La preuve littérale

Qu’est-ce que la preuve littérale ?

La preuve littérale désigne l’ensemble des écrits émanant des parties dans un litige, destinés à servir de preuve. Moyen de preuve ancien et bien établi, la preuve littérale présente plusieurs avantages :

  • Préconstituée : La preuve littérale est ménagée à l’avance, souvent bien avant le litige, ce qui renforce sa crédibilité puisqu’elle est élaborée sans influence du conflit.
  • Objectivité : Contrairement à des modes de preuve plus subjectifs comme les témoignages, l’écrit est une preuve matérielle, stable et difficilement contestable.
  • Durabilité : La valeur probatoire de l’écrit persiste avec le temps, contrairement à des preuves qui peuvent s’affaiblir ou disparaître.

Avant les réformes, le Code civil de 1804 définissait la preuve littérale en se fondant uniquement sur le support papier. Cependant, avec l’évolution numérique, de nouveaux textes sont venus encadrer l’écrit électronique.

  • Loi du 13 mars 2000 : Elle introduit pour la première fois l’écrit et la signature électronique, en les reconnaissant comme preuve au même titre que les écrits sur papier.
  • Loi pour la Confiance dans l’Économie Numérique (LCEN) du 21 juin 2004 : Cette loi, qui a renforcé la loi de 2000, a permis d’intégrer les nouvelles technologies dans les processus de preuve en garantissant la sécurité et l’authenticité des documents électroniques.

Ces réformes sont désormais intégrées dans les articles 1365 à 1367 du Code civil, qui assimilent le document électronique au document papier lorsqu’il garantit l’intégrité et l’identité des parties.

§1 : la classification des écrits

La preuve littérale se divise en plusieurs catégories selon différents critères :

I. Classification fondée sur la signature

  • Écrits signés : Certains actes, comme les actes authentiques (établis par un notaire ou un officier public) et les actes sous seing privé, exigent une signature. Cela permet de confirmer l’identité des parties et leur consentement.
  • Écrits non signés : Les registres de commerce, les papiers domestiques et certains écrits informels n’ont pas besoin de signature mais peuvent servir de preuve dans des cas particuliers.

II. Classification fondée sur la finalité

  • Écrits primordiaux : Rédigés pour constater une opération juridique dès sa conclusion, comme un contrat de vente.
  • Écrits confirmatifs : Rédigés pour confirmer un droit ou une situation juridique préexistante, tels que les reconnaissances de dette.

III. Classification fondée sur la nature de l’écrit

  • Écrits originaux : La version initiale d’un document, souvent considérée comme la plus probante.
  • Copies : Depuis les évolutions législatives, les copies, y compris numériques, peuvent avoir la même valeur probatoire que les originaux, à condition d’être des reproductions fiables et durables.

IV. Classification fondée sur l’auteur de la rédaction

  • Écrits d’officiers publics : Rédigés par des notaires ou autres professionnels habilités, ces écrits ont une forte valeur probatoire et sont authentiques.
  • Écrits de particuliers : Rédigés par les personnes elles-mêmes, ces documents ont une force probante moindre mais peuvent être valides dans certains contextes.

 

§2 : L’écrit sur support papier

I-    Les actes authentiques ( ou publics)

L’acte authentique, défini par l’article 1369 du Code civil (anciennement article 1317), est un document établi par un officier public ou ministériel, tel qu’un notaire ou un officier de l’état civil, dans l’exercice de ses fonctions légales. Ce type d’acte se distingue par deux principales missions confiées aux officiers publics :

  1. Rédaction de l’acte pour lui conférer authenticité : Les officiers publics rédigent les actes en suivant des formalismes stricts, assurant ainsi leur authenticité légale. L’authenticité signifie ici que l’acte a une force probante accrue, et que sa véracité est présumée, sans besoin de preuve supplémentaire.

  2. Conservation des originaux : Les officiers publics conservent les originaux des actes, appelés « minutes », ce qui garantit leur disponibilité et leur intégrité en cas de litige ou de demande de copie conforme.

 

Certains officiers publics ne peuvent dresser que certains actes authentiques, ex : officier de l’état civil ou huissier de justice, consulat à l’étranger. acte authentique présente des particularités sur forme et contenu et force probante.

Les officiers publics compétents pour dresser des Actes Authentiques

La compétence de certains officiers publics est limitée aux actes spécifiquement prévus par la loi :

  • Notaires : Ils disposent d’une compétence étendue pour rédiger des actes impliquant des engagements ou des transactions diverses, notamment dans les domaines de la famille, de l’immobilier, et du droit commercial.
  • Officiers de l’état civil : Ils se concentrent sur les actes d’état civil (actes de naissance, mariage, décès).
  • Huissiers de justice et consuls à l’étranger : Ils ont également des prérogatives spécifiques pour authentifier certains types d’actes dans l’exercice de leurs fonctions.

Les particularités de l’acte authentique

1. Forme et contenu

L’acte authentique suit des formalismes rigoureux pour sa rédaction, incluant des mentions obligatoires, une mise en page stricte, et une vérification des informations par l’officier. La langue, le support, et la signature des parties et de l’officier public en sont des éléments clés, assurant ainsi que chaque document est complet et conforme à la loi.

2. Force probante

L’acte authentique bénéficie d’une force probante particulière, le rendant difficilement contestable. En cas de litige, il est considéré comme véritable et exact jusqu’à preuve du contraire, ce qui signifie que la charge de la preuve repose sur la personne qui remet en question l’acte. Pour contester un acte authentique, une procédure spéciale, appelée inscription de faux, doit être engagée.

A)  forme et contenu de l’acte

Pour qu’un écrit soit qualifié d’acte authentique, des conditions cumulatives doivent être respectées.

1) L’agent instrumentaire

Selon l’article 1369 du Code civil (anciennement 1317), un acte authentique doit être rédigé par un officier public compétent.

  • Compétence d’attribution : Chaque catégorie d’officier public possède des fonctions définies par la loi. Par exemple, les notaires ont une compétence d’attribution étendue qui leur donne le monopole de la rédaction des actes de nombreux types d’accords ou conventions impliquant des particuliers. En revanche, les officiers d’état civil, comme les maires, ne peuvent établir que des actes d’état civil, limitant leur champ d’action à des situations spécifiques.

  • Compétence territoriale : Les officiers publics sont limités géographiquement dans leurs compétences. Par exemple, un maire ne peut dresser des actes d’état civil que dans la commune où il exerce ses fonctions, tandis que les notaires bénéficient d’une compétence territoriale plus étendue, leur permettant d’exercer sur un périmètre géographique plus large.

2) La manière d’instrumenter

Certaines formalités sont obligatoires dans la rédaction d’un acte authentique pour garantir sa régularité et son exactitude.

a) La présentation matérielle de l’acte

Un acte authentique doit respecter des exigences de présentation stricte :

  • Utilisation d’une encre indélébile ;
  • Rédaction en langue française ;
  • Nombres et dates écrits en toutes lettres ;
  • Pagination numérotée, avec indication du nombre total de pages sur la dernière ;
  • Absence de blancs, ratures, ou interlignes non justifiés.

Toute modification, renvoi, surcharge ou addition doit être expressément notée en fin de l’acte, numérotée, paraphée par les parties, et validée par l’officier public.

b) La formalité de la lecture

L’officier public doit lire l’acte aux parties avant la signature. Cette lecture est ensuite attestée par l’officier en bas de l’acte, suivie de son sceau officiel et de la signature des parties. L’original de l’acte, ou minute, est conservé par l’officier public, tandis que les parties reçoivent des copies conformes, appelées « grosses » si elles sont dotées de la formule exécutoire.

c) La formalité de la signature

Conformément à l’article 1367 du Code civil (précédemment article 1316-4), la signature est essentielle pour la validité de l’acte. La loi du 13 mars 2000 exige que la signature soit une preuve d’authenticité. Dans un acte authentique, les signatures doivent être celles des parties en personne, excluant ainsi les initiales, griffes ou signatures électroniques.

 

B)  la force probante de l’acte authentique

La force probante d’un acte authentique dépend de son origine et de son contenu, lui conférant un poids juridique particulier.

1) Force probante due à l’origine de l’acte

La présomption de véracité s’applique aux actes authentiques, conférant à ces documents une force probante de leur origine sans nécessité de prouver leur authenticité. Une personne présentant un acte authentique bénéficie de cette présomption jusqu’à ce qu’une inscription de faux soit établie, une procédure exceptionnelle régie par l’article 303 et suivants du Code de procédure civile. Cette inscription de faux engage des conséquences sérieuses : si le demandeur échoue, il risque une amende civile et des dommages-intérêts au profit de son adversaire.

2) Force probante due au contenu de l’acte

Les constatations de l’officier public font également foi en ce qui concerne le contenu de l’acte. Tout élément non constaté par l’officier fait foi jusqu’à preuve du contraire, mais ne bénéficie pas de la même présomption d’exactitude. Un acte authentique, de plus, dispose de la force exécutoire, permettant de le faire exécuter immédiatement sans intervention judiciaire.

Ces éléments rendent l’acte authentique particulièrement fiable et difficilement contestable, contribuant à sa réputation d’instrument juridique de preuve incontesté.

 

II-  L’acte sous seing privé

L’acte sous seing privé est un document juridique rédigé et signé directement par les parties concernées, sans intervention d’un officier public comme un notaire. Sa valeur repose principalement sur la signature des parties, qui engage celles-ci et atteste de leur consentement à l’accord, conférant ainsi une preuve probante entre elles. La signature, selon l’article 1367 du Code civil, est essentielle pour valider l’engagement personnel de chaque signataire et rend l’acte opposable entre les parties et leurs ayants droit.

L’acte sous seing privé doit comporter plusieurs éléments, notamment les noms, date, et signatures des signataires, pour garantir sa validité juridique. Cependant, il n’a pas la même force probante que l’acte authentique, qui bénéficie d’une présomption d’authenticité en raison de l’intervention d’un officier public (notaire ou huissier)​  Sorbonne Judicial Studies Institute

 A)   la forme et le contenu de l’acte sous seing privé

L’acte sous seing privé bénéficie d’une grande liberté de forme, étant dispensé des formalités imposées aux actes authentiques. Cependant, des règles précises concernant la capacité des parties et certaines formalités de précaution doivent être respectées.

1)   l’agent instrumentaire

L’acte sous seing privé peut être rédigé directement par les parties elles-mêmes ou par leurs représentants, qu’ils soient présents ou à distance. Dans tous les cas, les parties doivent être capables juridiquement de contracter l’acte. En l’absence de capacité, l’acte pourra être contesté ou annulé.

Pour les parties cherchant un niveau de sécurité juridique supplémentaire, il est possible de faire enregistrer l’acte sous seing privé par un notaire, sans que cela ne le transforme en acte authentique. Cet enregistrement confère néanmoins une date certaine à l’acte, opposable aux tiers.

 

2)   la manière d’instrumenter

L’acte sous seing privé jouit d’une grande flexibilité de forme, conférant plusieurs avantages pratiques aux parties.

a) Le principe de la liberté de la forme

La liberté de forme concerne tous les aspects de l’acte sous seing privé, notamment le support (n’importe quel papier ou support électronique), le style d’écriture (manuscrit, dactylographié) et les modalités de rédaction (langue, utilisation de chiffres ou de lettres, présence de ratures ou renvois). Cette simplicité rend l’acte sous seing privé rapide, peu coûteux et facile à réaliser.

Dans certains cas, le contenu de l’acte peut même résulter de correspondances échangées entre les parties (par exemple, lettres, courriels).

b) Les exceptions à la liberté de forme

Pour des raisons de sécurité juridique, certaines conventions synallagmatiques (qui impliquent des engagements réciproques entre les parties) exigent des précautions particulières. Dans les contrats bilatéraux, l’acte doit être rédigé en autant d’originaux qu’il y a de parties, chaque original devant mentionner le nombre total d’exemplaires. Cela vise à protéger les parties contre les risques d’abus ou de falsification.

Lorsque l’acte sous seing privé renferme une promesse unilatérale, l’article 1376 du Code civil (anciennement article 1326) impose que le débiteur indique de sa main le montant de son engagement, en lettres et en chiffres. Cette formalité vise à s’assurer que le débiteur est bien conscient de l’étendue de son engagement. En cas de divergence entre le montant en chiffres et en lettres, la mention en lettres prévaut pour éviter toute ambiguïté.

 

B)   force probante de l’acte sous seing privé

En droit français, un acte sous seing privé est un acte juridique rédigé et signé par les parties, sans intervention d’un officier public. Sa force probante est élevée, mais elle est soumise à certaines limitations, notamment en ce qui concerne l’authenticité de l’origine, le contenu et la date de l’acte. En principe, un acte sous seing privé fait foi jusqu’à preuve du contraire.

1) Distinction selon l’origine de l’acte

L’acte sous seing privé ne prouve pas par lui-même son origine, ce qui signifie que la partie contre laquelle il est opposé peut contester la validité de la signature. Selon l’article 287 du Code de procédure civile, la personne invoquant cet acte doit en établir la provenance par une procédure de vérification d’écriture pour confirmer que la signature appartient bien à son adversaire. La charge de la preuve de l’authenticité de l’acte sous seing privé repose donc sur la personne qui le produit.

Étant rédigé sans le concours d’un officier public, un acte sous seing privé ne bénéficie pas de la présomption de fiabilité que confère un acte authentique, ce qui justifie le renversement de la charge de la preuve en cas de contestation.

2) Le contenu de l’acte

En l’absence d’intervention d’un officier public, le contenu de l’acte sous seing privé est considéré comme fiable entre les parties jusqu’à preuve du contraire. Toutefois, des distinctions sont faites selon que la contestation de l’acte émane des parties ou de tiers :

  • Entre les parties : Lorsqu’une des parties remet en cause le contenu, elle doit en apporter la preuve par un autre écrit. Le principe s’applique : contre un écrit, seule la preuve par un autre écrit est recevable.

  • Entre les tiers : Les tiers ne sont pas liés par les termes de l’acte sous seing privé, car ils n’y sont pas parties. Ils peuvent donc contester son contenu par tous moyens de preuve, y compris des témoignages ou des présomptions.

3) La date de l’acte

La date d’un acte sous seing privé peut facilement être modifiée, ce qui soulève la question de sa fiabilité, particulièrement pour les tiers.

  • Entre les parties : La date inscrite sur l’acte sous seing privé fait foi jusqu’à preuve du contraire. Si l’une des parties conteste la date, elle doit en apporter la preuve.

  • Pour les tiers : La date n’est pas opposable aux tiers, sauf dans certaines situations qui confèrent à la date un caractère « certain », conformément à l’article 1377 du Code civil (anciennement article 1328). La date devient alors opposable aux tiers dans les cas suivants :

    • L’acte sous seing privé a été enregistré auprès de l’administration fiscale, auquel cas la date retenue est celle du dépôt fiscal.
    • L’acte sous seing privé est mentionné dans un acte authentique, auquel cas la date de l’acte authentique certifie la date de l’acte sous seing privé.
    • Un des signataires de l’acte sous seing privé est décédé. La date du décès est alors reconnue comme certaine, et la date de l’acte sous seing privé est présumée correcte.

Ces spécificités en matière de preuve permettent de garantir une certaine sécurité juridique tout en laissant aux parties la possibilité de contester l’authenticité ou la véracité de certains éléments de l’acte sous seing privé.

 

C)  régime de la preuve de l’acte sous seing privé

En droit civil français, la preuve des actes juridiques repose sur un principe de preuve littérale, qui impose l’usage d’un écrit pour attester l’existence des actes juridiques d’une certaine valeur. L’article 1359 du Code civil, issu des réformes récentes, définit les conditions et les exceptions applicables à ce principe.

1)    le principe : la nécessité d’un écrit

a)  le sens du principe

L’article 1359 du Code civil énonce que, pour tout acte juridique d’une valeur égale ou supérieure à 1 500 euros, la preuve doit être produite par écrit. Cet écrit peut être authentique (acte établi par un officier public, comme un notaire) ou sous seing privé (signé par les parties).

  • Rôle de l’écrit : L’écrit, bien qu’inutile pour la validité de l’acte, est indispensable pour en prouver l’existence juridique. Ainsi, la règle ne concerne que la preuve de l’acte lui-même, et non sa validité.
  • Limitation : La preuve ne peut être apportée que par un écrit dès lors que l’acte dépasse le seuil fixé par décret (actuellement 1 500 euros). Ce seuil a été progressivement relevé au fil du temps : en 1980, il était de 5 000 francs, puis en 2002, il est passé à 800 euros, et aujourd’hui à 1 500 euros.

Les parties ne peuvent réduire artificiellement la valeur de leur demande pour contourner cette exigence, ce qui signifie qu’une réclamation initiale pour un montant supérieur à 1 500 euros ne peut être scindée pour échapper à l’exigence de preuve écrite.

b)  le domaine du principe

Ce principe ne s’applique qu’à la preuve de l’existence de l’acte juridique, pas à sa validité. Lorsqu’une partie conteste la validité de l’acte, elle peut le faire par tout moyen de preuve, comme en témoigne la jurisprudence de la Cour de cassation (14 novembre 1995). Ce principe garantit une souplesse probatoire, permettant aux parties de prouver les vices de consentement (erreur, dol, violence) ou d’autres irrégularités de l’acte sans restriction quant aux types de preuve.

2)   l’exception : admission des autres modes de preuve en matière d’acte juridique

La législation française prévoit certaines situations particulières dans lesquelles la preuve par écrit n’est pas nécessairement requise, permettant d’autres modes de preuve. Voici les six principales exceptions dans ce domaine :

a) Acte de commerce entre commerçants

Les actes de commerce passés entre commerçants échappent au formalisme strict de la preuve écrite. La jurisprudence a progressivement assoupli cette exigence pour favoriser la liberté de preuve. Ce principe est consolidé par la loi du 12 juillet 1980, qui établit la liberté de preuve pour les transactions commerciales. L’article L110-3 du Code de commerce prévoit que, « les actes de commerce entre commerçants peuvent se prouver par tous moyens, sauf disposition contraire de la loi. » Cette règle s’applique aux transactions entre personnes physiques ou morales engagées dans des activités commerciales.

b) Acte mixte

Un acte mixte est une transaction conclue entre un commerçant et un non-commerçant. Dans ce cas, la charge de la preuve varie selon la qualité de la partie tenue de prouver :

  • Si la preuve incombe au commerçant, celui-ci est soumis aux dispositions de l’article 1359 du Code civil, exigeant une preuve écrite dès lors que le montant de l’acte est égal ou supérieur à 1 500 euros.
  • Si la charge de la preuve incombe au non-commerçant, ce dernier bénéficie de la liberté de preuve.

c) Acte frauduleux

En matière de fraude, la preuve est libre et peut être apportée par tout moyen (témoignages, présomptions, etc.), conformément à l’article 1353 du Code civil. Cela concerne les actes où une manipulation illicite est impliquée.

d) Acte juridique invoqué par un tiers

Un tiers qui a un intérêt à invoquer un acte juridique auquel il n’a pas participé peut le prouver par tous moyens. Pour ces tiers, l’acte juridique est considéré comme un fait juridique, les libérant ainsi de la contrainte d’une preuve écrite.

e) Commencement de preuve par écrit

L’article 1362 du Code civil prévoit qu’un commencement de preuve par écrit peut permettre de prouver certains faits. Pour constituer un commencement de preuve, l’écrit doit :

  1. Émaner de la partie adverse, c’est-à-dire la personne contre qui la demande est formée.
  2. Rendre plausible le fait allégué, selon l’appréciation des juges de fond.
  3. Être constitué d’un support écrit, même s’il manque une condition de forme (par exemple, absence de signature ou de date).

Si ces conditions sont remplies, cet écrit pourra être complété par d’autres preuves (témoignages, documents divers).

f) Impossibilité de produire un écrit

L’article 1360 du Code civil prévoit des exceptions au principe de preuve par écrit en cas d’impossibilité matérielle ou morale :

  • Impossibilité matérielle : lorsqu’aucun acte écrit n’a été dressé, souvent dans le cadre de contrats verbaux ou lorsque l’une des parties ne sait pas écrire.
  • Impossibilité morale : en raison de liens familiaux ou de subordination (par exemple, vente entre époux) où la formalisation par écrit n’a pas été possible.
  • Perte de l’acte : Si l’acte écrit a été détruit par un cas de force majeure (incendie, inondation), il est possible d’apporter la preuve de l’existence et du contenu de l’acte perdu, sous réserve de prouver que la perte est due à un événement extérieur et imprévisible.

 

III-  Les autres écrits sur papier

A)   la copie

En droit français, la copie d’un acte juridique bénéficie d’une force probante différente selon qu’il s’agit d’un acte authentique ou d’un acte sous seing privé, en fonction de la qualité de la copie et de la conservation de l’original. Depuis la réforme de 2016, le Code civil a précisé les règles relatives à la preuve par la copie, notamment aux articles 1379 et suivants.

1) Le Principe Général de la Force Probante de la Copie

Historiquement, le Code civil limitait la valeur probatoire de la copie aux cas où l’original avait été conservé. Avec la réforme de 2016, l’article 1379 du Code civil consacre désormais la copie comme une reproduction fidèle et durable de l’original, ayant la même force probante que l’original lui-même, sous réserve de certaines conditions de fiabilité.

2) Les Exceptions : Copie d’Acte Authentique et d’Acte Sous Seing Privé

a) Distinction entre Copie d’Acte Authentique et Acte Sous Seing Privé (Article 1379 du Code civil)

L’article 1379 introduit une distinction entre la copie d’un acte authentique et celle d’un acte sous seing privé :

  • Acte authentique :

    • Lorsqu’il s’agit d’un acte rédigé en minute (original conservé par un officier public, comme un notaire), la copie certifiée de cet acte fait foi et a valeur probante, sous réserve de sa conformité à l’original.
    • Lorsqu’il est rédigé en brevet (exemplaire remis aux parties), la copie n’a pas plus de valeur probante qu’une copie d’un acte sous seing privé.
  • Acte sous seing privé :

    • La copie d’un acte sous seing privé, pour bénéficier d’une valeur probante équivalente à celle de l’original, doit répondre aux conditions de fidélité et de durabilité. La réforme de 2016 a clarifié les règles de preuve, permettant de considérer une copie durable comme un mode de preuve valable, à condition que l’original ne soit plus disponible.

b) Présomption de Fidélité et de Durabilité

La présomption de durabilité, prévue par l’article 1379, considère comme durable toute reproduction indélébile et inaltérable de l’original. Ce principe assure que la copie conserve les éléments essentiels de l’original de manière permanente, ce qui est souvent le cas pour des copies certifiées conformes.

3) L’Office du Juge et Contestation de la Copie

Lorsque la copie est contestée, il revient au juge d’en apprécier la valeur probante. Si l’adversaire conteste la conformité de la copie, le juge peut exiger la production de l’original. Dans le cas où l’original est introuvable, le juge examinera si la copie est une reproduction fidèle et durable, afin de l’accepter comme preuve.

En conclusion, la réforme du Code civil en 2016 a renforcé la valeur probante de la copie d’acte sous certaines conditions. Elle est désormais un mode de preuve à part entière, sous réserve de fidélité et durabilité, garantissant ainsi une sécurité juridique accrue dans l’administration de la preuve.

B)   la photocopie

La question de la force probante de la photocopie a fait l’objet de nombreuses décisions jurisprudentielles, où la Cour de cassation a progressivement établi les règles d’admissibilité de la photocopie en tant que preuve.

1) La Valeur Probatoire de la Photocopie

a) Première solution jurisprudentielle : commencement de preuve par écrit

La photocopie, en soi, n’est pas considérée comme une preuve probante complète ; elle est généralement assimilée à un commencement de preuve par écrit. En conséquence, pour établir la preuve, elle doit être complétée par d’autres éléments de preuve. Ce statut a été particulièrement important pour les documents pour lesquels il est difficile de produire un original mais où une preuve initiale est nécessaire pour convaincre le juge.

b) Deuxième solution jurisprudentielle : assimilation à la copie

Dans un arrêt de principe en date du 9 juin 1996, la Cour de cassation a fondé sa décision sur l’article 1348 du Code civil pour assimiler la photocopie à une copie d’acte sous seing privé, et cette interprétation a été réaffirmée dans l’arrêt du 30 mai 2000. Par extension, la Cour a également inclus d’autres moyens de reproduction comme la télécopie (chambre commerciale, 2 décembre 1997), accordant à la télécopie la même valeur probante qu’une copie lorsqu’elle est produite comme preuve.

En pratique, cette assimilation signifie qu’une photocopie peut être considérée comme preuve si elle n’est pas contestée par la partie adverse, qui peut alors demander l’original pour vérifier la fidélité et la durabilité de la copie. Selon l’article 1348, si la partie adverse conteste la copie, elle doit prouver son inexactitude.

2) L’Office du Juge

Dans un arrêt du 6 octobre 1998, la Cour de cassation a précisé que, si une partie conteste la fidélité d’une copie, le juge peut ordonner la production de l’original. En cas d’impossibilité de produire cet original, il appartient au juge de vérifier si la copie est une reproduction fidèle et durable de l’original avant de l’admettre comme preuve. Cette particularité repose donc sur le contrôle du juge, qui examine si la copie respecte les conditions pour être acceptée comme preuve fiable.

C)  les lettres missives

Les lettres missives, bien qu’aucune disposition du Code civil ne les cite explicitement comme mode de preuve, peuvent jouer un rôle probant important. La jurisprudence les assimile souvent à divers modes de preuve écrite :

  1. Preuve de contrat : Une lettre missive peut parfois être assimilée à un acte sous seing privé dans le cadre d’une preuve contractuelle.
  2. Commencement de preuve par écrit : Dans des cas où une lettre ne peut être considérée comme un acte sous seing privé, elle peut constituer un commencement de preuve par écrit.
  3. Aveu : Dans certains cas, une lettre peut être considérée comme un aveu extrajudiciaire si elle contient des éléments d’aveu clairs et précis.

 

D)  les registres, les papiers domestiques et journaux intimes

Les registres personnels, les papiers domestiques et les journaux intimes peuvent être utilisés pour prouver certains faits personnels, comme l’état civil (mariage, naissance, décès). Selon l’article 1378 du Code civil (ancien article 1337), ces documents peuvent faire foi contre celui qui les a rédigés jusqu’à preuve du contraire.

En matière commerciale, les registres des commerçants ont également une valeur probatoire particulière, organisée autour des articles 1379 et 1380 du Code civil (anciens articles 1329 et 1330) :

  • Principe : Un registre commercial peut servir de preuve contre le commerçant qui le tient, mais pas nécessairement contre un non-commerçant.
  • Exception : Les livres de commerce peuvent, en revanche, être utilisés contre le commerçant lui-même.

Le rôle probatoire de ces registres est soumis à l’appréciation souveraine du juge, qui peut décider de leur force probante en fonction de leur contenu et des circonstances.

§3 : L’écrit électronique

La réforme de la preuve électronique en droit français, initiée par la loi du 13 mars 2000, s’est imposée pour moderniser le droit et aligner la France sur des pays étrangers et sur le droit européen, qui avaient déjà reconnu la valeur probante de l’écrit électronique. Ce cadre juridique introduit la définition et la reconnaissance de l’écrit et de la signature électroniques dans le Code civil, offrant une nouvelle base légale à ces moyens de preuve.

I. La consécration de l’écrit électronique

L’adoption de la loi du 13 mars 2000 a permis d’intégrer l’écrit électronique dans le Code civil et de redéfinir la preuve littérale. En vertu de l’article 1365 (ancien article 1316), l’écrit est désormais caractérisé comme une suite de lettres ou de caractères, quel que soit son support. Ainsi, l’écrit électronique est pleinement assimilé à l’écrit sur papier en matière de preuve, selon l’article 1366 (ancien article 1316-1), qui le reconnaît dès lors que les conditions de fiabilité sont réunies.

Cependant, l’écrit électronique soulève des défis particuliers car il ne garantit pas spontanément l’intégrité et la durabilité d’un document. Afin de renforcer sa fiabilité, trois critères sont exigés :

  1. Garantie d’identité : L’écrit électronique doit permettre l’identification de la personne qui l’a produit ou signé, grâce notamment à une signature électronique.
  2. Garantie d’intégrité lors de l’établissement : Le document doit être scellé et protégé contre les modifications au moment de sa création.
  3. Garantie d’intégrité lors de la conservation : Le document doit être sécurisé pour assurer sa durabilité dans le temps.

Ces conditions sont souvent remplies grâce à des clés cryptographiques, qui sont des codes d’accès sécurisés propres à chaque partie contractante. La technique du cryptage des fichiers contribue également à prévenir toute altération ou destruction de l’écrit électronique.

En résumé, la loi a intégré l’écrit électronique dans le Code civil, le rendant équivalent à l’écrit papier pour ce qui est de sa force probante. Conformément à l’article 1365, l’écrit est défini comme une suite de lettres, chiffres ou autres signes dotés de sens, peu importe le support. La validité de l’écrit électronique repose sur sa fiabilité, laquelle se fonde sur des garanties techniques telles que l’intégrité et l’identification de l’auteur, souvent assurées par des techniques de cryptage et des systèmes de certification électronique (APHP, 2020).

II. La consécration de la signature électronique

La signature électronique, définie pour la première fois par le législateur dans l’article 1367 (ancien article 1316-4) du Code civil, est également une composante cruciale de la preuve électronique. En effet, elle permet d’identifier la personne, de parfaire l’acte et de garantir le consentement des parties. La loi de 2000 précise que la signature électronique doit être un moyen fiable d’identification pour que la preuve soit recevable.

Selon l’article 1367, la signature électronique doit offrir une sécurité suffisante pour être reconnue comme probante. En pratique, elle repose sur une authentification forte, souvent fondée sur des procédés de cryptographie, et assure ainsi l’intégrité de l’acte en l’associant de manière unique à son auteur.

L’intégration de la preuve électronique en droit français marque une avancée majeure, en permettant aux écrits électroniques d’être juridiquement équivalents aux documents papier, sous réserve de conditions strictes de fiabilité et d’intégrité. Le législateur a ainsi encadré ces nouveaux procédés pour garantir leur validité dans les transactions et les procédures, contribuant à une adaptation du droit aux nouvelles technologies.

 

 

Le cours Introduction au droit français est divisé en plusieurs fiches (notion de droit, patrimoine, organisation judiciaire, sources du droit, preuves…)

 

 

 

 

Quelles sont les exceptions au principe de la preuve par l’écrit?

Bien que le principe impose l’usage de l’écrit, le Code civil prévoit des exceptions permettant de recourir à d’autres modes de preuve dans certaines situations, comme :

  1. Actes de commerce entre commerçants : La liberté de preuve prévaut dans les transactions commerciales entre professionnels (article L110-3 du Code de commerce).
  2. Actes mixtes : En cas de contrat entre un commerçant et un non-commerçant, le commerçant reste soumis au principe de preuve écrite, alors que le non-commerçant peut prouver par tous moyens.
  3. Actes frauduleux : Les actes entachés de fraude ou de manœuvres dolosives peuvent être prouvés par tout moyen.
  4. Intérêt d’un tiers : Un tiers ayant intérêt à invoquer un acte peut le faire sans obligation de preuve écrite.
  5. Commencement de preuve par écrit : Si un document incomplet mais émanant de la partie adverse rend plausible l’existence de l’acte, ce « commencement de preuve par écrit » peut être complété par d’autres éléments probants.
  6. Impossibilité matérielle ou morale : Lorsque les parties étaient dans l’impossibilité de produire un écrit, la preuve par tout moyen est admise (article 1360 du Code civil).

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