La primauté du droit international sur le droit interne

 La primauté du droit international sur le droit interne

 Pour le Droit International comme pour le droit de l’Union Européenne, ces deux droits priment sur le droit interne (on considère que le droit interne est du fait).

Pourtant, ces règles internationales ne sont ni des dispositions constitutionnelles, au sommet de l’ordre juridique interne, ni des dispositions législatives, ou même réglementaires. Elles ne sont, en fait, définies dans aucune théorie de la pyramide des normes, et alors qu’elles sont applicables en droit interne, quelle serait l’issue d’un conflit entre une telle norme, et une disposition interne à l’Etat ? Le droit international prime-t-il sur le droit interne ?

 

En droit de l’Union Européenne, depuis l’arrêt Costa de 1964, un juge avait dit qu’il s’agissait d’un principe existentiel. Etait en cause une loi italienne, postérieur au traité de Rome et incompatible avec celui-ci. Dans l’arrêt Costa, la Cour de Justice a affirmé que le droit communautaire l’emportait sur le droit interne. Si on ne fait pas respecter cette condition, le droit de l’Union Européenne n’existe plus.

 

 Un arrêt du 11 janvier 2000, Tanja Kreil : était en cause une directive, une règle des moins contraignantes de l’Union Européenne face à une règle constitutionnelle. La requérante voulait absolument entrer dans l’armée allemande, supposant le maniement d’armes ; or, une disposition considérée par l’Allemagne comme ayant rang constitutionnel interdit aux femmes de manier les armes lorsqu’elles sont dans l’armée allemande. La CJ va confronter la norme ayant rang constitutionnel à la directive européenne sur l’égalité des sexes, en particulier dans l’accès la fonction publique, et vont considérer que la norme constitutionnelle est contraire à la directive communautaire.

 Dans un système international qui se judiciarise de plus en plus, il y a de plus en plus de possibilités pour qu’un Etat puisse être amené devant les tribunaux internationaux. Les risques d’engagement de la responsabilité de l’Etat sont plus nombreux.

 

1) Droit international et constitution

 Aucune constitution ne contient de dispositions relatives à la place réciproque du Droit International et de la Constitution. C‘est au juge d’apprécier : en France, la question s’est posée devant lui en raison de l’article 55 de la Constitution qui parle d’« autorité supérieure à celle des lois » –> Qu’entendre par le terme de loi ? 

 La question s’est posée dans les deux juridictions : dans l’arrêt du CE, Sarran et Levacher du 30 octobre 1998 du CE, et l’arrêt Fraisse du 2 juin 2000 pour la Cour de cassation. Concernaient l’inscription sur les listes électorales pour le référendum en Nouvelle-Calédonie. Plusieurs contentieux ont eu lieu à propos de la révision constitutionnelle pour le processus d’indépendance. Devant le CE, Sarran et Levacher ne vont pas attaquer la norme constitutionnelle mais le décret d’application (idem dans l’arrêt Fraisse) –> Contentieux traditionnel. La Cour de cassation et le Conseil d’Etat constatent que la disposition règlementaire reprend la norme constitutionnelle : dans ces conditions, contrôler l’énoncé du règlement par rapport à une convention revient indirectement à contrôler un énoncé constitutionnel par rapport à un acte international. Le Conseil d’Etat énonce que « la suprématie ainsi conférée aux engagements internationaux ne s’applique pas, dans l’ordre interne, aux dispositions constitutionnelles ».

 Au moment où la question s’est posée, la cour de cassation et le Conseil d’Etat ont vu la difficulté : ont pris en considération le fait que de ne pas appliquer un traité incompatible avec la constitution peut engager la responsabilité internationale de la France. Ils disent que leur solution ne vaut que dans l’ordre interne. Dans leur perspective, la norme constitutionnelle ne peut être supplantée par un engagement international. L’enjeu est plus théorique que pratique, quasiment nul à l’heure actuelle, quasiment toutes les conventions internationales qui seraient susceptibles d’être incompatibles avec la Constitution sont systématiquement envoyées au Conseil Constitutionnel avant le processus de ratification. Ce sont les traités conclus avant 1958 et surtout le droit dérivé de l’Union Européenne qui peuvent poser problème, n’étant pas soumis au contrôle.

 Le considérant de ces arrêts s’applique-t-il à tout le Droit International y compris au droit de l’Union Européenne ? Les requérants invoquaient des dispositions du droit communautaire, et des dispositions internationales de manière générale, qui étaient en contrariété avec les normes internes.

Le CE traite les moyens ensemble, sans distinction. La Cour de cassation fait une distinction : elle dit dans un premier temps que le grief (non inscription sur les listes électorales) n’entre pas dans le champ d’application du droit communautaire. Elle écarte l’argument du traité de Rome, et limite son attendu au Droit International. Certains y ont vu une brèche, sous-entendu qu’elle réservait sa position et finira par admettre la suprématie du droit communautaire.

 –> A priori, dans tous les Etats, la Constitution l’emporte.

 2) Droit international et lois

 Un conflit de normes se résout en priorité par l’application de la hiérarchie des normes. Lorsque l’application du principe hiérarchique ne résout pas le conflit (les deux normes étant au même rang hiérarchique), alors on invoque des principes de résolution subsidiaires (conflit de normes dans le temps, règle spéciale > générale).

 

Les constitutions peuvent avoir plusieurs positions :

  • Certaines placent les normes internationales au même rang que la loi (principe des Etats-Unis) : une loi postérieure à un traité l’emporte, étant hissés au même rang. Les EU pratiquent la doctrine qui était pratiquée sous la IIIe République en France, la doctrine Matter : la Constitution de la IIIe République plaçait les conventions au même rang que la loi, les conventions internationales étaient autorisées par le Parlement. Face à des normes incompatibles, on va quand même tenter des les interpréter de manière à les rendre compatibles. Si cela est véritablement impossible, alors on fait application du principe subsidiaire de résolution des conflits de norme, et on applique la plus récente comme dernière expression de la volonté du Parlement. Malgré les dispositions relativement clauses de la Constitution de 1946, on a continué à utiliser cette pratique sous la IVe République.
  • Certaines placent expressément les traités au dessus des lois. C’est le cas de la France. Même là, le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation ont continué avec leur doctrine de Matter. En cas de conflit traité vs loi –> On applique la plus récente. Ils savaient que l’article 55 existait mais ils disaient qu’ils n’étaient pas compétents pour appliquer la Constitution, c’est au Conseil Constitutionnel de faire respecter la primauté des traités sur la constitution.

 

Toute la jurisprudence de 1958 à 1975 pour la Cour de Cassatuib et 1989 pour le Conseil d’Etat affirmaient que l’article 55 ne pouvait être interprété que par le Conseil Constitutionnel. La décision Conseil Constitutionnel, IVG de 1975 a dit qu’il appartenait à toutes les autorités publiques d’assurer l’application de l’article 55. Il vise principalement le juge. Le Conseil Constitutionnel peut intervenir en tant que juge, notamment en tant que juge des élections.

 La Cour de Cassation a réagi par son arrêt de 1975, Jacques Vabre : elle assure l’article 55 et assure ainsi la primauté de la règle internationale sur la loi interne, sans annuler la loi évidemment.

Pour le CE, arrêt Nicolo de 1989 : il y a eu un développement du droit communautaire avec la CJCE dont la saisine est obligatoire. Depuis 1981, la France a accepté la saisine unilatérale de la CEDH. A partir du milieu des années 1980, la France se fait condamnée à plusieurs reprises, car le CE persiste à faire prévaloir la loi postérieure à la Convention EDH.

 L’arrêt Nicolo est souvent présenté comme « le traité l’emporte sur une loi, même postérieure ». En fait, comme dans la hiérarchie des normes, le traité est supérieur à la loi, tout traité est donc supérieur à toute loi. L’article 55 dispose une hiérarchie claire.

 –> Premier principe : hiérarchique, et c’est seulement si ce principe ne peut s’appliquer (même rang), que l’on applique la résolution subsidiaire.

3) La coutume internationale

 Dans l’arrêt Aquarone du CE, il estime que l’alinéa 14 du préambule ne lui permet pas d’assurer une éventuelle supériorité de la coutume sur la loi. Cela peut choquer, car en Droit International, traités et coutumes ont le même rang. Le CE affirme seulement qu’il n’est pas compétent pour écarter une loi en contradiction avec une coutume. Si la France adopte une loi contraire à une coutume, c’est qu’elle considère qu’elle n’est pas liée par la coutume et donc qu’elle ne s’applique pas en France.

 

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