La propriété immobilière en Belgique
En Belgique, le Livre 3 du Code civil régit le droit de propriété. Le bornage (article 3.61) délimite deux propriétés contiguës en deux phases : juridique (détermination de la limite sur papier) et matérielle (pose des bornes). Le bornage amiable est privilégié, mais un juge de paix peut intervenir si un accord n’est pas atteint. La clôture (article 3.61 §1) permet au propriétaire de clôturer son terrain jusqu’à sa limite, sauf en cas de servitude ou en zones urbaines où des clôtures mitoyennes peuvent être imposées.
Le propriétaire d’un terrain possède également les droits au-dessus et au-dessous, permettant des constructions souterraines et aériennes sous certaines limites réglementaires (article 3.47). Le Code distingue entre fruits (revenus réguliers) et produits (extractions diminuant la substance du bien), appartenant au propriétaire.
L’accession inclut des ajouts naturels ou artificiels, faisant de tout ce qui est construit ou planté une partie intégrante du terrain. La prescription acquisitive permet d’acquérir un bien par possession continue, et la publicité foncière garantit l’opposabilité des transferts immobiliers. Enfin, l’action en revendication assure la protection des droits de propriété, permettant de récupérer un bien détenu par un tiers.
Section 1. L’étendue du droit de propriété
1. Bornage et clôture
Avec l’entrée en vigueur du Livre 3 du Code civil belge en septembre 2021, les dispositions concernant le bornage et la clôture ont été révisées pour moderniser et clarifier leurs applications. Voici les principaux éléments actualisés sur ces concepts en droit belge :
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a. Bornage (Article 3.61)
Le bornage sert à délimiter deux propriétés contiguës appartenant à des propriétaires différents. Ce processus comporte désormais deux phases :
- Phase juridique : La détermination de la limite séparative sur papier, souvent effectuée avec l’aide de documents cadastraux, des titres de propriété, et, si besoin, de la prescription acquisitive.
- Phase matérielle : La pose physique des bornes ou d’autres marqueurs extérieurs, pour concrétiser la séparation sur le terrain. Si un accord est trouvé, la limite est transcrite dans un acte authentique, qui est ensuite enregistré.
Les modalités ont été renforcées pour encourager le bornage amiable. En cas de litige, une procédure judiciaire peut être engagée, mais uniquement après l’envoi d’une mise en demeure de trois mois pour tenter un bornage amiable. La compétence en cas de conflit revient toujours au juge de paix, et les frais de bornage sont partagés également entre les parties, sauf disposition contraire en cas de comportement abusif ou de mauvaise foi de l’une des parties Real Estate Hub Sillon Belge
b. Clôture (Article 3.61 §1)
Le clôturage est l’action unilatérale d’entourer sa propriété par des haies, murs, ou autres types de barrières. Le propriétaire peut le faire jusqu’à la limite de son terrain. Toutefois, certaines restrictions s’appliquent, notamment :
- En présence d’une servitude de passage, où le droit de clôturer est limité.
- Pour les terrains urbains (ancien article 663), où un propriétaire peut obliger son voisin à ériger une clôture mitoyenne pour séparer leurs terrains. Cette disposition est également modernisée dans le nouveau cadre juridique UVCW
2. Propriété du Dessus et du Dessous (Article 3.47)
La propriété d’un terrain comprend à la fois le dessus et le dessous. Ainsi, un propriétaire peut utiliser le sous-sol pour des fondations ou des installations souterraines, tout en ayant également le droit de gérer les éléments situés au-dessus (constructions, plantations) sous réserve des régulations en matière d’urbanisme. Cependant, ces droits doivent s’exercer dans les limites de la raisonnabilité, en prenant en compte les droits des voisins et la réglementation locale UVCW
4. Fruits et Produits
Le Livre 3 distingue entre les fruits et les produits d’une propriété :
- Fruits : Ce sont les revenus réguliers, sans épuiser la substance de la chose (par exemple, récoltes, loyers). Les fruits naturels et industriels sont acquis au moment de leur détachement du bien, tandis que les fruits civils (comme les loyers) s’acquièrent progressivement, jour après jour, comme le précise l’article 1586.
- Produits : Ceux-ci impliquent une extraction qui réduit la substance du bien, comme des pierres extraites d’une carrière. Ces produits appartiennent au propriétaire sauf en cas de démembrement, où les fruits peuvent revenir à un usufruitier ou autre titulaire de droit réel sur le bien .
Section 2. L’accession
L’accession est un mode d’acquisition originaire de la propriété qui intervient lorsque deux biens appartenant à des propriétaires différents se rejoignent. Dans le cadre de l’accession, le principe fondamental est que l’accessoire suit le principal : c’est le terrain qui est toujours considéré comme la chose principale.
1. Accession Naturelle ou par Incorporation
L’accession peut se produire de façon :
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Naturelle : Par exemple, par alluvion (dépôts naturels) ou retraits d’eau. Ces ajouts ou retraits modifient naturellement les limites des biens situés le long des cours d’eau et appartiennent aux propriétaires des terrains voisins.
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Artificielle : Il s’agit ici de l’incorporation résultant d’un travail humain. Tout ce qui est construit ou planté sur un terrain devient partie intégrante de ce terrain, que les matériaux appartiennent ou non au propriétaire du sol.
2. Accession Artificielle : Qui Devient Propriétaire ?
L’accession pose des questions sur la propriété des ajouts :
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Article 554 : Lorsque le propriétaire du sol utilise les matériaux d’autrui pour construire sur son terrain, il devient propriétaire des constructions. Toutefois, il doit rembourser la valeur des matériaux et peut être tenu de verser des dommages et intérêts si la situation cause un préjudice au propriétaire des matériaux.
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Article 555 : Si une personne bâtit sur le terrain d’autrui avec ses propres matériaux, le propriétaire du terrain a le choix entre :
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Conserver les constructions : Dans ce cas, il doit payer au constructeur la valeur des matériaux et de la main d’œuvre.
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Exiger la démolition : Le constructeur doit alors supporter les coûts de démolition sans indemnisation et peut même être tenu responsable de dommages.
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Exceptions à l’Article 555
Certaines situations spécifiques modifient l’application de l’article 555 :
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Bonne foi du constructeur : Si le constructeur est de bonne foi (par exemple, croyant être le propriétaire du terrain), le véritable propriétaire ne peut pas demander la démolition mais doit verser une indemnité.
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Empiètement : Lorsqu’une construction déborde légèrement sur le terrain voisin, le droit de demander la démolition peut être restreint s’il est jugé abusif en raison de la légèreté de l’empiètement.
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Travaux non susceptibles d’enlèvement : Des travaux ne peuvent être enlevés que s’ils sont détachables. Sinon, le propriétaire du terrain peut indemniser en fonction des catégories d’impenses :
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Impenses nécessaires : Entièrement remboursées.
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Impenses utiles : Remboursées en fonction de la plus-value apportée.
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Impenses somptuaires : Non remboursées, car jugées superflues.
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Travaux soumis à des législations spécifiques : Certains travaux, tels que ceux sur des terrains emphytéotiques, sont encadrés par des législations particulières.
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Détenteurs précaires : En cas de constructions faites par des détenteurs temporaires comme des locataires, la théorie de l’enrichissement sans cause peut s’appliquer. À la fin d’un bail, les constructions non détachables peuvent rester au propriétaire, sans indemnité, sauf convention contraire.
Section 3. La prescription acquisitive et la convention
1. La prescription acquisitive
1. Principe de la Prescription Acquisitive
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La prescription acquisitive (ou usucapion) est fondée sur une possession continue d’un bien, permettant au possesseur de devenir titulaire d’un droit réel au détriment du propriétaire initial (ou verus dominus).
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Ce principe se justifie par le fait que le propriétaire initial a négligé son bien pendant la durée nécessaire à la prescription, ce qui confère au possesseur une présomption de droit.
2. Droits Réels Concernés
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Tous les droits réels immobiliers peuvent être acquis par prescription, mais certaines servitudes sont exclues.
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Les biens hors commerce (par exemple, les biens publics) ne peuvent pas être acquis par prescription.
3. Conditions à Remplir
Pour que la prescription acquisitive s’applique, les conditions suivantes doivent être réunies :
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Possession utile : La possession doit être continue, paisible, publique, et non équivoque (article 3.21 du Code civil).
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Délai de prescription :
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Délai général : En cas de bonne foi, la prescription s’acquiert au bout de 10 ans. Si le possesseur est de mauvaise foi, le délai est 30 ans.
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Juste titre : Pour que le délai de 10 ans s’applique, il faut un juste titre, c’est-à-dire un acte qui, si l’aliénateur était propriétaire, aurait transféré la propriété (article 3.27). La bonne foi est requise, soit la croyance que l’aliénateur était le propriétaire légitime.
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Jonction de possessions : Un possesseur peut joindre sa période de possession à celle de son prédécesseur, pourvu qu’il y ait eu transfert de possession, ce qui lui permet de compléter le délai de prescription (article 3.28).
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4. Effets de la Prescription Acquisitive
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Une fois le délai de prescription acquis, le possesseur devient propriétaire avec un effet rétroactif : il est considéré comme ayant toujours été propriétaire depuis le début de la possession utile.
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La prescription ne peut être soulevée d’office par le juge et doit être invoquée par le possesseur.
5. Délais Spécifiques et Exceptions
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Le délai abrégé de 10 ans s’applique uniquement si le verus dominus et le possesseur habitent dans le même ressort de cour d’appel ; sinon, le délai est de 20 ans pour un immeuble détenu en bonne foi et acquis a non domino (par une personne autre que le véritable propriétaire).
2. Acquisition par convention
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Transfert par Vente : En droit belge, la vente est le contrat principal utilisé pour transférer la propriété d’un bien, permettant ainsi un transfert des droits réels par le simple échange des consentements (solo consensu). Contrairement au système allemand, où la vente ne crée que des obligations, en Belgique, elle permet le transfert immédiat de propriété dès l’accord entre les parties.
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Publicité Foncière : Pour informer les tiers et rendre le transfert opposable, il est obligatoire de publier l’acte. En Belgique, cette publicité est requise uniquement pour les biens immobiliers et doit être réalisée via une inscription auprès du bureau de la Sécurité juridique (anciennement Bureau des hypothèques).
2. Procédure de Publicité Foncière
Trois formes de publicités subsistent dans le nouveau cadre juridique :
- Transcription : L’acte est recopié littéralement dans un registre, valable pour les actes entre vifs (vente, partage, donations). C’est l’élément clé pour assurer l’opposabilité des actes de droits réels aux tiers.
- Inscription : Elle concerne surtout les hypothèques. On mentionne dans un registre le contenu des bordereaux, donnant une explication de l’opération sans recopiage intégral.
- Mention Marginale : Toute modification ou action relative à l’annulation ou à la révocation d’un droit réel immobilier doit être inscrite en marge de l’acte transcrit pour informer les tiers des procédures judiciaires en cours.
3. Catégories d’Actes Requérant une Transcription
L’obligation de transcription s’applique principalement aux actes suivants :
- Actes translatifs ou déclaratifs de droits réels : Vente, partage, vente d’usufruit.
- Actes constitutifs de droit réel : Création d’usufruit ou de servitudes.
- Renonciations : Renonciation à des droits réels, par exemple.
- Baux de plus de neuf ans : Uniquement pour les baux d’une durée supérieure à neuf ans.
- Jugements équivalents à des conventions : Ceux tenant lieu d’actes translatifs ou constitutifs.
- Donations de biens hypothécaires : Mentionnées spécifiquement dans le Code civil (art. 3.14).
4. Résolution des Conflits de Transcription
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En cas de ventes successives d’un même bien, la règle de priorité de la transcription s’applique : le premier à transcrire est celui qui est considéré comme propriétaire vis-à-vis des tiers. La bonne foi est présumée, mais la mauvaise foi de l’acquéreur peut être opposée s’il avait connaissance d’une vente antérieure.
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Si aucun des acquéreurs n’a transcrit l’acte, c’est la date certaine du document qui sera prise en compte pour déterminer la validité des droits entre les parties.
Section 4. L’action en revendication
L’Action en revendication
L’action en revendication permet à une personne de réclamer un bien dont elle se considère le propriétaire légitime (ou verus dominus). Le demandeur doit démontrer qu’il est titulaire du droit de propriété, et la charge de la preuve repose sur lui. Voici les deux principaux scénarios :
- Acquisition par mode originaire : Le demandeur invoque un mode d’acquisition de la propriété qui ne dépend d’aucun transfert antérieur, comme la prescription acquisitive.
- Acquisition par mode dérivé : Ici, le demandeur invoque une acquisition par transfert (vente, donation). Cependant, il doit prouver que son auteur était effectivement propriétaire, souvent jusqu’à un mode originaire d’acquisition, ce qui peut constituer une preuve difficile, dite « diabolique ».
Procédure et éléments de preuve
Le juge évalue l’ensemble des preuves fournies, qui peuvent inclure des actes de vente, des documents cadastraux, ou des reçus de taxes foncières. Si les deux parties disposent de titres, plusieurs situations peuvent se présenter :
- Titres émanant de la même personne : Si le demandeur et le défendeur détiennent des titres provenant du même auteur, l’examen portera sur leur validité et antériorité.
- Titres de personnes différentes : Le juge favorise alors le titre le plus vraisemblable, généralement couplé à la possession.
- Demandeur avec un titre vs. défendeur possesseur : Si la possession du défendeur est trentenaire, il peut invoquer la prescription acquisitive. Sinon, le demandeur est préféré s’il dispose d’un titre antérieur à l’entrée en possession du défendeur.
Conséquences en cas de succès de l’action
Si le demandeur gagne l’action, le défendeur doit restituer le bien en nature. La bonne ou mauvaise foi du défendeur affecte ses obligations :
- Fruits : Le possesseur de bonne foi peut conserver les fruits perçus avant la demande de revendication ; celui de mauvaise foi doit les restituer.
- Détérioration : Le possesseur de bonne foi n’est pas tenu de compenser les dégradations non intentionnelles. À l’inverse, le possesseur de mauvaise foi doit rembourser les dommages.
- Améliorations : Si le défendeur a effectué des améliorations, il peut recevoir une indemnisation selon la théorie des impenses :
- Nécessaires : Remboursées en totalité.
- Utiles : Remboursées jusqu’à la plus-value apportée.
- Somptuaires : Non remboursées.
Imprescriptibilité de l’action en revendication
Le droit de propriété est imprescriptible, ce qui signifie que le propriétaire peut exercer son droit de revendication à tout moment, sans limite de temps. Cependant, la revendication n’est pas possible si le défendeur prouve une possession trentenaire, qui équivaut à un titre de propriété par usucapion.