est fixé à l’article 2232 du code civil à 20 ans. Il a pour effet que depuis le dies a quo, et en prenant en compte toute les suspensions et interruptions, quoiqu’il arrive, au bout de 20 ans la prescription sera acquise. Le jeu des interruptions et des suspensions ne peuvent amener le délai butoir au delà de 20 ans.

§3. Les aménagements conventionnels de la prescription extinctive

Le droit de la prescription n’est pas impératif, dans une certaine mesure. Ça n’existait pas avant 2008, et la jurisprudence n’était pas très claire la dessus. Que peuvent faire les parties au contrat ? Tout d’abord, elles ont la possibilité d’agir sur le délai de prescription. Par une clause dans leur contrat, elles ont la possibilité d’allonger, mais aussi de réduire le délai de prescription, applicable entre les parties contractantes. Cette faculté conventionnelle est bornée. Les parties ne peuvent pas allonger le délai de prescription au delà de 10 ans.

Quant à la durée de la prescription, ne peut pas être en deçà d’un an. La CA du 14 déc. 2010, Dalloz actualités, 14 fév. 2011, obs. M. Delpeche. Un cabinet d’audit conseillait une société pour qu’elle fasse l’acquisition d’autres sociétés. Le mandat conclu entre la société qui renseigne, et celle qui souhaite acquérir d’autres sociétés, il y avait beaucoup de clauses pour limiter au maximum la responsabilité du cabinet d’audit. Notamment une clause relative à la prescription, qui diminuait la prescription à trois mois. La Cour a estimé que le délai était trop court.

// Interruption ou de suspension : elles ne peuvent pas en enlever par rapport à la loi, mais elles peuvent en rajouter. Sur ce point la réforme de 2008, et cela dénote que le législateur a souhaité introduire dans le droit des prescriptions un plus grand libéralisme que celui qui prévalait auparavant.