La primauté du droit international dans l’ordre interne

La supériorité des textes internationaux sur les normes internes

Pour traiter ce sujet, il convient de faire les différences entre droit interne et droit international :

  • Droit interne : Ensemble des règles juridiques applicables à l’intérieur des frontières d’un État, régissant les relations entre individus, ainsi que les rapports entre les citoyens et l’État.
  • Droit international : Régit les relations entre les États, les organisations internationales et, parfois, des individus dans un cadre transnational. Il comprend des conventions, traités et accords internationaux.

La principale différence réside dans le champ d’application : le droit interne est limité à un État particulier, tandis que le droit international a vocation à être appliqué au niveau global, entre plusieurs États.

L’hypothèse d’un conflit entre une loi interne et un traité international est explicitement prévue par les Constitutions des 4ème et 5ème Républiques en France, qui reconnaissent la primauté des traités sur les lois internes sous certaines conditions.

  • Sous la Constitution de 1946 (4ème République), l’article 26 établissait déjà le principe de la supériorité des traités sur les lois internes, affirmant ainsi la place centrale des engagements internationaux dans l’ordre juridique français.

  • La Constitution de 1958 (5ème République) a renforcé ce principe à l’article 55, mais avec une condition de réciprocité. Cela signifie que pour qu’un traité l’emporte sur une loi interne, les deux États signataires du traité doivent le respecter réciproquement. Par exemple, si la France signe un traité avec la Belgique, pour que ce traité prévale dans l’ordre juridique français, il doit avoir été ratifié par les deux pays et appliqué de manière équivalente.

La réciprocité conditionne donc l’application des traités internationaux dans l’ordre interne. Si l’autre État signataire ne respecte pas ses engagements, la France peut refuser d’appliquer le traité dans son droit interne.

Ainsi, toute loi adoptée en France doit respecter les traités, accords et conventions internationaux déjà ratifiés. En cas de conflit entre une loi nationale et un traité, les juridictions nationales, qu’elles soient judiciaires ou administratives, ont reconnu le pouvoir d’écarter l’application d’une loi contraire à un traité international.

La jurisprudence a clairement établi ce principe, notamment à travers des décisions historiques :

  • La Cour de cassation et le Conseil d’État ont tous deux écarté l’application de lois internes qui contredisaient des traités internationaux ratifiés par la France, affirmant ainsi la prééminence des traités.

 

1) Primauté du traité sur la norme interne

 

Qu’entend-on par le terme « Primauté du droit international sur le droit interne » ? La primauté du droit international signifie que, dans le cas d’un conflit entre une norme de droit international et une norme de droit interne (comme une loi nationale), le droit international prévaut. En pratique, cela veut dire que les États sont tenus de respecter leurs engagements internationaux même si une législation interne est contraire à ces engagements. Cette primauté est un principe reconnu dans de nombreux systèmes juridiques, notamment dans l’Union européenne, où le droit de l’UE prime sur le droit des États membre.

L’article 55 de la Constitution affirme que les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés par la France ont, dès leur publication, une autorité supérieure aux lois. Cependant, cette primauté est conditionnée à la réciprocité de leur application par l’autre partie contractante. Il est important de noter que la vérification de la réciprocité n’est pas du ressort des juridictions mais de l’autorité gouvernementale. Ainsi, la supériorité du droit international ne s’applique qu’aux traités régulièrement conclus et ratifiés.

La question de savoir si un traité pourrait être supérieur à la Constitution ne se pose pas directement, car la ratification d’un traité international contraire à la Constitution nécessite une révision constitutionnelle préalable. Par exemple, pour la ratification du Traité de Maastricht, une révision constitutionnelle a été imposée par le Conseil constitutionnel (décision du 9 avril 1992), votée par le Congrès le 25 juin 1992. Ainsi, un traité ne peut entrer dans l’ordre juridique français que s’il est conforme à la Constitution.

Supériorité du traité sur la loi interne

Le principe de la supériorité du traité sur la loi ne se pose que lorsqu’il y a un conflit entre ces deux sources du droit. Si la loi interne est applicable aux individus, les traités internationaux peuvent, selon leur nature, ne concerner que les États et ne pas créer directement de droits pour les particuliers. Certains traités, comme la Charte des Nations Unies, n’imposent d’obligations qu’aux États et n’ont donc pas d’effet direct sur les citoyens. D’autres traités sont d’application directe, c’est-à-dire qu’ils créent des droits et obligations pour les ressortissants des États signataires, leur permettant de s’en prévaloir devant les tribunaux.

Lorsque les traités n’ont pas d’applicabilité directe, comme la Convention de New York sur les droits de l’enfant, les particuliers ne peuvent pas les invoquer devant les juridictions nationales, même si ces dispositions sont supérieures à la loi interne. Ce différend entre domaines d’application empêche donc tout conflit direct avec les lois nationales.

Résolution des conflits entre droit international et droit interne

Les États ayant inscrit dans leur Constitution la primauté du droit international doivent veiller à ce que leurs lois internes respectent les engagements internationaux. Cependant, il arrive que des lois nationales entrent en contradiction avec une disposition internationale. Le comportement des juridictions dans ce cas peut varier.

  • Le Conseil d’État et la Cour de cassation ont tous deux, à des moments distincts, refusé d’appliquer des lois françaises contraires à des traités ratifiés par la France, qu’elles soient antérieures ou postérieures au traité. Un arrêt célèbre de la Cour de cassation (chambre mixte, 24 mai 1975, arrêt Jacques Vabre) a été le premier à écarter l’application d’une loi nationale postérieure au Traité de Rome en matière commerciale, affirmant ainsi la supériorité des traités. Dans cette décision, la Cour a rejeté l’argument selon lequel les juges ne peuvent contrôler l’application des lois sans excéder leurs pouvoirs. Elle a simplement déclaré la loi inapplicable dans l’affaire spécifique, sans l’annuler. Le Conseil d’État, de son côté, a adopté cette jurisprudence avec plus de réticence dans l’arrêt Nicolo (20 octobre 1989), en validant également la primauté des traités sur les lois internes postérieures.

  • En revanche, le Conseil constitutionnel ne contrôle pas la compatibilité des lois internes avec les normes internationales. Lors de la réforme de la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en 1975, le Conseil constitutionnel a rejeté un recours fondé sur une incompatibilité avec la Convention européenne des droits de l’homme (ratifiée en 1974), arguant qu’il ne lui revenait pas de juger la conformité des lois aux traités (décision du 15 janvier 1975).

Supériorité des normes internationales et dispositions constitutionnelles

La Cour de cassation, dans un arrêt d’Assemblée plénière du 2 juin 2000, a précisé que la suprématie des engagements internationaux ne s’étend pas aux dispositions de valeur constitutionnelle dans l’ordre interne. Ainsi, même si un traité international, comme la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), est violé par une loi organique, celle-ci (de nature constitutionnelle) ne sera pas invalidée en raison de la supériorité de la Constitution.

Exemples de traités internationaux importants

  • Pacte international relatif aux droits civils et politiques : Adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 16 décembre 1966 et ratifié par la France le 4 novembre 1981. Ce texte fondamental fixe des droits essentiels pour les citoyens des États signataires.

  • Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales : Adoptée à Rome le 4 novembre 1950, cette convention est un pilier de la protection des droits humains en Europe. La Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg en assure l’application.

  • Convention relative aux droits de l’enfant : Signée à New York le 26 janvier 1990, cette convention a été ratifiée par la France par une loi du 2 juillet 1990. Cependant, la Cour de cassation a estimé que cette convention ne peut être invoquée directement par des particuliers, car elle ne crée pas de droits pour eux, tandis que le Conseil d’État a adopté une approche plus nuancée.

Ces exemples montrent que le respect des normes internationales est essentiel, mais que leur impact sur le droit interne dépend de leur applicabilité directe et des conflits éventuels avec les lois ou la Constitution.

 

2) Le droit national et le droit de l’UE

 

Le droit européen occupe une place particulière dans la hiérarchie des normes des États membres. La primauté du droit de l’UE est un principe fondamental affirmé dans l’arrêt CJCE Costa du 15 juillet 1964, où la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a déclaré que le Traité CEE a créé un ordre juridique propre qui s’intègre aux systèmes juridiques nationaux dès son entrée en vigueur. Cet ordre juridique européen, bien que infraconstitutionnel (il ne prime pas sur les Constitutions nationales), est supralégislatif, ce qui signifie qu’il prévaut sur les lois internes des États membres.

Les traités européens et les textes issus des organes de l’UE (tels que la Commission, le Parlement et le Conseil) produisent des normes qui s’appliquent directement aux particuliers et qui peuvent être invoquées devant les juridictions nationales ou la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE). Les citoyens des États membres peuvent ainsi se prévaloir de ces règles, mais toutes les normes de l’UE n’ont pas la même autorité. Il est crucial de différencier les divers types de normes européennes.

1. Recommandations et avis
Les recommandations et avis émis par la Commission européenne n’ont pas de force contraignante. Bien qu’ils ne créent pas d’obligations légales pour les États membres, ils restent des outils d’influence importants, orientant les politiques nationales et la législation en fonction des objectifs européens. Ces actes expriment des orientations politiques sans être exécutoires.

2. Directives
Les directives sont des instruments contraignants pour les États membres, mais elles laissent une certaine liberté sur la manière d’atteindre les objectifs fixés. Elles imposent un résultat à atteindre, tout en permettant aux États de choisir les moyens et la forme de mise en œuvre. Toutefois, en cas de retard dans la transposition d’une directive, le juge national doit interpréter le droit interne à la lumière de la directive. Si un État manque à ses obligations de transposition, il peut être condamné par les institutions européennes.

Les directives servent souvent d’outil d’harmonisation des droits des États membres, comme dans le cas des directives qui imposent des modifications législatives nationales dans des domaines tels que la protection des consommateurs ou l’environnement. Elles agissent comme des lois-cadres, définissant un cadre juridique que les États doivent respecter d’ici une date précise. Leur souplesse permet une adaptation progressive des législations nationales aux objectifs européens communs.

3. Règlements
Les règlements européens sont les instruments les plus puissants de l’UE. Contrairement aux directives, ils sont directement applicables dans l’ordre juridique des États membres sans transposition. Un règlement s’impose à tous, comme une loi nationale, et son application est immédiate dès son entrée en vigueur dans l’ensemble de l’UE. Il a une portée générale et s’applique à des catégories de personnes ou de situations abstraites, sans qu’une loi nationale ne soit nécessaire pour le mettre en œuvre.

  • Le règlement est obligatoire dans son intégralité, non seulement sur les objectifs qu’il fixe, mais aussi sur les moyens d’y parvenir. Si un règlement entre en contradiction avec une loi nationale, celle-ci devient automatiquement caduque. Les règlements postérieurs contraires aux règlements européens sont également illégaux, et le Conseil d’État en France, par exemple, peut effectuer un contrôle pour garantir la conformité des lois internes avec les règlements européens.

Ainsi, les règlements garantissent une application uniforme des règles dans toute l’Union européenne, renforçant la cohérence et l’intégration des systèmes juridiques nationaux.

Conclusion : articulation des normes européennes avec le droit interne

Le droit de l’UE, avec sa primauté sur les lois nationales, joue un rôle fondamental dans l’évolution des législations des États membres. Qu’il s’agisse de recommandations non contraignantes, de directives imposant un objectif commun, ou de règlements ayant une force normative équivalente à celle des lois nationales, les normes européennes influencent directement la législation et la jurisprudence nationales, renforçant la construction européenne et l’intégration des systèmes juridiques.

 

Le Cours complet d’Introduction au droit est divisé en plusieurs fiches (notion de droit, biens, acteurs de la vie juridique, sources du droit, preuves, responsabilité…)

Résumé :

Rapport entre droit interne et droit international
Le rapport entre droit interne et droit international varie selon les systèmes juridiques. Dans certains pays, le droit international est directement applicable en droit interne (monisme), alors que dans d’autres, il doit être incorporé dans le droit national par une loi spécifique (dualisme). En général, lorsqu’il y a conflit, le principe de primauté du droit international s’applique, mais l’interaction exacte dépend de la constitution et des normes spécifiques de chaque État.

Droit interne (définition juridique)
Le droit interne désigne l’ensemble des règles de droit applicables au sein d’un État. Il englobe le droit civil, pénal, administratif, constitutionnel, commercial, etc. Le droit interne régit les relations entre individus, ainsi que les interactions entre ces derniers et l’État. Il est distinct du droit international, qui dépasse le cadre des frontières nationales pour s’intéresser aux relations entre États.

 

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