La propriété immobilière en droit belge

La propriété immobilière en Belgique

Section 1. L’étendue du droit de propriété

  • 1. Bornage et clôture

Ce sont deux attributs de la propriété. Il s’agit de marquer matériellement la propriété.

a) L’article 646 du Code civil belge

Le bornage est la délimitation de deux propriétés contiguës qui appartiennent à deux propriétaires différents. Le bornage se divise en deux étapes : la phase juridique qui consiste à déterminer la contenance des deux propriétés, et l’abornement (bornage sensu stricto) qui consiste au placement matériel des signes extérieurs.

Le bornage peut être judiciaire ou à l’amiable, mais il doit être contradictoire. L’action en bornage est une action réelle immobilière. Elle est de la compétence exclusive du juge de paix.

Les frais d’abornement sensu stricto sont partagés à moitié. Les frais de la première phase sont soumis au traitement normal des frais de justice (selon l’appréciation du juge).

Si une personne déplace une borne, elle est passible d’une sanction pénale. De plus cela constitue une voie de fait et donne naissance à une action possessoire (la complainte).

b) L’article 647 du Code civil belge

Contrairement au bornage, le clôturage est unilatéral : il s’agit d’entourer son terrain. La clôture peut être une construction, des végétaux,… On ne peut clôturer en cas de servitude de passage (article 682 du Code civil belge). L’article 663 du Code civil belge concerne les terrains en ville : le propriétaire d’un terrain peut contraindre son voisin à ériger un mur sur la limite séparative.

  • 2. L’article 552 du Code civil belge : la propriété du dessus et du dessous

La propriété du sol entraîne la propriété du dessus et celle du dessous. Le propriétaire d’un terrain peut user aussi du dessus et du dessous. Il faut cependant interpréter cette prérogative raisonnablement.

Ex : Usage du

a) Dessus :

– on peut construire sur le terrain dont on est le propriétaire. Il n’y a pas de hauteur maximale prévue dans le Code civil belge (seulement dans les règlements urbanistiques)

– plantation

– possibilité pour le propriétaire de faire retirer tout ce qui se trouve au-dessus du terrain, ou qui surplombe son terrain

b) Dessous :

– fondations

– possibilité de couper les racines de l’arbre du voisin

Cet article 552 doit se lire en combinaison avec d’autres dispositions légales qui sont restrictives.

  • 3. Les fruits et les produits

a) Définitions.

Les fruits sont les revenus réguliers de la chose et dont la perception n’épuise pas la substance de la chose (article 582 et suivants du Code civil belge).

On distingue trois sortes de fruits :

– les fruits naturels, qui sont les fruits sensu stricto

– les fruits industriels, qui sont générés par l’agriculture

– les fruits civils, qui sont les loyers et les intérêts.

Les produits sont les revenus irréguliers et/ou qui épuisent la substance de la chose (ex : pierres d’une carrière).

b) Bénéficiaire ?

Le propriétaire sera toujours le bénéficiaire des produits.

Les fruits reviennent au propriétaire si la propriété ne fait l’objet d’aucun démembrement. Si elle fait l’objet d’un tel démembrement, les fruits reviennent alors au titulaire du droit démembré (ex : usufruitier, usager,…).

Les fruits reviennent aussi au possesseur de bonne foi.

Un conflit peut alors surgir entre le possesseur et le verus dominus.

Ex : A vend son immeuble à B. C se présente ensuite comme verus dominus. Donc, B est possesseur de bonne foi et C verus dominus. Si, entre-temps l’immeuble a été loué, quid des loyers ? Le Code civil belge autorise le possesseur de bonne foi à conserver les fruits (cf aussi l’article 1682, alinéa 2 du Code civil belge).

c) Moment de l’attribution

Les fruits naturels et industriels s’acquièrent au fur et à mesure de la perception. Le possesseur et l’usufruitier sont donc propriétaires au moment où le fruit est détaché.

Les fruits civils s’acquièrent jour après jour, par application de l’article 1586. Les fruits civils ne se perçoivent pas sur la chose elle-même, ils résultent d’une convention. Ils proviennent donc de l’exécution d’une obligation personnelle.

On peut moduler l’appropriation des fruits civils par convention (ex : le mois entamé donne lieu au paiement intégral du loyer).


Section 2. L’accession.

  • 1. Notion

L’accession est un mode d’acquisition originaire de la propriété, qui va permettre de trancher les conflits de droits réels lorsque 2 choses appartenant à des propriétaires différents se sont unies ou incorporées.

Principe : l’accessoire suit le principal. Le terrain est toujours considéré comme la chose principale.

  • 2. Accession naturelle ou par incorporation

L’accession par incorporation est soit naturelle (pierres tombés sur le sol, formation d’îlots dans un cours d’eau,…), soit artificielle. L’accession artificielle à un immeuble est la conséquence du travail de l’homme.

L’accession naturelle ou accession par incorporation est une autre manière d’acquérir et d’étendre don droit de propriété à tout ce qui s’incorpore à la chose ou s’y dépose.

Exemples :

– Certaines portions de terre à la suite du mouvement naturel des eaux,

– Alluvions (dépôts) et relais (retraits) qui appartiennent aux propriétaires des fonds le long desquels il se forment

  • 3. Accession artificielle

Dans ce cas, l’accession résulte d’un fait de l’homme.

Elle pose deux problèmes.

a) Qui va devenir propriétaire de l’ensemble ?

Selon l’article 554 du Code civil belge, le propriétaire du sol construit sur son terrain avec les matériaux d’autrui.

Selon l’article 555, une personne construit avec ses matériaux sur le terrain d’autrui.

Le premier cas est assez rare, car l’attribution du droit de propriété sur les matériaux sera le plus souvent réglée par l’article 2279 du code civil belge, dans sa fonction acquisitive. Il reste donc l’hypothèse des matériaux perdus ou volés.

Dans le cas où l’article 2279 du Code civil belge ne trouve pas à s’appliquer, l’article 554 prévoit que l’incorporation réalise le transfert de propriété. Donc, le premier propriétaire des matériaux ne dispose plus d’une action en revendication. Il pourra seulement avoir une indemnité. C’est la date de l’incorporation qui fixe la valeur des matériaux. En plus du remboursement intégral, le propriétaire des matériaux pourra obtenir des dommages et intérêts qu’il y a faute dans le chef du propriétaire du sol et s’il y a un dommage dans son chef.

Dans le second cas (l’article 555 du Code civil belge), le propriétaire du terrain a le choix : il peut soit demander au constructeur de démolir les constructions (cela équivaut à une réparation en nature), soit garder les constructions et en devenir propriétaire par accession.

S’il opte pour la démolition, le constructeur supporte les frais. Il ne recevra aucune indemnité et pourra même être condamné au paiement de dommages et intérêts.

Si le propriétaire du sol choisit de garder la construction, il remboursera les matériaux et la main d’œuvre.

Le propriétaire du sol doit DEMANDER la destruction, s’il détruit par lui-même, la jurisprudence considère qu’il a choisi de garder la construction, pour la détruire après.

Ceci est la théorie dite de l’article 555 ab initio du Code civil belge.

b) Il existe cinq exceptions à ce principe.

1/ L’article 555 du Code civil belge ab initio ne s’applique pas si la construction sur le terrain d’autrui sont l’œuvre d’un possesseur de bonne foi. L’article 555 in fine s’applique (à partir du mot « néanmoins »).

Le verus dominus ne peut alors pas demander la destruction de la construction. On considère que, le possesseur étant de bonne foi, on ne peut rien lui reprocher, il n’y a pas de négligence dans son chef, contrairement au verus dominus qui a négligé son bien. Le possesseur à droit à une indemnité, conformément à l’article 555 in fine, ou 555 ab initio.

2/ Cet article 555 du Code civil belge ne s’applique pas aux cas d’empiètement, c’est-à-dire quand une construction déborde sur le terrain du voisin. Il faut que la construction se trouve complètement sur le terrain d’autrui pour que l’article 555 s’applique.

Que se passe-t-il alors en cas d’empiètement : le voisin peut-il demander la destruction ? En principe, oui. Ce principe est cependant tempéré par la doctrine et la jurisprudence : il ne faut pas qu’exiger la destruction soit constitutif d’un abus de droit (par exemple, si l’empiètement est minime).

3/ Il existe des travaux susceptibles d’enlèvement et d’autres non susceptibles d’enlèvement. Ce critère dépend de la faculté de ces travaux à être aisément détachables de la chose, ou non.

Cette distinction, si elle n’est pas sujette à controverse en doctrine, fait l’objet d’interprétations variables en doctrine.

Si les travaux sont non susceptibles d’enlèvement, on applique la théorie des impenses :

– nécessaires : le propriétaire aurait de toute façon dû faire les travaux. Il y a alors remboursement intégral

– utiles : ce sont des travaux non indispensables mais qui ont donné une plus-value. Le montant dû par le propriétaire est alors le montant de la plus-value ou de l’appauvrissement du constructeur

– somptuaires (ou voluptuaires) : elles ont accru le confort du constructeur (ex : éclairage dans le jardin). Il n’y a alors pas de remboursement

4/ Travaux visés par des législations particulières (ex : en cas d’emphytéose).

5/ Détenteurs précaires : certains ont voulu étendre l’article 555 ab initio au détenteur : l’article 555 serait la théorie générale de l’accession. La Cour de cassation (18 avril 1991) a clairement écarté cette théorie. Il faut alors appliquer la théorie de l’enrichissement sans cause.

En cours de location, le locataire reste propriétaire des constructions qu’il a effectuées, l’accession ne se fait qu’en fin de bail. Si des travaux non susceptibles d’enlèvement ont été faits sans autorisation, il n’y a pas de remboursement possible. S’il y avait eu autorisation, alors on applique soit la théorie des impenses, soit l’enrichissement sans cause.

Section 2. La prescription acquisitive et la convention.

  • 1. La prescription acquisitive

Il s’agit d’un moyen d’acquérir un droit réel, fondé sur une possession prolongée.

Elle permet au possesseur de devenir propriétaire du bien après un certain laps de temps. On favorise le possesseur de longue durée au verus dominus. En effet, on considère que le verus dominus s’est désintéressé de son bien longtemps, qu’il a été négligent.

Tous les droits réels sont susceptibles de prescription.

Remarques :

– Seules les servitudes apparentes et continues sont susceptibles de prescription.

– L’usucapion = prescription acquisitive

– On ne peut prescrire des biens hors commerce (choses du domaine public, biens extra-patrimoniaux)

Conditions

– Il faut une possession ;

– La possession doit être utile (elle ne peut être frappée d’aucun des 4 vices) ;

– Il faut l’écoulement d’un certain délai. En principe, ce délai est de trente ans. La possession se compte par jour, à partir du lendemain de la prise de possession. Le Code civil belge a permis la technique de jonction : le possesseur joint sa possession à la possession antérieure, la possession de son auteur.

On distingue la jonction de l’ayant cause à titre universel, qui continue la possession de son auteur (si l’auteur est de mauvaise foi, alors l’ayant cause à titre universel est de mauvaise foi, et inversement), et la jonction de l’ayant cause à titre particulier (il ne poursuit pas la personnalité du défunt mais peut faire la jonction).

Effets de la prescription

Le possesseur peut invoquer l’écoulement du délai, il a usurpé et est devenu propriétaire. Le moyen ne peut être soulevé d’office par le juge.

Il est censé être le propriétaire depuis le début de l’usucapion, il y a donc un effet rétroactif.

Délais

Il y a d’abord le délai ordinaire de la prescription acquisitive qui est de 30 ans.

Le Code civil belge prévoit aussi des délais de prescription abrégée, à l’article 2265. Cet article prévoit plusieurs conditions. Il faut que le possesseur ait acquis :

– un immeuble

a non domino

– de bonne foi, c’est-à-dire qu’il a cru acquérir le bien du verus dominus

– en vertu d’un juste titre, c’est-à-dire un acte translatif en vertu duquel la propriété aurait été transférée si l’aliénateur avait été le verus dominus

Ce délai est alors de 10 ans ou 20 ans, selon que le verus dominus et le possesseur habitent dans le même ressort de Cour d’appel ou non.

Remarques : les articles 2265 et 2279 du Code civil belge dérogent à l’adage « nul ne peut transférer plus de droits qu’il n’en a ».

  • 2. Acquisition par convention

La convention type pour transférer la propriété est la vente. C’est en effet un des rares contrats dont l’objet est de transférer un droit réel. C’est une particularité des droits belge et français (en Allemagne, la vente ne fait naître que des obligations, il n’y a pas de transfert solo consensu).

En conséquence, il faut informer les tiers du changement de patrimoine du bien, pour rendre le contrat opposable aux tiers. En Belgique, la publicité pallie les inconvénients du système consensuel.

Ce système de publicité ne vaut qu’en matière immobilière et pour les actes entres vifs. A l’égard des tiers, les actes translatifs ou déclaratifs de droits réels n’ont d’effet qu’à dater de l’acte de publicité.

Ce mécanisme vise à informer des tiers, mais la publicité ne vient jamais purger l’acte de ses éventuels vices de formation.

La tenue des registres est assurée par le conservateur des hypothèques, il y a un bureau par arrondissement judiciaire (compétence territoriale).

La loi hypothécaire de 1851 prévoit trois formes de publicités :

– La transcription (articles 1 & 2) : il s’agit de recopier littéralement l’acte. Les acte soumis à cette formalité sont les actes entres vifs, déclaratifs ou translatifs de droits réels immobiliers ;

– L’inscription : on mentionne dans un registre le contenu des bordereaux présentés. C’est une note explicative et détaillée relative à l’opération. (ex : hypothèque)

– La mention marginale : inscription dans la marge des régimes précédents (ex : cession d’une créance hypothécaire qui est mentionnée dans la marge ; demande en justice visant à obtenir l’annulation d’un droit réel)

Il y a aussi le registre des dépôts : tous les actes présentés y sont mentionnés. Il permet de vérifier l’ordre d’entrée des opérations.

La transcription s’applique à 6 catégories d’actes :

  • a) les actes entre vifs, translatifs ou déclaratifs de droits réels et non pas de faits matériels (ex : vente, partage, vente d’un usufruit mais pas si la propriété vient d’une prescription acquisitive)
  • b) les actes constitutifs de droit (ex : acte constitutif d’un usufruit)
  • c) les actes de renonciation
  • d) les baux de plus de neuf ans (c’est différent de l’enregistrement qui est une formalité fiscale, avec des conséquences civiles et qui concerne tous les baux)
  • e) les jugements qui tiennent lieu de convention ou de titre (ex : une partie qui refuse de se rendre chez le notaire après la vente)
  • f) les donations de biens susceptibles d’hypothèque (article 939 du Code civil belge)

Il faut que toute personne intéressée présente un acte authentique.

Quid s’il existe des tiers qui entrent en concours ou conflit avec le droit réel visé par l’acte qui doit ou aurait dû être transcrit.

Le cas type est celui des ventes successives d’un immeuble à deux acquéreurs différents (ex : si le propriétaire a désigné un mandataire et qu’ils vendent tous les deux le bien).

La publicité devient alors la règle de conflit de droit, à la place de la règle nemo plus iuris: celui qui a fait transcrire le premier l’emportera. Si les actes sont présentés le même jour, le premier mentionné dans le registre des dépôts l’emportera.

Cette règle ne s’applique pas s’il y a mauvaise foi (l’immeuble a déjà été vendu la veille et l’acquéreur le sait). La mauvaise foi s’apprécie au moment où le tiers contracte.

Remarque :

– la bonne foi est présumée en matière immobilière, la mauvaise foi doit être démontrée ;

– Si aucun des acquéreurs n’a transcrit, on règle le conflit entre parties par la date certaine, acquise par l’effet de l’enregistrement

Section 3. L’action en revendication

C’est l’action par laquelle une personne réclame à une autre une chose dont elle prétend être le verus dominus (qui est le demandeur : la charge de la preuve repose donc sur ses épaules).

Il y a deux hypothèses :

1) le propriétaire invoque un mode originaire d’acquisition de la propriété

2) il invoque un mode dérivé

La seule existence d’un contrat de vente ne suffit pas à montrer que le vendeur était propriétaire. Il faudrait en apporter la preuve, jusqu’au mode originaire ( = preuve diabolique).

Le revendiquant peut remonter la chaîne jusqu’à tomber sur un mode originaire d’acquisition, ou il invoque des faits ou actes susceptibles de rendre vraisemblable sa propriété.

Il revient au juge d’examiner les éléments de preuve des deux parties (ex : acte de vente, cadastre, personne qui paie l’impôt foncier…)

Les situations conflictuelles sont :

– le demandeur et le défendeur disposent d’un titre qui émane de la même personne

– les titres émanent de personnes différentes (préférence au titre le plus vraisemblable, c’est-à-dire couplé à la possession)

– le demandeur produit un titre et défendeur a la possession. Alors, si la possession est trentenaire, il peut invoquer les règles de l’usucapion. Sinon, on préfère le demandeur s’il produit un titre antérieur au début de la possession du défendeur.

Si la revendication aboutit, le possesseur devra restituer l’immeuble dans lequel il se trouve.

Rem :

– le possesseur de bonne foi peut garder les fruits acquis ;

– s’il y a eu détérioration, le possesseur de bonne foi ne sera pas tenu de les réparer ;

– s’il y a eu amélioration, il sera indemnisé selon la théorie des impenses.