La procédure applicable aux mesures conservatoires

La procédure applicable aux mesures conservatoires

Les mesures conservatoires sont des mesures permettant à un créancier de conserver ou de garantir un droit ou un bien. Elles ont pour objet de garantir, avant le procès ou pendant le procès, un créancier contre le risque d’insolvabilité de son débiteur en conservant un droit ou un bien et sont prévues par la loi du 9 juillet 1991.

Ces mesures sont réalisées soit pour les créances définies par la loi (loyers – chèque sans provision) soit sur autorisation du juge de l’exécution dans les autres cas..

Le créancier autorisé à pratiquer une mesure conservatoire doit respecter les règles relatives à son exécution (A), sa dénonciation (B), sa conversion (C) et aux incidents (D).

1) L’exécution de la mesure conservatoire

Même autorisé judiciairement, le créancier ne peut exécuter une mesure conservatoire si d’autres moyens de recouvrement lui permettent d’obtenir satisfaction.

La mesure conservatoire doit être exécutée dans un délai de 3 mois à compter de l’ordonnance sinon l’autorisation judiciaire est caduque (D92 Article 214) Le délai court à compter du jour du prononcé de l’ordonnance. Puisque l’exécution est visée, une tentative d’exécution non suivie d’effet n’empêcherait pas la caducité de l’autorisation sauf cas de force majeure. Même si le délai de 3 mois n’est pas expiré, le créancier ne peut utiliser l’ordonnance qu’il a obtenue pour réitérer une mesure identique dont l’exécution ferait courir un nouveau délai de 3 mois.

L’exécution de la mesure conservatoire doit être dénoncée au débiteur.

2) La dénonciation de la mesure conservatoire

«La notification au débiteur de l’exécution de la mesure conservatoire interrompt la prescription de la créance cause de cette mesure» (L91 Article 71). Est seulement exigée la notification de l’exécution même de la mesure, le créancier conserve donc le bénéfice de l’effet de surprise. S’agissant d’une notification et non d’une signification, l’intervention d’un huissier de justice n’est pas requise (Code de Procédure Civile, Article 665 et suivants.).

«Lorsque la mesure est pratiquée entre les mains d’un tiers [(le débiteur du débiteur)], le créancier signifie à ce dernier une copie des actes attestant les diligences requises par l’article 215 [pour l’obtention, le cas échéant, d’un titre exécutoire cf. infra.], dans un délai de huit jours à compter de leur date. A défaut, la mesure conservatoire est caduque. » Le créancier doit donc informer le débiteur et le tiers. Constitue un tiers, toute personne qui se trouve dans un rapport de droit avec le débiteur saisi et à qui la mesure conservatoire impose des obligations. Tout tiers répondant à cette définition a donc le droit d’être informé comme le débiteur

Si la mesure conservatoire n’incite pas le débiteur à s’exécuter, elle peut ensuite être convertie en une mesure d’exécution.

3) La conversion de la mesure conservatoire

La mesure conservatoire est par essence provisoire, elle est destinée à faire pression sur le débiteur et n’a donc pas vocation à durer dans le temps. Ainsi, si le débiteur ne s’exécute pas, il est nécessaire de passer au stade de l’exécution et alors le créancier doit obligatoirement être muni d’un titre exécutoire.

si le créancier a déjà un titre exécutoire: il peut directement pratiquer une mesure d’exécution, il convertit directement la mesure conservatoire en une mesure d’exécution correspondante.

si le créancier n’a pas encore de titre exécutoire: il «doit, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité [de la mesure conservatoire], introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire» (D92 Article 215, L91 Article 70). Le titre exécutoire permettra de convertir la mesure conservatoire en mesure d’exécution. Cette règle évite qu’une mesure conservatoire soit maintenue durant une durée indéterminée au préjudice du débiteur. En prévoyant que le créancier doit accomplir les formalités nécessaires, le législateur vise le cas où le jugement est rendu mais n’est pas encore revêtu de la formule exécutoire, il suffit alors d’obtenir une décision avec la formule exécutoire. A défaut, le créancier peut ou doit introduire une procédure au fond pour obtenir le titre exécutoire qui lui fait défaut. La saisie d’une juridiction incompétente est assimilée en jurisprudence comme une absence de saisie. Depuis la réforme, la conversion prend la forme d’une instance au fond, il n’existe plus d’instance en validité. Les modalités pratiques de conversion sont spécifiques à chaque mesure cf. infra.

Lorsque la carence du créancier est établie, il y a caducité, les juges n’ont aucun pouvoir d’appréciation.

Lorsqu’une mesure conservatoire lui est dénoncée, le débiteur peut réagir en demandant la mainlevée de la mesure ou la substitution d’une autre mesure.

4) Les incidents de la mesure conservatoire

Avant la réforme, 3 types d’incidents pouvaient survenir: la mainlevée totale ou partielle, la réduction ou le cantonnement de la mesure moyennant consignation et le concours de plusieurs saisies conservatoires. Aujourd’hui, il peut uniquement y avoir un concours de saisies conservatoires sur les biens meubles corporels du débiteur, dès lors, cet incident devient un incident spécifique à la saisie conservatoire des biens meubles corporels (cf. infra).

Stricto sensu, il existe 2 types d’incidents communs: la mainlevée et la substitution d’une autre mesure propre à conserver les intérêts des parties.

  1. A) La mainlevée de la mesure conservatoire

«Même lorsqu’une autorisation préalable n’est pas requise, le juge peut, à tout moment, au vu des éléments qui sont fournis par le débiteur, le créancier entendu ou appelé, donner mainlevée de la mesure conservatoire s’il apparaît que les conditions prescrites par l’article 67 [cf. supra.] ne sont pas réunies. » (L91 Article 72 al.1)

1) Les conditions de la mainlevée

En principe, seul le débiteur peut demander la mainlevée de la mesure conservatoire et ce pendant toute sa durée i.e. jusqu’à son issue. Ainsi, le débiteur peut demander la mainlevée même dans les cas où il y a dispense d’autorisation judiciaire et alors le juge opère contrôle a posteriori des conditions de la mesure.

La mesure conservatoire peut être levée si ses conditions (L91 Article 67 et D92 Article 210 et suivants.) ne sont pas respectées i.e. si la créance n’est pas fondée dans son principe ou si la mesure est prise sur des biens n’appartenant pas au débiteur ou s’il n’existe aucune menace pour le recouvrement de la créance.

La mainlevée est obligatoire si le débiteur fournit une caution bancaire irrévocable conforme à la mesure exécutée.

2) La procédure de mainlevée

  1. a) La compétence d’attribution

Principe: le JEX qui a ordonné la mesure est compétent pour statuer sur la mainlevée.

Exception: si la mesure porte sur une créance relevant de la compétence des juridictions commerciales, le Président du Tribunal de Commerce est compétent.

  1. b) La compétence territoriale

Il faut distinguer selon que la mesure a été prise avec ou sans autorisation judiciaire.

Si la mesure a été prise avec autorisation judiciaire: la demande est présentée devant le juge qui a accordé l’autorisation. Ainsi, si la décision du JEX est affirmée en appel, la demande de mainlevée doit être introduite devant la Cour d’appel qui s’est substituée au premier juge pour délivrer l’ordonnance.

Si la mesure a été prise en l’absence d’autorisation judiciaire: le JEX du lieu du domicile du débiteur est compétent.

3) Les effets de la mainlevée

La mainlevée peut être partielle ou totale mais elle est nécessairement pure et simple i.e. il ne peut être demandée aucune garantie de paiement au débiteur.

Pour éviter des mesures conservatoires abusives, «lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire» (L91 Article 73 al.2).

  1. B) La substitution d’une autre mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties
  • «A la demande du débiteur, le juge peut, le créancier entendu ou appelé, substituer à la mesure conservatoire initialement prise toute autre mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties» (L91 Article 72 al.2) et notamment les intérêts du créancier. Cet incident ne peut être soulevé que par le débiteur. Il remplace l’ancien incident de réduction ou de cantonnement moyennant consignation.
  • Aucune limite n’est posée quant aux mesures pouvant se substituer à la mesure conservatoire: il peut s’agir d’une autre mesure conservatoire ou d’une sûreté (ex: cautionnement bancaire) et dans ce cas, la mainlevée de la conservatoire est automatique si le débiteur fourni un cautionnement bancaire irrévocable.
  • Les règles de compétence propre à cet incident sont identiques à celles relatives à la mainlevée.

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