La procédure de redressement ou de liquidation judiciaire

Les procédures de redressement et de liquidation judiciaire

   Les règles de procédures constituent une garantie indispensable pour le débiteur. En effet, le redressement ou la liquidation judiciaire produit à son égard des conséquences graves notamment en restreignant ses droits.

L’intéressé doit donc être en mesure de se défendre. Ces règles permettent également aux créanciers de s’assurer que l’égalité qui doit régner entre eux est bien respectée. Par conséquent, les mesures applicables aux entreprises en cessation des paiements sont décidées par un tribunal et non par une autorité administrative.

 

Aussi, l’article 6 de la loi du 13 juillet 1967, condamnant la théorie de la faillite virtuelle, avait posé le principe qu’en l’absence de jugement, le règlement judiciaire ou la liquidation de bien ne résultait pas du fait de la cessation des paiements.

Pour sa part, la loi du 25 janvier 1985 reprise par le code de commerce a banni la notion de faillite virtuelle. Il en résulte qu’une juridiction répressive ne peut condamner pour banqueroute une personne qui n’a pas au préalable fait l’objet d’une procédure de redressement ou liquidation judiciaire.

Ce texte a maintenu les différents modes de saisine du tribunal qui existaient dans le régime antérieur, à cette exception qu’elle a reconnu au comité d’entreprise ou à défaut aux délégués du personnel le droit de signaler au président du tribunal ou au ministère public tout fait révélant la cessation de paiement de l’entreprise.

La loi du 26 juillet 2005 a consacré cette prérogative.

 

  A / La déclaration du débiteur.

1 ) Les modalités de la déclaration.

Le débiteur qui se trouve dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible doit en faire la déclaration au tribunal compétent dans les 45 jours de sa cessation des paiements s’il n’a pas entre-temps sollicité l’ouverture d’une procédure de conciliation.

La loi de 1985 a certes dépénalisé l’absence ou la tardiveté de cette déclaration mais a conservé la sanction de la faillite personnelle. C’est dire l’obligation impérative de faire cette déclaration sauf si le débiteur bénéficie déjà d’une procédure de conciliation.

En revanche, l’ouverture de la procédure par un créancier ne dispense pas le représentant légal de cette formalité. Cette obligation incombe au débiteur lui-même ou, en cas de décès en état des cessations des paiements de celui-ci, à ses héritiers dans le délai d’un an à compter de cet événement.

S’il s’agit d’une personne morale, la déclaration de cessation des paiements doit être faite par son représentant légal, mais les associés ou actionnaires ne peuvent en aucun cas réaliser cette formalité. Cela n’exclut pas que leur approbation préalable soit demandée par le dirigeant.

De même, l’avocat du débiteur ne peut prendre cette initiative sinon en vertu d’un pouvoir spécial, lequel n’est pas inclus dans le mandat de représentation et d’assistance des avocats.

Avant cette formalité de dépôt de bilan c’est-à-dire déclaration de la cessation des paiements, le comité d’entreprise doit être informé et consulté. En l’absence d’un tel comité aucune formalité ne s’impose.

 

2 ) Les documents accompagnant la déclaration.

La déclaration de la cessation des paiements est déposée au greffe du tribunal compétent par le débiteur qui doit y joindre certaines pièces :

  • – comptes annuels du dernier exercice,
  • – un extrait d’immatriculation,
  • – nombre de salariés,
  • – montant du chiffre d’affaire,
  • – état chiffré du montant des créances et des dettes ainsi que le nom et domicile des créanciers,
  • – pour les salariés : montant global des sommes impayées,
  • – état passif et actif de sûretés et engagements hors bilan,
  • – inventaire sommaire des biens du débiteur,
  • – nom et adresses des représentants du comité d’entreprise ou des délégués du personnel habilité a être entendus par le tribunal s’ils ont déjà été désignés.

Tous ces documents doivent être datés, signés et certifiés sincères et véritables par le déclarant.

Au cas où l’un d’eux ne pourrait être fourni ou ne pourrait l’être qu’incomplètement, la déclaration devrait indiquer les motifs qui empêchent cette production.

 

 B / L’assignation d’un créancier.

            Le tribunal peut être saisi sur l’assignation d’un créancier quelle que soit la nature de sa créance à l’exception des créances d’exploitation agricole qui doivent préalablement solliciter, auprès du président du TGI, la nomination d’un conciliateur en vue d’un accord amiable en application de l’article L 351-2 code rural. Il faut toutefois que le débiteur n’exerce pas son activité agricole sous la forme d’une société commerciale.

Cette saisine demeure possible même si le débiteur est décédé pourvu qu’elle intervienne dans l’année du décès. Elle est cependant exclue lorsque l’intéressé fait l’objet d’une procédure de conciliation en cours.

La loi n’impose pas un montant minimum des créances impayées pour ouvrir une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Aussi, le défaut de paiement d’une créance d’un faible montant suffit pour permettre le déclenchement d’une telle procédure. Néanmoins, l’assignation intempestive de la part d’un créancier qui n’est pas en mesure de démontrer l’état de cessations des paiements de son débiteur est susceptible d’engager sa responsabilité. En effet, l’ouverture inconsidérée d’une procédure collective est de nature à altérer la crédibilité d’une entreprise par la publicité qui l’accompagne.

Outre l’indifférence de sa nature civile ou commerciale, peu importe le caractère chirographaire ou privilégié de la créance, que celle-ci est fait l’objet ou non de procédure ou voies d’exécution. En effet, il n’est pas nécessaire qu’un créancier est antérieurement à son assignation en redressement ou liquidation judiciaire engagé des poursuites à l’encontre de son débiteur visant à obtenir le paiement de sa créance ; la cour de cassation ne manque pas de rappeler ce principe.

L’assignation d’un créancier doit tout de même indiquer la nature et le montant de sa créance et préciser les procédures et voies d’exécution éventuellement engagées pour le recouvrement de sa créance.

Si le débiteur a mis fin à son activité professionnelle, cette assignation doit intervenir dans le délai d’un an à compter de l’un des événements suivants :

  • radiation du RCS, ce délai courant pour les personnes morales à compter de la radiation consécutive à la publication de la clôture de l’opération de liquidation,
  • fin de l’activité pour les personnes physiques (commerçant, artisan immatriculé au registre des métiers, agriculteur, professionnel indépendant ou exerçant une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé),
  • publication de l’achèvement de la liquidation pour les personnes morales non assujetties à l’immatriculation en particulier les associations.

 

C / La saisine d’office du tribunal.

            En cas d’échec de la procédure de conciliation, s’il ressort du rapport du conciliateur que le débiteur est en cessation de paiement, le tribunal peut se saisir d’office afin de statuer sur l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire si le redressement se révèle manifestement impossible.

Malheureusement, en l’absence d’une procédure de conciliation, cette faculté risque de s’avérer vaine en raison du manque d’informations dont souffre le tribunal. Il ne dispose pas en effet d’un droit à l’information comparable à celui dont il bénéficie en cours de procédure judiciaire. Ses éventuelles sources d’informations sont disparates ; ses renseignements proviennent du ministère public, rumeurs publiques ou des représentants du personnel s’ils existent.

En effet, des représentants du personnel ont le pouvoir de dénoncer au président du tribunal ou au ministère public tous faits relevant la cessation des paiements.

Le législateur a largement développé le pouvoir d’information du tribunal dans le cadre de la prévention des difficultés de l’entreprise. Une saisine d’office fait donc souvent suite à une alerte déclenchée par le président du tribunal ou à une demande ou à un échec de la conciliation quand les informations détenues par ces derniers révèlent un état de cessation des paiements apparu depuis plus de 45 jours.

Cependant, le tribunal peut subsidiairement se saisir d’office à la suite d’une assignation irrégulière d’un créancier. Il serait en effet contraire à l’esprit du droit des entreprises en difficulté de retarder l’ouverture d’une procédure collective à cause d’un vice de forme alors que les conditions de fonds seraient remplies.

Le tribunal doit intervenir rapidement pour éviter que l’entreprise poursuive son activité en état de défaillance financière et accroisse son passif.

C’est sans doute cette préoccupation de diligence qui a conduit le législateur à permettre à une cour d’appel annulant ou infirmant un jugement de redressement judiciaire ou prononçant la liquidation judiciaire, soit à ouvrir d’office la procédure de redressement judiciaire, soit à prononcer la liquidation judiciaire.

C’est également dans cet esprit que la cour de cassation a rendu possible la mise en oeuvre de cette faculté mais en cas de saisine irrégulière des premiers juges.

Dans le cadre de cette saisine d’office, avant d’ouvrir la procédure, le président de la juridiction fait convoquer le débiteur par les soins du greffier par acte d’huissier de justice à comparaître dans le délai qu’il fixe devant le tribunal siégeant en chambre du conseil.

Cette audition ou, le cas échéant, la non comparution du débiteur peut corroborer les indices de la cessation des paiements dont le tribunal a eu connaissance.

 

 D / La saisine sur requête du ministère public.

            Cette saisine a lieu en l’absence de procédure de conciliation et, en cas de décès du débiteur, dans les mêmes conditions que celles examinées à propos de la saisine d’office par le tribunal.

Les informations parviennent au parquet, soit par le biais de la rumeur publique, soit par le comité d’entreprise ou à défaut des délégués du personnel qui peuvent lui communiquer tout élément relevant la cessation des paiements.

Préalablement à l’ouverture de la procédure de redressement ou liquidation judiciaire, le ministère public présente au tribunal une requête signalant les faits propres a justifié sa demande. Le président du tribunal fait convoquer alors le débiteur.

L’intervention du ministère public devrait demeurer exceptionnel. Bien que le code de commerce ne le précise pas, elle devrait se limiter aux cas où la continuation de l’activité de l’entreprise en cessation des paiements perturberait gravement l’ordre public.

Il serait regrettable que le parquet agisse systématiquement aux lieu et place des administrations créancières des entreprises en difficulté.

D’ailleurs, la pratique ne donne que très peu d’exemples de saisine du tribunal par le ministère public.

 E / La conversion de la procédure de sauvegarde en redressement ou en liquidation judiciaire.

            Le tribunal peut également, après le jugement d’ouverture et à tout moment de la période d’observation, convertir la procédure de sauvegarde en redressement ou en liquidation judiciaire si les conditions d’ouverture sont remplies.

Cela suppose, que le débiteur était déjà en cessation des paiements au moment du prononcé de ce jugement et, pour la conversion en liquidation judiciaire, cela suppose que le redressement était manifestement impossible.

Le tribunal statue alors à la demande du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, d’un contrôleur, du ministère public ou d’office. Il le fait, après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l’administrateur, le mandataire judiciaire, le contrôleur, les représentants du comité d’entreprise ou à défaut les délégués du personnel après avoir recueilli l’avis du ministère public.

Lorsqu’il s’agit d’une conversion en redressement judiciaire, il peut, si nécessaire, modifier la durée de la période d’observation restant à courir, tandis qu’il met fin à cette période quand il prononce la liquidation judiciaire.

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