La prise illégale d’intérêt

La prise illégale d’intérêt

La prise illégale d’intérêt est, selon la définition du « lexique des termes juridiques » de DALLOZ, « une infraction consistant dans le fait, pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou pour une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver un intérêt quelconque dans une entreprise ou une opération dont elle, a au moment de l’acte, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement.

Cette interdiction également les anciens fonctionnaires; agents ou préposés d’une administration publique, d’un établissement public, d’une entreprise nationalisée, de certaines sociétés d’économie mixte qui pendant une durée de 5 ans suivant la cessation de cette fonction, recevraient une participation par travail, conseil ou capitaux dans des entreprises avec laquelle ils étaient préalablement en relation ».

  Il y a donc en matière de prise illégale d’intéret,  deux incriminations que je présente à titre liminaire mais je n’en étudierais qu’une par la suite: articles L432-12 et L432-13.

Finalités communes : Ces incriminations ont un point commun qui est d’éviter l’ingérence d’agents publics dans la vie des affaires et donc, il s’agit d’inciter ces agents à faire preuve de probité, d’impartialité dans le cadre de l’exercice de leur fonction. On est donc dans des infractions qui visent à moraliser la vie des affaires en préservant la confiance que la Nation peut avoir dans les agents publics.

 

Contextes différents : au-delà de ces finalités qui sont communes, il faut distinguer ces deux incriminations qui se rapportent à des contextes différents. L’article L432-12 incrimine la prise illégale d’intérêt par un agent public en fonction. En revanche, l’article L432-13 est relatif à la prise illégale d’intérêt par un ancien agent public, un ancien fonctionnaire. On parle aussi à l’égard de cette infraction de délit de « pantouflage ». Cet article L432-13 qui ne sera pas étudiée est extrêmement long, c’est un texte lourd. C’est un article qui a fait partie de lui ces derniers temps lors de la nomination de M. Vérol à la tête du groupement des Caisses d’Epargne: plainte donc cet article a récemment fait les gros titres. Revenons à l’infraction que l’on va étudier : L’article L432-12 incrimine dans son premier alinéa « le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public le fait de prendre recevoir ou conserver directement ou indirectement un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a au moment de l’acte, en tout ou en partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement ». Il s’agit d’éviter ci qu’un agent public profite de ses fonctions pour prendre un acte qui lui rapporte un intérêt pour lui même ou pour autrui et qui serait constitutif d’un manquement à la probité que doit lui inspirer l’exercice de ses fonctions. On retrouve la condition préalable tenant à la qualité de l’agent, éléments constitutifs et répression

 

  1. I) La condition préalable tenant à la qualité de l’agent.

 C’est la même qualité que pour la corruption ou trafic d’influence, c’est une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public.

 

Personnes dépositaires de l’autorité publique: Au titre des personnes s’étant rendu coupable de ce délit, on rencontre un inspecteur des impôts, arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 3 avril 1991. Ou encore un directeur des services techniques des communes, arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 14 juin 1972.

Personnes chargée d’une mission de service public : président d’une chambre de commerce et d’industrie ayant en charge du service public de gestion d’apport, arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 20 novembre 1980.

Personne investi d’un mandat électif public: maire d’une commune par exemple, c’est l’un des auteurs les plus fréquent de ce délit, par exemple en délivrant à une entreprise dont il est le gérant un permis de construire. Illustration par exemple dans un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 7 octobre 1976.

 

  1. II) Les éléments constitutifs de l’infraction.

 

Il faudra classiquement envisager l’élément matériel puis l’élément moral. On terminera par une précision dans la loi pour les petites communes.

 

  1. A) L’élément matériel.

 

Si on se reporte à la lettre de l’article L432-12, le fait de prendre recevoir ou conserver directement ou indirectement un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a au moment de l’acte, en tout ou en partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement. C’est donc assez large. Accumulation de détails, de précisions qui ont pour objet d’écarter le champ d’application de l’article, d’autant plus que la jurisprudence les interprète largement.

 

La prise d’intérêt peut être directe ou indirecte.

 Illustration de prise d’intérêt direct, par exemple, l’infraction est commise en cas de vente d’un terrain municipal par le maire qui est en même temps rémunéré entant que mandataire de l’entreprise de construction qui acquiert le terrain: cet agent public se rend coupable de la prise d’intérêt direct. Cela a été rappelé dans un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 23 février 1996. De même commet cette infraction de prise d’intérêt de manière direct un adjoint délégué à l’urbanisme qui en sa qualité, signe les avis du maire dans les dossiers de permis de construire administratif, mais il était l’architecte auteur des projets produits à l’appui de ces domaines faites auprès de la municipalité. D’un côté, en tant qu’agent, il signe les avis donné par le maire en ces demandes de permis de construire, en même temps, il est architecte. Rappelé par un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 18 juin 1996.

 

La prise illégale peut être indirecte, on est dans l’hypothèse où intervient un intermédiaire. La Cour dit que cela permet de sanctionner les actes commis par le prévenu au profit par exemple des membres de sa famille ou bien au bénéfice de personnes qui lui sont proches. Dans les faits, principalement la famille, cercle restreint autour de l’agent. Exemple donné par un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 3 avril 2007 : il s’agit d’un prévenu président d’un conseil départemental de la Croix Rouge et en cette qualité, il avait confié l’organisation de stages dont les prestations sont régulées par la Croix Rouge à une entreprise (jusque là, c’est normal), mais cette entreprise était gérée par son fils qui était gérant de droit et dont sa belle fille était gérante de fait. Il s’est ainsi rendu coupable de prise indirecte d’intérêt.

 

La notion d’intérêt.

 

Par ailleurs, la jurisprudence a précisé cette notion d’intérêt. C’est notion susceptible d’une Interprétation large et la Cour de cassation ne s’en prive pas.

Le plus souvent, il s’agit d’un intérêt matériel et la Cour de cassation considère que la recherche d’un enrichissement ou d’une contrepartie pécuniaire n’est pas un élément constitutif de l’infraction dans un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 14 juin 2000. Dès lors, on peut considérer que l’intérêt peut être simplement moral et c’est donc dans ce contexte amical, familiale que cet élément moral va pouvoir se vérifier. Le fait de la part d’un agent public d’attribuer en raison de sa qualité un marché à une entreprise gérée par sa famille constitue cette prise d’intérêt indirect mais qui pour l’agent constitue un simple intérêt moral et non pécuniaire. Outre l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 3 avril 2007 on a un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 9 février 2005 où il s’agissait du président d’un conseil régional qui fait attribuer un marché à une entreprise gérée par ses enfants, il n’en retire pas à titre personnel un avantage maté riel.

 

  1. B) L’élément moral.

 On est dans une infraction intentionnelle donc la caractérisation suppose que le prévenu ait pris sciemment un intérêt dans une affaire soumises à sa surveillance, sans qu’il soit nécessaire de caractériser la rechercher par lui d’un intérêt directement personnel donc il n’y a pas ici de dol spécial à caractériser constituant dans la recherche pour lui d’un intérêt direct donc pas de dol spécial. Ici, la jurisprudence fait encore preuve de sévérité car de nouveau elle présume l’élément intentionnel qui est caractérisé par le seul fait que l’agent a accompli es qualité d’agent public, l’acte constitutif de l’infraction, autrement dit la jurisprudence présume l’élément intentionnel à partir de la nature des fonctions de l’agent.

 

La logique est la suivante: C’est un agent public donc il est au courant des règles qui s’appliquent dans l’exercice de ses fonctions: s’il a attribué un marché par une entreprise gérée par sa famille, la matérialité de l’acte présume l’intention qu’il avait de commettre l’infraction. Cette logique est diabolique car cette présomption n’est pas irréfragable en droit mais dans les faits, cette preuve est quasiment impossible à rapporter si la preuve de l’intention résulte de la nature de la fonction exercée par l’agent. Par exemple, arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 21 novembre 2001 ou arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 27 novembre 2002.

 

  1. C) La permission de la loi pour les petites communes.

 Les alinéas 2 et suivants de l’article L432-12 du Code pénal introduisent cet assouplissement, techniquement une permission de la loi qui bénéfice d’une petite commune. L’idée est de leur permettre de ne pas avoir à aller chercher trop loin les entreprise dont elles peuvent avoir besoin alors qu’elles auraient parmi leurs maires ou au sein de leurs conseils municipaux les professionnels dont on a besoin. Cela mènerait à des dépenses inutiles donc il a instauré cette permission. Conditions: l’alinéa 2 précise que ces mesures d’assouplissement bénéficient aux communes qui ont 3500 habitants au plus. Il leur est permis de traiter avec leur maire, adjoints ou conseillers municipaux pour un certain nombre de travaux d’entreprises, notamment la fourniture de services, mais dans la limite d’un montant qui se veut raisonnable, d’un montant annuelle de 16 000€.

 

III) La répression.

  1. A) Les peines.

 Les peines principales sont prévues par l’article L432-12 du Code pénal et consiste en une peine de 5 ans d’emprisonnement et 75 000€ d’amende. L’article L432-17 du Code pénal prévoit des peines complémentaires qui sont applicables. La tentative, à défaut d’incrimination expresse n’est pas punissable.

 

 

  1. B) La procédure.

 
 1) L’action publique.

 Il s’agit d’observer la question de la prescription ce qui invite à préciser la nature de l’infraction. En raison des actes incriminés à l’article L432-12, on constate que la nature n’est pas la même. En effet, ici, ce qui est d’abord incriminer est le fait de prendre ou de recevoir un intérêt dans l’affaire ou l’agent public a la surveillance. Prendre ou recevoir un intérêt sont des actes révélateurs de la nature instantanée de l’infraction. Donc, si l’infraction est commise par le fait d’avoir reçu un intérêt, le point de départ de l’infraction est fixée au jour où le prévenu a pris ou a reçu cet intérêt dans l’affaire dont il avait la surveillance. Par ailleurs, l’article L432-12 incrimine également le fait de conserver un intérêt, de sorte qu’à cet égard, si l’infraction est constituée par la conservation d’un intérêt, c’est une infraction continue, qui s’inscrit dans le temps donc le point de départ de la prescription sera fixé au jour de la cessation de l’activité délictueuse.

 

2) L’action civile.

 Il faut préciser que lorsque cette infraction est commise par le maire d’une commune ou d’un adjoint, il est prévu que les contribuables de cette commune peuvent se constituer partie civile mais seulement dans le respect des conditions de l’article L2132-5 du Code général des collectivités territoriales. On a ainsi un premier panorama riche et varié du droit pénal des affaires. Souvent ces infractions qui sont pour la plupart commises par des agents de la fonction dans les relations qu’elles ont avec des entreprises donc moralisation de la vie des affaires et protection de la confiance que la collectivité peut avoir dans les personnes qui exercent la fonction publique.

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