La propriété collective sur le domaine public

La propriété collective.

Est-ce qu’on peut admettre une propriété collective sur le domaine public ?

Les textes qui traitent la propriété publique ne s’intéressent pas à la propriété collective. La raison est très simple. Le droit de la domanialité publique semble exclure toute idée de propriété collective. Le principe pour soutenir cette idée est le principe selon lequel un bien ne peut faire partie du domaine public que s’il appartient exclusivement et totalement à une personne publique. Donc une personne privée ne peut pas être propriétaire d’une dépendance du domaine public. Or, en matière de copropriété cela suppose qu’il y ait co-propriété indivise.

Quant au droit de la domanialité privée, ce droit applique les règles du Code civil, donc on n’y fait pas référence. Malgré tout il y a quelques textes.

Exemple : l’article L 141-3 du code forestier : « lorsque 2 ou plusieurs communes possèdent un bois par indivis chacune dispose du droit d’en provoquer… ».

En réalité, il existe en droit public un régime de propriété collective : le régime des biens communaux. C’est l’un des rares régimes qui prévoient l’indivision. L’usage de ces biens communaux peut être partagé entre les habitants de la commune. Ce sont des biens qui appartiennent au domaine privé de la commune, mais s’il y a un litige qui intervient, le juge compétent sera le juge administratif. Ce sont les communes qui sont propriétaires de ces biens, et plusieurs personnes vont se voir reconnaître des droits indivis sur ces biens. Mais c’est un régime très particulier car contrairement à l’indivision du droit civil, en droit public, les biens et la propriété des biens est établie à titre permanent, c’est-à-dire que les habitants ne peuvent pas bénéficier d’un droit de partage. Donc dérogation à l’article 815 du Code civil selon lequel nul ne peut être contraint de rester dans l’indivision.

La gestion de ces biens indivis va se faire à l’aide de plusieurs institutions.

Par exemple, la section de commune : ce sont des parties du territoire de commune qui vont obtenir la personnalité juridique pour gérer cette partie des biens indivis.

Lorsque les biens communaux concernent l’ensemble de la commune et non une partie de la commune, on va gérer ces biens indivis à travers une autre section, une autre commission qui va avoir la personnalité juridique. Le cas de l’indivision concerne des biens communaux concernant plusieurs communes. Auquel cas, va se mettre en place un établissement public intercommunal qui va gérer ces biens indivis. Donc plusieurs communes sont indivisées. Les cas de contentieux les plus important concernent les communes qui sont parties à cette indivision et qui désirent en sortir. S’il est impossible aux habitants de demander le partage de ces biens indivis, il est possible à une commune partie d’une indivision de se retirer de cette indivision.

Donc, concernant les biens communaux, les habitants de la commune vont se voir reconnaître des biens indivis sur la commune, mais il n’y a pas d’indivision. Les habitants ne peuvent pas mettre fin à l’indivision à tout moment, ils ne partagent que la jouissance et ne peuvent pas demander le partage des biens. C’est à titre permanent.

Lorsque l’activité en cause est transférée à un EPCI, le bien nécessaire à l’exercice de l’activité va également être transféré de 2 manières :

ü Soit la gestion de ce bien va s’opérer par le moyen d’une mise à disposition, mais il reste la propriété de la commune (= le droit d’aliéner n’est pas transféré).

ü Soit transfert de propriété : l’EPCI devient propriétaire du bien.

Le transfert est généralement facultatif. Avec le transfert de propriété, il peut y avoir transfert de charges. Parfois le transfert est obligatoire. Exemple : pour les communautés urbaines, la loi de 1966 impose le transfert obligatoire de certaines compétences et le transfert obligatoire de certains biens nécessaire à l’activité.

Cependant, un bien appartenant au domaine privé d’une personne publique peut être soumis au régime juridique de la mitoyenneté ou de la copropriété. Exemple : cas où un mur sera mitoyen entre une propriété privée et d’une dépendance du domaine public. à Soumis au régime de la mitoyenneté.

En revanche, le régime de la propriété collective, et notamment le régime de la copropriété s’avère incompatible avec le régime de la domanialité publique.

  • 1 : Les obstacles de la propriété collective des biens appartenant à la personne publique.
  1. Les obstacles à la propriété collective des dépendances du domaine public.

Les 2 régimes de la copropriété (loi de 1965 + régime de la mitoyenneté) sont incompatibles avec le régime de la domanialité publique. Ces 2 régimes ne satisfont pas à une exigence essentielle de la domanialité publique qui est le critère organique : un bien pour appartenir au domaine public doit appartenir à une personne publique. Cette propriété doit être exclusive, d’où le principe d’inaliénabilité qui entraîne plusieurs conséquences incompatibles avec le régime de la copropriété.

Exemple : il est interdit aux personnes publiques d’aliéner, de céder, de vendre des biens appartenant domaine public. Or la loi de 1965 comprend l’article 16 qui autorise le syndicat à aliéner des parties communes.

Exemple : ce principe d’inaliénabilité s’oppose à ce que des personnes publiques établissent sur le domaine public des droits réels sur les parties communes.

Exemple : les personnes publiques ne peuvent pas établir des servitudes sur le domaine public. Or, l’application du régime de la copropriété va entraîner à la charge des copropriétaires des contraintes qui peuvent être assimilées à de véritables servitudes.

Exemple : dans le droit de la domanialité publique, on considère que la personne publique dispose du droit de modifier à tout moment l’affectation du bien. Seule la personne publique peut décider cette affectation. Or, le régime de copropriété prévoit que le règlement de copropriété détermine la destination des parties communes (article 8).

Conséquences :

1ère situation : la personne publique va acheter un lot dans un immeuble soumis à un régime de copropriété. Elle décide d’affecter ce lot à l’exécution d’un service publique. Ce lot pourrait être considéré comme appartenant au domaine public. Arrêt du 11 février 1994 « compagnie d’assurances préservatrices foncières » : l’État a acquis dans un immeuble parisien un lot de copropriété et installe dans ce lot des services administratifs dépendant de la direction générale des impôts. Un incendie se déclare dans un local d’archives. Des dommages importants ont eu lieu. Les propriétaires privés co-locataires de ce bâtiment subissent des dommages importants et sont assurés à cette compagnie d’assurances. Cette compagnie recherche la responsabilité de l’État. La compagnie d’assurances porte cette affaire devant le juge administratif : recours en responsabilité contre l’État. Le tribunal administratif de Paris donne droit à la compagnie d’assurances : c’est une dépendance du domaine public car l’ouvrage est affecté au service publique. En appel, la cour affirme que la partie privative ne peut pas appartenir au domaine public car il y a incompatibilité entre régime de copropriété et régime de la domanialité publique. Dès lors, le juge administratif se déclare incompétent. Pour le conseil d’État c’est de la compétence du tribunal judiciaire : un local affecté à l’usage du public ou à un service public qui se situe dans un immeuble soumis au régime de copropriété ne peut pas appartenir au domaine public. À partir du moment où l’administration accepte de s’installer dans un bâtiment soumis au régime de la copropriété, elle accepte de renoncer au régime très protecteur de la domanialité publique. S’il y a déjà copropriété, l’affectation d’un service public ne change pas le régime en régime de domanialité publique.

2ème situation: L’administration désire construire un immeuble. Elle envisage d’installer au rez-de-chaussée un service public et d’instaurer aux étages un régime de copropriété. Ceci est impossible. La copropriété est incompatible avec la domanialité publique.

3ème situation: régime de la mitoyenneté :

Question posée par un parlementaire au gouvernement. Quel régime juridique est applicable à un mur mitoyen ? En 2001, « Ministre de la justice » : la mitoyenneté est un droit de propriété dont jouissent 2 personnes. Le mur est soumis au régime de la mitoyenneté prévu par le Code civil. Mais en réalité, ce régime contient des dispositions incompatibles avec le régime de la domanialité publique : l’existence de cession obligatoire de mitoyenneté s’oppose à l’inaliénabilité. Ce mur mitoyen ne peut pas appartenir au domaine public de la personne publique.

En conséquence, il ne peut pas y avoir domaine public là où il y a mitoyenneté ou copropriété.

  1. Difficultés de l’application de la mitoyenneté et de la copropriété pour des biens appartenant au domaine privé.

Arrêt de 1994 : concerne notamment les ouvrages publics. On peut considérer que le régime de copropriété est incompatible avec le statut des ouvrages publics (immeuble affecté à l’intérêt général). Cette qualification d’ouvrages publics peut se rencontrer dans des dépendances du domaine public, mais aussi à l’extérieur (propriétaire privé ou domaine privé d’une personne publique).

Si le régime de la copropriété est incompatible avec le régime de la propriété privée, alors un lot de copropriétés peut être qualifié d’ouvrages publics.

En matière d’ouvrage public, on applique la règle de l’intangibilité des ouvrages publics, cependant un arrêt du conseil d’Etat est intervenu :arrêt de 2003 « Commune de Clans » : un ouvrage public mal implanté doit être détruit sauf si la démolition porte une atteinte excessive à l’intérêt général.

La possibilité de garantir les créances dues par chaque copropriétaire par une hypothèque sur le lot de copropriétés est ouverte par la loi de 1965. Ces prérogatives sont contraires au principe d’inaliénabilité du domaine public. Mais incompatibilité aussi avec le droit de propriété publique : principe d’incessibilité des biens des personnes publiques, qui vaut pour tous les biens domaniaux (domaine privé ou domaine public). Il y a eu plusieurs arrêts à ce sujet et la cour de cassation l’a clairement affirmé par un arrêt du 21 décembre 1987 « BGRM » (bureau des recherches géologiques et minières) : les biens publics ne peuvent pas être hypothéqués, or les lots de copropriétés peuvent faire l’objet d’une hypothèque. Donc incompatibilité.

Question : si le régime de la propriété collective pose le problème d’incompatibilité avec le droit des propriétés publiques ou de domanialité publique, comment aménager les rapports entre les propriétés privées et publiques au sein d’un immeuble ? La solution est une technique : la technique de la division au volume.

  • 2 : La technique de la division au volume.

C’est les rapports entre la propriété publique et la propriété privée lorsque coexistent dans le même immeuble des dépendances domaniales et les propriétés privées.

Exemple : au sous-sol il y a un parking et les étages sont privés. Il n’y a pas d’unité fonctionnelle, c’est un ouvrage « complexe ». Le problème consiste à s’intéresser aux relations de voisinage entre les dépendances domaniales et les espaces, les volumes occupés par la personne privée. Dans ce bâtiment, on a des dépendances du domaine public, donc ça empêche les règles de la mitoyenneté ou de la copropriété. Idée de collaboration. Il faut qu’existent entre les fonds privés et le domaine public des servitudes réciproques. Or, un autre problème se pose puisque le droit de la domanialité publique exclut l’institution de servitudes de droit réel.

2 possibilités :

ü C’est une solution qui s’applique en pratique, mais sans aucune sécurité juridique. En effet, des servitudes conventionnelles sont instituées sur le domaine public. L’idée est la suivante : le principe d’inaliénabilité a été consacré dans le but de protéger non pas le bien mais son affectation. Dès lors que le bien est désaffecté, le régime de protection tombe. C’est donc une protection relative et non absolue.

Certaines servitudes portant sur le bien respectent l’affectation du bien. Ces servitudes ne doivent donc pas être prohibées, empêchées. Le juge administratif accepte des servitudes dans le domaine public si ces servitudes étaient préconstituées, c’est-à-dire qu’elles étaient instaurées avant l’incorporation du bien, mais si ça ne compromet pas l’affectation du service domanial.

ü Le principe d’inaliénabilité est un principe législatif, donc la loi peut y déroger. Ce principe n’a pas valeur constitutionnelle dans la mesure où le conseil constitutionnel à plusieurs reprises a eu l’occasion de consacrer ce principe en principe constitutionnel mais il ne l’a pas fait.

Exemple : plusieurs lois ont été adoptées qui créent des exceptions à ce principe d’inaliénabilité :

_ Loi du 5 janvier 1988 : elle autorise les collectivités locales à consentir sur leur domaine public des baux emphytéotiques qui vont donner au preneur du bail des droits réels.

_ Loi de 1994 au profit de l’État : elle confère à des personnes privées la possibilité d’obtenir des droits réels sur le domaine public. Le bénéficiaire d’une autorisation d’occuper le domaine public dispose des droits réels.

On peut imaginer avoir recours à la loi pour opérer des déclassements de biens affectés au domaine public. Le bien pour sortir du domaine public doit être désaffecté. Ces biens vont être déclassés sans être désaffectés et leur déclassement va permettre leur cession, leur vente.

Exemple : en 2001, la loi a déclassé les biens immobiliers de la Poste. Ces biens appartiennent au domaine privé, donc il peut y avoir constitution de servitudes.

Exemple : dans le cadre de la simplification du droit, l’ordonnance du 19 août 2004 a déclassée les immeubles de bureaux. Ils font partie du domaine privé alors même qu’ils peuvent toujours être affecté à un service public. Ces biens peuvent désormais être vendus, et même s’ils sont vendus, ils seront toujours utiles au service public. L’Etat va les vendre et va les reprendre en location avec maintien de leur affectation antérieure.