La preuve est un élément essentiel pour la mise en œuvre des droits subjectifs. En droit, il ne suffit pas d’avoir un droit reconnu, encore faut-il être capable de prouver son existence ou sa violation pour que ce droit soit effectivement appliqué.
Le succès d’une action en justice repose sur la démonstration des faits qui soutiennent cette action. Par exemple, une action en responsabilité pour faute, qui vise à obtenir une indemnisation, doit prouver qu’un préjudice a été subi.
Pour que la demande soit fondée, il est nécessaire de prouver :
Bien souvent, cette preuve est complexe. Prouver, c’est convaincre le juge de la réalité des faits, ce qui est indispensable pour la réalisation d’un droit subjectif.
Les questions centrales de la preuve : La nécessité de la preuve s’articule autour de deux questions essentielles : Que faut-il prouver ? Qui doit prouver ? Comment prouver?
Il est nécessaire de prouver les faits pertinents, c’est-à-dire ceux qui sont nécessaires au succès de la demande. Chaque demande judiciaire repose sur certaines conditions, et il faut prouver que toutes ces conditions sont réunies pour que la demande soit recevable.
La question de la charge de la preuve se pose : Est-ce au titulaire du droit de prouver que son droit a été violé, ou à celui qui est accusé de la violation de prouver son innocence ?
L’article 9 du Code de procédure civile dispose que « il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention ». Cela signifie que celui qui engage une action en justice doit apporter la preuve des faits sur lesquels repose sa demande.
Principe : « Actori incumbit probatio » (la preuve incombe à l’auteur de l’action, c’est-à-dire à celui qui agit).
Le mécanisme de la charge de la preuve
La charge de la preuve suit un mécanisme de basculement entre les parties :
L’article 1315 du Code civil décrit parfaitement ce mécanisme : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ; réciproquement, celui qui se prétend libéré de cette obligation doit justifier ».
Ainsi, la preuve est un élément central dans toute procédure judiciaire, et son répartition entre les parties permet d’assurer un équilibre dans le procès, en garantissant que les faits nécessaires au succès d’une prétention sont clairement établis.
Les modes de preuve peuvent être classés en quatre catégories, hiérarchisées selon leur force probante — c’est-à-dire leur capacité à convaincre un juge. Voici ces catégories, du plus probant au moins probant :
Serment : Le serment est assimilé à une forme d’aveu, car en refusant de nier un fait sous serment, cela équivaut à admettre ce fait. Le serment devient ainsi un moyen indirect de prouver un fait en l’absence de contestation formelle.
Aveu : L’aveu est la reconnaissance d’un fait qui est allégué contre soi. Il a une force probante différente selon le domaine juridique :
En droit pénal, l’aveu n’a pas de force probante particulière. C’est une preuve parmi d’autres (article 428 du Code de procédure pénale) et est laissé à l’appréciation des magistrats, notamment en raison des risques de rétractation d’aveux.
En droit civil, l’aveu est considéré comme la reine des preuves. Il a une force probante légale, ce qui signifie que le juge est obligé de tenir le fait pour avéré dès qu’il est avoué, même s’il est convaincu du contraire.
L’aveu porte uniquement sur des faits (des événements ou circonstances observables), et non sur des qualifications juridiques. Par exemple, on ne peut avouer être propriétaire, car la propriété est une qualification juridique, et non un fait.
Formes de l’aveu :
Aveu judiciaire : Il est fait devant un juge, est irrévocable et indivisible. Cela signifie qu’il est impossible de revenir sur cet aveu, et qu’il ne peut être divisé : reconnaître un fait implique aussi la reconnaissance de faits connexes. Par exemple, reconnaître avoir reçu un bien implique de reconnaître aussi avoir payé pour ce bien si ces deux faits sont indissociables.
Aveu extrajudiciaire : Cet aveu est fait en dehors du tribunal (par exemple, par lettre). Il est rétractable et divisible. Si la personne rétracte cet aveu avant le procès, il peut perdre sa force probante. Cependant, si l’aveu est maintenu, il conserve une force probante légale, contraignant ainsi le juge à considérer le fait comme prouvé.
L’écrit est un mode de preuve important en droit civil. La preuve par écrit est définie par l’article 1313 du Code civil, et il existe différents types d’écrits, avec des niveaux de force probante variés.
Types d’écrits :
Écrit manuscrit : L’écrit manuscrit a l’avantage de pouvoir être attribué à une personne avec une forte probabilité, car l’écriture peut être analysée (par exemple, par expertise graphologique).
Écrit dactylographié : S’il n’est pas signé, il est dépourvu de force probante. Il est impossible de savoir qui est l’auteur si l’écrit n’est pas accompagné d’une signature.
Écrit électronique : Bien qu’il soit possible de remonter à l’origine de l’écrit électronique grâce à des éléments techniques (par exemple, les adresses IP), il est moins facile de prouver l’identité exacte de l’auteur que pour un écrit manuscrit. Néanmoins, avec l’évolution des technologies, les preuves numériques sont de plus en plus acceptées, à condition d’assurer une certaine fiabilité dans l’imputabilité.
Catégories d’écrits :
Écrit authentique : Cet écrit est rédigé par un officier public (notaire, officier d’état civil), qui certifie les faits constatés. Il a une force probante très élevée. Les faits constatés par l’officier public dans l’acte authentique font foi jusqu’à preuve du contraire, et il est difficile de contester sa validité sans une inscription en faux (c’est-à-dire prouver que l’acte est falsifié).
Acte sous seing privé : Il s’agit d’un écrit signé par la personne à qui il est opposé. Par cette signature, la personne s’approprie les énonciations de l’acte. Cela oblige le juge à considérer ces faits comme avérés à l’égard du signataire.
Écrit non signé : Les écrits non signés, tels que les notes ou lettres anonymes, n’ont pas de force probante particulière. Ils ne lient pas le juge, qui peut les traiter comme de simples indications, au même titre qu’un témoignage, mais sans force probante suffisante pour trancher un litige.
Le témoignage est un mode de preuve basé sur les paroles de tiers. En droit, la preuve par témoignage est appelée preuve testimoniale, et elle suppose généralement une déclaration orale faite devant un juge, sous serment.
Les présomptions sont définies à l’article 1349 du Code civil comme des conséquences que la loi ou le juge tire d’un fait connu pour en établir un fait inconnu. Ce mécanisme permet de prouver un fait difficile à démontrer directement, à travers des indices ou d’autres faits rendant ce fait probable.
Présomption légale : La loi peut établir des présomptions. Par exemple, l’article 312 du Code civil stipule que « l’enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari ». Ici, la loi présume la paternité du mari, créant un lien automatique entre un fait inconnu (qui est le père ?) et un fait connu (l’enfant est né d’une femme mariée).
Présomption de fait : Le juge peut également établir des présomptions à partir des faits. Par exemple, un vendeur professionnel est toujours présumé connaître les vices cachés des produits qu’il vend.
Les différents types de présomptions
Présomption réfragable : Une présomption est dite réfragable lorsqu’elle peut être contredite par une preuve contraire. La plupart des présomptions, étant basées sur des probabilités statistiques, sont réfragables et les textes législatifs précisent souvent les modalités de contestation (ex. : article 553 du Code civil).
Présomption irréfragable : Lorsqu’une présomption ne peut être renversée par aucune preuve, elle est qualifiée d’irréfragable (ex. : article 1082 du Code civil). Ces présomptions sont généralement fixées pour des raisons politiques ou juridiques, afin de favoriser une solution particulière, même si elle s’écarte de la réalité des faits.
La distinction entre présomptions réfragables et irréfragables
Quand la loi ou la jurisprudence ne précise pas clairement la nature d’une présomption, il est nécessaire d’examiner sa raison d’être :
Les présomptions quasi-légales créées par la jurisprudence
La jurisprudence peut également établir des présomptions quasi-légales, qui fonctionnent de manière automatique et sont souvent irréfragables. Par exemple, la jurisprudence considère que le vendeur professionnel est toujours censé connaître les vices de la chose qu’il vend, ce qui place le vendeur dans une situation où il est systématiquement présumé de mauvaise foi.
Limites de l’utilisation des présomptions
Bien que la preuve soit généralement libre dans le système juridique français, il existe des exceptions : dans certains cas, la loi n’autorise que certains modes de preuve spécifiques, limitant ainsi le recours aux présomptions et autres formes de preuve.
Un acte juridique est une manifestation de volonté destinée à produire les effets juridiques que le droit attache à cet acte. Il est essentiel car il s’agit d’une action délibérée ayant pour but de créer, modifier, transmettre ou éteindre des droits.
Selon l’article 1341 du Code civil, les actes juridiques bilatéraux doivent être prouvés par écrit signé, lorsque l’objet de l’acte ou la demande en justice porte sur une somme supérieure à 1 500 €. Le témoignage et les présomptions ne sont pas suffisants pour prouver ces actes.
Force probante de l’écrit : L’écrit signé a une valeur probante particulière. Il lie le juge à moins qu’une preuve contraire (comme un autre écrit signé) ne soit présentée. Cela garantit la stabilité et la fiabilité des actes.
Signature (article 1316-4 du Code civil) : La signature apposée sur l’écrit a une double fonction :
Formalités complémentaires
Certaines formalités sont requises selon le type d’acte juridique :
Contrats synallagmatiques (obligations réciproques, comme la vente) : Ces contrats doivent être établis en double original pour que chaque partie conserve un exemplaire, évitant ainsi les falsifications (article 1325 du Code civil).
Actes portant engagement de payer (unilatéraux ou bilatéraux, comme la reconnaissance de dette) : Le débiteur doit inscrire de sa main le montant en chiffres et en lettres. En cas de divergence, la mention en lettres prévaut (article 1326 du Code civil), ce qui permet de prévenir toute falsification par le créancier.
Certaines exceptions légales permettent d’alléger l’exigence de preuve par écrit dans certains cas :
Liberté de preuve en matière commerciale : L’article L 110-3 du Code de commerce permet aux commerçants de prouver les actes de commerce par tous moyens, sans restriction à la preuve littérale.
Commencement de preuve par écrit (article 1347 du Code civil) : Lorsque la preuve littérale n’est pas possible, une preuve partielle (ex. : lettre, document non signé) peut suffire. Ce commencement de preuve peut être complété par d’autres éléments probants, tels que des présomptions ou des témoignages.
Autres exceptions (article 1348 du Code civil) :
Exceptions conventionnelles
Les parties à un acte peuvent convenir, par une convention, de libérer la preuve des contraintes légales. Cela ouvre de nouvelles possibilités au juge dans sa quête de la vérité et assouplit le cadre probatoire.
Principe fondamental : « Nul ne peut se constituer titre ou preuve à lui-même »
Ce principe met en lumière la crainte de l’arbitraire : une personne ne peut créer seule une preuve qui établirait un droit en sa faveur. Cette règle vise à protéger l’équité et à prévenir toute manipulation de preuves.
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