La procédure législative : de l’initiative de la loi à sa promulgation 

La procédure législative en France repose sur une collaboration constante entre le gouvernement et le Parlement, avec une implication potentielle du Président de la République à la fin du processus. Bien que les catégories de lois (organiques, lois de finances, lois de programmation) puissent avoir des spécificités, les grandes étapes de leur adoption suivent des règles générales identiques : initiative, discussion, vote, promulgation et publication.

Résumé des étapes du processus législatif

1. L’initiative de la loi

Deux origines possibles existent pour une proposition de loi :

  • Le gouvernement : Dans ce cas, le texte est présenté par un ministre et est appelé un projet de loi.
  • Les parlementaires : Députés ou sénateurs peuvent initier une proposition de loi.

L’origine du texte détermine la stratégie de discussion et son inscription à l’agenda législatif.

2. Le travail en commission

Une fois déposé, le texte est examiné par une commission compétente au sein de l’assemblée saisie en premier.

  • Répartition des commissions : Les députés et sénateurs se répartissent en commissions selon leurs centres d’intérêt ou leurs compétences.
  • Exemples de commissions permanentes :
    • Commission des Finances (prestigieuse en raison de son rôle dans l’examen des lois de finances).
    • Commissions des Affaires étrangères, de la Défense, de la Justice, de l’Éducation, ou encore des Affaires sociales.
  • Rôle du rapporteur : Chaque commission désigne un rapporteur chargé d’étudier le texte en détail et de présenter un avis en séance publique.

3. Le débat et le vote en séance publique

Le texte, tel qu’adopté ou amendé en commission, est ensuite débattu et voté en séance publique dans l’assemblée saisie en premier.

  • Ordre du jour des débats : Fixé par la conférence des présidents, composée du président de l’assemblée et des présidents des groupes politiques. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, le Parlement dispose de plus d’autonomie pour déterminer l’ordre du jour.
  • Déroulement des débats :
    • Présentation par le rapporteur et le représentant du gouvernement.
    • Discussion générale, suivie de discussions article par article.
    • Possibilité d’amendements pour modifier le texte.

4. La navette parlementaire

Une fois adopté par une première assemblée, le texte est transmis à l’autre chambre pour discussion et vote. Ce processus, appelé navette parlementaire, se poursuit jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé sur un texte commun.

  • Conflits persistants : Si les deux assemblées ne parviennent pas à s’accorder après deux lectures, le gouvernement peut convoquer une commission mixte paritaire (CMP), composée de 7 députés et 7 sénateurs, pour élaborer une version de compromis.
  • Dernier mot à l’Assemblée nationale : En cas d’échec de la CMP, l’Assemblée nationale peut être appelée à statuer en dernier ressort.

5. La promulgation de la loi

Une fois adoptée par les deux chambres, la loi peut être contestée avant sa promulgation.

  • Contrôle de constitutionnalité : Les parlementaires opposés à la loi peuvent saisir le Conseil constitutionnel pour vérifier sa conformité à la Constitution. Ce contrôle doit intervenir dans un délai de 15 jours après l’adoption.
  • Rôle du Président de la République : Le Président dispose de 15 jours pour promulguer la loi adoptée. Il ne peut refuser de le faire si le Conseil constitutionnel a validé le texte.

6. Les décrets d’application

La loi votée et promulguée est souvent rédigée de manière générale. Pour en préciser les modalités pratiques, des décrets d’application sont nécessaires.

  • Rédaction : Ces décrets sont élaborés par les ministères compétents.
  • Rôle : Ils assurent la mise en œuvre effective de la loi dans des domaines spécifiques.

I) L’initiative de la loi :

La Constitution française prévoit que l’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement. Cependant, en pratique, l’essentiel du pouvoir d’initiative législative est exercé par le Gouvernement, bien que les parlementaires puissent également proposer des lois.

1. L’initiative gouvernementale : les projets de loi

Délibération et préparation

  • Les projets de loi sont d’abord examinés par le Conseil d’État, qui rend un avis juridique sur leur contenu.
  • Cet avis, bien qu’important, est non contraignant et n’est pas rendu public. Le Gouvernement peut donc s’écarter des recommandations du Conseil d’État.
  • Une fois validé, le projet est présenté en Conseil des ministres, où il est adopté de manière collégiale.
  • La présence du Président de la République aux Conseils des ministres garantit qu’il est informé des projets, même en période de cohabitation.

Dépôt devant le Parlement

  • Les projets de loi sont déposés devant l’une des deux chambres du Parlement, soit l’Assemblée nationale soit le Sénat.
  • Historiquement, les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale doivent être examinées en priorité par l’Assemblée nationale.
  • Depuis les révisions constitutionnelles, certains projets liés à l’organisation des collectivités territoriales peuvent être soumis en priorité au Sénat, dans un souci d’équilibre entre les deux chambres.

2. L’initiative parlementaire : les propositions de loi

Logique des partis politiques

  • Un parlementaire, qu’il soit député ou sénateur, peut déposer une proposition de loi. Toutefois, dans la pratique, les propositions de loi sont souvent issues des groupes parlementaires, reflétant la logique partisane plutôt que l’initiative individuelle.

Contraintes juridiques et financières

  • Irrecevabilité matérielle : Le Gouvernement peut s’opposer à une proposition qui ne relève pas du domaine de la loi, conformément à l’article 34 de la Constitution, qui définit strictement les matières relevant du pouvoir législatif.
  • Irrecevabilité financière : En vertu de l’article 40, les propositions ou amendements des parlementaires ne sont pas recevables s’ils :
    • Diminuent les ressources publiques ;
    • Créent ou aggravent une charge publique.
      Cette règle vise à préserver l’équilibre budgétaire et à limiter les initiatives législatives coûteuses.

Statistiques et impact

  • Environ 18 % des amendements déposés par les parlementaires sont déclarés irrecevables, souvent pour des raisons financières.
  • Cette irrecevabilité, ainsi que le droit du Gouvernement de faire respecter le contenu des ordonnances adoptées en vertu d’une loi d’habilitation, joue largement en faveur du Gouvernement, renforçant son rôle prépondérant dans l’élaboration des lois.

En résumé : L’initiative des lois, bien que partagée entre le Gouvernement et le Parlement, est majoritairement exercée par le Premier ministre et son équipe gouvernementale. Le Gouvernement dispose de mécanismes puissants pour bloquer ou orienter les propositions de loi parlementaires, notamment par le biais des irrecevabilités matérielles et financières, ce qui lui confère un avantage significatif dans la production législative.

 

II) La discussion et le vote

 

Le processus législatif en France repose sur des étapes bien définies où le Parlement et le Gouvernement jouent des rôles complémentaires. Si le Parlement est l’instance principale de discussion et d’adoption des lois, le Gouvernement dispose de nombreux leviers pour influencer et rythmer ces débats.

1. La discussion des propositions et projets de loi

Étapes préliminaires : le rôle des commissions

  • Examen en commission : Les projets ou propositions de loi sont d’abord examinés par une commission spécialisée. Depuis 2008, il existe 8 commissions permanentes couvrant différents domaines, mais des commissions ad hoc peuvent être créées pour des sujets particuliers.
  • Rapporteur : La commission désigne un rapporteur chargé de présenter son avis lors des débats en séance publique. Ce rôle est crucial, car il influence la discussion législative.

Évolution du rôle des commissions avec l’article 42 (2008)

  • Avant 2008 : Pour les projets de loi, la discussion portait en séance sur le texte initial du Gouvernement, malgré les amendements élaborés en commission. Cela limitait la capacité du Parlement à modifier le texte avant son examen.
  • Après 2008 : La discussion en séance publique porte désormais sur le texte adopté en commission, renforçant le poids des parlementaires dans le processus.
  • Exceptions : Pour les projets de révision constitutionnelle, les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, la discussion continue de se baser sur le texte rédigé par le Gouvernement.

2. L’ordre du jour et le rôle du Gouvernement

Organisation des travaux parlementaires

  • Article 48 de la Constitution (avant 2008) : Le Gouvernement contrôlait l’ordre du jour et pouvait repousser indéfiniment les propositions qu’il souhaitait éviter.
  • Réformes constitutionnelles :
    • 1995 : Une séance par mois est réservée à un ordre du jour fixé par le Parlement.
    • 2008 : Répartition plus équilibrée entre Gouvernement et Parlement :
      • 2 séances sur 4 par semaine sont réservées au Gouvernement.
      • Une semaine par mois est dédiée au contrôle de l’action gouvernementale et à l’évaluation des politiques publiques.

Délais de discussion

Depuis 2008, des délais minimums garantissent une préparation adéquate des débats :

  • 6 semaines entre le dépôt d’un texte et sa première lecture.
  • 4 semaines pour l’examen par la deuxième assemblée.

3. La discussion en séance publique

Déroulement des débats

  • Discussion générale : Elle commence par les interventions du représentant du Gouvernement et du rapporteur de la commission. Les parlementaires exposent ensuite leurs positions, souvent avec des contre-propositions.
  • Question préalable : Technique d’obstruction parlementaire, cette procédure permet de demander si le texte doit continuer à être examiné. En pratique, elle est rarement utilisée avec succès, car la majorité parlementaire soutient généralement le Gouvernement.

Droit d’amendement

  • Le droit d’amendement permet de modifier le texte proposé, mais sous certaines conditions :
    • Les amendements doivent avoir un lien direct avec le texte initial.
    • Ils peuvent être proposés soit en commission, soit en séance publique (article 44 de la Constitution).
    • Limites historiques : Le Gouvernement pouvait autrefois s’opposer aux amendements non soumis en commission. Cette restriction n’est plus en vigueur aujourd’hui.

4. Le vote

Après les discussions, le texte est soumis au vote.

  • La plupart des lois sont adoptées sans difficulté lorsque la majorité parlementaire soutient le Gouvernement.
  • Dans d’autres cas, des débats intenses peuvent donner lieu à des modifications substantielles via les amendements.

En résumé : Le processus de discussion et de vote des lois en France est structuré pour permettre un dialogue équilibré entre le Parlement et le Gouvernement. Les réformes de 1995 et 2008 ont renforcé le rôle des parlementaires dans la détermination de l’ordre du jour et la modification des projets de loi. Malgré ces avancées, le Gouvernement conserve des leviers significatifs pour rythmer les débats et orienter l’issue des votes.

III) Le vote de la loi

 

Le vote d’une loi en France est un processus encadré par la Constitution et les pratiques parlementaires, garantissant un équilibre entre débat démocratique et efficacité législative. Certaines procédures permettent au Gouvernement d’orienter les discussions et de surmonter les blocages éventuels.

1. Le vote en première assemblée

Examen article par article et vote global

  • Les parlementaires de la première assemblée saisie (souvent l’Assemblée nationale) doivent examiner le texte article par article. Chaque article fait l’objet d’un vote individuel avant le vote final sur l’ensemble du texte.

Procédure du vote bloqué (article 44 alinéa 3)

  • Le Gouvernement peut demander à l’assemblée saisie de se prononcer sur tout ou partie du texte, en ne retenant que les amendements qu’il soutient.
  • Objectif : Accélérer les débats en limitant les modifications au texte initial, notamment face à des divisions internes ou à des amendements nombreux.
  • Utilisation : Cette technique est relativement fréquente pour éviter que les discussions ne s’éternisent, surtout sur des textes importants.

Engagement de responsabilité (article 49 alinéa 3)

  • Le Gouvernement peut engager sa responsabilité sur un projet de loi. Cette procédure, très utilisée lors des débats budgétaires, consiste à soumettre le texte à un vote de confiance :
    • Si l’Assemblée nationale n’adopte pas une motion de censure déposée dans les 24 heures, le texte est considéré comme adopté sans amendement.
    • En pratique, cette procédure met le mandat du Gouvernement en jeu, mais le phénomène de majorité parlementaire incite les députés à éviter une crise institutionnelle.

2. La navette parlementaire : collaboration entre les deux chambres

Transmission à la deuxième assemblée

  • Une fois adopté par la première assemblée, le texte est transmis à la seconde (le Sénat ou l’Assemblée nationale, selon le cas). La deuxième assemblée examine et vote le texte dans des conditions identiques.
  • Si des désaccords subsistent, le texte retourne à la première assemblée. C’est le principe de la navette parlementaire.

Objectifs et limites de la navette

  • Enrichir le débat parlementaire : La navette permet d’affiner le texte grâce à des échanges successifs entre les deux chambres.
  • Blocages possibles : En l’absence d’accord, la navette peut durer indéfiniment, ce qui complique l’adoption rapide de certaines lois.

Intervention de la commission mixte paritaire (CMP)

  • Pour éviter un blocage prolongé, le Gouvernement peut interrompre la navette après deux lectures dans chaque chambre et convoquer une commission mixte paritaire :
    • Composée de 7 députés et 7 sénateurs.
    • Chargée de rédiger un texte de compromis.
  • Depuis la révision de 2008, cette commission peut être convoquée à l’initiative conjointe des présidents des deux assemblées.
  • La CMP délibère sur les versions des textes adoptées dans chaque chambre, mais elle peut également examiner directement la version proposée par le Gouvernement.

En cas d’échec de la CMP

  • Si la CMP ne parvient pas à un accord ou si l’accord proposé est rejeté par l’une des chambres, le Gouvernement peut :
    • Reprendre la navette parlementaire, en respectant le jeu démocratique.
    • Demander à l’Assemblée nationale de statuer seule, conformément à son rôle prépondérant dans le système législatif français.

3. La promulgation de la loi

Compétence du Président de la République

  • La promulgation est une étape finale qui relève du pouvoir exécutif. Le Président de la République signe un décret de promulgation, rendant la loi applicable.
  • Délai de 15 jours : Le Président dispose de ce délai pour promulguer la loi après son adoption définitive.

Pouvoirs du Président

  • Il peut :
    • Demander une seconde délibération.
    • Saisir le Conseil constitutionnel (article 61) pour vérifier la conformité de la loi.

Publication et mise en œuvre

  • Après promulgation, la loi est publiée au Journal officiel, permettant son entrée en vigueur.
  • Des décrets d’application sont ensuite pris pour préciser les modalités pratiques de la loi.

IV) La promulgation de la loi

La promulgation est une étape essentielle du processus législatif français, qui relève de la compétence du pouvoir exécutif. Elle consiste à rendre la loi applicable en la déclarant exécutoire. Voici les principales étapes et modalités de la promulgation :

1. Le rôle du Président de la République

Concrétisation de la loi

  • Une fois adoptée par le Parlement, la loi doit être promulguée par le Président de la République. Cette promulgation prend la forme d’un décret présidentiel, portant une numérotation liée au calendrier.

Délai de 15 jours

  • Le Président dispose d’un délai de 15 jours pour promulguer la loi après son adoption définitive. Ce délai permet de vérifier l’absence de conflits ou de problèmes juridiques.

Pouvoirs du Président

  • Pendant ce délai, le Président peut :
    • Demander une seconde lecture de la loi au Parlement, si des modifications ou des éclaircissements sont nécessaires.
    • Saisir le Conseil constitutionnel (article 61 de la Constitution) pour s’assurer de la conformité de la loi avec la Constitution. Cette démarche peut également être initiée par le Premier ministre, 60 députés ou 60 sénateurs.

2. La promulgation en cas d’absence de difficulté

Signature et contreseing

  • Si la loi ne soulève aucune contestation, le décret de promulgation est :
    • Signé par le Président de la République.
    • Contresigné par le Premier ministre et les ministres compétents.

Entrée en vigueur

  • Une fois promulguée, la loi est publiée au Journal officiel de la République française (JORF). Cette publication officielle marque sa mise à disposition du public et son entrée en vigueur, sauf mention contraire d’une date spécifique dans le texte.

3. Les décrets d’application

Rôle et nécessité

  • La plupart des lois adoptées sont rédigées de manière générale, fixant des principes ou des orientations. Pour leur mise en œuvre concrète, des décrets d’application sont nécessaires pour préciser les détails pratiques.

Rédaction et publication

  • Ces décrets, pris par le Gouvernement, définissent les modalités d’exécution des dispositions législatives.
  • Ils sont publiés au Journal officiel et sont indispensables pour que certaines dispositions deviennent réellement opérationnelles.

4. La publication au Journal officiel

La publication de la loi et de ses décrets d’application au Journal officiel garantit leur accessibilité à tous les citoyens. Cela permet également de donner à la loi une force juridique en la rendant opposable.

Isa Germain

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