Comment prouver le droit de propriété?
Le code civil ne contient aucune règle sur la preuve de ce droit. Il est vrai que la question de la preuve se pose différemment selon qu’elle doit être faite en dehors de tous litiges ou dans le cadre d’une action en revendication.
En dehors de tous litiges, la preuve extra judiciaire, est simple, il faut démontrer soit un transfert de propriété résultant de succession, de contrat, de donation, soit il faut démontrer l’usucapion. Tous les moyens sont possibles en dehors d’un litige.
En revanche, c’est autre chose dans le cadre d’une action en revendication : action proposée par deux personnes qui se prétendent toutes les deux propriétaires de la chose. La charge de la preuve pèse sur le demandeur c’est-à-dire sur le revendiquant. Le défendeur est présumé être propriétaire ce qui signifie que le demandeur va devoir justifier positivement du droit qu’il invoque. Dans le doute, le défendeur sera laissé en possession car il bénéficie d’une présomption de propriété.
—> Civ 3ème 11 juin 1992, [bull n°600 Dalloz 1993 sommaire 302, observation Robert] « en l’absence de preuve du droit de propriété apporté par le demandeur, une Cour d’Appel peut estimer que le défendeur qui est en possession doit être considéré comme le propriétaire ».
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- &1 : Objet de la preuve
Le procès porte sur le droit de propriété. C’est donc ce droit qui devrait être prouvé. Or il existe une difficulté théorique presque insurmontable. La propriété en générale est acquise au moyen d’un acte de transfert et une personne ne peut se prétendre propriétaire que si elle a acquis d’une personne elle-même propriétaire. Laquelle personne aurait dû recevoir d’une personne elle-même propriétaire. On remonte en fait très loin, en fait jusque l’acquéreur initial, mais ce dernier se perd dans la nuit des temps.
Ainsi la preuve dès qu’elle résulte d’un transfert devrait être rapportée très simplement mais la preuve directe du droit de propriété est quasi impossible à rapporter. En fait, seule l’acquisition originaire de la propriété par l’usucapion, par l’occupation, ou par la possession présente une certaine propriété, et ainsi une sécurité, car elle rompt la chaîne des transmissions.
Les mentions figurant sur divers registres, tels que le registre de la publicité foncière, le cadastre, sur le rôle des impôts, ne constituent pas des preuves mais simplement des indices.
La loi et la jurisprudence ont du se contenter de preuves indirectes présumant la propriété à partir de circonstances qui peuvent être plus facilement connues. L’objet de la preuve n’est pas le droit de propriété, il est devenu un ensemble de fait pouvant rendre vraisemblable le droit prétendu (de propriété).
La loi a donc institué la prescription acquisitive, dans ce cas une partie pourra faire la preuve de sa propriété de manière irréfragable en démontrant qu’elle a possédé par elle-même ou ces auteurs pendant le temps requis pour prescrire (10 ou 30 ans).
La jurisprudence a considéré que si la prescription ne peut pas jouer si elle n’a pas eu le temps de s’accomplir, la jurisprudence a assoupli les principes. L’action en revendication n’est pas la preuve absolue du droit de propriété, c’est la preuve purement relative d’un droit meilleur et plus probable que celui de son adversaire. Il n’existe aucun système impératif. Donc la Cour de Cassation soumet un pouvoir souverain au juge du fond en toute occasion.
- &2 : Les modes de preuve
Le principe est que la preuve de la propriété immobilière est libre : —> Civ. 3ème 20 juillet 1988. Il en va de même pour la preuve de la propriété mobilière —> Civ 1er 11 juillet 2000 : la concubine voulant faire la preuve de sa propriété vis-à-vis du créancier de son concubin au moyen d’une facture : elle se prouve par tous moyens.
A défaut de prescription, la propriété se prouve par des présomptions de fait (article 1353 du Code Civil.) La preuve de ces faits de nature à rendre vraisemblable le droit invoqué, peut être apportée par tous moyens, et d’ailleurs il n’y a pas de hiérarchie des preuves : —> Civ. 3ème 4 décembre 1991 : cassation d’un arrêt qu’évoquait le risque de violer le principe de hiérarchie des preuves, il indique qu’il est toujours possible de prescrire contre un titre.
Ces présomptions de fait se groupent autour de deux notions :
A)La possession
Dans le cas de l’usucapion, la possession est déterminée comme une présomption de droit mais ici elle joue comme une présomption de fait.
Ce peut être une possession actuelle, ancienne qui la perdue, par exemple ce peut être le cas pour le demandeur. La possession peut être plus ou moins bien caractérisée ce qui va dépendre de plusieurs éléments : durée, qualités (article 2229 du Code Civil), de tout autres présomptions de fait comme par exemple celles tirées de l’état des lieux, de l’énonciation de cadastre.
Il existe ainsi des degrés dans la vraisemblance de propriété qui s’attache à la possession.
B)Le titre
Le titre est une présomption de fait. C’est l’acte juridique par lequel le droit de propriété a été soit transféré, soit reconnu (dans le cas d’une partage mais aussi le cas échéant à un jugement). Il ne prouve pas la propriété mais il démente que la propriété aurait pu être transmise à tout le moins qu’elle était apparente chez l’aliénateur. Il est ainsi pris comme une présomption de fait. Aussi bien dans cette mesure, la notion de titre peut être comprise plus largement, il est nécessaire que le titre soit commun au deux parties, un contrat peut être invoqué par une partie contre l’autre bien que cette dernière soit étrangère au contrat. L’article 1165 du Code Civil n’est donc pas applicable.
Il en irait de même pour un jugement, il a autorité de chose jugée relative. Il peut être parfaitement être invoqué par l’autre partie. Cela ne vaut que comme présomption : —> Civ. 27 décembre 1865.
Il n’est pas nécessaire que l’acte soit translatif comme c’est le cas en matière d’usucapion. L’acte déclaratif, par ex de partage, suffit lorsqu’il rende vraisemblable le droit qui est allégué.
Il importe peu que l’acte invoqué comme présomption de fait n’a pas été publié à la conservation des hypothèques : —> Civ 3ème 22 avril 1981 « les actes de partage successoral bien que non publiés sont imposables au tiers, en matière de propriété immobilière, les juges du fond appliquent souverainement les modes de preuve qui leur sont présentées qui échappent aux règles de publicité foncière dont la finalité est distincte et différente ».
Leur valeur respective de la possession et du titre n’est pas une question de droit qui ne serait soumise au contrôle de la cour de cassation mais relève de l’appréciation souveraine des juges du fond : —> Civ 3ème 22 avril 1981.
- 3 : Conflit de preuve
Dès lors que constituent des présomptions de fait, simple, les titres et possessions peuvent rentrer en conflit.
A)Conflit entre deux titres
Lorsque les deux titres émanent du même auteur, celui qui l’emportera est celui qui aura été publié en 1er.
Lorsque les deux titres émanent d’auteurs différents, aucune partie ne pourra invoquer de possession significative. Le titre le plus ancien devrait prévaloir car il est moins suspect.
De façon générale, pour la cour de cassation, c’est le titre le meilleur et le plus probable qui l’emporte : appréciation souveraine. Ce n’est pas forcément le plus ancien : —> Civ. 12 novembre 1907
B)Conflit entre deux possessions
Chacune invoque des faits de possession par ex des actes de jouissance, le paiement des impôts fonciers…
Les tribunaux retiennent la possession la mieux caractérisée compte tenu de toutes les circonstances et ce ne sera pas nécessairement la possession la plus ancienne.
C) Conflit entre titre et possession
L’une des parties produit un titre et l’autre invoque sa possession. Le titre doit l’emporter s’il est antérieur à l’entrée en possession du défendeur, dans la mesure où le possesseur ne peut pas usucaper.
Pourquoi ? Car il est probable que lorsque le titre a été rédigé, l’aliénateur a été possesseur et s’il était en possession, sans doute était il propriétaire.
En revanche, si la possession est antérieure au titre, elle devrait l’emporter —> Civ 14 juin 1904. Les juges du fond, en général, mettent en balance d’un côté une présomption de fait invoquée de part et d’autre, les juges décident en faveur de la partie qui a pour elle les présomptions les meilleurs et les mieux caractérisées.
Dans le doute, le juge ne peut en aucune manière, sous peine de déni de justice, refuser de trancher au motif qu’aucune preuve décisive n’a été apportée par les parties et d’autre part, il ne peut en aucun cas attribuer la propriété pour moitié de la propriété à chacune des parties :—> Civ 3ème 18 juin 1980.